Henri Grethen à l'occasion de la Journée 2000 de la Sécurité informatique

Le Luxembourg vise un rôle de précurseur européen dans l'économie connectée: la loi du 14 août 2000 relative au commerce électronique

Mesdames, Messieurs,

Le cyberspace, les activités point com ou encore dot com – l'anglicisme croissant est d'ailleurs un symptôme accompagnateur de ce phénomène que je m'apprête à décrire - voire l'économie nouvelle – expression que je n'apprécie pas vraiment en tant que ministre de l'Economie, du fait qu’elle qualifie par voie de conséquence toutes les autres activités d'anciennes -, voire le commerce électronique – qui lui a le désavantage de réduire le phénomène à sa seule composante économique; toutes ces expressions donc ont pour vocation malheureuse de vouloir appréhender un phénomène technico-socio-économico-politico-culturel qui a un potentiel de bouleversement des modes de vie humains au moins égal à celui de l'invention du procédé d'impression de Gutenberg, de l'invention du métier à tisser mécanique ou de la machine à vapeur, voire de l'apprivoisement du courant électrique.

A titre d'illustration de ce propos, je me permettrais de citer Jeremy Rifkin de son livre L'âge de l'accès, la révolution de la nouvelle économie (1) : "D’après le département du Commerce des Etats-Unis, plus de 200 millions de personnes à travers le monde sont connectées à Internet. On prévoit même pour l'année 2005 que plus d'un milliard d'êtres humains pourraient y avoir accès (2).

En 1998, la net économie, a engendré plus de 301 milliards (de dollars) de revenus et créé 1,2 millions d'emplois. D'après une étude de l'université du Texas, l'économie en réseau croît à un rythme moyen de 174,5% par an et son volume double tous les neuf mois (3).

Les entreprises sont également de plus en plus connectées. C'était le cas de moins de 10% d'entre elles aux Etats-Unis en 1989, alors qu'en 1993 elles étaient déjà 60% (4). EDS affirme avoir créé le réseau de données privé le plus important du monde. Ce système, dont l'installation a coûté un milliard de dollars, connecte 400.000 ordinateurs et terminaux à 95 centres de données, soit plus de quarante-cinq fois le volume d'informations emmagasiné par la bibliothèque du Congrès. En 1998, le volume des transactions en ligne entre les entreprises américaines équivalait à 43 milliards de dollars. Forrester Research, un bureau d'études de marché de Cambridge, Massachusetts, estime que le chiffre atteindra 1.300 milliards de dollars en 2003, soit 9,4% du volume total des échanges (5). 

Le commerce électronique croît encore plus rapidement que ne l'avaient envisagé ses partisans les plus enthousiastes. Le nombre de sites commerciaux sur Internet a explosé, passant de deux mille en 1995 à plus de quatre cent mille en 1998. Le fait que 46% des sites de vente on line soient d'ores et déjà rentables d'après la Harvard Business School (6) a également de quoi faire réfléchir. Leur succès doit être attribué à l'essor de la fréquentation du cyberspace par les consommateurs. En 1995, il n'y avait que 14,3 millions de personnes pour naviguer sur la toile, alors que dès la fin de l'année 1997 le lèche-vitrines électronique concernait déjà 41 millions de consommateurs."

Ces données chiffrées, que j'emprunte au récent ouvrage de Rifkin illustrent de façon poignante l'ampleur des enjeux économiques qui sont en cause.

Mais plus important encore que l'immense potentiel économique qu'abrite le net, me semble être l'incidence de cet outil sur nos comportements et relations humaines.

J’étais ainsi frappé par un constat, à première vue anodin, mais qui en dit long sur l'ampleur de ce phénomène social et que Rifkin décrit en ces termes: "Il y a peu de temps encore, l'emploi du mot access dans la langue anglaise était assez peu fréquent et généralement réservé à la possibilité de pénétrer dans un espace physique. Mais en 1990, la huitième édition du Concise Oxford Dictionnary enregistrait pour la première fois la forme verbale du mot access, reconnaissant ainsi l'extension de son usage dans le discours contemporain.

