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Le ministre de l'Economie Henri Grethen à l'occasion de l'ouverture de la 82e Foire internationale de Luxembourg
Altesses Royales,
Comme il est de tradition, Vous répondez aujourd'hui encore présents au plus important rendez-vous commercial de l'année dans notre capitale.
Vous continuez ainsi à marquer Votre intérêt et Votre engagement pour la vie économique de notre pays.
Votre présence cette année est d'autant plus significative alors qu'il se confirme que notre économie se meut dans des eaux plus calmes voire quelque peu troublées par le contexte conjoncturel international et par la nécessité d'ajustements structurels.
Vous témoignez ainsi d'une réelle confiance dans la capacité d'ajustement de notre économie et Vous offrez un véritable encouragement aux acteurs économiques de notre pays à prendre les choses en main.
Soyez-en vivement remerciés.
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Altesses Royales,
Monsieur le Président,
Monsieur le Député-Maire,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,
Les craintes que l'économie luxembourgeoise ne fût entrée en récession en 2002 ne se sont pas vérifiées. En début de semaine, le STATEC a publié une première estimation des comptes nationaux de 2002 qui fait conclure à une hausse en volume du Produit Intérieur Brut de 1,1%.
Certes, c'est encore une petite année en termes de croissance économique, comme l'avait été l'année 2001. En outre, il faut noter que les comptables nationaux ne disposent pas encore de tous les éléments d'information nécessaires sur l'année écoulée pour asseoir cet agrégat décisif et nous mettent en garde contre toute interprétation prématurée.
Cependant, tout semble indiquer que la croissance économique en 2002 aura été du même ordre que celle mesurée par EUROSTAT pour l'ensemble de l'UE et même un peu plus favorable que celle de la Zone Euro. Il faut remonter à 1995, année qui avait connu une croissance de 1,3% du PIB, pour trouver un résultat similaire de l'économie luxembourgeoise.
S'il n'y a pas eu récession, y a-t-il crise? Je pense que non.
Un regard sur l'histoire économique récente de notre pays nous permet d'éclairer la question.
On peut, sur les 20 dernières années, isoler deux périodes marquées par une croissance économique très forte: les années 1986-91 et la période 1997-2000.
La forte croissance des années 1986-91 coïncide avec une reprise de la croissance des économies européennes après 10 années de turbulences prolongées et, après 1989, par le boom économique né de la réunification allemande.
La période 1997-2000 va de pair avec l'essor des marchés boursiers au cours de la 2e moitié des années '90, dans le sillage du développement de la "nouvelle économie" amorcée aux Etats-Unis et avec l'essor de l'industrie des fonds d'investissements et de la banque privée sur notre place financière.
Entre ces deux périodes, la récession économique américaine avait produit une contraction de l'activité dans les pays de l'Union européenne, contraction à laquelle l'économie luxembourgeoise avait assez bien résisté, notamment grâce à la présence bienfaisante des services financiers dont les exportations continuaient à afficher des taux de croissance à deux chiffres.
L'éclatement de la bulle spéculative en 2000, aggravé par les tragiques événements de septembre 2001 aux Etats-Unis a mis fin à l'envolée de l'économie mondiale. Au Luxembourg, l'effet fut brutal: d'un rythme moyen de 8% au cours de la période 1997-2000, la croissance économique tomba à quelque 1 pourcent en 2001 et 2002.
A l'image de 2001 et à l'inverse de la période 1993-1995, c'est encore le secteur financier qui a tiré vers le bas la croissance en 2002 alors que, après une baisse de 3,8% en 2001, la valeur ajoutée brute produite dans ce secteur a de nouveau chuté de 2%, les autres secteurs de l'économie ayant augmenté la leur de 1,3%.
La faible croissance du PIB freine la progression de l'emploi. Celle-ci passe d'un vigoureux 5,6% en 2001 à quelque 3% l'année dernière.
