Jean-Claude Juncker: " La monnaie unique n'est pas une affaire de fric, c'est un instrument de paix"

Le jeudi 27 décembre, le journal "Le Jeudi" a publié dans ses pages spéciales consacrées à l'Europe, une interview réalisée avec Monsieur Jean-Claude Juncker, Premier ministre, au sujet de l'Europe.

"Je crois que l'Europe était même incompréhensible au moment où le nombre des Etats membres se limitait à six. Le continent européen est des plus compliqués", remarquait le Premier ministre face aux craintes devant l'élargissement de l'Europe.

Quant au rôle du Grand-Duché en Europe, M. Juncker estimait: "Luxembourg est toujours une des capitales de l'Europe, cela n'est pas menacé, bien que souvent il y ait des velléités pour éroder ce pilier important de notre façon d'être européen. (...) Lorsque l'Union européenne comptait neuf, puis dix, puis douze, puis quinze membres, j'ai entendu toujours les mêmes avertissements, l'expression des mêmes craintes.

(...) Pour un pays de la taille du nôtre, le fait d'être le copropriétaire d'une des principales monnaies de la planète est un gain, en terme de souveraineté, inimaginable il y a quelques décennies."

"Et tant que les nations existeront, et elles le feront pour longtemps encore, le cadre national restera, pour beaucoup d'hommes et de femmes, le premier repère", expliquait le Premier ministre au sujet de ce qui restera des nations dans le contexte de la mondialisation et de l'élargissement. "L'Europe, telle qu'elle est en train de se faire, devra réaliser une intersection intelligente entre les devoirs et les missions qui doivent être ceux de l'Union européenne et l'exercice de compétence par les Etats membres. Vouloir tout décider à Bruxelles ne correspond pas à l'ambiance du temps." Et à M. Juncker de continuer qu'il n'y aurait pas d'opposition à construire entre l'intérêt national et l'intérêt européen.

L'Europe souffre au dire du Premier ministre d'un déficit social: "Tant que je serai présent dans l'univers européen, je continuerai à me battre pour la mise en place de droits sociaux minimaux. (...) L'Europe doit être un continent où l'on ne peut pas licencier comme on veut."

L'euro constitue aux yeux de M. Juncker non pas une affaire de fric, mais un instrument de paix. "L'euro est un signe visible que la construction européenne est devenue largement irréversible."

Devant le constat que l'Europe serait en train de se construire comme on érige une forteresse, Jean-Claude Juncker a noté que "Nous avons des exclus chez nous, au Luxembourg, et ils sont nombreux. Même s'ils n'intéressent pas le plus grand nombre, puisque le plus grand nombre a toujours tendance à considérer que sont exclus ceux qui ne peuvent pas entrer."

"Je crois que l'Europe, à l'égard du monde, doit jeter des ponts de solidarité, construire des liens, non pas caritatifs, mais des liens de solidarité économique et social active. D'où mon insistance à Laeken à nous obliger à redécouvrir l'objectif 0,7% du PNB pour l'aide au développement."

Concernant la lutte contre le terrorisme, il faudrait voir selon M. Juncker, les terres fertiles qui l'alimentent: "On ne peut donc pas faire l'impasse sur les problèmes de pauvreté, de famine, de sous-développement, d'injustice. Le monde est injuste. Et tant qu'il en sera ainsi, nous aurons des projets à nourrir. Je crois que l'Europe qui est riche a l'obligation de ne pas tourner le dos aux continents oubliés."

Source: Le Jeudi - 27 décembre 2001, Supplément Europe, page II

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