Access est désormais l'un des termes les plus courants du lexique social. (8) "

Au fait, il ne se passe plus un jour où les cybernautes, surfeurs du net et autres adaptes du langage java ne s'amusent à inventer de nouveaux mots. Ils alimentent ainsi un langage codé qui n'est accessible qu'aux initiés du monde virtuel. Au grand dam des francophones ou promoteurs d'autres langues vivantes, il s'agit majoritairement d'anglicismes, comme je l'ai déjà remarqué.

Toutefois, il n'est aujourd'hui pas de mon propos de débattre toute l'étendue des thèses d'un Jeremy Rifkin qui culminent en quelque sorte dans l'affirmation que "la grande question politique que pose la nouvelle économie mondiale des réseaux et sa tendance à promouvoir la transformation de l'expérience culturelle en objet de consommation marchande est celle de la préservation et du développement durable d'une diversité culturelle qui est le sang même de la civilisation."

Si c'est un débat intéressant et important auquel doivent participer toutes les sociétés, il m'importe aujourd'hui simplement de constater que nous nous trouvons en face d'un phénomène qui engendre un potentiel de développement humain inouï qu'il s'agit de canaliser pour qu'il emprunte une voie qui trouve la plus large adhésion possible et pour qu’il s'accorde au mieux avec l'évolution de nos valeurs sociales.

Or, l'illustration que j'ai faite démontre le rôle de précurseur incontesté des Etats-Unis d'une part, et la dimension planétaire du phénomène Internet dont l'essence même est de vouloir tisser une toile de réseaux qui transcendant les frontières (géographiques, culturelles et sociales) et les continents, d’autre part.

Quoi de plus naturel alors qu’un tel phénomène et outil de communication génère autant de fascination qu’il n’engendre simultanément de peur! Peur devant les bouleversements sociétaux en perspective, peur de la prééminence de la culture anglo-saxonne, ou en raisons de risques d’intrusion dans la sphère privée des individus, d’endommagement ou de détournement de biens et de fonds sociaux.

Mesdames, Messieurs,

Face à ces craintes, il appartient autant aux politiques qu’aux entrepreneurs et scientifiques de donner confiance  aux citoyens et de les rassurer de pouvoir profiter de ce nouvel outil de confort sans risques inconsidérés pour leurs biens et libertés individuelles et sociales.

Aux politiques il appartient de créer le cadre légal et réglementaire engendrant un climat de sécurité propice au déploiement du web et à son utilisation.

Aux entrepreneurs et scientifiques de créer des structures techniques de communication sécurisée permettant de parer efficacement aux attaques criminelles préméditées.

Or, devant la dimension planétaire du phénomène, on peur se demander quelle peut être la portée d'une législation nationale à la dimension d'un Etat comme le Luxembourg?

A priori, sommes-nous déjà concernés par ce phénomène dans une mesure qui justifie de réfléchir sur un propre cadre légal et réglementaire?

En dépit des données chiffrées fragmentaires dont nous devons nous accommoder à l'heure actuelle, je suis néanmoins convaincu de la nécessité de lancer le débat dès à présent, sachant des expériences outre-atlantique que dans le contexte de l'économie connectée prolifèrent justement les micro-entreprises qui travaillent en réseau et les start-up venues de nul part qui sont le moteur de la vigueur actuelle de l'économie américaine. C'est déjà une raison suffisante pour un pays de la taille du Luxembourg de s'intéresser de près à ce phénomène.

De plus, les quelques chiffres dont nous disposons, nous laissent aussi croire à un environnement favorable pour ces activités.

Mon prédécesseur Robert Goebbels a déjà relevé lors de son discours prononcé à l'occasion de l'ouverture de la 74e Foire Internationale de Luxembourg, le 8 mai 1999 que "le secteur de l'informatique et de l'audiovisuel" – qui constitue à mes yeux une condition sine qua non à l'essor  de l'économie connectée – "est passé de 100 entreprises en 1985 à plus de 660 en 1997, l'emploi progressant sur la même période de 3.500 à 7.600 unités. Le chiffre d'affaires du secteur s'est accru en parallèle de 20 milliards à près de 80 milliards de francs, la valeur ajoutée dépassant en 1997 5,7% de notre PIB, soit le même impact que tout le secteur de la construction ou le double impact de secteurs aussi traditionnels que la sidérurgie ou l'énergie."

