Discours de S.A.R. le Grand-Duc à l’occasion du dîner de gala au palais présidentiel de Varsovie

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Discours de S.A.R. le Grand-Duc lors du dîner de gala au Palais présidentiel

Monsieur le Président,

Chère Madame Komorowska,

C’est avec un sentiment de plaisir et de gratitude que la Grande-Duchesse et moi-même entamons cette visite d’Etat en République de Pologne.

De plaisir d’abord, parce que cette visite témoigne des liens désormais très étroits qui unissent nos deux pays depuis plus de 20 ans et que nous mesurons également la chance de pouvoir découvrir les charmes de Varsovie et de Cracovie. De gratitude ensuite, car nous avons été très sensibles à votre accueil chaleureux ainsi qu’à vos paroles très aimables de bienvenue.

En nous invitant à l’instant à la radio publique polonaise pour un hommage à "Radio Luxembourg", "Luxy" comme disait autrefois les Polonais, vous avez eu une attention personnelle qui nous est allée droit au cœur. Nous avons beaucoup apprécié la portée symbolique de ce geste. Les liens entre les peuples peuvent être de nature variée, mais c’est souvent leur aspect immatériel qui revêt le plus de signification. Que le nom du Luxembourg fût associé à la transmission des valeurs de liberté et de joie de vivre, pendant que le peuple polonais vivait dans la grisaille et l’oppression d’un régime liberticide, est pour moi comme pour mes compatriotes un motif de profonde fierté. Ces souvenirs qui demeurent dans les mémoires et dans les cœurs n’ont pas de prix !

Monsieur le Président,

Napoléon Bonaparte a constaté avec acuité que la politique d’un Etat est dictée par sa géographie. Du fait de leur éloignement relatif, nos deux pays ne se sont que rarement croisés au cours de leur histoire millénaire.

Comment ne pas voir cependant dans leur cheminement individuel à travers les siècles une similarité troublante dans leur destin?

Convoitées par des voisins puissants, nos nations ont eu en commun d’être un enjeu stratégique, mais surtout d’avoir su surmonter les pires épreuves, voire des tragédies historiques. Elles ont démontré une force de caractère peu commune pour asseoir leur souveraineté.

Il y a à peine une semaine, lors de la célébration du 175ème anniversaire de notre indépendance, nous avons souligné "le miracle luxembourgeois", celui d’un territoire parti de presque rien, sans conscience nationale, sans étendue et sans richesse. Cela n’a pas empêché les Luxembourgeois de prendre en main leur destin.

Et c’est plein d’admiration et de respect que nous nous tournons vers le peuple polonais, dont aucun occupant n’a jamais réussi à éradiquer le sentiment d’appartenance nationale, ni au 19ème siècle, ni pendant la 2ème guerre mondiale, ni même pendant la guerre froide. A cet égard nous revient en écho cette belle phrase du plus grand Polonais du XXème siècle, à savoir Saint Jean-Paul II qui dit en 1980 dans un discours prononcé à l’UNESCO: "Veillez par tous les moyens sur cette souveraineté fondamentale que possède chaque nation en vertu de sa propre culture. Protégez-là comme la prunelle de vos yeux pour l’avenir de la grande famille humaine."

La Pologne est un pays qui se souvient. Avoir souffert plus que les autres, vous rend en effet plus fort et plus sensible à la fois. L’année 2014 est une année de célébration, mais aussi de commémoration d’événements de première importance. D’un côté, 10 ans d’adhésion à l’Union européenne, 15 ans d’appartenance à l’OTAN, 25 ans depuis les premières élections libres. De l’autre, le 70ème anniversaire de l’insurrection de Varsovie qui fut l’un des épisodes les plus douloureux de la guerre. Ceci nous rappelle que la joie et l’espoir, la tristesse et la compassion peuvent être des sentiments très proches.

D’ici quelques semaines, j’aurai le privilège de revenir ici-même pour fêter le 25ème anniversaire de la liberté polonaise et de l’émergence d’une Pologne pleinement souveraine, au sein de laquelle les citoyens ont retrouvé la plénitude de leurs droits politiques, civils, économiques et culturels. Que de chemin parcouru en un quart de siècle d’un pays communiste en quasi-banqueroute vers une démocratie parlementaire exemplaire et une économie de marché dynamique, portée par une jeunesse avide de savoir et de réussite !

La République de Pologne est aujourd’hui un des Grands d’Europe. Elle y joue un rôle constructif majeur fondé sur des valeurs communes et le respect mutuel. Aussi sommes-nous en mesure d’apprécier le formidable vecteur de paix qu’a constitué la construction européenne. L’actualité nous montre cependant que la stabilité et la paix sur notre continent ne sont pas données permanentes. Bien au contraire.

Ainsi le Luxembourg avec ses partenaires est profondément préoccupé par les récents événements en Ukraine, en Crimée ainsi que dans l’est et le sud-est du pays. Nous soutenons l’unité, la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine et nous condamnons l’annexion de la Crimée par la Russie, qui est une violation flagrante du droit international. Le Luxembourg veut croire qu’il est encore possible de régler la crise par des moyens pacifiques, en premier lieu dans les enceintes multilatérales, mais aussi par le dialogue direct entre Kiev et Moscou. A cet égard nous sommes encouragés par le processus engagé à Genève le 17 avril. Nous saluons l'engagement pris par les participants à cette réunion afin d'œuvrer en faveur d'une désescalade véritable sur le terrain.

Monsieur le Président,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Si la Pologne et le Luxembourg sont aujourd’hui partenaires dans les organisations européennes et les autres grandes enceintes internationales, nos relations bilatérales ont franchi un pas décisif avec l’ouverture d’ambassades dans nos capitales respectives. Malgré des échanges et des investissements très appréciables, nos relations économiques sont loin d’avoir développé tout leur potentiel. L’importante délégation de chefs d’entreprises qui m’accompagne mettra j’en suis sûr à profit ce déplacement pour explorer de nouvelles opportunités d’affaires avec les homologues polonais. Dans le domaine de la logistique notamment, les positions géographiques respectives de nos deux pays peuvent se révéler comme étant source de développement et de prospérité.

Par-delà l’économie, n’oublions pas la richesse essentielle, à savoir l’aspect humain. J’exprime l’espoir que la présente visite en Pologne renforce encore les liens d’amitié entre nos deux peuples en favorisant la connaissance mutuelle. Les 4000 Polonais qui résident au Grand-Duché sont je crois de formidables ambassadeurs pour notre pays et un apport remarquable à notre société multiculturelle. Je voudrais à cet endroit leur exprimer ma profonde reconnaissance.

Monsieur le Président,

Excellence,

Mesdames et Messieurs,

C’est le célèbre écrivain Witold Gombrowicz qui écrivait que chacun porte son bonheur en soi. Je pense que cet adage s’applique aussi bien aux nations qu’aux personnes : la République de Pologne et le Grand-duché de Luxembourg portent également leur bonheur en eux. C’est dans cet esprit qu’avec la Grande-Duchesse, je vous invite à lever votre verre et à boire à la santé du Président de la République de Pologne et de Madame Komorowska et à l’amitié entre nos peuples.

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