François Biltgen et Mars Di Bartolomeo présentent les résultats des discussions sur l'introduction d'un statut unique pour salariés

Le ministre du Travail et de l'Emploi, François Biltgen, et le ministre de la Santé et de la Sécurité sociale, Mars Di Bartolomeo, ont présenté le 15 février 2007 les résultats des discussions au sein de la tripartite sur l'introduction d'un statut unique pour salariés ainsi que les conclusions qui en ont été dégagées.

François Biltgen et Mars Di Bartolomeo ont d'emblée expliqué les raisons de l'introduction du statut unique.

Pourquoi un statut unique?

  • L’harmonisation des statuts des ouvriers et des employés privés fait partie intégrante des accords tripartite et les différents partenaires ont confirmé leur volonté d’adhérer au principe du statut unique.
  • Le statut unique permettra de mettre fin aux distinctions, voir discriminations surannées entre ouvrier et employé privé et donnera lieu à un Code du travail applicable uniformément à tous les salariés de droit privé.
  • Le statut unique apportera un avantage compétitif en abaissant le niveau général des taux des cotisations sociales.
  • Le statut unique apportera une simplification administrative en faveur des employeurs.
  • Le statut unique permettra la fusion des caisses de maladie et des caisses de pension du secteur privé et conduira à la création d’une seule chambre professionnelle des salariés du secteur privé et d’un seul tribunal du travail.
  • Le statut unique s’insert donc dans la politique de modernisation des structures et d’une plus grande efficacité de ces structures.
  • Le statut unique apportera à tous les salariés à salaires bruts égaux aussi des salaires nets égaux.

La continuation de la rémunération (Lohnfortzahlung)

Actuellement l’employé privé bénéficie en cas d’incapacité de travail de la continuation de la rémunération pour le mois de la survenance de l’incapacité et les trois mois suivants (13-17 semaines au maximum); la caisse maladie intervient le cas échéant à partir du quatrième mois. Pour l’ouvrier, l’indemnisation incombe à la caisse de maladie à partir du 1er jour. Aussi, les taux de cotisation pour les prestations en espèces (Krankengeld) accusent-ils des différences significatives:

  • Dans le régime "ouvrier" le taux actuel est de 4,7% (2,35% à charge de l’employeur et 2,35% à charge de l’ouvrier)
  • Dans le régime "employés privés" le taux est actuellement de 0,2% (0,10% à charge de l’employeur et 0,10% à charge de l’employé privé).

À rémunération brute égale, l’ouvrier dispose donc d’un revenu semi-net moindre que l’employé privé.

Dans le système de généralisation de la continuation de la rémunération (Lohnfortzahlung) envisagé dans le cadre de la réalisation du statut unique l’employeur indemnisera les 13 premières semaines de l’incapacité de travail, l’assurance maladie intervenant, le cas échéant, pour le reste de la période d’indemnisation.

Dans le cadre de la nouvelle communauté de risque regroupant tous les salariés du secteur privé, le taux de cotisation unique pour les prestations en espèces sera de l’ordre de 0,5%

La procédure simplifiée pour la déclaration du personnel engagé dans les ménages privés sera maintenue.

Le modèle de compensation des charges

La charge globale supplémentaire pour les employeurs induite par la généralisation de la continuation de la rémunération pendant 13 semaines est au maximum égal à 0,51% du coût salarial total. Toutefois, grâce aux changements de comportement induits par cette généralisation on peut s’attendre à une réduction jusqu’à concurrence de 0,28% du coût salarial.. Pour situer l’ampleur de cette charge supplémentaire, il faut rappeler que le décalage d’une tranche indiciaire d’un mois au cours d’une année correspond à 0,208% du coût salarial. Ainsi le décalage de 4 mois de la tranche indiciaire en 2006 a apporté une réduction du coût salarial de l’ordre de 0,83%. Si l’on doit dès lors fortement nuancer l’impact financier de l’introduction du statut unique pour l’économie dans son ensemble, l’on ne peut pas nier que cet impact peut être plus sensible pour certains secteurs.

Une phase transitoire de cinq ans à partir de l’introduction du statut unique en 2009 - en fait il s’agit d’une phase de sept ans, si l’on y ajoute les deux années prévues pour la mise en place du statut unique - devra permettre aux entreprises et aux partenaires sociaux de s’adapter au nouveau système.

Pour parer aux problèmes spécifiques, le gouvernement propose un modèle de compensation reposant sur plusieurs piliers:

Affectation du différentiel "ouvrier": pendant une première étape de trois ans, à partir de la mise en place du statut unique, les entreprises occupant du personnel ouvrier bénéficieront, en dehors de la réduction de leur part de cotisation résultant de la différence entre leur taux actuel (2,35%) et le taux de cotisation futur (0,5:2=0,25), du différentiel sur la part "assuré". L’ouvrier récupérera progressivement le différentiel "assuré" à partir de quatrième année.

Pour l’affectation du "différentiel ouvrier" deux mécanismes sont envisageables au niveau des mesures législatives transitoires:

    • L’employeur est autorisé à retenir sur la rémunération brute de l’ouvrier le "différentiel ouvrier". Dans cette solution il faut préciser que cette retenue est à assimiler aux fins de l’application de l’article 109 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu à une cotisation versée en raison de l’affiliation obligatoire au titre de l’article 110, numéro 1 de la prédite loi.
    • La retenue est opérée sur la rémunération de l’ouvrier au profit de la sécurité sociale, qui la bonifie à l’employeur au titre de ses autres cotisations de sécurité sociale.

