Discours de Jacques Santer, ministre d'État honoraire, président du Conseil d'administration de la Fondation "Musée d'art moderne Grand-Duc Jean"

Seul le texte prononcé fait foi

Altesses Royales,
Chers invités d’honneur,
Excellences, Mesdames, Messieurs,

En ma qualité de Président du Conseil d’Administration de la Fondation du Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean - (MUDAM) - je m’en voudrais de ne pas remercier en premier lieu le Gouvernement de nous avoir légué aujourd’hui ce magnifique immeuble, véritable joyau de l’architecture moderne qui porte de façon indéniable et méconnaissable la marque d’Ieoh Ming PEI que je salue cordialement.

Ce n’est en effet que l’engagement, voire la farouche détermination des gouvernements successifs, de mon propre successeur le Premier ministre Jean-Claude Juncker et plus particulièrement des ministres directement concernés, les ministres des Travaux publics Robert Goebbels, du ministre cumulant à la fois les Travaux publics et la Culture Erna Hennicot-Schoepges et de leurs responsables actuels ainsi que des fonctionnaires de leurs départements que cette grande œuvre ait pu aboutir. Je tiens à les remercier bien vivement.

Altesses Royales Monseigneur le Grand-Duc Henri et Madame la Grande-Duchesse,

En ce jour de fête pour tous ceux - artistes, amateurs d’art, éducateurs, personnalités culturelles et politiques - qui, depuis presque quinze ans ont œuvré pour que cette œuvre voie le jour, Vous avez daigné Vous y associer à l’occasion des festivités commémorant Vos Noces d’argent avec un certain nombre de Vos invités personnels; cette charmante attention ne fait que souligner le caractère festif de la manifestation d’aujourd’hui et nous honore. Bien sûr nous nous y associons de tout cœur et formulons nos meilleurs vœux de bonheur et prospérité pour Vous-même et Votre charmante famille.

Monseigneur le Grand-Duc Jean,

C’est avec respect mais surtout avec grande émotion que je m’adresse à Vous. Car en quelque sorte cette manifestation Vous est dédiée en reconnaissance et en hommage. Lorsque le Gouvernement que j’avais l’honneur de présider a décidé le 6 octobre 1989 à l’occasion de la commémoration du 25e anniversaire de Votre règne de conférer à ce Musée-Centre d’art contemporain - Votre nom - n’était-ce pas le symbole le plus caractéristique de Votre long règne? Si Votre bien aimée Mère la Grande-Duchesse Charlotte, figure emblématique de la Résistance pendant le 2e Guerre mondiale, a dû reconstruire un pays meurtri par les souffrances subies pendant l’occupation et les dévastations causées par la guerre, Votre règne a été celui de l’affirmation du Luxembourg comme un Etat moderne ancré dans la communauté internationale et européenne, ouvrant de nouveaux horizons de développement industriel, économique et financier! En jetant le pont de notre capitale plus que millénaire vers un nouveau plateau de développement urbanistique tout en intégrant les vestiges de notre forteresse en donnant ainsi un avenir à notre passé, s’ouvrant sur le centre européen avec ses nombreuses institutions et pointant vers le secteur important des services, ce monument contemporain est susceptible de visualiser le Luxembourg moderne, celui qui entame avec confiance et sérénité le 21e siècle. Vous devez avoir la grande satisfaction, Monseigneur, de voir associée à cette œuvre votre charmante épouse, la regrettée Grande-Duchesse Joséphine Charlotte qui avait pris une part active et inestimable au développement des arts et sciences du fait qu’elle patronne l’immeuble de la Philharmonie située en face de ce musée. Peut-on imaginer une symbiose plus parfaite de Votre couple qui reste ainsi ancrée dans la mémoire de Vos compatriotes?

Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,

"Le Musée est une institution permanente, sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public et qui fait des recherches concernant les témoins matériels de l’homme et de son environnement, acquiert ceux-là, les conserve, les communique et notamment les expose à des fins d’études, d’éducation et de délectation". Telle est la judicieuse définition du Musée donnée par l’Organisation professionnelle internationale qui fédère tous les Musées, l’ICOM, et dont nous faisons partie.

Aujourd’hui plus que jamais cette définition prend toute sa dimension. Dans son discours inaugural à l’occasion du 250e anniversaire de la naissance de Mozart, Nicolaus Harnoncourt a forgé certaines formules qui doivent être pour nous autant d’orientations: "Die Kunst ist ein wesentlicher Bestandteil des menschlichen Lebens, sie ist uns geschenkt als Gegengewicht zum Praktischen, zum Nützlichen, zum Verwertbaren. Es leuchtet mir ein, was manche Philosophen sagen dass es die Kunst ist, die den Menschen zum Menschen macht. Sie ist ein unerklärliches Zaubergeschenk, eine magische Sprache. Die letzte Generationen haben ihr Schwergewicht immer mehr und mehr auf das unmittelbare Verwendbare gelegt, - man meint wohl, die Glückserwartung scheine nur im Materiellen zu liegen: Glück wird mit Wohlstand und Wohlstand mit Besitz gleichgesetzt … Wenn zu Rechnen, Schreiben und Lesen nicht die Kunsterziehung gleichgewichtig hinzutritt, wenn das Nützlichkeitsdenken alles beherrscht - und wir sind nahe daran - dann besteht höchste Gefahr, dass der Materialismus und die Raffgier zur götzenhaften Religion unserer Zeit werden." (En traduction: "L’art est un élément essentiel de l’existence humaine. Il nous a été offert pour faire contrepoids au monde pratique, matériel et utilitaire. –Je fais totalement mienne la pensée de certains philosophes qui estiment que c’est l’art qui constitue l’essence de l’être humain. C’est un cadeau merveilleux et inexplicable, un langage magique. Les dernières générations ont, de plus en plus, favorisé ce qui est directement utilitaire - et considéré somme toute que la notion de bonheur ne reposait que sur le monde matériel: le bonheur réside dans l’aisance matérielle, et l’aisance matérielle correspond à la notion de possession ….