L'emploi résiste donc assez bien et ne décélère que progressivement avec pour conséquence une détérioration significative de la productivité.
Néanmoins, ce ralentissement de la croissance de l'emploi pèse déjà sur le chômage qui a commencé une ascension préoccupante.
En ce qui concerne l'état des finances publiques, le Conseil Ecofin, qui a examiné le programme de stabilité du Grand-Duché lors de sa réunion du 7 mars dernier, a noté leur détérioration considérable alors que le solde budgétaire des administrations publiques est passé de 6,1% du PIB en 2001 à 2,6% en 2002.
S'il est vrai que le Conseil considère que notre pays continue de satisfaire pleinement aux exigences du pacte de stabilité et de croissance, il faut néanmoins constater que la situation des finances publiques est aujourd'hui moins confortable et que les marges de manœuvre de la politique budgétaire se sont considérablement rétrécies.
La Commission n'a d'ailleurs pas manqué de nous signaler ceci dans ses propositions pour les Grandes Orientations de Politique Economique.
Mais la situation va prévaloir pour l'année en cours, voire également pour 2004. En effert, les prévisionnistes de la conjoncture mondiale semblent écarter l'hypothèse d'une reprise économique spectaculaire.
Ainsi, l'OCDE, qui vient de rendre public ses "Perspectives économiques" fait preuve d'un optimisme prudent, tablant sur une reprise graduelle de l'économie mondiale tout en révisant à la baisse ses prévisions de croissance dans la Zone Euro pour 2003 d'un point de pourcent à 1%.
La Commission européenne emboîte le pas avec un ajustement à la baisse des ses propres prévisions de 0,8% à 1% également. Pour 2004, l'OCDE s'attend à une croissance de 2,4%, la Commission européenne l'estime à 2,3%.
Les organisations internationales viennent également de publier leurs prévisions de croissance pour notre économie en 2003. L'OCDE table sur un maigre 0,3%, la Commission l'estime à 1,1%, le FMI pour sa part, va jusqu'à 1,5%.
Quant à nos propres prévisions, le STATEC, sur base des informations disponibles du premier trimestre et en gardant inchangées les hypothèses pour le secteur financier, table sur une croissance comprise dans une fourchette de 1,0 à 1,5%.
Nous revenons donc, après 2001 et 2002, à un niveau de croissance qui se situe autour de la moyenne des pays de l'Union européenne ou de la Zone Euro.
Mesdames, Messieurs,
Peut-on parler de crise généralisée mettant en cause les grands équilibres économiques, financiers et sociaux du pays, appelant des restructurations sectorielles profondes accompagnées de mesures budgétaires pénibles?
Sans doute que non.
Par contre, il faut constater une rupture.
Une rupture avec les niveaux de croissance économique élevés, alimentant la demande sur le marché du travail et la progression des revenus, le budget de l'Etat, l'investissement public et les allègements de la fiscalité, le progrès social et l'amélioration des rentes de pension, les progrès de la protection de l'environnement et les infrastructures culturelles, bref l'amélioration extraordinaire du niveau de vie général des habitants du pays.
Rupture aussi avec notre capacité à atteindre, année après année et à la faveur du développement d'un seul secteur, le double, voire le triple du taux de croissance économique de nos voisins et principaux partenaires commerciaux.
Rupture enfin, je le crains, avec une situation exceptionnelle sur notre marché du travail caractérisée non seulement par un taux de croissance annuel de l'emploi intérieur de 4 ou 5 pourcents voire plus, mais aussi par un taux de chômage inférieur de plus de la moitié à celui prévalant dans l'ensemble de l'Europe.
Il est vrai, je le répète, que le marché du travail a assez bien résisté à la faible croissance en 2001 et 2002 avec des taux de croissance de quelque 5,6% et 3%, respectivement.
Pourtant, la situation se dégrade rapidement et le STATEC prévoit pour 2003 une hausse du taux de chômage à 3,8%.
