Le Conseil de gouvernement adopte le projet de loi sur la liberté d'expression dans les médias

Le vendredi 21 décembre 2001, le Conseil de gouvernement a adopté le projet de loi sur la liberté d'expression dans les médias.


Jean-Claude Juncker lors du "briefing"

Destinée à remplacer la loi du 20 juillet 1869 sur la presse et les délits commis par divers moyens de publication, qui sera abrogée, la nouvelle loi aura vocation à s'appliquer dès lors que la liberté d'expression est exercée par la voie d'un média. La définition du média se veut très large et englobe tous les moyens techniques. Il est pris en considération quand il s'adresse à une pluralité, voire une multitude de destinataires. Les dispositions proposées tiendront compte de l'article 10 de la Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et des jurisprudences y relatives de la Cour européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg.

Les points saillants de cette nouvelle loi sont:

  • La reconnaissance d'une protection des sources journalistiques. Cette protection prendra la forme d'un droit pour le journaliste, entendu comme témoin, de refuser de révéler des informations identifiant une source sans que ce refus ne puisse entraîner des sanctions pour refus de témoignage. Dans le cas où la protection des sources peut être valablement invoquée par le journaliste, des mesures qui auraient pour objet ou effet de contourner ce droit (p.ex. perquisitions ou saisies) sont interdites. La protection des sources ne peut être invoquée dès lors qu'il s'agit de la prévention, de la poursuite ou de la répression de crimes contre les personnes, de trafic de stupéfiants, de blanchiment d'argent, de terrorisme ou d'atteintes contre la sûreté de l'État. Le droit à la protection des sources est reconnu principalement au journaliste. Les autres personnes ne peuvent s'en prévaloir qu'à condition d'avoir obtenu l'information susceptible d'identifier une source journalistique dans le cadre de leurs relations professionnelles avec le journaliste.

  • La qualité de journaliste est liée à l'exercice effectif du métier de journaliste et ne peut être subordonnée à la détention d'une carte de journaliste professionnel. La notion de journaliste est définie en fonction de l'activité exercée d'une manière effective et régulière et non plus par référence à la détention d'une carte de journaliste. Dans l'ordre d'idées exprimées par le Cour de Strasbourg et par la Recommandation du Conseil de l'Europe, l'exercice de la profession de journaliste et donc l'exercice de la liberté d'expression à des fins professionnelles ne peut être subordonné à la détention d'une carte dont la délivrance est liée à des critères posés par le législateur et contrôlés par un organe professionnel. Indépendamment de toute reconnaissance officielle, devrait pouvoir prétendre à la condition de journaliste et par conséquent invoquer le bénéfice de la présente loi, celui qui exerce effectivement le métier de journaliste qui consiste à collecter et rechercher des données, faits et informations et de les traiter en vue de les communiquer au public. Il s'ensuit que la protection légale du titre professionnel de journaliste telle que prévue par la loi du 30 décembre 1979 sera supprimée. Le Conseil de Presse continue à être investi de la mission d'attribuer des cartes de journaliste, mais la carte délivrée ne constitue désormais plus qu'un titre de preuve de l'exercice de l'activité de journaliste et n'est pas attributive de la qualité de journaliste.

  • Champ d'application quant aux personnes visées. La future loi s'applique à toute personne qui s'exprime par la voie d'un média, la liberté d'expression existant au profit de tout individu, qu'il s'exprime régulièrement dans les médias ou qu'il exerce cette liberté de façon irrégulière, sporadique et accessoire. Ainsi, les obligations prévues par le projet de loi doivent être respectées par toute personne dès lors qu'elle s'exprime par voie d'un média. Quant à la protection des sources, le journaliste est le principal bénéficiaire et les personnes qui ne possèdent pas la qualité de journaliste ne peuvent l'invoquer que si elles ont obtenu les informations susceptibles d'identifier une source à travers leurs relations professionnelles avec le journaliste.

