Interview de Xavier Bettel avec le Lëtzebuerger Gemengen

"Il y a (...) beaucoup d'autres facteurs qui font l'attractivité du Luxembourg à part le facteur TVA: la localisation géographique, le multilinguisme, les infrastructures, le soutien à l'innovation, etc."

Interview: Lëtzebuerger Gemengen

Lëtzebuerger Gemengen: La catastrophe redoutée ne semble pas avoir eu lieu depuis la transparence fiscale luxembourgeoise, les grands groupes ont-ils néanmoins connu des changements?

Xavier Bettel: Je constate que la transparence accrue se voit récompensée par une plus grande confiance des investisseurs.

L'année passée, la croissance économique était de plus 4,8% (niveau inconnu depuis cinq ans), le Luxembourg se porte donc mieux aujourd'hui. Il y a certes eu une baisse des recettes fiscales, mais nous n'avons pas seulement réussi à convaincre les grands groupes à rester au pays, mais nous avons également su attirer de nouvelles sociétés. Il y a en effet beaucoup d'autres facteurs qui font l'attractivité du Luxembourg à part le facteur TVA: la localisation géographique, le multilinguisme, les infrastructures, le soutien à l'innovation, etc.

Ceci confirme que les entreprises sont bien ancrées au Luxembourg et apprécient le cadre global cohérent qui leur facilite la vie et les amène même à se développer davantage, comme Amazon le fait actuellement. Le gouvernement, dans une approche transversale qui caractérise "Digital Létzebuerg", entend s'appuyer le plus rapidement possible, sur les nombreux atouts dont dispose déjà le pays pour en développer de nouveaux.

Malgré la nouvelle législation, nous conservons donc notre positionnement dans le domaine du commerce électronique et nous sommes ert train de devenir un centre de compétences dans des domaines liés comme le FinTech.

Lëtzebuerger Gemengen: Comment le secteur financier (poids important du PIB) peut-il désormais se différencier sur un marché de plus en plus concurrentiel?

Xavier Bettel: Le Luxembourg reste une des principales places financières en Europe. Nous sommes le premier centre de la zone euro et également le deuxième centre de fonds d'investissement au niveau mondial. Le savoir-faire accumulé au cours des décennies, la culture de confiance, des infrastructures de très haute sécurité sont à la base de ce succès.

Mais nous devons rester ouverts aux nouvelles évolutions. Le secteur FinTech, à savoir l'intersection des services financiers et de la technologie, offre des perspectives intéressantes et peut être utilisé pour améliorer les services financiers tout en diminuant les coûts.

Afin de préparer la place financière du futur, un groupe de travail a été créé dans le cadre "Digital Lêtzebuerg" par le ministère des Finances et avec le Haut Comité de la place financière. Les premiers résultats apparaissent désormais: le Luxembourg vient d'accorder une licence d'établissement de paiement entièrement réglementé à Bitstamp, société de change de bitcoins. C'est une première en Europe! Cette décision était un moment sans précédent pour le bitcoin et ouvre une nouvelle ère de sécurité et de transparence pour ce secteur. La licence sera valable dans tous les États membres de l'Union européenne, permettant ainsi d'offrir à tous les clients européens une plateforme solide et sécurisée pour les échanges de bitcoins.

C'est avec un tel esprit de précurseur que nous construirons, au Luxembourg, la place financière du futur.

Lëtzebuerger Gemengen: Les startups FinTech foisonnent à Luxembourg et de nombreux acteurs du secteur expliquent ce succès par le savoir-faire hérité du secteur bancaire et de celui des grands groupes de télécommunication. À l'heure où le Luxembourg accueille de nombreux centres de données, pourquoi n'y a-t-il pas autant de startup en cybersécurité?

Xavier Bettel: Relativement au nombre d'habitants, le Luxembourg accueille une pléthore de startups, également dans le domaine de la cybersécurité, et bien d'autres, et bien plus que d'autres pays. Des sociétés comme Excellium ou iTrust, les startups d'hier, ont réussi à s'établir avec succès.

Il est toutefois vrai que le Luxembourg compte plus d'experts en finance que d'experts en sécurité, ce qui explique le fait qu'il existe plus de startups dans le domaine financier. Mais cela va changer à moyen terme, grâce à l'Université et notamment le SnT, et des initiatives comme Securitymadein.lu, qui vont accroître les compétences disponibles. Par ailleurs, via le "Digital Tech Fund", l'État devient partenaire de startups du secteur numérique, et le domaine de la cybersécurité y est explicitement visé.

Par ailleurs, le projet de loi sur la SARL simplifiée nous permettra de préparer l'introduction de la société dite «à 1 euro», ce qui encouragera davantage l'apparition de startups.

Lëtzebuerger Gemengen: Quel bilan peut-on tirer du gouvernement et quels sont les chantiers à venir?

Xavier Bettel: Le bilan se fera à la fin de la législature. Mon gouvernement a lancé de nombreuses initiatives et mis au point plusieurs réformes. Il ne faut pas oublier que la situation n'était pas facile au début de notre mandat. Suite à la modification des règles de taxation en matière de TVA sur le commerce électronique nous avons hérité d'une perte budgétaire non compensée de quelque 618 millions euros en 2015. La dette publique brute serait passée à presque 30% au PIB en restant sur une trajectoire croissante! Maintenant elle régresse même pour atteindre 21,4% du PIB pour 2015, donc bien inférieure à la limite des 30% que prévoit le programme gouvernemental.

Le gouvernement a réalisé une série de changements fondamentaux, d'autres ont été décidés et seront transposés dans le prochains mois. Je pourrais citer les nouvelles relations entre l'Eglise et l'Etat, la réforme du Conseil d'Etat, la réforme du Service de renseignement etc. Le système de la prise en charge des enfants sera complétement redéfini et on offrira un service gratuit suivant l'horaire scolaire et surtout un service professionnel pour les jeunes parents. Nous avons décidé une réforme du congé parental qui entrera en vigueur sous peu. Elle prévoit une flexibilisation du congé parental mais aussi une augmentation de l'indemnité suivant le revenu des personnes concernées. Tout récemment, nous avons présenté le projet de loi sur le divorce et l'autorité parentale, qui adapte la législation aux modes de vie actuelles de notre population.

Nous avons mis en oeuvre une réforme fiscale, qui diminue la charge fiscale des ménages et augmente la compétitivité des entreprises. Il faut aussi citer les mesures en matière de logement, où nous avons intro dult la subvention loyer pour les personnes , revenu modeste et considérablement aug menté l'offre de logements abordables En matière de chômage, nous avons conclt des accords avec les partenaires sociaux dont les mesures associées commencent porter leurs fruits. Ainsi, dans l'intervalle d'un an, le chômage a baissé de 7 à 6,5%. Puis, il faudrait citer la Présidence luxem bourgeoise du Conseil de l'Union euro péenne qui a dominé le deuxième semestr( 2016 et où le Luxembourg a réussi des avan cées remarquables, notamment en ce qu concerne la crise des réfugiés, le PNR et lé protection des données.

Pour ce qui est des grands projets à venir, je citerais la réforme de la loi sur la nationalit luxembourgeoise, dont le ministre de lé Justice, Félix Braz, a récemment présenté ur avant-projet de loi, de même que la révisior de la constitution. La baisse du chômage , l'assainissement des finances publiques mais aussi la revitalisation du dialogue social et le diversification économique, et notamment le développement du secteur des TIC restent bien évidemment aussi des priorités du gouvernement. 

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