Qui plus est, sur base des évolutions du passé, le STATEC a estimé qu'il faut plus de 3% de croissance de l'emploi intérieur - soit au moins 4,5% de croissance réelle du PIB - avant que le chômage ne se mette à baisser à nouveau. Ces seuils ne seront probablement pas atteints en 2003 ni en 2004.
S'ajoute à cela que le partage de l'emploi entre frontaliers et résidents est plus favorable aux premiers qu'aux seconds. Le couple rémunération-qualification, voire la réactivité à des changements paraissent être à l'avantage des frontaliers.
Mesdames, Messieurs,
Le constat étant dressé, comment répondre aux défis posés par cette rupture dans la trajectoire de croissance de notre économie?
Tout d'abord, pour qu'il n'y ait pas de malentendu, j'estime que notre modèle de croissance, celui du développement durable, intégrant les objectifs de croissance économique qualitative, de progrès social équitable et de protection de l'environnement et des ressources naturelles n'est pas à remettre en cause. Il constitue d'ailleurs le fondement du chapitre économique du programme gouvernemental.
Par contre - et ici je me trouve en parfait accord avec le récent avis du Conseil économique et social sur la situation économique, sociale et financière du pays - il faudra agir de façon pragmatique face aux évolutions macro-économiques et structurelles externes.
Pour faire face, il faut privilégier tantôt les valeurs écologiques, tantôt les valeurs économiques, tantôt les valeurs sociales qui forment le développement durable.
Au risque de répéter ce que j'avais déclaré en octobre dernier à cette même tribune, j'estime avec le CES que dans la situation actuelle de ralentissement de la croissance, la prédominance dans le triptyque du développement durable doit revenir momentanément au volet économique.
Le concept-clé dans ce rééquilibrage du triptyque du développement durable pour une économie aussi ouverte que la nôtre est aujourd'hui plus que jamais la compétitivité.
Notion vaste et protéiforme, la compétitivité est définie comme la capacité d'une entreprise ou d'une nation à conserver ou à améliorer sa position face à la concurrence des autres unités économiques comparables.
Cette notion s'applique aux entreprises tout comme à un pays dans son ensemble.
C'est également une notion comparative puisqu'elle se réfère au résultat du jeu de la concurrence. Cet aspect est évidemment primordial pour le Grand-Duché. En effet, en l'absence de marché national ou local, la plus grande partie de notre production de biens et de services, doit s'écouler sur les marchés étrangers.
Pour une entreprise, pour une branche d'activités, la compétitivité se traduit par le maintien ou l'accroissement de sa part de marché. Il n'en est pas très différent pour un pays. Pour retrouver le niveau de croissance capable d'alimenter le progrès social et écologique dans un environnement international morose, il faut gagner des parts de marché, améliorer le solde des échanges extérieurs. Pour ce faire, notre compétitivité, celle de nos entreprises doit s'améliorer de façon significative.
Mesdames, Messieurs,
On ne répètera jamais assez que l'essentiel de la croissance économique extraordinaire depuis le milieu des années '80 a reposé sur la capacité de quelques branches d'activités à augmenter leurs exportations, à augmenter leurs parts de marché à l'exportation.
Les entreprises nouvelles, la place financière, les branches des transports et des communications ont joué un rôle moteur de la croissance économique à travers leurs capacités à développer de nouveaux marchés.
Aussi, l'industrie des fonds d'investissements, grâce aux conditions compétitives de la place financière du Luxembourg, a-t-elle pu se hisser au cours des années '90 au premier plan en Europe.
La place financière tout entière s'est développée en centre financier international grâce aux conditions compétitives offertes par notre pays. Sa position internationale se traduit par un excédent important des échanges de services financiers entre notre pays et le reste du monde.