  • Dispositions favorables aux individus mis en cause par une communication publique par voie de média:

    • Entérinant la jurisprudence de nos tribunaux comme celle de la Cour de Strasbourg, le projet de loi réaffirme le principe que dans le domaine des médias, la responsabilité peut être recherchée sur base des articles 1382 et 1383 du code civil. Il est également proposé d'indiquer les droits d'autrui dont le non-respect pourrait constituer une faute au sens des articles précités du code civil.

    • Le projet innove en ce qu'il consacre le droit de chacun au respect de sa présomption d'innocence. En cas d'atteinte, le projet prévoit la réparation du préjudice accordée par voie judiciaire et la possibilité de faire cesser cette atteinte par diffusion d'une information redressant ou rectifiant l'atteinte.

    • Le projet réaffirme le principe de la protection de la vie privée.

    • Il uniformise les règles en matière de droit de réponse, lequel était jusqu'alors soumis à deux réglementations différentes (média électronique, moyen de publication périodique). Désormais également, la mise en cause doit se doubler soit d'une atteinte à l'honneur ou à la réputation, soit de la diffusion de faits inexacts. Les sanctions pénales sont supprimées et remplacées par une procédure rapide au terme de laquelle l'éditeur peut être condamné à diffuser la réponse, au besoin sous astreinte.

    • La création d'un droit d'information postérieure permet à une personne mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale de requérir la diffusion gratuite d'une information. Ce droit a pour but d'obliger les médias à faire le suivi d'une affaire pénale, car souvent les médias suscitent dans le public l'idée que la personne concernée ne soit d'ores et déjà condamnée.

    • Prolongation du délai de prescription pour le droit de réponse à six mois.

    • Possibilité pour tout individu de saisir le Conseil de Presse d'une plainte et extension de l'obligation de transparence pour chaque média afin de porter à la connaissance du public certaines informations relatives au bénéficiaire économique du média concerné.

  • Dispositions favorisant l'exercice de la liberté d'expression:

    • Suppression du principe de la cascade dans le domaine de la responsabilité et remplacement par un système de responsabilité solidaire.

    • Il est également proposé que les journalistes bénéficieront d'une clause de conscience envers leur employeur leur permettant de rompre unilatéralement le contrat de travail tout en touchant les mêmes indemnités que dans l'hypothèse d'une rupture due au refus du salarié d'accepter une modification substantielle de son contrat de travail, notamment dans l'hypothèse d'un changement notable de la ligne éditorial du média.

    • Nouvelle cause d'exonération en matière de responsabilité pénale et civile. La nouvelle loi introduit la possibilité, pour l'auteur d'une information litigieuse et l'éditeur, de s'exonérer et de ne pas encourir de responsabilité lorsqu'ils sont poursuivis sur base de l'article 443 du code pénal ou sur base des articles 1382 et 1383 du code civil pour atteinte à l'honneur ou à la réputation. Dans ces cas et lorsque la preuve de la vérité n'est pas rapportée (la preuve de la vérité, dans les cas où elle est admise, entraîne déjà à l'heure actuelle l'exonération sur le plan pénal), mais que l'auteur et l'éditeur prouvent un intérêt prépondérant du public à connaître l'information en cause et qu'ils avaient au moment de la mise en circulation des raisons suffisantes pour admettre la véracité des faits concernés, ils peuvent s'exonérer, sous réserve toutefois qu'ils se sont comportés en personnes normalement diligentes. Au niveau de la responsabilité civile l'innovation est double, en ce que le texte stipule expressément que la preuve de la vérité des allégations, lorsqu'elle est admise par la loi permet à l'auteur et à l'éditeur de s'exonérer. En l'absence de la preuve de la véracité des faits allégués, ils peuvent s'exonérer moyennant la nouvelle cause d'exonération.

    • D'autres dispositions de l'avant-projet de loi concernent l'allègement des règles en matière de citations, le non-engagement de la responsabilité civile de l'auteur et de l'éditeur pour des diffusions en direct à condition que toutes les diligences nécessaires aient été accomplies et, finalement, la suppression de certaines infractions prévus par la loi et le regroupement des infractions au code pénal.

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