Ajoutons à cela que l'accès à la toile progresse rapidement chez nous: près de 30% des ménages seront connectés à la fin de l'année selon une récente étude de l'ILRES et n’oublions pas non plus les efforts du gouvernement pour permettre à chaque élève d’avoir accès à un ordinateur.

C'est d'ailleurs un rapport précurseur de l'OCDE, qui dès 1996 avait proposé un cadre de réflexion générale sur les modifications qu'Internet allait apporter au fonctionnement de l'économie, à la création de richesses et à la distribution des biens et des services, et les travaux menés à la suite dans les groupes spécialisés de l'OCDE qui ont initié l’action gouvernementale.

Les milieux professionnels, en particulier l'ABBL, ont également joué un rôle important d'impulsion et de proposition.

Historiquement, c'est en décembre 1997 que le gouvernement a décidé de mettre en place un comité interministériel chargé de préparer un avant-projet de loi sur la signature électronique. Le mandat initial se limitait uniquement à un élément essentiel: la reconnaissance en droit de la signature numérique. Le gouvernement a également commandité une étude auprès du professeur Berenboom de l'ULB afin de faire le point sur les législations existantes en Europe et aux USA et d'esquisser le contenu d'une loi luxembourgeoise en la matière.

Parallèlement, l'ABBL a lancé une étude plus vaste sur l'e-banking auprès du cabinet d'audit Deloitte & Touche.

Les consultants de l'ABBL et l'expert chargé par le gouvernement ont remis leurs conclusions au mois de mai 1998. De plus, la Commission européenne a fait circuler une première version d'un projet de directive sur l'introduction et l'harmonisation des signatures électroniques dans l'Union européenne. Ces éléments constituent les bases de travail sur lesquelles le comité interministériel a débuté ses travaux en mai 1998. Un autre élément important a été la publication du rapport du Conseil d'Etat français qui a permis d'éclairer de manière convaincante l'ensemble des questions juridiques que pose la signature électronique dans les Etats de tradition civiliste.

Par la suite, le comité interministériel a été invité à élargir son champ d'action et à aborder également des aspects de protection du consommateur et de protection des données personnelles. Une nouvelle étude de l'ABBL, réalisée par le professeur PRUM du Laboratoire de Droit économique du Centre de Recherche public Gabriel Lippmann et Poullet de l’Université de Namur, a livré les bases pour l'élargissement du travail du comité interministériel. La nouvelle étude proposait également, entre autres, des modifications du Code civil. L'élargissement du champ du projet de loi repose également sur les recommandations arrêtées par la conférence ministérielle de l’OCDE à Ottawa en octobre 1998.

Les travaux du comité interministériel ont été fortement rythmés - parfois bousculés, souvent remis en cause - par les débats des groupes du Conseil de l'Union européenne dans le cadre des directives signatures électroniques, certains aspects du commerce électronique et services financiers. En effet, les débats souvent contradictoires ont rendu très difficile la confection du projet de loi luxembourgeois, les rédacteurs étant obligés de suivre - voire d'anticiper - les décisions du groupe de travail du Conseil, du Coreper et du Conseil Marché intérieur/Télécoms ainsi que du Parlement européen.

Après d'ultimes arbitrages par le conseil de gouvernement, le projet de loi a été déposé sur base de l'état connu des directives communautaires signatures électroniques et certains aspects juridiques du commerce électronique en avril 1999.

Après le dépôt, les travaux du ministère de l'économie et du comité interministériel ont cependant continué : les directives ont encore évolué pendant prés d'un an et les avis des chambres professionnelles et des milieux intéressés ont afflué.

La complexité du projet, les modifications qui s'annonçaient déjà suite aux travaux du Conseil de l'Union, ont amené le comité interministériel, en septembre 1999, à proposer au gouvernement de scinder le projet en trois parties: signature électronique, protection du consommateur et protection des données nominatives. Le conseil de gouvernement a suivi les recommandations du comité sur les grandes lignes: le projet de loi initial est délesté de la partie sur la protection des données et de certaines dispositions de protection du consommateur. Ces dernières font l'objet d'avant-projets de loi spécifiques sur la vente à distance du ministère de l'économie et la protection des données à caractère personnel du ministère d'Etat.