Des branches industrielles toutes entières, à peine existantes avant 1980, telles l'industrie du verre, l'industrie de la transformation du bois ou encore l'industrie de fabrication de supports magnétiques et optiques et l'industrie de la transformation de matières plastiques, ont su gagner une part du marché européen significative grâce à une politique conséquente de diversification économique.
La branche des transports, notamment aériens et celle des communications, sous l'impulsion de la Société Européenne des Satellites, se sont taillées au cours des 15 dernières années la part du lion dans leurs marchés respectifs.
Ces activités motrices ont alimenté et entraîné dans leur sillage un faisceau d'autres branches, telle l'artisanat et le commerce, les services aux entreprises - sécurité, nettoyage, services comptables et juridiques - et j'en passe.
Or, force est de constater qu'une bonne partie de ces branches motrices ont, sinon du plomb dans l'aile, du moins quelques difficultés à garder leur dynamisme expansif, cela en particulier alors que leurs clients, les économies voisines, sont pris dans la tourmente et qu'on n'entrevoit guère de retour imminent aux niveaux de croissance passés.
Mais revenons-en à la compétitivité.
Au-delà des aspects qualitatifs de la compétitivité, tels la nature des produits ou services offerts, les cadres légal, réglementaire et fiscal de l'exploitation d'une entreprise, un facteur-clé de la compétitivité d'une entreprise, d'une économie sont les coûts salariaux unitaires.
Malheureusement, la compétitivité-coût des entreprises luxembourgeoises s'est fortement dégradée au cours des 2 à 3 dernières années sous l'effet d'une baisse de la productivité et d'une hausse des coûts salariaux communs plus importantes que celles observées chez nos principaux partenaires commerciaux. Il en découle une hausse du coût salarial unitaire réel depuis l'année 2000 dépassant de près de 6 points de pourcents la hausse moyenne dans l'Union européenne.
Dans ce contexte, la maîtrise de l'inflation et sa répercussion sur les coûts de production revêtent une importance particulière.
Il est vrai que l'inflation est revenue d'un niveau de 3,2% en 2000 à 2,1% en 2002. Mais il est vrai aussi qu'au Luxembourg elle a été, ces dernières années, supérieure à celle de nos principaux voisins, qui sont en même temps nos principaux partenaires commerciaux.
A l'instar des Pays-Bas et de l'Irlande, qui ont connu des tensions inflationnistes encore plus importantes, l'inflation, tout comme les tensions sur le marché du travail, nées des années de très forte croissance, ont poussé les salaires nominaux.
La hausse des salaires a dépassé celle observée chez nos voisins: on en déduit, du moins à court terme, un effet négatif sur notre compétitivité, accentué qui plus est par la baisse de la productivité en 2001 et 2002.
L'inflation au cours des dernières années me paraît d'autant plus préoccupante qu'elle est supérieure à celle de nos partenaires commerciaux.
En outre, alors qu'elle était revenue à un rythme inférieur à 2% à la mi-2002, nous assistons depuis lors à une nouvelle accélération à un niveau au dessus de 2,5% en mars dernier sous l'effet des hausses pétrolières. De plus, l'inflation sous-jacente a cessé de baisser.
Heureusement la récente accalmie sur les marchés pétroliers et la faiblesse du dollar ont fait revenir l'indice des prix à la consommation à 2,2% en taux annuel au mois d'avril, mouvement qui semble se poursuivre en mai.
Toujours est-il qu'un taux d'inflation de 2%, en période de faiblesse conjoncturelle où les capacités de production sont sous-utilisées, est un taux trop élevé dans la comparaison internationale pour maintenir la compétitivité.
Dans la mesure où l'indexation automatique des salaires n'est pas remise en cause, d'autres leviers seront à actionner pour maintenir et pour améliorer la compétitivité.
Je me répète: au risque d'entrer dans un mouvement de spirale vicieuse, il est impératif de maintenir une relation soutenable entre l'évolution de la productivité et l'évolution à moyen terme du coût du travail.
