Le Premier ministre Juncker au "Finanzmarktforum" de la Deutsche Bank

Le Premier ministre, ministre des Finances, Jean-Claude Juncker était l'invité d'honneur du "Luxemburger Finanzmarktforum" organisé pour la 11e fois dans les locaux de la "Deutsche Bank Luxembourg S.A.".

Lors de son discours intitulé "Der Euro - 4 Jahre danach", le Premier ministre a passé en revue les discussions actuelles concernant divers sujets, tels le pacte de stabilité et de croissance, l'harmonisation fiscale ou encore la Convention sur l'avenir de l'Europe.


M. Jean-Claude Juncker lors de son discours au "Finanzmarktforum"

Constatant un certain antagonisme et une certaine nervosité dans les discussions récentes autour du pacte de stabilité, Jean-Claude Juncker a tenu à rappeler que l'idée d'un tel pacte, suite aux décisions de créer une union économique et monétaire, ne relevait pas du romantisme mais d'une crainte réelle qu'un relâchement des efforts des pays membres de l'union économique et monétaire en termes de stabilité pourrait intervenir en période de morosité conjoncturelle. "Nous avons" a dit M. Juncker, "promis à nos citoyens que l'euro serait aussi fort que le furent les monnaies nationales les plus fortes et que la stabilité de la monnaie unique serait garantie".

Les discussions actuelles vont, selon le Premier ministre, dans la mauvaise direction. Dans la lecture luxembourgeoise du pacte de stabilité il était toujours acquis que des éléments de flexibilité existent, notamment en ce qui concerne une réaction adéquate aux aléas de la situation conjoncturelle. Ainsi, le report de la date, jusqu'en 2006, à laquelle les budgets nationaux devront être en équilibre ou excédentaires ne constitue pas un vrai problème, compte tenu de l'engagement de tous les pays, sauf un, de réduire leur déficits structurels de 0,5 point de pourcentage par rapport au PIB à partir de 2003. Le chef du gouvernement luxembourgeois a toutefois critiqué l'attitude de la France de décider unilatéralement de ne réduire ses déficits structurels qu'à partir de 2004. Encore faudrait-il savoir, a demandé M. Juncker, si la France réduira ses déficits structurels de plus de 0,5 point à partir de 2004 pour être au rendez-vous de l'équilibre budgétaire en 2006 ou non.

Partant de ce fait, le Premier ministre a de nouveau insisté sur la nécessité, de plus en plus apparente, d'une coordination des politiques économiques et budgétaires digne de ce nom. Pire encore a dit M. Juncker, "nous assistons pour le moment à une très dangereuse tendance vers la renationalisation des politiques économiques et financières". Un tel scénario est toutefois catastrophique pour la crédibilité de l'Europe en général et de l'euro en particulier. Pour Jean-Claude Juncker il eût été d'ailleurs préférable que les 12 ministres des finances de pays de la zone euro prennent la décision unanime de permettre à certains pays de dépasser temporairement le seuil du déficit de 3% tout en s'engageant de réduire leurs déficits structurels, que d' être confronté à la situation où un pays décide pour lui tout seul de ne pas respecter ses propres engagements. "Si j'étais président de la Commission" a dit Jean-Claude Juncker, "et que je revendiquerais des compétences exclusives en matière de coordination des politiques économiques, je me serais d'abord penché sur ce cas précis d'un pays qui ne respecte pas ses engagements plutôt que réclamer plus de flexibilité pour le pacte de stabilité". Et de continuer: "Réclamer de la flexibilité pour le pacte est très bien, encore faut-il savoir comment le faire".

Dans cet ordre d'idées le Premier ministre a avancé l'idée de faire évoluer l'Eurogroupe en une vraie formation formelle du Conseil avec un président élu de ses membres pour trois ou quatre ans qui partagerait avec la Commission européenne la droit d'initiative en matière de coordination des politiques économiques et financières. Une telle formation permettrait, surtout après l'élargissement de l'Union européenne, d'éviter que les pays membres de la zone euro aient à accepter des décisions du Conseil Ecofin qui pourraient aller à l'encontre de leurs intérêts ou des intérêts de la monnaie unique. Comme l'union économique et monétaire relève de la responsabilité des membres de la zone euro, Jean-Claude Juncker estime que ces pays devraient être mis en mesure de prendre des décisions formelles les concernant. Le Premier ministre a d'ailleurs suggéré que la Convention sur l'avenir de l'Europe et la conférence intergouvernementale qui suivra, devraient également se pencher sur cette question.

Concernant les discussions actuelles sur l'harmonisation fiscale en Europe, notamment la fiscalité de l'épargne, Jean-Claude Juncker a plaidé pour un retour au réalisme. Devant le refus manifeste de la Suisse de considérer l'adoption de l'échange automatique d'informations sur les revenus de l'épargne, à partir de 2010 / 2011 et les incertitudes concernant la position de l'administration américaine dans ce dossier, le Premier ministre estime que la recherche d'une autre solution est devenue inéluctable, surtout si on considère que cette autre solution existe depuis le 1er décembre 1997 quand la présidence luxembourgeoise du Conseil avait fait adopter, à l'unanimité, l'idée du modèle de coexistence, qui laisse le choix aux pays membres de procéder à un échange d'informations avec d'autres pays ou pour les pays qui ne voudront pas de cet échange d'informations ce prélever une retenue à la source sur les revenus des capitaux. Ce modèle qui tient compte des spécificités et intérêts des uns et des autres, serait opérationnel en peu de temps. M. Juncker n'a d'ailleurs pas exclu qu'une évaluation des avantages et désavantages des deux systèmes pourrait intervenir entre 2003 et 2010 / 2011 et que le Conseil pourrait dès lors réouvrir le dossier à la lumière de cette évaluation.

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