Intervention d'Erna Hennicot-Schoepges sur la place de la culture, lors du Conseil des ministres de la Culture et de l'Audiovisuel

La réflexion qui est à la base de ce débat public nous invite à un retour aux sources, un retour aux origines de la création de ce que nous appelons aujourd'hui l'Union européenne. Je voudrais citer quelques phrases de la déclaration du 9 mai 1950 de Robert Schuman:

“La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent. (...)  L'Europe n'a pas été faite et nous avons eu la guerre. (...)  L'Europe ne se fera pas d'un coup, ni dans une construction d'ensemble: elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait. Le rassemblement des nations européennes exige que l'opposition séculaire de la France et de l'Allemagne soit éliminée.”

L'Europe d'aujourd'hui est née de la main tendue à l'ancien ennemi, d'une démarche basée sur le pardon et non pas sur l'esprit de revanche.

La volonté du père fondateur de l'Europe était claire dès le départ: l'union ne peut se faire que sur la base du respect de l'autre en acceptant son altérité.

Notons aussi que Schuman a fait référence à la paix mondiale - son ambition était peut-être de faire de l'Europe le moteur de la paix universelle. 

Le principe du respect de la diversité culturelle rejoint aussi les efforts de l'UNESCO qui, lors de la conférence monciale sur les politiques culturelles à Mexico en 1982 disait et je cite:

“La conférence convient que dans son sens le plus large, la culture peut aujourd'hui être considérée comme l'ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social (...)”

En termes du quotidien, de la vie de tous les jours, je pense que nous sommes encore très loin de ce respect de ce qui est autre. Ne constatons-nous pas, au contraire, davantage d'incompréhension, de rejet et aussi d'agressivité à l'égard de la diversité?

Bien sûr, la démarche des programmes culturels reprend la philosophie de base de la diversité; toutefois, nous constatons la nécessité d'une refonte de l'action culturelle de l'Union, d'une vision nouvelle, d'une ambition forte de créer, à travers l'action culturelle, cette solidarité de fait qui devrait être un facteur de cohésion et un constructeur de paix.

En matière de prise de décision, la politique culturelle n'a pas réussi à dépasser la règle de l'unanimité: là encore, nous retrouvons ce réflexe de la peur de l'autre, de la méfiance entre États. Pourtant: si le respect de la diversité était un acquis commun, nous pourrions nous passer de la règle de l'unanimité!

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La culture, facteur décisif de l'intégration européenne, prendra toute son importance lors de l'élargissement futur de l'Union européenne. Cet élargissement sera d'ailleurs un grand enrichissement et, là encore, Robert Schuman a été visionnaire: n'a-t-il pas répondu à la question d'un journaliste que la Russie faisait aussi partie de l'Europe telle qu'il la concevait!

Si les événements du 11 septembre nous ont confrontés à de nouveaux défis au niveau mondial, les valeurs communes auxquelles nous souscrivons sont devenues le ciment qui tient la construction de la maison commune à laquelle nous aspirons. L'Europe se doit de disposer d'un projet culturel à long terme - d'une vision pour l'avenir.

Je suis profondément convaincue que les extrémismes et les fondamentalismes, tout comme les phénomènes d'exclusions ne peuvent être vaincus que par les développements économiques, par le combat contre la faim dans le monde et contre l'analphabétisme et par l'action culturelle: la culture a un grand rôle à jouer dans toutes nos politiques de coopération et d'aide au développement. L'Unesco, lors de sa récente conférence générale, souligne l'importance de la diversité culturelle comme facteur de développement, et je cite “non seulement en termes de croissance économique, mais aussi comme moyen d'accéder à une existence intellectuelle, affective, morale et spirituelle satisfaisante.”

L'Europe devra jouer son rôle de catalyseur de la créativité,  vis-à-vis d'autres cultures et d'autres continents. J'appuie entièrement l'initiative de la Présidence belge pour inclure un paragraphe sur la culture dans la déclaration du sommet de Laeken. À l'aube de ce nouveau siècle et face aux dangers de l'affrontement, du choc des civilisations, nous avons tous besoin de nous dire et de nous redire l'importance de la culture, ou de ce que j'appellerais l'attitude culturelle:

En effet, la culture n'est-elle pas cette attitude de l'esprit, cette façon de penser et de mener sa vie qui consiste à, - comme l'a dit la conférence de l'Unesco de 1982 - pour réfléchir sur soi-même, pour - et je cite - “chercher inlassablement de nouvelles significations”, attitude qui fait de nous, “des êtres spécifiquement humains , rationnels, critiques et éthiquement engagés” ?

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