Je ne plaide évidemment pas pour des réductions salariales. Mais la perte de productivité observée au cours des dernières années doit être rapidement compensée pour éviter une perte durable de compétitivité.
Entre-temps, la modération des prix, la modération salariale et un moratoire sur de nouvelles charges, financières ou autres, imposées aux entreprises, combinés à la nécessaire hausse de la productivité doivent endiguer rapidement le mouvement de perte de compétitivité des dernières années.
Mesdames, Messieurs,
Ces nécessités de court terme ne doivent pas masquer les efforts de politique de compétitivité à long terme.
Le Gouvernement n'a pas attendu la dégradation de la productivité observée ces dernières années pour mettre en place les mesures destinées à la renforcer.
Je pense par exemple aux mesures mises en place dans le domaine de la formation professionnelle continue depuis 1999. Nul doute que la formation professionnelle continue est un facteur d'importance croissante de l'amélioration de la productivité.
Il en est de même de la politique de technologie et d'innovation.
A ce propos et à titre d'exemple, j'ai lancé, il y a deux ans, le projet-pilote "Cluster" qui avait pour ambition d'encourager la formation de grappes d'entreprises autour de thèmes technologiques à caractère générique et de stimuler la fertilisation croisée et la coopération technologique à un niveau élevé, voire de déceler des niches de développement d'activités nouvelles.
Avec le concours de l'agence de l'innovation, une quarantaine d'entreprises se sont ainsi rassemblées autour du thème "traitement et revêtement de surfaces". Ce regroupement a donné lieu à un vif échange et a généré 94 offres de transfert de technologies.
Les résultats sont plus qu'encourageants et j'entends, à l'issue de la phase pilote en été, étendre le programme vers une phase plus opérationnelle, voire de l'ouvrir à d'autres domaines, et le cas échéant, dans un cadre transfrontalier.
Je me réjouis également des résultats de notre politique d'encouragement de la recherche-développement industrielle, facteur croissant de compétitivité et de productivité dans une économie basée de plus en plus sur l'exploitation de connaissances nouvelles. Pas moins de 15 projets pour une dépense totale de près de 75 millions d'euros ont été accompagnés par le Ministère de l'Economie en 2002. Nous récoltons chaque année les fruits de ces efforts sous la forme d'investissements dans des capacités productives nouvelles, permettant le développement et l'exploitation de nouveaux marchés.
Mesdames, Messieurs,
Malgré le renforcement substantiel de ce volet endogène du développement économique que constituent la R&D et la modernisation de nos entreprises et malgré les incontestables succès obtenus, les efforts de diversification dans les branches industrielles et de la technologie doivent continuer à reposer sur l'implantation d'entreprises nouvelles venant de l'étranger.
Je me réjouis du soutien apporté par le Conseil économique et social à l'idée que le maintien et le développement du potentiel de croissance passent par la diversification et par la création d'entreprises nouvelles. C'est une idée que les ministres successifs au gouvernail du Ministère de l'Economie ont épousée sans faille depuis le début des années 1960.
A ce sujet, je vous fais grâce de vous exposer ici-même, dans le détail, les nombreuses missions de promotion et de prospection effectuées ou prévues, souvent d'ailleurs en compagnie du Président d'honneur du "Board of Economic Development", S.A.R. le Prince Guillaume, auquel je voudrais rendre hommage ici pour son engagement et son dévouement exemplaires.
J'aimerais plutôt attirer votre attention sur un aspect de ces missions qui est trop souvent passé sous silence mais qui me paraît primordial.
Je parle de l'impérieuse nécessité de soigner nos relations avec les décideurs au plus haut niveau des maisons-mères des sociétés étrangères déjà implantées au Grand-Duché.
A un moment où l'économie mondiale a du plomb dans l'aile, et où de nombreuses entreprises se voient confrontées à des choix douloureux de restructuration, voire de fermeture de sites, il est absolument vital de tisser des liens personnels avec les dirigeants d'entreprises présentes au Luxembourg.