Le projet a été redéployé afin d’être plus cohérent et plus lisible. En effet, réunir la vente à distance, les services de la société de l’information et la protection des données personnelles s’avérait extrêmement difficile et source de contradiction en raison de champs d’application différents et à géométrie variable.

La vente à distance a un champ d’application plus large que les services de la société de l’information. En effet, la vente à distance s’effectue par toute technique de communication à distance c’est-à-dire le fax, le téléphone, l’Internet, tandis que les services de la société de l’information couvrent tout service à distance par voie électronique ce qui ne comprend  ni le fax ni le téléphone.

Par ailleurs, la directive concernant les ventes à distance ne vise que la protection des consommateurs alors que le projet de loi relatif au commerce électronique vise les rapports entre professionnels et entre professionnels et consommateurs.

La protection des données personnelles issue des directives communautaires possède un champ d’application très large qui dépasse celui du commerce électronique puisqu’elle couvre la protection de la vie privée des personnes physiques et morales à l’égard du traitement des données à caractère personnel. Or le traitement de données à caractère personnel comprend la mise à disposition de données personnelles sur des sites internet mais aussi les fichiers informatiques, les banques de données. En effet il s’agit de toute opération ou ensemble d’opérations effectuées ou non à l’aide de procédés automatisés et appliqués à des données personnelles. D’autre part, elle possède un champ d’application spécifique, la protection des données personnelles.

Pour ces raisons, la transposition des directives relatives aux ventes à distance et à la protection des données personnelles est effectuée dans des avant-projets de loi distincts. 

Si le commerce électronique est un domaine évolutif pour lequel il n’est pas aisé de trouver des règles définitives et utiles aux opérateurs, on peut donc néanmoins considérer que le cadre législatif et réglementaire sera actuellement complet si l’on considère l’adoption rapide du projet de loi relatif aux ventes à distance et du projet de loi relatif à la protection des données personnelles. A ce cadre législatif viendra s’ajouter ultérieurement la transposition de la future directive concernant l’accès à l’activité des établissements de monnaie électronique.

La loi relative au commerce électronique établit les grandes règles permettant de reconnaître la validité juridique de la signature électronique, ainsi que des règles en matière de conclusion de contrats par voie électronique et de déterminer la responsabilité limitée des prestataires intermédiaires. Ce projet fixe un cadre qui permet de reconnaître cette nouvelle forme de commerce. Il constitue une étape vers un cadre normatif global et doit donc être apprécié dans un contexte législatif plus large (ventes à distance, protection des données nominatives, monnaie électronique…).

Cette loi n’établit d’ailleurs pas un nouveau cadre juridique autonome pour les activités on-line. Le prestataire on-line reste soumis à l’ensemble de la législation de droit commun (9). Comme l’a déclaré le Conseil d’Etat français dans son rapport de 1998, "il apparaît que les questions juridiques suscitées par le développement d’Internet et des réseaux numériques ne sont pas de nature à remettre en cause les fondements mêmes de notre droit. Au contraire, elles confirment la pertinence de la plupart des concepts généraux, parfaitement transposables à ce nouvel environnement, même si certaines adaptations ont été nécessaires".

La loi instaure des obligations spécifiques qui s’ajoutent aux obligations existantes. Ces obligations sont nécessaires car les activités on-line génèrent des problèmes spécifiques, par exemple, exigences de transparence en raison de la dématérialisation des relations, détermination de la responsabilité de nouveaux acteurs, les prestataires intermédiaires qui transportent des données sur Internet, hébergent les sites…

La loi transpose deux directives fondamentales, d’une part la directive relative à un cadre communautaire propre aux signatures électroniques, d’autre part la directive dite commerce électronique relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information.

Cette loi doit être considérée comme une étape certes importante vers un cadre global mais doit également être appréciée dans le contexte législatif plus large (ventes à distance, protection des données nominatives, monnaie électronique…).

