François Biltgen à la 89e Conférence Internationale du Travail

François Biltgen, ministre du Travail et de l'Emploi du Grand-Duché de Luxembourg à participé le 13 juin 2001 à la 89e session de la Conférence Internationale du Travail à Genève.

Dans son discours à la tribune de la Conférence Internationale du Travail, le ministre du Travail et de l'emploi, François Biltgen, a apporté le soutien du gouvernement luxembourgeois aux efforts de l'Organisation Internationale du Travail visant à "réduire le déficit du travail décent dans le monde"; l'objectif étant de doubler l'économie globalisée d'une composante sociale.

Lors d'une entrevue avec le directeur général du Bureau International du Travail, Juan Somavia, le ministre luxembourgeois a évoqué la politique future de l'OIT dans le domaine des normes, en soulevant aussi les problèmes que peut poser l'application de certaines normes s'il n'est pas tenu compte des spécificités des Etats membres.

Une réception à la résidence de l'ambassadeur et un dîner en l'honneur de la délégation tripartite luxembourgeoise ont clôturé le séjour du ministre.

Veuillez trouver en annexe les extraits les plus importants du discours de M. Biltgen:

Le rapport du directeur général Juan Somavia tombe à point, dans une situation économique mondiale ténue et en proie à un ralentissement, pour nous rappeler "le déficit de travail dans le monde".

Mettons donc à profit le temps d'incertitude qui règne sur le monde économique pour remettre les pendules à l'heure et pour procéder à un changement de paradigme. La valeur primordiale du progrès économique ne pourra être et ne sera pas à la longue la valeur boursière.

Remettons à nouveau le travail humain à la une de notre système de valeurs.

Ne considérons pas le travail en tant que "ressource économique" comme une autre. Le travail n'a pas pour unique but de créer de la croissance économique. Juan Somavia a raison de dire "que le travail est un trait déterminant de l'existence humaine".

L'OIT, en lançant le concept de travail décent, a procédé à ce revirement de paradigme qui tient à conférer au travail une valeur humaine fondamentale.

Si la globalisation doit réduire ce déficit social, il faut agir. La simple libéralisation et dérégulation ne fera qu'aggraver ce déficit. Pour apporter davantage de justice sociale, il faut prendre des initiatives.

Oui, nous devons doubler la globalisation économique d'une globalisation sociale.

Pour ce faire, il nous faut trois choses:

  • le contenu, à savoir un socle social mondial minimum,
  • une méthode, à savoir le tripartisme,
  • une structure: le système des organisations internationales.

Si nous voulons doubler la globalisation économique d'un volet social, nous devons remplir le vide que laissera la dérégulation au niveau national. Nous devons créer de nouvelles règles internationales.

Notre directeur général veut "dépoussiérer" l'OIT. Il est bien de renoncer à des normes trop détaillées et pointilleuses pour recentrer les normes vers ce qui est essentiel, vers des standards minimums, vers les droits fondamentaux des travailleurs. Mais des standards "minimums" ne doivent pas devenir des standards "minimalistes".

Si nous voulons que les normes ne demeurent pas des engagements politiques creux, mais deviennent des réalisations concrètes, il faut promouvoir la méthode tripartite. Je mets en garde contre l'euphorie actuelle qui tend à remplacer le dialogue avec des intermédiaires structurés par le dialogue avec la "société civile".

Le dialogue avec la société civile doit pouvoir se répercuter sur le dialogue social et le tripartisme, il ne peut pas le remplacer.

L'OIT a été à ce jour la première et malheureusement seule organisation internationale tripartite. Mais c'est le tripartisme qui a fait sa force et son succès. Si l'OIT veut que ses normes deviennent réalité au niveau national, il faudra cependant que le tripartisme devienne réalité dans tous les pays.

Les pays qui ne connaissent ni patronat indépendant structuré ni de mouvement syndical libre, auront davantage de problèmes à créer un environnement propice à la réalisation du progrès social.

Enfin, il faudra que le système multilatéral devienne, ou redevienne, devrais-je dire une "union sacrée" poursuivant un objectif commun: la paix et la prospérité pour l'ensemble de l'humanité.

Malheureusement aujourd'hui on a l'impression que certaines organisations, voire leurs Etats membres, oublient les liens de parenté qui existent entre elles. Je vise avant tout l'OIT et l'OMC: mon pays a été parmi les premiers à plaider pour l'intégration formelle des normes sociales de l'OIT dans le commerce mondial avec des processus de surveillance multilatérale.

Le directeur général Somavia à raison de citer les objectifs stratégiques en matière économique et financière. Mon gouvernement estime qu'il faut oser alors faire le deuxième pas, à savoir établir un système parallèle en matière sociale.

L'OIT malgré ses 82 ans veut retrouver un nouveau souffle à l'orée de ce siècle nouveau. Saisissons donc l'occasion en affirmant unanimement le rôle essentiel de l'OIT dans la régulation sociale de l'économie mondialisée.

 

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