Dernière modification le
Journée nationale de la résistance
Le 25 février 1944, 23 résistants luxembourgeois furent assassinés dans le SS-Sonderlager/KZ Hinzert, situé à 80 km de Luxembourg-Ville. C'est autour de cette date du 25 février que, depuis des décennies, le Luxembourg se souvient de celles et de ceux ont résisté activement à l'oppresseur nazi.
En effet, ces 23 résistants assassinés représentent symboliquement toutes les personnes qui ont péri parce qu'elles avaient à cœur de préserver les libertés démocratiques dans leur pays.
1) Il est utile de rappeler quelques chiffres précis, la notion de Résistance étant de plus en plus souvent assortie du mot "mythe" ou "mythique".
En tout et pour tout, 1.586 Luxembourgeois ont été déportés au seul camp de Hinzert: 76 y sont morts et un nombre important des autres a été déporté de Hinzert dans des camps de concentration nazis en Allemagne, France, Autriche, etc.
La résistance ayant été une décision individuelle prise dans des conditions périlleuses interdisant toute publicité, on est longtemps resté dans l’ignorance des chiffres réels. Dans son livre Histoire du Luxembourg, paru en 2013, le professeur Michel Pauly écrit que, sur une population totale de 290.000 personnes au début de la Seconde Guerre mondiale, les chiffres suivants sont avérés:
- 3.963 personnes ont été déportées pour des raisons politiques – donc pour des faits de résistance contre l’oppresseur nazi – dans des camps de concentration comme Dachau, Buchenwald, Struthof, Mauthausen, Ravensbrück, Sachsenhausen… 791 d’entre eux n’ont pas survécu, dont les 76 prisonniers du camp de concentration de Hinzert;
- 4.136 personnes ont été déplacées pour des raisons politiques (154 personnes n’ont pas survécu à cette déportation (Ëmsiidlung) en Silésie (aujourd’hui: Pologne).
La politique de germanisation des nazis a forcé dans l'uniforme nazi un nombre tragique de jeunes Luxembourgeois! Là aussi les chiffres du professeur Pauly sont éloquents:
- 10.211 jeunes Luxembourgeois ont été enrôlés de force, dont 2.848 sont morts ou ont été portés disparus;
- 3.510 jeunes Luxembourgeois réfractaires qui ont réussi, avec '’aide de leurs familles et de la résistance d'échapper à la conscription militaire.
Parmi les Juifs qui habitaient au Luxembourg au moment de l'occupation du pays en mai 1940, tous n'ont pas réussi à quitter le Luxembourg à temps avant, mais 1.289 ont été déportés dans des camps de mise à mort ou des camps de concentration. Seuls 81 ont pu échapper à la mort.
Pour être complet,
- il faut aussi relever ceux qui s'étaient engagés comme volontaires pour défendre leur patrie dans les armées des Alliés: sur 584 engagés, 57 ont payé de leur vie leur combat;
- et il faut se souvenir des 3.614 femmes qui ont dû faire, contre leur gré, du Reicharbeitsdienst.
Il y a eu aussi des Luxembourgeois qui ont collaboré avec l’occupant nazi. Ce n’a jamais été un secret puisque dans les années qui suivirent la fin de la guerre, 5.721 personnes furent accusées de collaboration avec les nazis devant les tribunaux luxembourgeois. Presque la moitié, exactement 2.275 furent jugées coupables et condamnées. 12 condamnations à mort furent prononcées; 8 personnes ont effectivement été exécutées.
2) Comment en était-on arrivé là, dans ce pays qui venait de fêter le centenaire de son indépendance?
Après l'occupation militaire du pays par la Wehrmacht, le 10 mai 1940, il était encore permis de se bercer dans l'illusion que la situation de 1914 se répéterait: le Grand-Duché continuerait d'exister comme État plus ou moins souverain, en préservant sa neutralité et en restant ainsi en dehors du conflit armé.
Les mesures tendant à germaniser le pays, et à le soumettre au diktat nazi, qui s’accentuaient rapidement au cours des mois suivants ne laissaient cependant pas de doute: l'instauration d'un régime totalitaire et terroriste ne laissait plus de place à d’autres opinions. Les autres, c'étaient les "Sie bieten nicht die Gewähr" qui furent éliminés sans égards de la vie publique , auxquels il fut interdit d’exercer leur profession ou qui furent obligés de partir vers un exil en terres germaniques, c’étaient ceux qui faisaient de la résistance dans la clandestinité et qui, s'ils se faisaient prendre, subissaient les interrogatoires et les tortures pour passer en prison, et, dans la foulée, aboutissaient dans les camps de concentration, et c’étaient les les juifs qui, après l’application de la "Endlösung" n'avaient d’autre perspective que la mort.
Les habitants du territoire luxembourgeois, puisqu’ils n’avaient plus la possibilité de franchir librement les frontières pour se rendre sous des ciels plus cléments, avaient donc le choix de subir le régime qui s’instaurait et de vivoter sous la chape de plomb idéologique qui se mettait en place, d’entrer en collaboration, ou de faire de la résistance.
Ceux et celles qui se décidaient pour la résistance le faisaient par choix personnel et pour des motifs dont ils n'avaient pas à se justifier. Ces femmes et ces hommes n’agissaient pas par ordre d'une quelconque autorité et se rendaient parfaitement compte qu’ils risquaient leur santé et leur vie, et qu’ils exposaient leurs familles à un avenir inconnu et misérable.
Chacun puisait individuellement en son for intérieur les ressources morales qui lui permirent de faire front, et de tenir jusqu’à la libération. Lorsque l'occupant était chassé du pays, ils retournèrent à la vie privée.
(3) La Journée nationale de la résistance remonte à une initiative des survivants: elle a eu et elle continue d’avoir pour mission de garder vivante la mémoire de ceux et de celles qui n’ont pas survécu et d’autre part, et de rappeler à nous autres qui avons l'heur de vivre en liberté, ce qu’il peut en coûter d’affirmer sous un régime totalitaire ce droit à la liberté.
Nous restons convaincus que la meilleure façon d’honorer celles et ceux qui sont morts pour les libertés démocratiques, aujourd'hui et demain, c'est de rester fidèles à leurs valeurs: levons la voix, appelons les choses par leur nom! Chaque fois que les droits de l’homme sont niés, chaque fois que le droit fondamental à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne (article 3 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948) est nié, il faut opposer aux bourreaux et aux fossoyeurs des valeurs démocratiques essentielles un non catégorique.
(Comité d'organisation de la Journée nationale de la résistance 2019)
Communiqué par le Comité pour la mémoire de la Deuxième Guerre mondiale