Au terme du processus législatif, pourra être établi un code du commerce électronique destiné à rassembler tous les textes ayant trait au commerce électronique. Ainsi, le Luxembourg sera-t-il doté d’un cadre global relatif au commerce électronique. Ce code sera la compilation bien articulée et opérationnelle des différentes lois et règlements qui seront pris dans le cadre du commerce électronique et de la société de l'information.

Quelles sont les principales dispositions de la loi?

La loi définit certaines notions fondamentales : les services de la société de l’information, le prestataire établi, le destinataire de services. Ainsi le texte ne s’applique pas uniquement au commerce de services sur Internet mais aussi aux communications commerciales (publicité, marketing direct…), à la responsabilité des prestataires intermédiaires…

Par exemple, quand M. X achète des livres sur un site web il s’agit d’un service de la société de l’information, par contre s’il commande ces livres par téléphone ce n’est pas un service de la société de l’information, c’est une vente à distance.

Si M. X. commande une place de cinéma au moyen de son mobile WAP; c’est de nouveau un service de la société de l’information.

Le texte détermine également la loi applicable, il s’agit de la loi du pays d’origine, source de sécurité juridique car le contrôle s’effectuera à la source et sera ainsi favorable aux opérateurs luxembourgeois qui exportent de nombreux services et qui relèveront de la législation luxembourgeoise.

Par exemple, une agence de voyage établie au Luxembourg commercialise des last minute sur un site web. Selon le principe du pays d’origine c’est la loi du lieu d’établissement du prestataire de services de la société de l’information qui s’applique donc la loi luxembourgeoise.

Un élément essentiel de la loi est également la reconnaissance légale de la signature électronique : sous certaines conditions bien précises, la signature électronique est équivalente à une signature manuscrite.

Pour établir l'équivalence avec la signature électronique, c.à.d. pour produire des effets juridiques au sens de l'article 18, plusieurs conditions doivent être remplies: (1) le dispositif sécurisé de création de signature qui doit être sous le contrôle exclusif du signataire, (2) l'émission d'un certificat qualifié, (3) l'intégrité des données auxquelles se rapporte la signature.

Pour qu'un certificat soit considéré comme qualifié, il doit, d'une part, comprendre une liste d'informations et, d'autre part, être émis par un prestataire de services de certification remplissant certaines conditions. Ces conditions sont fixées par deux (projets de) règlements grand-ducaux annexés à la loi.

Les tiers certificateurs (c. à d. les prestataires de services de certification) doivent informer les utilisateurs sur leur identité, leur adresse géographique, coordonnées, numéro de TVA….

Par ailleurs, les prestataires de services de certification - qu'ils émettent des certificats qualifiés ou pas - sont tenus au secret professionnel et de respecter les exigences légales relatives à la protection des données à caractère personnel. De plus, il faut signaler que le signataire peut utiliser un pseudonyme garantissant l'anonymat.

La loi définit le régime de responsabilité des prestataires émettant des certificats qualifiés. En effet ces derniers sont tenus responsables de l'exactitude des informations contenues dans le certificat qualifié, sauf s'ils prouvent qu'ils n'ont commis aucune négligence.

Certaines modifications du code civil et du code de procédure civile ont été rendues nécessaires. Ces modifications concernent le formalisme juridique en matière de signature. Par exemple, les dispositions sur les copies et l’original sont adaptées, une nouvelle définition de l’original est donnée en univers électronique.

Des adaptations du code pénal ont également été rendues nécessaires.

Il faut aussi rappeler l'importance du système d'accréditation prévu par la directive signature électronique. Conformément au considérant 11 de la directive, des systèmes d'accréditation permettent d’atteindre un degré de confiance, de sécurité et de qualité exigé par l’évolution du marché.

Le système d’accréditation est volontaire. En effet, la directive signatures électroniques exclut dans son article 3§1 toute autorisation spécifique pour la mise sur le marché de services de certification.

Par ailleurs, une loi relative à l’accréditation du 22 mars 2000 (11) permet la mise en place d'un office luxembourgeois d'accréditation dans le domaine des normes ISO/EN au ministère de l'économie. Cet office servira de support logistique à l'accréditation dans le domaine du commerce électronique.

