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Marie-Josée Jacobs, Allocution à l'occasion de la conférence cross-mentoring 2008
En ce début d’année, je me permets tout d’abord de vous adresser, à tous et à toutes, mes meilleurs voeux pour 2008!
Dans le cadre de cette conférence, j’aimerais formuler un voeu particulier: "Cessons de parler d’écart, de clivage, de différence entre hommes et femmes. Tenons des discours qui ne parlent plus de différences, mais des choses communes, des synergies possibles et de complémentarité entre femmes et hommes pour promouvoir ce formidable potentiel"!
Plus concrètement, je me réjouirais de voir, par exemple, de jeunes cadres masculins rechercher l’aide de femmes cadres à haute responsabilité pour les aider dans leur évolution de carrière. Et que les jeunes femmes et les hommes s’adresseront indifféremment aux hommes et aux femmes pour être "mentorés", pour apprendre ainsi des approches et des expériences différentes et comprendre les différences dues à notre socialisation.
Pourquoi ne sommes-nous pas déjà à ce stade?
Pourquoi les mentors sont, en général, des hommes et pourquoi les femmes cadres ne sont pas légion à profiter de cet outil de promotion personnelle?
Pourquoi n’y a t-il pas plus de "marrainage" au niveau de décideurs d’entreprises?
Le premier mentor cité dans la littérature a été une femme. Dans le récit de l’Odyssée, Athéna, la déesse grecque de la sagesse, accepta d’être le mentor de Télémaque, le fils d’Ulysse.
Ce fameux exemple de bonne pratique n’a malheureusement pas fait école dans nos sociétés modernes. En effet, nous constatons que la pratique du mentoring est utilisée de manière très inégale par les deux sexes.
Quelle importance peut revêtir le mentoring dans une économie du 21e siècle?
Le mentoring a pour but de parrainer une personne afin que celle-ci puisse développer ses compétences professionnelles et son potentiel personnel pour accéder à un poste de responsabilité et surtout un poste de direction.
L’objectif du mentoring est donc ambitieux. Ce qui compte évidemment pour la personne mentorée, c’est de bénéficier d’un apprentissage et d’un encadrement personnalisés, et de faire ainsi une économie d'erreurs, de temps et d'argent.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue le but final de cette stratégie: le leadership, c.-à-d., l’exercice d’une fonction de direction.
J’insisterai sur ce point, car souvent les femmes se trouvent dans des filières moins importantes pour l’entreprise, ce qui implique que leur ascension aux postes de direction est plus difficile. Elles peuvent donc revêtir des postes de responsabilité sans pour autant accéder au comité de direction. C’est un phénomène que le Bureau international du travail avait qualifié dans son rapport de décembre 1997 de "parois de verre" par référence au "plafond de verre".
Ce rapport du BIT, intitulé "La promotion des femmes aux postes de direction", constatait que "lorsqu'elles sont cadres moyens, les femmes se retrouvent généralement dans des secteurs non stratégiques à exercer des fonctions de gestion du personnel et d'administration, plutôt que dans des emplois de spécialistes et des fonctions de direction susceptibles de les mener au sommet".
Cette constatation du BIT, qui a été faite il y a dix ans, est toujours d’actualité. C’est pourquoi, le gouvernement appuie une politique volontariste de promotion de l’égalité des femmes et des hommes, notamment par le programme des actions positives du ministère de l’Égalité des chances.
Le mentoring est une stratégie pour aider les femmes et les hommes à atteindre des postes de direction. Un des thèmes prioritaires du programme des actions positives est justement la prise de décision des femmes.
La sous-représentation des femmes aux postes de décision a été documentée à maintes reprises à travers diverses études publiées ces dernières années par le ministère de l’Égalité des chances, le Centre d’études et de population sociale (CEPS) et le STATEC.
Ainsi, en 2003, le CEPS constate:
- les femmes occupent 16% des postes dans les conseils d’administration des entreprises alors qu’elles occupent 35% des effectifs;
- elles occupent 22% des postes de direction dans les entreprises de moins de 15 salariés, resp. 11% dans les entreprises de plus de 15 salariés, alors qu’elles représentent 41%, respectivement 33% des effectifs.
Les femmes restent minoritaires au sommet des hiérarchies malgré leur niveau d’éducation et malgré la féminisation des emplois cadres.
Il est probable que le retard de formation et de qualification des femmes, ainsi que leur insertion professionnelle tardive par rapport aux hommes a eu un effet d’inertie sur cette évolution dans les entreprises.
