Intervention du ministre Fernand Boden lors du Conseil Agriculture

Réforme de la PAC: Perspective politique à long terme pour une agriculture durable

Paiement unique

Nous maintenons notre réserve de fond quant au découplage total proposé par la Commission.

En premier lieu, comme ce système d’aide n’aurait plus de lien avec la production, sa légitimation auprès des autres groupes socioprofessionnels de notre société deviendra au fil du temps de plus en plus difficile et son maintien dans la durée sera donc menacé.

La répartition plus équitable des aides est un objectif auquel nous attribuons une grande importance. L’aide unique découplée, gelée sur la base d’une référence historique, maintiendrait cependant certaines inégalités que nous constatons actuellement et entraînerait une distorsion de concurrence entre les différents secteurs et régions ne laissant que peu de chances notamment à l’agriculture des zones défavorisées, où la production est en général plus extensive et l’intensité des aides plus basse.

Nous craignons que le découplage total soit à l’avenir au détriment des agriculteurs actifs, car une capitalisation des droits à la prime, dont profiteraient surtout les propriétaires des terres et les agriculteurs sortants, ne peut être exclue. Ceci ne serait pas sans effet sur les coûts de production et l’accès au foncier serait rendu encore plus difficile notamment dans un pays comme le nôtre où il n’y a que peu de terres agricoles non éligibles aux primes.

Nous sommes d’avis que des instruments d’orientation de la production doivent être préservés dans tout nouveau système d’aide. Seulement en maintenant un certain degré de couplage avec la production, la continuité de l’activité agricole sur l’ensemble du territoire, notamment dans les zones défavorisées pourra être garantie. Il convient donc d’analyser d’autres alternatives tel que le découplage partiel. Ceci permettra aussi de prendre en compte la sensibilité de différents secteurs, je pense notamment aux vaches allaitantes, par un degré de couplage approprié.

Nous saluons les efforts effectués par la Commission pour améliorer la lisibilité des propositions législatives, notamment en ce qui concerne le transfert des droits à la prime. Cependant, un grand nombre de questions  essentielles restent toujours sans réponse satisfaisante.

Les mêmes observations valent pour la constitution et l'utilisation de la réserve nationale.

La réserve nationale devrait satisfaire aux demandes des agriculteurs ayant subi des cas de force majeure durant la période de référence et aux demandes des nouveaux agriculteurs, donc des jeunes.

Dans le contexte du transfert des droits à la prime aux jeunes j’aimerais évoquer la toute récente conférence des jeunes agriculteurs européens, qui s’est tenue à Rome à l’initiative de notre collègue  italien et où les jeunes agriculteurs européens ont fait part de leur préoccupation que les mécanismes proposés en matière de découplage ne permettent pas de résoudre de façon satisfaisante le problème d’accès des jeunes au soutien public et de faciliter ainsi le transfert des générations. Or, si nous voulons assurer la relève dans nos fermes et éviter un vieillissement accru de nos agriculteurs, il faudra veiller à un traitement plus favorable et plus équitable de nos jeunes agriculteurs en ce qui concerne l’accès aux droits à la prime.

Gel environnemental à long terme

La Commission propose un mécanisme de gel environnemental à long terme. Cette idée ne nous semble pas convaincante. En effet le système d’un gel sur une durée de dix ans, à maintenir obligatoirement sur les parcelles mises en jachère même après un transfert de celles-ci, induirait des complications notables de gestion, notamment sur les terres en location. Dans notre pays par exemple, plus de 50% de la surface agricole utile est en location et, la durée du bail est fixée usuellement pour une durée de 9 ans, donc inférieure à la durée obligatoire du gel à longue durée.

Si un système de jachères devait être conservé, nous sommes pour le maintien du système de gel rotationnel actuel, en combinaison avec la possibilité de produire des cultures non-alimentaires. 

Conditionnalité

Si nous accueillons favorablement le principe de la conditionnalité des aides, la proposition actuelle ne nous semble pas applicable de façon réaliste. La liste des textes à l'annexe III est trop longue et couvre des domaines en dehors de la responsabilité directe de l'agriculteur.

De nombreux critères sont plutôt à caractère qualitatif, une certaine subjectivité quant à leur évaluation ne peut être exclue. Il convient donc de réduire considérablement le nombre de conditions à contrôler, tout en assurant que celles-ci seraient quantitatives, juridiquement pertinentes et facilement vérifiables d'un point de vue administratif.

En ce qui concerne les bonnes conditions agricoles, nous nous posons la question si cet élément de la proposition ne sort pas du contexte des objectifs visés. A notre avis celles-ci rentrent plutôt dans le cadre des mesures du développement rural, à caractère volontaire, basées, en fonction de la spécificité locale, sur une incitation financière.

Dégressivité

Vous savez qu'à ce stade nous ne sommes pas convaincus de la nécessité des réformes sectorielles proposées, notamment en ce qui concerne les céréales et le secteur laitier. Il conviendra donc d'analyser les exigences budgétaires dans la lumière des disponibilités actuelles et, le moment venu, en fonction des besoins lors d'éventuelles décisions de réformes à venir. Dans cette optique l'envergure de la dégressivité proposée nous semble exagérée, surtout en relation avec la partie qui serait réservée au deuxième pilier de la PAC. J'aimerais souligner également qu’à notre avis c'est le Conseil qui devra décider du niveau et du timing de ce mécanisme.

Si la dégressivité s'avérait nécessaire et en cas d’introduction de la modulation  qui trouve notre appui, nous sommes d'avis que les trois paliers proposés devront être adaptés. A notre avis le premier palier de 5000 Euros est nettement  trop bas. En plus, afin de tenir compte d'une répartition des aides plus équitable et aussi des économies d'échelle, nous plaidons pour l'introduction de paliers supplémentaires pour la partie des paiements directs dépassant largement les 50 000 Euros.

Modulation

Nous sommes pour le renforcement du deuxième pilier de la PAC.

Les mesures du développement rural permettent précisément d'orienter d'une façon ciblée la PAC vers le soutien d'une agriculture multifonctionnelle et durable, produisant des produits régionaux de qualité, tel que nous le définissons tous avec le modèle européen de l'agriculture. Nous sommes donc d'avis que les fonds issus de la dégressivité doivent être orientés prioritairement vers les mesures de type "deuxième pilier". En tout état de cause la proposition actuelle nous semble dans ce contexte déséquilibrée. La part orientée vers le deuxième pilier n’est pas suffisante pour un renforcement substantiel de celui-ci.

Notre pays a toujours fait de grands efforts en ce qui concerne la mise en oeuvre de mesures du développement rural. Une redistribution en fonction de la réalisation et de l’utilisation historique des fonds communautaires et nationaux réservés au développement rural serait à notre avis préférable.

Conseil agricole

Nous ne contestons pas l'idée du conseil agricole, bien au contraire, mais nous ne sommes pas convaincus qu'il doit avoir un caractère obligatoire dans le cadre de la conditionnalité. Nous sommes d'avis qu’il s’agit d’un outil utile et qu’il devra être instauré rapidement sur une base volontaire, en y mettant les moyens, par exemple par le biais d'un financement régulier au niveau du développement rural, pour que les agriculteurs soient incités à l'utiliser et à en tirer bénéfice rapidement et régulièrement.