Or, la notion de surveillance prévue par la directive signatures électroniques  ne doit pas être confondue avec la notion de contrôle. La notion juridique de contrôle implique la vérification de la conformité à une norme par une institution. La surveillance implique plutôt un droit de regard d’une institution. La philosophie de la loi vise à favoriser l’émergence de nouveaux métiers de la société de l’information dont la création de prestataires de services de certification et d’éviter de les soumettre à un contrôle administratif.

Suivant la directive européenne et sur la demande insistante du Conseil d'Etat et de l’Association des banques et banquiers de Luxembourg (ABBL), un système de surveillance est mis en place. Il consiste à exiger des prestataires une notification de leurs activités et de leur conformité avec la loi au ministère de l'économie. De plus, le ministère peut diligenter une mission d'audit à effectuer par des experts agréés, y compris les réviseurs d'entreprise.

Notons que l’organisation de la surveillance des prestataires de services de certification émettant des certificats qualifiés est actuellement discutée dans le groupe de travail du Conseil de l’Union européenne mais qu’aucune procédure n’a encore été recommandée par le groupe de travail.

La loi impose aussi des obligations strictes d’information et de transparence aux prestataires désireux de se faire connaître sur Internet via la publicité ou toute autre forme de communication commerciale.

Le consommateur doit être en mesure d'identifier une communication commerciale non sollicitée avant même l’ouverture du message, par exemple par l’apposition dans le sujet du message du mot publicité.

Pour les communications commerciales non sollicitées, la loi réalise un compromis entre l'information commerciale et le confort du consommateur. Il permet donc le marketing direct, favorisant entre autres, l'expansion de PME luxembourgeoises dans ce domaine. La protection du consommateur est toutefois assurée par un système de listes opt out sur lesquelles les personnes non désireuses de recevoir de telles communications peuvent s’inscrire gratuitement. Si les prestataires ne respectent pas la volonté des personnes inscrites, ils peuvent être condamnés à une peine d’amende. Les listes à mettre en place sont fixées par règlement grand-ducal, il s'agira de listes transfrontalières ou communautaires.

La loi prévoit de nouvelles garanties dans les relations contractuelles, par exemple: obligation pour le prestataire de mettre à disposition des utilisateurs des moyens permettant de corriger les erreurs de manipulation, information sur les différentes étapes techniques à suivre pour conclure le contrat.

Elle détermine le moment de conclusion du contrat par voie électronique ce qui est un élément important de sécurité juridique. En effet, ce moment fait courir de nombreux délais. Le contrat est considéré comme conclu à partir du moment où l’accusé de réception de l’acceptation est accessible pour le destinataire. Le prestataire est tenu d’envoyer immédiatement cet accusé de réception.

La loi impose des obligations strictes d’information et de transparence aux prestataires de services de la société de l'information indispensables pour que le consommateur puisse prendre des décisions éclairées : identification, adresse géographique d’établissement, coordonnées, n° de TVA. De telles obligations sont aussi imposées en matière de communications commerciales.

Un chapitre est consacré à la protection des consommateurs en matière de contrats par voie électronique, avec une obligation d’information préalable, une obligation de confirmation de ces informations, un droit de rétractation…

Le droit de rétractation permet au consommateur de se désister d'un contrat pendant sept jours sans indication de motif et sans pénalité. A la demande du monde bancaire, la protection des consommateurs concerne également des services financiers tout en incluant une liste d'exceptions comme par exemple: opérations de change, valeurs mobilières, OPCVM, systèmes de placement collectif…

La loi fixe des règles concernant la responsabilité des prestataires intermédiaires.

Trois activités bien précises sont définies : le simple transport, le stockage temporaire dit caching et l’hébergement.

La distinction relative à la responsabilité n’est pas fondée sur le type d’opérateur mais sur le type d’activité exercée.

Pour ces trois types d’activités la responsabilité est limitée sous certaines conditions. Pour le simple transport ou le caching, le prestataire doit jouer un rôle passif pour ne pas voir engager sa responsabilité. Pour l’hébergement, le prestataire n’est pas responsable s’il n’a pas connaissance de faits illicites, mais dès qu’il en a connaissance, il doit agir pour les retirer ou rendre l’accès à celles-ci impossible.