Soyez rassurés: je ne suis pas naïf au point de croire que des relations personnelles, fussent-elles empreintes d'estime, voire d'amitié soient à elles seules suffisantes pour gommer des pertes récurrentes ou des carences structurelles.
Le but de ces rencontres au plus haut niveau est d'exposer directement aux dirigeants de ces groupes internationaux les avantages réels dont dispose le Luxembourg et de les assurer de notre soutien et de notre sollicitude. Bref, de faire passer le message que le sort de leurs filiales nous tient à cœur et que nous sommes déterminés à faire tout notre possible pour assurer la pérennité et la prospérité des entreprises établies sur notre sol.
Mais bien évidemment, nous ne nous limitons pas à préserver simplement l'acquis. Bien au contraire. Nos bureaux du BED aux Etats-Unis et en Asie démarchent activement des candidats-investisseurs potentiels alors que les équipes du BED à Luxembourg sillonnent les régions européennes que nous ciblons, tel l'Italie du Nord, les pays nordiques ou encore Israël, régions qui recèlent un tissu dense d'entreprises à haute technologie et à forte valeur ajoutée.
Les résultats de tous ces efforts de prospection à l'étranger et de développement de capacités endogènes sont plus qu'honorables en 2002, proche de niveaux records. Ainsi, l'implantation de 9 entreprises ou activités de production nouvelles ont été décidées pour un investissement de quelque 240 millions d'euros et devant mener à terme à la création de plus de 600 emplois nouveaux. Ces entreprises et activités nouvelles apportent des technologies nouvelles à notre tissu industriel ou améliorent des procédés existants de sorte que leur impact sur la productivité à moyen terme est important.
Malgré ces résultats, comparables à ceux des années de forte croissance, je conviens qu'il faut redoubler d'effort alors qu'un des piliers du développement économique des années '90, en l'occurrence le secteur financier, passe par une phase d'ajustement structurel et semble avoir atteint un degré de maturité sur la base duquel il sera difficile de réaliser des taux de croissance similaires à ceux du passé.
En effet, les moyens à mettre en œuvre ont fortement évolué. Ainsi, par exemple, alors que dans les années '90 encore, des interventions financières ou fiscales alléchantes ont pu motiver tel ou tel investisseur industriel à s'établir ou à étendre ses activités dans notre pays plutôt que dans un autre, ces moyens sont aujourd'hui largement limités sous la contrainte de la politique communautaire de contrôle des aides d'Etat.
Par ailleurs, des aides temporaires aux investissements ou à la création d'emplois ne sont guère des arguments suffisants pour motiver une présence durable d'une entreprise sur un site donné.
La compétitivité d'un site d'implantation avec tous ces aspects, qualitatifs sur le plan de l'accueil et des conditions opérationnelles générales, physique et culturel en ce qui concerne l'accès au marché, enfin quantitatifs en matière de coûts de production, est donc une donne qui croît en importance alors que les entreprises ont des choix d'implantation toujours accrus dans une Europe élargie et que la concurrence entre sites se renforce.
A côté du potentiel d'innovation qui subsiste dans le secteur financier, l'industrie et les technologies nouvelles continuent à présenter le potentiel de diversification le plus significatif.
Or, il ne s'agit pas seulement de redoubler d'efforts de prospection, il faut aussi réhabiliter l'industrie, la production industrielle, rendre plus aisée son implantation et son développement. Les entreprises de transformation ne génèrent pas seulement des nuisances; bien au contraire, les progrès réalisés par l'industrie dans le domaine de la prévention des nuisances et de la protection de l'environnement dépassent de loin les résultats dans d'autres domaines.