Cependant plus rien ne justifie que les femmes et les hommes ne soient pas traités de manière égale dans l’accès aux postes dirigeants.
Au delà des chiffres, il importe de savoir de quelle façon la stratégie du mentoring peut aider à atteindre les objectifs de la politique du gouvernement en matière d’égalité des femmes et des hommes!
Un des objectifs du projet de mentoring présenté aujourd’hui, est justement d’en faire un instrument formalisé pour soutenir les carrières des femmes, en leur donnant notamment la possibilité de construire un réseau de contacts indispensable à l’ascension professionnelle.
Cependant, le mentoring comme outil stratégique et personnalisé tel qu’il est proposé aux entreprises n’est pas subventionné par le ministère de l’Égalité des chances en tant que mesure isolée.
Le programme des actions positives prévoit une analyse en profondeur de la situation de l’entreprise comprenant à la fois une analyse des données objectives sur les salaires, la situation de l’ensemble du personnel, les postes de décision, le système de promotion et de formation, ainsi que de la communication interne et externe de l’entreprise.
Une deuxième partie de l’analyse comporte une enquête qualitative auprès du personnel sur sa perception de l’environnement de travail et la satisfaction de sa situation professionnelle.
Cet échange de données est formalisé par une convention de collaboration signée entre l’État et l’entreprise. L’objectif politique est notamment d’ancrer à long terme la responsabilisation des entreprises dans la mesure où l’égalité des femmes et des hommes est un facteur de réussite du progrès économique et social formulé au niveau européen dans la stratégie de Lisbonne.
Le programme des actions positives prévoit trois thèmes prioritaires qui sont: l’égalité salariale, la prise de décision et la conciliation de la vie professionnelle et privée.
Au niveau de la prise de décision, le mentoring peut être adopté comme une des mesures positives aidant les femmes à mieux se préparer à prendre des responsabilités dans leur entreprise et à poser leur candidature pour des postes de décision.
D’autres mesures devront néanmoins être envisagées comme par exemple, des mesures relatives à l’organisation du travail, la mise en place d’offres de services annexes permettant une meilleure conciliation de la vie professionnelle et privée pour les pères et mères ou encore des actions de sensibilisation en interne afin de lutter contre des préjugés et stéréotypes ancrés dans nos têtes.
C’est seulement après la présentation d’un projet de plan d’action par l’entreprise que la ministre de l’Égalité des chances décide de lui accorder un agrément ministériel pour la mise en oeuvre de mesures en faveur de l’égalité des femmes et des hommes. C’est à ce moment que l’action est considérée comme action positive.
L’égalité des femmes et des hommes ne se traduit donc pas par une mesure isolée, mais par une réflexion profonde sur tous les rouages, tous les processus de décisions et toutes les activités et actions de l’entreprise.
Dans le cadre des actions positives, les entreprises ont bien compris les avantages de la promotion de la diversité en général, et de l’égalité des femmes et des hommes en particulier:
- Avantages pour les entreprises elles mêmes, car le respect de l’égalité des femmes et des hommes signifie plus de créativité, d’innovation, d’efficacité et une meilleure image de marque et leur permet de devenir un employeur de choix pour toute personne qualifiée à la recherche d’un emploi.
- Avantages pour les individus, car le respect de l’égalité des femmes et des hommes signifie plus d’ouverture d'esprit, d’échanges et de flexibilité.
- Avantages pour la société dans son ensemble, car le respect de l’égalité des femmes et des hommes signifie plus de tolérance, une meilleure intégration et plus de cohésion sociale.
J’invite toutes les entreprises à prendre contact avec le ministère de l’Égalité des chances pour connaître les détails et les conditions de participation au programme des actions positives, au delà de leur participation au projet de cross mentoring.
La conférence d’aujourd’hui va clôturer le projet Cross mentoring 2007 qui a réuni des mentors et mentees en provenance d’entreprises luxembourgeoises de différents secteurs de l’économie. Les femmes et les hommes ayant participé à cette expérience unique au Luxembourg nous parleront de leurs expériences personnelles et des bénéfices tirés de leurs échanges.
En tant que ministre de l’Égalité des chances, je me réjouis tout particulièrement de cet événement qui réunit des femmes et des hommes de haut niveau autour d’un projet dont les mots clé sont échanges, apprentissage, réussite et leadership.
Je me réjouis également que le projet du mentoring prenne aujourd’hui une dimension internationale par cette conférence. Il est nécessaire d’unir les efforts et d’échanger les bonnes pratiques au delà des frontières.
Je vous souhaite à tous et à toutes beaucoup de réussite dans vos projets professionnels.