Interview de Dan Kersch dans le guide des communes

“La réforme des secours restera ma plus grande fierté”

 

Interview : Le guide des communes

 

Le guide des communes : Comment analysez-vous leur rôle dans l'économie nationale ? 

 

Dan Kersch :  Les communes restent un moteur essentiel. Elles ont reçu nombre de prérogatives à assumer de la part de l'État, et assument leurs missions très correctement. J'aime à les voir non seulement comme les garants d'un style de vie "à la Luxembourgeoise" mais aussi comme des forces novatrices. C'est de cette base que les progrès dont chacun peut bénéficier au quotidien proviennent d'abord. 
Et pour évoquer leur poids économique, je vais me référer à une étude de la Chambre de commerce. Celle-ci estimait que les investissements communaux représentaient 1,5 % du Produit intérieur brut du Grand-Duché. 
(...) C'est déjà considérable, et cela ne tient pas compte de la masse salariale reversée aux milliers d'employés communaux dans tout le pays. 
Dans les années de crise du passé, les communes ont su soutenir-notre économie en ne baissant pas les bras et en continuant à vouloir se développer. Aujourd'hui, elles font mieux qu'accompagner la croissance !

 

Le guide des communes : Quel bilan tirer de la réforme du financement des communes que vous avez menée ? 

 

Dan Kersch :  Cela faisait une vingtaine d'années qu'aucun ministre n'osait aborder cette réforme. Le statu quo était plus confortable que le changement... Nous avons osé, et il le fallait : les disparités étaient devenues intolérables. L'État pouvait donner ici, par tête d'habitant, le double de ce qu'il donnait là-bas. Nous avons pris nos responsabilités et remis à plat le financement communal. Sachant qu'en tant que gouvernement nous ne voulions pas qu'il y ait de communes perdantes. Le système de compensation mis en place assurait aux communes d'avoir le même niveau d'engagement de l'État qu'en 2015, et nous l'avons fait. La réforme des finances communales a été engagée avec un effort supplémentaire de 100 millions d'euros chaque année pour les budgets des communes. La grande majorité des communes y a gagné. 
Pour dire, cette année, seules 4 communes ont dû bénéficier du mécanisme de compensation... Le brouhaha politique de nos opposants au lancement de notre projet ne se fait plus entendre d'ailleurs. Et nul ne pourra faire machine arrière sur cette péréquation plus juste.

 

Le guide des communes : Le Grand-Duché compte 102 communes. Le programme de fusion a-t-il suffisamment avancé ? 

 

Dan Kersch :  Souvent, on me parle de 70 fusions qui devaient être réalisées durant ce mandat. Mais ce chiffre ne venait pas de notre programme... Que ceux qui veulent passer à 60 ou 70 communes dans le pays en un mandat m'explique leur méthode. La mienne, et celle voulue par ce gouvernement, a été l'accompagnement. Je suis allé dans toutes les réunions communales au sujet des fusions, et nous avons soutenu financièrement les volontés locales. Il y a eu 4 fusions sous ma tutelle, c'est le même rythme que mes prédécesseurs vous savez. J'en aurais voulu plus, mais ce n'est pas depuis la capitale et le bureau d'un ministère que ce genre de décision doit être prise. Il faut que cela vienne des élus de terrain, de la population. On ne doit pas imposer une fusion. Cela nous différencie de nos adversaires politiques. 

A titre personnel, je suis favorable à des regroupements qui forment des communes d'au-moins 3 000 à 3 500 habitants. 

Ce n'est pas un chiffre que j'invente, la Chambre des députés l'avait déjà évoqué en 2004. Vouloir forcer les fusions serait contraire à la Charte européenne des autonomies communales, nous ne le souhaitons pas. Même un référendum national serait inapproprié. Sinon c'est le Centre et le Sud du pays qui décideraient du sort du reste de notre territoire. 

C'est incohérent. 
Avec le nouveau comité du Syvicol (Syndicats des villes et communes du Luxembourg), je veux mener une réflexion sur les prochaines fusions. Il y a une nouvelle vague d'élus, il faut les informer sur ce sujet, et attendre l'expression de nouveaux regroupements.

 

Le guide des communes : Faut-il que l'État appuie d'avantage la formation de syndicats intercommunaux ? 


