Discours de Son Altesse Royale le Grand-Duc prononcé lors du dîner offert par Son Excellence Monsieur le Président et Madame Parvanova à l'occasion de la visite d'État en République de Bulgarie

Monsieur le Président,
Chère Madame Parvanova,
Excellences, Mesdames, Messieurs,

Les mots si chaleureux que vous venez d'employer à mon égard et qui s'adressent également à la Grande-Duchesse comme à mon pays sont empreints d'une grande amitié.

C'est avec enchantement que nous avons envisagé cette visite dans votre pays qui nous le savons regorge de fabuleux trésors d'une valeur inestimable. La cathédrale Alexandre Nevski nous en a fourni la beauté dès cet après-midi.

Monsieur le Président,

Ce premier déplacement officiel d'un chef d'État luxembourgeois à Sofia ne pouvait trouver meilleur moment.

D'aucuns peuvent s'étonner devant pareille affirmation: ne nous sommes-nous pas déjà rencontrés voici peu à Luxembourg lorsque nous avons procédé à la signature d'un acte essentiel pour l'avenir de la Bulgarie?

Ce 25 avril dernier constitue également une échéance cardinale pour le reste de notre continent; à partir de cette date la perspective de voir parachevée une démarche engagée, dont la Grèce a ouvert la voie en 1981 et que Chypre a imitée.

Ce mouvement devrait s'accélérer dans les années à venir: à commencer par la Croatie; ainsi tous les territoires constituant l'ensemble balkanique s'apprêtent à reprendre pied dans la grande famille européenne.

Quant à la Turquie depuis la rencontre ministérielle qui s'est tenue ces jours-ci à Luxembourg, nous savons que désormais au terme de négociations, qui s'annoncent longues et difficiles, elle pourrait adhérer à son tour.

Aussi peut-on dire qu'une autre Europe, différente par sa culture, son histoire, son mode de vie est à présent à notre portée.

Nous espérons en particulier que pour ce qui est de la Bulgarie cela sera chose faite en 2007.

Nous sommes ravis de mieux connaître cette Europe orthodoxe et musulmane avec ses propres traditions et ses propres croyances, héritages des plus prestigieuses civilisations qui ont enrichi notre continent.

Voilà la raison première de notre présence parmi vous, 15 ans seulement après votre affranchissement d'une tutelle dont la quête vous avait tenu en haleine.

Il convient toutefois de constater que l'élan de cette réunification continentale qui a permis l'entrée dans l'Union – d'aucuns diront à marche forcée, de cinq pays d'Europe centrale et de trois pays baltes - s'est incontestablement ralenti.

Les campagnes de ratification du "projet de traité constitutionnel" ont mis en évidence des méfiances ancestrales, nourries à partir d'un sentiment diffus de peur:

  • qu'il s'agit de l'afflux incontrôlé d'immigrés à la recherche d'un emploi;
  • qu'il s'agit des délocalisations d'entreprises;
  • qu'il s'agit de la survie de la notion des services publics pour ne prendre que quelques exemples.

Nos citoyens sont incontestablement perturbés.

Nous savons pourtant que la peur est toujours mauvaise conseillère: elle empêche toute avancée au niveau de l'intégration si essentielle pour faire face aux défis actuels que sont l'interdépendance, la globalisation, la sécurité, la solidarité et le développement durable.

Chacun reconnaît aujourd'hui que la mondialisation constitue pour l'Europe un défi qu'un ancien ministre des Affaires étrangères français n'a pas hésité de qualifier récemment de "tsunami politique".

Cette angoisse devant l'inconnu et la nouveauté qui nous interpellent exigent un sursaut. Même si notre itinéraire se dirige vers un futur dont pour d'évidentes raisons nous n'apercevons pas la fin, je partage la conviction d'un grand recteur d'une université proche de mon pays: cette conviction tient au constat "que la connaissance du passé fonde une meilleure compréhension du présent, et que celle-ci à son tour éclaire les conditions d'émergence du futur".

On dit que l'histoire est bonne à oublier, mais c'est aussi pour cela qu'elle est bonne à savoir.

Si en définitive notre Europe apparaît comme une mosaïque de cultures et de langues, nous savons aujourd'hui, que cet apparent morcellement recèle des éléments fédérateurs, vecteurs de cohérence et d'unité.  A partir de cette perception, le défi pour nos gouvernements est de remettre le modèle légué par les pères fondateurs sur les rails.

Monsieur le Président,
Excellences, Mesdames, Messieurs,

Un observateur averti a rappelé récemment dans sa chronique que "la question d'Orient" occupait une place importante dans l'histoire européenne.

Elle témoigne à son tour de luttes inexpiables qui ont divisé les peuples du contient, et ce jusque dans les années 1990.

Les efforts de réconciliation entrepris par nous Européens ont eu comme objectif de surmonter ce passé, non à l'oublier.

Avec l'entrée imminente dans l'Union Européenne de la Bulgarie comme de la Roumanie et au lendemain de la réunification historique de 2004, les comptes du 20e siècle sont définitivement soldés.

Excellences, Mesdames, Messieurs,

C'est avec cette conviction que la Grande-Duchesse et moi-même, nous vous invitons à lever votre verre et à boire à la santé du Président de la République et de Madame Parvanova, à la prospérité de la République de Bulgarie, au bonheur de ses citoyens, à l'entente et à l'amitié entre nos deux nations dans un monde pacifique et solidaire.

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