François Biltgen à Paris à l'occasion des festivités du Centenaire du ministère du Travail français

Le 25 octobre 2006, date du centième anniversaire de la création du ministère français du Travail et de la Prévoyance sociale, François Biltgen, ministre du Travail et de l’Emploi, a participé à une Journée de célébration à Paris au Carrousel du Louvre, sur invitation de Gérard Larcher, ministre français délégué à l’Emploi, au Travail et à l’Insertion professionnelle des jeunes.

Cette célébration, placée sous le haut patronage du Président de la République et réunissant une audience de plus de 500 personnes, dont notamment des anciens ministres et les présidents et secrétaires généraux des organisations patronales et syndicales, ainsi que la plupart de leurs prédécesseurs, était l’occasion de valoriser l’histoire sociale et d’éclairer l’avenir du ministère, partie prenante du monde du travail et des relations sociales, et acteur essentiel des grands enjeux de la société de demain, dans un contexte européen et international en forte mutation.

Depuis sa création en 1906 par Georges Clemenceau, les compétences du ministère du Travail n’ont cessé de s’élargir: au départ chargé de la seule inspection du travail, ses domaines d’intervention se sont au fil du temps étendus aux salaires, à la négociation collective, aux congés payés, à la durée du travail, à la sécurité sociale et aux politiques de l’emploi. Il va de soi que beaucoup des initiatives du Ministère français ont eu des répercussions sur le droit du travail luxembourgeois.

Au cours de la matinée, les nombreux participants à cet événement ont eu la possibilité d’avoir une vue intégrale des importants travaux et avancées réalisées par cette administration au cours du dernier siècle grâce à une exposition sur le thème de l’histoire du ministère dans les locaux du Carrousel du Louvre, mais également grâce à la projection d’un film du Centenaire, réalisé spécialement pour cette occasion.

Pour donner toute l’ampleur à cette manifestation, des intervenants de renom étaient invités à débattre dans le cadre de tables rondes sur trois thèmes majeurs: l’histoire sociale et l’histoire du ministère, l’Europe sociale, le dialogue social et la négociation collective.

François Biltgen avait l’honneur d’intervenir lors de la seconde table ronde consacrée au thème de l’Europe sociale et de débattre avec d’éminents orateurs, à savoir Jacques Delors, ancien ministre et ancien président de la Commission européenne, Jacques Barrot, ancien ministre du Travail et commissaire européen aux transports, Roger Briesch, ancien président du Comité économique et social européen, Emilio Gabaglio, ancien secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats et François Périgot, président de l’Organisation internationale des employeurs, président d’honneur du Medef et du Medef International.

En guise d’introduction aux débats, Jacques Delors, grand témoin de cette table ronde, a présenté un exposé de l’évolution des politiques de l’Union européenne en matière sociale, développement auquel il a personnellement contribué de manière significative. Des premières réunions de Val Duchesse en 1985, qui ont marqué l’émergence d’un véritable dialogue social capable de prendre part aux propositions législatives européennes, au protocole sur la politique sociale de 1989, au Traité de Maastricht en 1992, les initiatives de Jacques Delors ont joué un rôle décisif pour associer les partenaires sociaux aux avancées de la construction européenne et cette période a permis d’ouvrir la voie au grand travail législatif d’aujourd’hui.

Malgré le fait qu’aujourd’hui les politiques en matière de travail et d’emploi restent pour l’essentiel des politiques nationales et malgré la persistance de modèles sociaux bien divergents et d’oppositions marquées sur certains sujets sociaux en Europe, Jacques Delors, a insisté sur sa conviction que le salariat reste aujourd’hui la seule variable d’ajustement de la mondialisation. Ce qui distingue aujourd’hui l’Union européenne, c’est la conception partagée par les États membres d’un attachement résolu à la justice sociale. Dans ce contexte, l’ancien président de la Commission européenne a également approuvé la solidarité entre les États membres à travers les politiques structurelles et les aides régionales, ainsi que la solidarité de l’Union européenne en matière d’aide humanitaire.

Les intervenants étaient unanimes sur le fait que même si elle semble actuellement piétiner dans ses progrès, l’Europe sociale existe bel et bien et que l’Union européenne a créé un cadre pour stimuler les politiques sociales, comprenant à la fois une dimension législative, une dimension politique et la dimension du dialogue social. Parmi les acquis en matière sociale, ont notamment été mentionnés l’égalité entre hommes et femmes, les minima sociaux, les conditions de travail, les mesures liées à la libre circulation des travailleurs.

François Biltgen a à son tour identifié trois grandes valeurs communes de l’Europe sociale: la solidarité entre les générations, le dialogue social et la valeur du travail par rapport à l’emploi. En effet, le ministre a souligné que l’emploi est avant tout une valeur économique alors que le travail reste une valeur essentiellement humaine. L’emploi est nécessaire, mais seulement le travail lui attribue une dignité humaine.

Les intervenants étaient cependant d’accord à concéder qu’une opposition idéologique assidue entre les États membres semble aujourd’hui mettre en cause l’avancement des travaux en matière sociale, alors que d’aucuns mettent en avant la primauté de la liberté contractuelle. C’est pourquoi à l’avenir, il faudra relancer le processus européen et marquer une volonté politique de repartir de l’avant, notamment en mettant un terme à la "période de réflexion" en ce qui concerne le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, afin de redonner confiance et des perspectives aux citoyens.

L’Europe devrait en outre renforcer la solidarité entre ses citoyens afin de rester viable. Ainsi, Jacques Delors a notamment proposé l’idée, partagée par François Biltgen, d’un salaire social minimum en Europe, certes différentes selon les États membres, afin de donner une nouvelle dimension au social dans l’Union européenne. Le ministre du Travail et de l’Emploi luxembourgeois voit cet élément comme essentiel pour constituer un socle minimum de droit du travail, auquel il aimerait également voir ajouté la protection contre le licenciement individuel.

Pour Jacques Delors, une autre question clé sera le devenir de l’Union économique et monétaire (UEM). Pour le moment, il n’y a pas d’équilibre entre l’économique et le monétaire, alors que l’UEM devrait aller plus loin et devenir un instrument de progrès économique et social pour les Européens et un facteur de stabilité pour l’économie mondiale dans son ensemble. Pour y parvenir, l’équilibre devrait être réalisé, comme cela est le cas au niveau de chaque pays, entre le pôle économique et le pôle monétaire. Un échec de l’UEM consacrera très probablement l’échec de l’Union européenne. Il faudra, à l’avenir réunir les efforts afin d’empêcher que l’aboutissement de l’Union économique et monétaire ne soit freinée par quelques pays.

C’est sur ce point que Jacques Delors a conclu ses réflexions, très agréablement accueillies par le public, en rendant hommage au Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, à ses yeux le plus grand Européen d’aujourd’hui, et en lui souhaitant du succès dans ses missions de rééquilibrage de l’UEM en tant que président de l’Eurogroupe.

Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale a clôturé cette manifestation, en félicitant les invités d’avoir contribué à cette journée amplement réussie et mémorable. Finalement, le ministre a remercié tous les collaborateurs de son administration, qu’il considère comme la plus importante administration nationale, d’avoir activement contribué à un siècle d’engagement au service du travail.

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