Le Conseil d’Etat est suivi en ce qu’il recommande d’imposer à certains prestataires intermédiaires une obligation spécifique de surveillance en relation avec des infractions déterminées. A cet égard, la position commune arrêtée par le Conseil de L’Union européenne le 28 février 2000 en vue de l’adoption de la directive relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, retient dans son considérant 48 que "la présente directive n’affecte en rien la possibilité qu’ont les Etats membres d’exiger des prestataires de services qui stockent des informations fournies par des destinataires de leurs services qu’ils agissent avec les précautions que l’on peut raisonnablement attendre d’eux et qui sont définies dans la législation nationale, et ce, afin de détecter et empêcher certains types d’activités illicites".

Enfin, la loi fixe des règles protectrices du consommateur qui est titulaire d’un instrument de paiement électronique. Plus particulièrement, un régime de partage de responsabilité entre l’émetteur et le titulaire est organisé en cas de vol, de fraude. Par ailleurs, la charge de la preuve est déterminée ainsi que les moyens d’effectuer cette preuve.

Mesdames, Messieurs,

Je suis parfaitement conscient que tout effort d’encadrement d’un phénomène qui est par essence évolutif et qui transcende les mondes parallèles du matériel et du virtuel semble parfois relever de l‘illusion mais en tout cas déboucher inévitablement sur un travail d’actualisation permanente.

Or l’actualité justement, dont la récente intrusion dans les serveurs de Microsoft pour dérober le code-mère de Windows 2000, nous rappelle singulièrement l’importance de cet effort commun qui doit être entretenu par les politiques et les professionnels.

J’aimerais aussi relever que dans le contexte de l’action concertée du gouvernement intitulée e-Luxembourg, mon département de l’économie se consacre, entre autres tâches, également à l’incitation des entreprises concernées à se réunir en grappe technologique pour réfléchir ensemble sur la mise en œuvre de systèmes de sécurisation des échanges électroniques. Cet effort sera d’ailleurs complété par un programme mobilisateur de recherche publique de nos CRP sur le thème en question.

En guise de conclusion, je crois que les Etats qui réussiront à prendre les devants et à ouvrir la voie à un accès sécurisé au monde connecté seront récompensés par un avantage comparatif important dans la compétition entre nations et seront gratifiés de la reconnaissance de leurs citoyens.

De par ses avantages inhérents à ses structures légères et flexibles, le Luxembourg est bien armé pour intégrer le peloton de tête des pays qui donnent une priorité à l’avènement de la société de l’information et du savoir.

Mesdames, Messieurs,

Je vous remercie de votre attention.

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  1. Jeremy Rifkin, L'âge de l'accès, la révolution de la nouvelle économie, Editions La Découverte 2000, Paris, pages 28 et 49.

  2. Kevin Kelly, New rules for the New Economy: 10 Radical Strategies for a Connected World, Viking, New York, 1998, p.73; The Global Internet, Internet Economy indicators, 1999, http://www.internetindicators.com/index.html

  3. Beth Belton, Internet generated $ 301 billions in last year, USA Today, 11 juin 1999, p.1; Indications Report, Internet Economy Indicators, 1999.

  4. Miller, Civilizing Cyberspace, p.38-39.

  5. Steven Bell, Stan Dollberg, Shah Cheema  et Jeremy Sharrad Resizing On-line Business Trade.

  6. Larry Downes et Chunk Min, Unleashing the Killer App: Digital Strategies for Market Dominance, Harvard Business School Press, Boston 1998, p.5,21,23.

  7. Ibid, p.21-23.

  8. Jeremy Rifkin, L'âge de l'accès, la révolution de la nouvelle économie, Editions La Découverte,2000, Paris, page 24.

  9. Par exemple, législation sur la publicité trompeuse, législation sur la protection du consommateur…

  10. Conseil d’Etat (France), Internet et les réseaux numériques, p.15.

  11. loi relative à la création d'un Registre national d'accréditation, d'un Conseil national d'accréditation, de certification, de normalisation et de promotion de la qualité

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