Les entreprises nouvelles créent aussi des emplois - faut-il le rappeler - directement plus de 15.600 au cours des 25 dernières années, indirectement plus du double. Elles contribuent au maintien de nos régimes de protection sociale avantageux. Elles créent des bases fiscales nouvelles avec les résultats desquels nous finançons des services collectifs toujours plus évolués.
Nous avons donc besoin d'une prise de conscience nouvelle de l'intérêt d'une industrie compétitive, solide et diversifiée pour le développement durable.
Cette conscience nouvelle doit aussi nous faire réfléchir sur l'ardeur régulatrice mise à jour ces dernières années par des "autorités" de toutes sortes et qui pèse de plus en plus sur la capacité des entreprises à gérer et à supporter le coût des dispositions à respecter.
Ici encore, notre pays se trouve dans un environnement concurrentiel. Il importe de pratiquer la modération et de faire preuve de pragmatisme dans la mise en œuvre de ces dispositions.
Le renforcement de l'implantation d'entreprises nouvelles va aussi de pair avec des besoins accrus en surfaces de terrains. C'est la raison pour laquelle il importe de prévoir les infrastructures d'accueil nécessaires.
A titre d'exemple, je me propose ainsi de faire acquérir par l'Etat et d'affecter l'entièreté de la friche industrielle dite du "Crassier d'Ehlerange" à des fins d'implantation d'entreprises nouvelles. Ces terrains - on parle d'une superficie brute de quelque 70 hectares - sont appelés à constituer une nouvelle zone industrielle à caractère national. Le moment venu, mes services procèderont aux travaux d'infrastructure et d'aménagement nécessaires.
Il est de mon intention de concerter les démarches successives avec les représentants élus de la Commune de Sanem dans un souci de répondre aux attentes justifiées et légitimes de la population avoisinante en matière de protection de l'environnement naturel et humain.
Mesdames, Messieurs,
Le succès de la politique de développement et de diversification économiques dépend aussi de notre capacité d'accueillir et d'héberger de nouvelles activités économiques à forte valeur ajoutée.
Et contrairement aux affirmations d'aucuns qui feignent le désintéressement et prétendent, sans jamais en fournir les preuves, parler pour une société civile aux contours aussi flous que chimériques, il existe une majorité parmi les représentants élus à la Chambre des Députés pour soutenir le Ministre de l'Economie dans sa politique de développement et de diversification économiques.
Aussi, le Gouvernement entend-il se doter des réserves foncières indispensables pour poursuivre avec succès sa mission d'assurer également dans le futur une croissance économique réelle alimentant le progrès social et le bien-être matériel, fondements inaltérables de tout épanouissement personnel.
L'axe de la diversification économique par le biais de l'implantation d'entreprises nouvelles sera complété et appuyé par
· la poursuite et le renforcement des actions visant la stimulation de l'esprit d'entreprise et le développement d'une culture favorable au risque de l'entrepreneur;
· la poursuite de la politique de technologie et d'innovation industrielle épaulée par le développement du concept ECOSTART, centre d'innovation et d'entreprise à Foetz, qui sera complété à moyen terme par un centre d'incubation d'entreprises sur le site de la Cité des Sciences et de l'Innovation à Belval-Ouest;
· la poursuite des efforts de développement du commerce électronique, notamment par la mise en place d'une infrastructure à clé publique pour la signature électronique.
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Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,
Voilà donc brossé le tableau de la situation économique de notre pays en ce début de 2003, avec ses défis mais aussi des voies et moyens de les relever.
Personnellement, je suis convaincu que nous avons la capacité et les moyens de retrouver une croissance économique plus solide, condition nécessaire à la maîtrise du chômage et du développement durable. Il est certain que cela demande des adaptations de nos comportements, de nos attentes, de nos priorités.
Face au risque d'accuser un retard de compétitivité permanent et d'entrer dans une spirale vicieuse de déclin, il importera de privilégier dans les années à venir la dimension économique du développement durable.
Les progrès social et écologique, l'amélioration continue de notre niveau de vie sont à ce prix!