Si l’on ne met pas l’éducation artistique au même rang que le calcul, l’écriture et la lecture, si tout est dominé par une pensée utilitaire - et nous sommes très près de franchir ce pas - alors nous courrons le danger extrême de voir le matérialisme et l’appât du gain se transformer en religion idolâtre de notre temps.")

Il m’importe aujourd’hui moins que l’art jouisse d’une grande attention dans ses domaines de pointe, il m’importe plutôt d’éviter que ses formes merveilleuses restent sans écho parce que personne n’en comprend plus le langage. L’art contemporain en particulier ne doit pas être le langage secret élaboré par et pour le compte d’une minorité arrogante, fière, privilégiée voire élitiste. Chacun au contraire doit pouvoir recevoir son message, participer à ses richesses à condition qu’on oriente ses antennes dans la bonne direction dès la prime jeunesse.

C’est dans cet esprit que nous avons cherché à œuvrer durant cette longue phase de préfiguration qui touche maintenant à sa fin. Marie-Claude Beaud, notre directrice a réussi depuis 2000 à développer, petit à petit, dans un environnement certes pas toujours favorable, un réseau national mais bien sûr aussi international afin que dans cette phase un peu complexe d’attente du bâtiment, phase certainement frustrante pour elle, le public tout comme les médias et le milieu de l’art puissent vérifier et apprécier notre existence en tant que lieu de culture, même sans murs. Un point d’orgue fut certainement le 14 juin 2003 lorsque, pour la première fois dans notre histoire, le Lion d’Or fut attribué au pavillon luxembourgeois à la Biennale de Venise, présentant à l’initiative et sous le contrôle de Marie-Claude Beaud l’œuvre d’une artiste luxembourgeoise Su-Mei Tse. C’est, à ne point douter, la consécration dans cette confrontation internationale de haut niveau, du talent de notre directrice. Je n’hésite pas à le dire à cette occasion: nous étions surpris certes, mais heureux et fiers !

Le Musée tel que nous le découvrons aujourd’hui est un bâtiment magnifique certes, mais la collection est toute aussi passionnante. Composée de 230 œuvres, elle doit être en prise directe avec notre société. Pour faire parler Marie-Claude Beaud, le processus de production, voire la technique choisie pour réaliser l’œuvre importe peu. De la photographie à la peinture, du dessin à la vidéo, du multimédia à la mode, du design au graphisme, du son à l’architecture, tous ces secteurs servent l’imaginaire sans cesse renouvelé des artistes. Alors comment ne pas être attentif à toutes ces évolutions lorsqu’on crée un Musée au 21e siècle, ce lieu unique de rencontre, de partage, d’espace critique et de plaisir, cette véritable plate-forme de savoir et de création ?

Dans ce contexte je voudrais remercier les membres du Comité scientifique qui ont conseillé et orienté la directrice dans la composition de la collection, à savoir Carmen GIMENEZ, curateur du Guggenheim Museum de New York, Paul REILES, directeur du Musée d’histoire et d’art de Luxembourg, Stephan SCHMIDT-WULFFEN de l’Académie des Beaux-arts de Vienne, et Sir Nicholas SEROTA, directeur de la Tate Gallery de Londres. Un mot particulier de remerciements à nos fidèles mécènes avec l’espoir bien sûr que leur nombre va se multiplier à l’avenir.

(Vous me permettrez de prononcer en conclusion quelques paroles en langue nationale)

Monseigneur, Madame,
Leif Eiregäscht, Dir Dammen an Dir Hären,

Ech war emmer faszineiert vun der Feststellung, datt dei zeitgenössche Artisten, dei eis Gesellschaft prägen a vou et esou vill Wiesselbeziongen get, vun hiren Matbierger net unerkannt oder esoguer verkannt gin. Dat wor virun 200 Joer de Fall, ewei dei scheinste Wierker vun engem Mozart net apprécieiert goufen, dat wor esou an der neieren Zeit ewei ganz Konschtstreimungen ob Im- oder Expressionisten oder eenzel Artisten Modigliani, Van Gogh oder virun 100 Joer de Cézanne keen Zougang zu hirer Gesellschaft font hun. An dach musse en net soen datt all Konscht emmer zu jidder Zeit zeitgenössesch wir.

"All art has been contemporary" seet eng Oeuvre vum Maurizio Nannucci dei den Aquarium vum Casino-Forum d’art contemporain illumineiert. Fir eng Afeierung a Versteesdemech an dei modern, zeitgenössesch Konscht ze kreien steet de MUDAM. Hien soll en Atelier, e Laboratoire fir Geigenwartskulturen sin. Hie sollt een offent Haus sin, ewou all Leit aus allen Schichten vun der Bevölkerung, besonnesch vun jongen Joeren un, Freed dru fannen an t’Konscht agefeiert ze gin. Hie soll zesummen a komplementär mat deenen anere Kulturinstitutiounen koopereieren an iwert eis Grenzen ewech e bedeitende Kulturträger fir eis Groussregion gin. T’Viraussetzungen sin ewell geschaafen. Et ass un eis dess Substanz ze valoriseieren; dann ass desst Gebei dei bescht Investitioun an t’Zukunft vun eisem Land.

Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,

Je voudrais maintenant conclure en vous remerciant de votre attention "and now Ladies and Gentlemen Be the artist’s guests".

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