Rapport Juncker sur les relations entre le Conseil de l'Europe et l'UE: "Une même ambition pour le continent européen"

Le 11 avril 2006, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a présenté devant l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe son rapport sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. La rédaction de ce rapport lui avait été confiée le 17 mai 2005 lors du sommet de Varsovie par ses pairs, chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe.

Le rapport, transmis le 10 avril 2006 à ses commanditaires, traite des relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne sur la base des décisions prises lors du sommet de Varsovie et met l’accent sur la dimension humaine de la construction européenne.

Rapport

Discours

Sous le titre "Une même ambition pour le continent européen", Jean-Claude Juncker développe une démarche paneuropéenne de la coopération entre les deux organisations européennes qui sont "différentes, uniques et complémentaires". Son rapport formule des recommandations qui constituent "le minimum souhaitable de ce qui est indispensable pour que l’Union européenne et le Conseil de l’Europe puissent se développer le long d’une même idée". Il mise sur une Europe sans clivages basée sur un socle commun de valeurs paneuropéennes communes qu’un ensemble de mesures cohérentes à fort effet de levier pourrait contribuer à faire avancer.

La première de ces mesures serait l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Jean-Claude Juncker propose donc que les gouvernements des États membres prennent, en vertu de l’article 48 du Traité sur l’Union européenne, l’initiative de soumettre à leurs parlements un projet de protocole dans ce sens. Par ce geste, l’Union européenne témoignerait de son attachement inconditionnel au respect des droits de l’Homme en renforçant un système de protection unique à l’échelle du continent européen. Jean-Claude Juncker a déclaré qu’il avait longtemps hésité avant de formuler cette proposition. Mais dans la mesure où il y a consensus des États membres de l’UE sur l’adhésion à la CEDH, cette adhésion peut être envisagée indépendamment du processus de ratification du traité constitutionnel.

La deuxième mesure serait "la reconnaissance par l’Union du Conseil de l’Europe comme la référence continentale en matière de droits de l’Homme". Les arrêts et conclusions de ses mécanismes de suivi seraient systématiquement cités comme référence. La consultation par l’Union européenne du commissaire aux droits de l’Homme et des experts juridiques du Conseil de l’Europe serait la règle dans le processus d’élaboration de nouveaux projets de directives ou de mesures politiques et/ou judiciaires qui touchent à ces questions.

Le commissaire aux droits de l’Homme devrait devenir, selon Jean-Claude Juncker, l’institution à laquelle l’Union européenne, comme par ailleurs tous les États membres du Conseil de l’Europe, devraient pouvoir avoir recours pour toutes les questions de droits de l’Homme non couvertes par les mécanismes de suivi et de contrôle en place. Le Premier ministre demande en conséquence que le bureau du commissaire aux droits de l’Homme soit doté des moyens qui lui permettront de s’acquitter de cette tâche.

La question de l’Agence européenne des droits fondamentaux (AEDF) de l’Union européenne qui a soulevé des inquiétudes dans le sens où elle pourrait entamer l’unicité, la validité et l’efficacité des instruments de suivi de l’application des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, trouvera selon le Premier ministre une issue positive si l’Agence ne traitera que du respect des droits fondamentaux dans le seul cadre de la mise en œuvre du droit communautaire. Autres mesures proposées dans ce cadre: La CEDH et les mécanismes de suivi du Conseil de l’Europe figureront dans ses statuts comme référence fondamentale. Le commissaire aux droits de l’Homme, y sera mentionné comme partenaire essentiel. Le Conseil de l’Europe sera représenté dans les instances dirigeantes de l’Agence et le commissaire aux droits de l’Homme y sera associé sans voix délibérative.

Dans son rapport, Jean-Claude Juncker propose également que l’Union européenne développe avec le Conseil de l’Europe un dispositif de promotion et de renforcement de la démocratie. Il s’agit d’utiliser pleinement l’expertise de la Commission de Venise, de faire du nouveau Forum sur l’avenir de la démocratie une instance centrale de réflexion et de proposition sur la participation citoyenne, de placer l’égalité homme-femme au cœur des deux projets et d’utiliser le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux pour renforcer la démocratie locale et régionale afin d’associer étroitement les 800 millions d’Européens au fonctionnement des deux organisations.

Un volet central du rapport est la proposition, dans l’intérêt de la sécurité des citoyens, que l’Union européenne et le Conseil de l’Europe mettent en place un espace juridique et judiciaire paneuropéen. Il s’agirait de développer de manière plus systématique un espace normatif minimal couvrant 46 États qui existe déjà dans certains domaines, en coordonnant les initiatives législatives là où les compétences des deux organisations se recoupent et en veillant que l’intégrité du droit communautaire ne soit pas entamée. Une plate-forme conjointe d’évaluation des normes qui ne préjugerait aucune décision politique, la recherche de la complémentarité des textes et, le cas échéant, la reprise réciproque des normes, l’intensification des activités de coopération à travers la Commission de Venise, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), le Groupement des États contre la corruption (GRECO) et Moneyval, une adhésion à ces instruments en temps utile, sont quelques chemins indiqués par le Premier ministre pour arriver à la création d’un tel espace juridique et judiciaire paneuropéen

Le Premier ministre recommande que la coopération dans le cadre de la Politique européenne de voisinage de l’Union européenne se concentre sur les États membres du Conseil de l’Europe et le Belarus, pays qui a vocation à devenir membre du Conseil de l’Europe. Les programmes conjoints, dont il souhaite qu’ils soient plus nombreux, seront les vecteurs privilégiés de la coopération entre les deux organisations, qui les concevront, les mettront en œuvre et les évalueront en commun.

En ce qui concerne le dialogue interculturel, qu’il considère comme "essentiel pour les décennies à venir", Jean-Claude Juncker recommande que dans la coopération avec le Conseil de l’Europe, il soit d’abord entendu comme un débat intra-européen entre des composantes différentes des sociétés européennes, et qu’il reste complémentaire de la "diplomatie interculturelle" que l’Union européenne a entamé au-delà des frontières du continent.

Les réunions entre dirigeants des deux organisations devraient être prises plus au sérieux, être plus structurées et dotées d’une ordre du jour solide. Mais des rencontres sur des sujets d’intérêt commun liés à la sécurité démocratique des citoyens du continent devraient avoir lieu autant que nécessaire en fonction de l’actualité et au niveau approprié.

Dans le souci de rééquilibrer ses relations avec d’autres organisations, dont l’Union européenne, le Conseil de l’Europe devrait aller selon Jean-Claude Juncker dans la voie d’élire son/sa Secrétaire général(e) parmi les personnalités politiques qui, par leur action en faveur de la sécurité démocratique, bénéficient d’un haut degré de reconnaissance et de notoriété parmi leurs pairs et la population du continent. Il devrait envisager de préférence, et à l’instar de l’Union européenne, d’élire une personnalité qui possède une expérience de chef d’État ou de gouvernement.

Le prolongement logique de cet ensemble de mesures serait pour le Premier ministre luxembourgeois l’adhésion de l’Union européenne au statut du Conseil de l’Europe d’ici 2010, si d’ici là les traités de l’Union permettront une telle adhésion. En attendant, le Premier ministre a recommandé que l’UE délègue un représentant permanent résident auprès du Conseil de l’Europe, et qu’elle reconnaisse le représentant diplomatique du Conseil de l’Europe auprès de l’Union.

Jean-Claude Juncker a demandé à l’Assemblée parlementaire de lui donner la parole dans le cadre d’un débat annuel sur le suivi de son rapport.

Dernière mise à jour