"Espace de liberté, de sécurité et de justice": Intervention de Jacques Santer à la Convention européenne

Le 6 juin 2002, le représentant du Premier minister Jean-Claude Juncker à la Convention sur l'avenir de l'Union européenne, M. Jacques Santer, s'est prononcé dans le cadre des travaux de la Convention sur le sujet "Espace de liberté, de sécurité et de justice".


Monsieur le Président,
Chers Collègues,

Le sujet que nous traitons aujourd'hui est éminemment politique. Il reflète une préoccupation majeure des citoyens dans nos Etats. L'aspiration à la sécurité est un droit légitime du citoyen. Force est de constater qu'aucun de nos Etats n'est plus à même de répondre seul à ce besoin fondamental face à des menaces extérieures et intérieures qui se profilent au-delà des frontières. Le crime organisé a su tirer avantage de l'ouverture des frontières. Il s'est en fait mondialisé.

Notre Convention, conformément à son mandat, doit d'abord se concentrer sur tous les projets qui permettent de réconcilier la construction européenne avec les attentes des citoyens, car l'intégration n'a-t-elle pas pour ambition de servir et de protéger les citoyens?

Des progrès ont été réalisés dans la création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice. Mais ils sont insuffisants et compte tenu de l'enjeu, leur mise en oeuvre est trop lente. Le 11 septembre nous a dévoilé les insuffisances de notre action.

Dans ce nouveau contexte, la lutte contre le crime organisé et le terrorisme doit devenir pour l'Union un champ d'action majeur. Comme dans d'autres domaines, l'efficacité de l'action européenne se mesure à la plus-value qu'elle apporte par rapport à l'action nationale. La Communication de la Commission "Un projet pour l'Union Européenne" nous ouvre à cet égard des pistes intéressantes.

En ce qui concerne la lutte plus efficace contre le crime organisé, nous devons renforcer les moyens existants, qu'il s'agisse des capacités d'action d'Europol, de la coopération policière ou de la coopération judiciaire. L'adoption rapide du mandat d'arrêt européen a été un signal utile, encore faut-il qu'il soit mis en oeuvre dans les meilleurs délais. La création d'Eurojust est également une étape importante dans un processus qui devra aboutir à la mise en place d'un procureur européen.

Une rationalisation de nos instruments juridiques me paraît également indispensable à une plus grande efficacité de notre action dans ces domaines.

Le thème de l'immigration a lui aussi pris une place prépondérante dans le débat public de nos pays. Je voudrais d'abord m'insurger contre les voix qui prônent une fermeture de nos frontières. D'une part, nos pays ont besoin d'un certain niveau d'immigration, et, d'autre part, l'Union Européenne doit rester une terre d'accueil pour les réfugiés politiques, conformément aux engagements que nous avons pris dans le cadre de la Convention de Genève.

L'élaboration d'une politique commune en matière d'immigration et d'asile est dans cette perspective absolument nécessaire.

Le problème auquel nous sommes confrontés, parfois de manière dramatique, est celui de l'immigration illégale, souvent organisée par des organisations criminelles. La protection des frontières extérieures devra être organisée plus efficacement et de façon plus solidaire, surtout dans la perspective de l'élargissement.

C'est une des conditions pour préserver un des grands acquis concrets de la construction européenne, à savoir la libre circulation matérialisée par l'espace de Schengen. Dans ce domaine, la généralisation de la méthode communautaire est de mise.

L'importance de la sécurité et d'une meilleure protection ne doit pas nous faire négliger la dimension de l'espace européen de justice, qui comprend la protection de nos libertés et de nos droits. A cet égard, l'inclusion de la Charte européenne des droits fondamentaux dans les textes fondamentaux est primordiale. De même, nous faut-il faire avancer le contenu de la citoyenneté européenne, en définissant, comme le propose la Commission, un corpus de droits et de devoirs qui y sera attaché.

Avant de conclure, j'aimerais insister une fois de plus sur l'importance d'une approche ambitieuse axée sur une action efficace. Dans ce contexte, la question d'un meilleur contrôle démocratique pour le Parlement Européen, mais aussi au niveau des Parlements nationaux, ne doit pas être éludée. De même, le développement d'un espace de liberté, de sécurité et de justice nous oblige-t-il à nous pencher sur un rôle accru de la Cour de Justice.

Finalement, Monsieur le Président, les problèmes de la sécurité, de lutte contre la criminalité et le terrorisme, tout comme ceux liés aux phénomènes de l'immigration, ne peuvent être isolés de leur dimension externe. Il nous faut donc assurer la cohérence avec notre politique étrangère et de sécurité.

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