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Le ministre de l'Economie Jeannot Krecké lors de la présentation du rapport Fontagné sur la compétitivité de l'économie luxembourgeoise
Monsieur le Député,
Excellences,
Mesdames,
Messieurs,
Le rapport que le Professeur Fontagné va vous présenter répond à une demande du Comité de Coordination Tripartite.
A la fin de l’année passée et au début de cette année, le comité tripartite, qui s’était réuni à plusieurs reprises pour analyser la position compétitive de notre économie, n’avait pas réussi à s’accorder sur un diagnostic concernant la capacité concurrentielle de l’économie luxembourgeoise, ni même sur une définition de la compétitivité et encore moins sur un programme d’action.
Certes, nous disposons de plusieurs études publiées par les organisations internationales, je pense aux travaux de la Commission européenne, de l’OCDE ou du World Economic Forum, qui sont largement commentés dans les médias. Mais aucune des ces études ne semblait prendre en compte la spécificité de notre appareil de production, très ouvert au commerce international des services, aucune de ces études ne prêtait une attention suffisante à notre modèle social, favorisant la cohésion de la société.
Il est vrai qu’un regard extérieur peut être très utile. Après tout, nul n’est philosophe en son pays !
Les membres de la tripartite ont fini par se mettre d’accord sur le nom d’un expert : le Professeur Lionel Fontagné, directeur du Cepii, membre du prestigieux Conseil d’analyse économique, qui rédige des avis influents pour le Premier Ministre de la République Française. Il est aussi l’auteur, avec Michèle Debonneuil, d’un rapport remarqué sur la compétitivité de la France.
Le gouvernement a donc confié à Monsieur Lionel Fontagné le soin de faire un rapport sur la situation actuelle de l’économie grand-ducale et ses perspectives d’avenir.
Mesdames, Messieurs,
Il est difficile de porter un jugement sur l’état de notre économie. En effet, notre appréciation a été quelque peu troublée par le ralentissement conjoncturel, inattendu par son ampleur, surprenant par sa brutalité et déconcertant par sa durée. La hausse du chômage et la fonte des plantureux surplus budgétaires nous ont rappelé tout d’un coup que le Luxembourg n’est pas une île mais un bouchon qui flotte sur la houle de l’économie internationale.
Au-delà des fluctuations cycliques, il faut donc analyser les soubassements structurels de notre compétitivité : la productivité globale, la Recherche et Développement, l’innovation, les qualifications et compétences, la spécialisation et la diversification de l’appareil de production, enfin, le fonctionnement des mécanismes des marchés des biens, des services, de l’emploi ainsi que l’efficacité du financement.
Cet exercice d’analyse et de réflexion nous le faisons également au niveau communautaire. Le rapport de Monsieur Wim Kok, l’ancien Premier Ministre des Pays-Bas, sert de base à l’évaluation des objectifs et des instruments de la Stratégie de Lisbonne. Nous discutons aussi de la manière de communiquer plus largement et d’associer les citoyens au mouvement de modernisation du modèle social européen.
Ces réflexions devront aboutir, sous la présidence luxembourgeoise de l’Union européenne à une relance de la mise en œuvre des objectifs ambitieux fixés au Sommet Européen de Lisbonne.
Je ne peux m’empêcher de rappeler l’objectif de la Stratégie de Lisbonne. A l’horizon 2010, l’Union européenne doit, je cite, "devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale".
Tous les mots comptent !
Cette citation est souvent tronquée: certains accentuent la dimension compétitive, d’autres la dimension sociale, d’autres enfin ne jurent que par la dimension technologique. Or, la stratégie de Lisbonne forme un tout, dont chaque composante est essentielle.
Je pense qu’une mise en œuvre plus dynamique de la "Stratégie de Lisbonne" aboutira, dans chacun des Etats membres à un plan qui détaille les objectifs particuliers, les instruments à engager et le tableau de bord d’indicateurs structurels.
Le modèle social et le respect de notre environnement naturel ne peuvent être consolidés voire développés que si nous sommes prêts à le réformer en permanence, non pas dans l’urgence et la précipitation, mais dans le calme et le dialogue.
Nous avons besoin d’un grand débat avec les forces vives de la nation, un débat qui doit permettre de forger une vision claire de ce que nous voulons préserver, mais aussi de ce que nous devons changer pour préserver le modèle social auquel nous sommes attachés.
Encore un mot sur la méthode.
La démarche poursuivie me semble originale, elle vise à élargir le débat et à impliquer l’ensemble des acteurs, en particulier et avant tout les représentants des partenaires sociaux.
En effet, tout au long de la rédaction du rapport, les partenaires sociaux, représentant la société civile organisée, ont livré leur analyse de l’économie luxembourgeoise, décrit ses forces et faiblesses, exposé les défis et les menaces auxquels elle doit faire face.
Les partenaires sociaux ont appuyé leurs arguments par des notes écrites fort intéressantes. Les représentants des forces vives de la nation ont rencontré l’expert à plusieurs reprises avant et pendant la rédaction de son rapport.
Je remercie ici tous ceux et toutes celles qui ont collaboré ouvertement et franchement avec M. Fontagné.
M. Fontagné a pu rédiger son rapport en puisant dans le stock d’études scientifiques et appliquées les plus diverses, notamment dans les avis du Conseil Economique et Social. Le STATEC a livré toutes les données statistiques disponibles. L’Observatoire de la Compétitivité, un organisme mis en place au Ministère de l’Economie et du Commerce extérieur par le gouvernement à la demande de la Tripartite, a servi d’interface et de facilitateur.
Il reste - et je le souligne avec force - que le rapport final porte la signature et la responsabilité d’un expert neutre et indépendant !!!
Je souhaite que le rapport soit diffusé largement afin que chacun puisse prendre part au débat.
J’invite les représentants des partenaires sociaux à prendre position dans les meilleurs délais et de faire part de leurs réactions au professeur Fontagné.
Monsieur Fontagné pourra ainsi éventuellement, s’il le souhaite, s’il l’estime nécessaire, compléter son rapport sur certains points.
Pour ma part je souhaite que cet exercice aboutisse à un débat informé et constructif au sein de la Tripartite et à la Chambre des Députés.
Ce débat doit aboutir à un Plan stratégique, une "Stratégie de Lisbonne nationale".
J’envisage 4 étapes essentielles:
- s’entendre sur une définition de la compétitivité, qui soit compatible avec la stratégie de Lisbonne, acceptée par tous;
- forger un diagnostic commun, partagé, sur la situation compétitive de l’économie luxembourgeoise, ses forces et faiblesses, les menaces et dangers auxquels elle fait face;
- arrêter une liste de chantiers et formuler des propositions sur lesquelles nous devrons travailler, et, finalement, négocier au sein de la tripartite;
- enfin, adopter un plan commun, un Pacte National pour le plein emploi et l’innovation qui guidera notre action et qui sera aussi notre contribution à la stratégie de Lisbonne de l’Union européenne.
Monsieur Fontagné, nous vous écoutons.