Dan Kersch :  L'État transfère des compétences aux communes, et il est sûr que pour certaines missions il faut sans doute se rassembler entre voisins pour assurer un bon service. Je pense à l'assainissement, la gestion des déchets, les transports en commun, etc. Dans ce domaine, les communes savent se retrouver. Pas besoin d'incitation d'État nouvelle. J'ai juste une petite inquiétude face à' la tendance à créer de gros syndicats à vocation multiple. Le danger est que le citoyen perde de son influence directe sur le service et ceux qui en décident la mise en œuvre. Je préfère les syndicats à vocation unique et dont les délégués sont certains des premiers élus.

 

Le guide des communes : Quelle analyse tirez-vous de votre action au service des communes durant ce mandat ? 


Dan Kersch :  Personne, ne pourra dire que les choses n'ont pas bougé. Nous avons osé, là où tant d'autres avaient traîné des pieds. On parlait du financement communal, il fallait prendre le dossier à bras-le-corps, nous l'avons fait. Un autre bon exemple de changement : l'abolition des commissariats de district. On nous promettait l'enfer, et un désastre pour les communes. 
Voilà trois ans que ces commissariats ont été supprimés, et plus personne ne nous en parle... Nous avons renforcé nos rangs, ici au Ministère de l'intérieur, créé une instance spécifique pour renseigner les petites communes, et la simplification administrative a réussi au final. Le style a changé aussi, je crois que le Ministère est plus coopératif que par le passé. 
(...) Voir croître le nombre de PAP (Plan d'aménagement particulier) est aussi une satisfaction de ce mandat. Cette simplification doublée du travail de la plateforme interministérielle pour discuter des PAP avant tout lancement de procédure offre une rapidité de traitement des dossiers inédite à ce jour. Une quarantaine de communes disposent aussi maintenant de leur PAG nouvelle génération (Plan d'aménagement général). Le dispositif va faire gagner du temps dans l'avancée des dossiers de lotissement. Et quand on sait combien la question du logement est problématique, c'est une belle avancée pour les communes. 
Les compétences des agents communaux de police doivent progresser. Systématiquement, ces agents devraient pouvoir épauler la Police nationale pour des missions autres que le contrôle du stationnement. Ces agents doivent pouvoir vérifier la bonne application des règlements communaux, et sanctionner si besoin. Nous avons aussi réorganisé les relations Église / État / Communes. Là encore, le dossier était mis sous le tapis depuis des décennies. Fini l'obligation imposée aux communes d'intervenir pour les communes dans les déficits des fabriques, dans le logement du prêtre ou dans la restauration de l'église même si elle n'était pas propriétaire de l'édifice ! Elles le font si elles le veulent seulement. Et puis maintenant les communes sont aussi libérées de l'obligation d'intervenir dans le financement des cultes. Je dis bien des cultes, au pluriel.

 

Le guide des communes : La réforme des services de secours tient une place particulière dans ce mandat... 


Dan Kersch :  C'est je crois la réforme dont je suis le plus fier. On ne pouvait plus fonctionner comme avant ; la base même le réclamait... depuis 2006 au moins ! On a perdu du temps, mais là on a franchi un grand pas en votant, fin mars, la fusion de la Protection Civile et des sapeurs-pompiers. 
On crée un établissement public unique, géré à égal coût et responsabilité entre État et communes. On unit les forces de quelque 5 000 bénévoles de tout le pays pour améliorer le secours apporté. On a fait participer, dès le départ, les sapeurs-pompiers professionnels de la Ville de Luxembourg pour discuter de ce changement. Pour moi, c'est la plus grande réforme du Ministère depuis 50 ans !

 

Le guide des communes : Et votre bilan personnel, quel est-il ? 


Dan Kersch :  Je n'étais pas là pour m'attirer des sympathies, mais faire avancer les choses. J'avais une feuille de route claire, je l'ai suivie. Dans mon style... Parfois, j'ai heurté, bousculé par impatience. Si j'ai offensé, c'était dans l'esprit de faire bouger les dossiers. J'ai été actif et pragmatique. Mais je suis partant pour un nouveau mandat à ce poste, vous savez. Et pour les années à venir, il faut engager une loi de réforme communale et intercommunale sur la simplification de la tutelle administrative. A défaut de temps, nous n'avons pu faire passer cette loi unique. Ça viendra... 

Dernière mise à jour