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François Biltgen: Un rôle public
Le Jeudi: "Vous prônez la reconnaissance et la promotion de la religion dans sa diversité, sans ingérence de l'Etat. Est-ce cela, pour vous, la séparation de l'Eglise et de l'Etat?"
François Biltgen: "Oui. Il y a différentes conceptions de cette séparation. Il y a celle qui se réclame du laïcisme et celle qui fait appel à la laïcité. Par exemple, en France, il y a une coupure totale, alors qu'en Grèce ou dans les pays Scandinaves il y a une Eglise d'Etat.
Et puis, il y a des Etats, comme le nôtre, qui ont une neutralité bienveillante à l'égard des communautés religieuses, parce qu'ils sont d'avis que les religions jouent un rôle public, alors que d'autres en font une affaire privée."
Le Jeudi: "Concevez-vous malgré tout que les athées ne se reconnaissent pas dans un Etat qui a cette démarche?"
François Biltgen: "Non, parce que notre Constitution donne le droit à chacun de ne pas pratiquer de religion. Il y a une approche de protection positive et négative."
Le Jeudi: "Quelle est votre définition d'un Etat laïc?"
François Biltgen: "C'est une notion qui n'existe pas ici. Nous avons une séparation entre les affaires d'Etat et les affaires d'Eglises mais, entre les deux, il y a une sphère de coopération qui se retrouve dans les Conventions. Et chaque partie y a intérêt puisque cela contribue à l'intégration de certaines communautés dans la société.
Avant 1998, il y avait le Concordat. Depuis, il y a le régime des Conventions tel qu'appliqué par la Chambre des députés. Mais on s'aperçoit aussi qu'en France, par exemple, de nombreux responsables politiques s'interrogent sur la nécessité de réviser la loi de 1905 sur la séparation. Et le député-maire socialiste d'Evry Manuel Valls, pose la question: "Peut-on ignorer que la religion n'est plus cantonnée à la sphère privée, mais qu'elle est redevenue un fait social?" (ndir: "Le Monde" du 18.01.03)
C'est donc le rôle joué par les communautés religieuses dans la société qui justifie l'intervention financière de l'Etat. Mais cela comporte des droits et devoirs."
Le Jeudi: "Ne pourrait-on pas envisager un système qui collecte les fonds à redistribuer auprès des membres des communautés, comme en Allemagne?"
François Biltgen: "Notre Constitution a fait un autre choix. D'ailleurs, transposée chez nous, la voie allemande, par le biais de la fiscalité, se heurterait par exemple au statut des fonctionnaires européens qui ne paient pas d'impôt au Luxembourg. Cela défavoriserait les petites communautés. C'est pourquoi je trouve notre voie meilleure."
Le Jeudi: "Vous êtes pour le pluralisme, pourtant la religion catholique reste la seule inscrite au programme scolaire."
François Biltgen: "Oui, mais la loi n'exclut pas que d'autres cours de religion soient offerts. Comme vous le savez, il y a deux types de Conventions: les Conventions de subventionnement de fonctionnement et les Conventions d'enseignement. Mais, pour le moment, il n'y a pas de demande pour ce deuxième type."
Le Jeudi: "Une trop grande influence des Eglises sur l'Etat ne risque-t-elle pas de retarder certaines évolutions sociétales?"
François Biltgen: "Premièrement, je ne crois pas que cette trop grande influence existe. Ensuite, les évolutions sociétales des Etats sont toujours fonction des opinions des personnes. S'il existe des courants forts, ils doivent s'exprimer. Et je trouve normal que les communautés religieuses puissent jouer un rôle d'opinion, comme les autres."
Le Jeudi: "Des sectes fleurissent, ça et là. Ne devrait-on pas utiliser une partie des fonds réservés aux cultes pour combattre ces organisations criminelles?"
François Biltgen: "Quand un Etat pratique la liberté de religion, il ne lui appartient pas de mettre en œuvre une politique des sectes. Sinon, il s'agit d'une immixtion. Les sectes doivent pour autant être appréhendées, mais uniquement sous le volet "ordre public"."
Le Jeudi: "Le régime qui est le nôtre vous semble donc satisfaisant?"
François Biltgen: "Oui, car je pense qu'il répond aux attentes, notamment depuis 1998 dans les conditions fixées par la Chambre. Mais bien entendu, rien n'est jamais définitif et il y aura toujours des débats."
Le Jeudi: "Des débats... électoraux?"
François Biltgen: "Je pense, comme vous, que l'écho sur ce genre de sujet est malheureusement surtout grand à l'approche des élections. C'est utilisé par certains partis politiques pour en faire une coalition contre le PCS plutôt que pour lancer un débat de fond."