Mutualisation des risques de l’employeur: pour les PME le gouvernement en accord avec les employeurs propose une mutualisation des risques, dans le cadre de laquelle il faudra cibler les mesures sur des entreprises qui en ont vraiment besoin et miser autant que possible sur la solidarité des entreprises. Le gouvernement est disposé à mettre à la disposition de la mutualité, pour laquelle les employeurs proposeront les formes et les modalités d’intervention, un fonds de roulement de démarrage et à lui prêter l’assistance technique des organismes de sécurité sociale.

Réduction sélective des charges par la réforme de l’assurance accidents: la réforme du financement de l’assurance accident pourrait contribuer à diminuer les effets de l’introduction du statut unique sur certains secteurs économiques grevés d’un taux de cotisations élevé en matière d’assurance accident.

Base de calcul de l’indemnisation en cas d’incapacité de travail: en vue d’une bonne application du système de prise en charge de la maladie il se recommande que l’assiette de calcul de l’indemnité pécuniaire de maladie puisse s’établir directement sur la rémunération payée par l’employeur au cours de l’obligation patronale. Une harmonisation des dispositions du CAS (article 10) et du Code du travail (article L. 121-6, paragraphe 3) s’indique. Ainsi la base de calcul sera désormais celle de l’article L.121-6 du Code du travail. La question de l’applicabilité de ce régime pendant la phase transitoire sera analysée.

Bilan intermédiaire: tous les partenaires conviennent de se retrouver au même niveau dans un délai de trois ans après la mise en vigueur du statut unique, afin de faire le bilan des mesures nouvelles introduites, notamment sous l’aspect de la neutralité financière pour l’économie dans son ensemble. Il est entendu que les dispositions légales du statut unique ne peuvent être remises en cause à ce moment, mais qu’en cas de problèmes dûment constatés des mesures complémentaires pourront être prises, telles par exemple des mesures fiscales, sous forme d’abattement ou de crédit d’impôt, permettant une meilleure déductibilité fiscale du risque maladie.

Maîtrise de l’absentéisme: le gouvernement invite les partenaires sociaux à faire, de concert avec lui-même et les organismes publics compétents, de la maîtrise de l’absentéisme en général une priorité, de profiter du délai jusqu’à la mise en vigueur du statut unique pour s’engager dans une démarche commune afin de prendre des mesures positives tendant à la responsabilisation de tous les acteurs pour agir sur les causes de l’absentéisme et d’envisager des mesures pour enrayer les abus dûment constatés. Le gouvernement propose de suite l’institution d’un groupe de haut niveau qui devra, de concert avec la quadripartite, établir un état des lieux et un programme d’action permettant la maîtrise de l’absentéisme.

Le gouvernement et les partenaires sociaux conviennent d’intensifier les efforts en vue de maintenir les cotisations sociales au niveau le plus bas possible.

L’adaptation du droit du travail

Les indemnités de départ des ouvriers seront adaptées à celles des employés privés pour les anciennetés de service continus de vingt années au moins.

Trimestre de faveur: les conjoints et partenaires assimilés bénéficieront en cas de décès d’un salarié ouvrier d’un trimestre de faveur identique à celui alloué en cas du décès d’un salarié employé privé. La législation sera adaptée de sorte qu’en cas de décès du salarié le dernier traitement soit versée au conjoint ou partenaire survivant par l’employeur, la pension de survie due au titre de l’assurance pension lui étant versée à titre de compensation. Il en résultera une charge amoindrie pour les employeurs d’employés et un léger surcoût pour les employeurs d’ouvriers. Globalement les employeurs réaliseront une économie à ce titre.

Unicité de la convention collective de travail: le gouvernement n’entend plus revenir sur le principe introduit par la loi du 30 juin 2004 sur les relations collectives de travail et codifié à l’article L. 163-8 du Code du travail qui n’exclut du champ d’application des conventions collectives que les cadres supérieurs y définis. Pour tenir compte des situations spécifiques de certaines conventions collectives actuellement en vigueur (notamment quant à celles couvrant actuellement qu’une seule catégorie de salariés), on pourrait prévoir des clauses dérogatoires voire transitoires.

Heures supplémentaires: se basant sur l’accord dit PAN de 1999 le gouvernement recommande de fixer le principe de la compensation de chaque heure supplémentaire par une heure de temps libre rémunéré majorée d’une demi-heure de temps libre rémunéré.

Ce n’est plus que dans des cas exceptionnels que la majoration pourra être monnayée. Si l’employeur ne peut compenser par du temps libre dans un temps déterminé la majoration d’une demi-heure est payée à raison de x% du salaire horaire normal.

Le salarié peut cependant exiger à tout moment le paiement de la majoration d’une demi-heure. Dans ce cas elle est payée à raison de y% du salaire horaire normal, sauf disposition conventionnelle plus favorable.

Si le salarié quitte l’entreprise pour une raison quelconque avant d’avoir pu compenser les heures supplémentaires prestées, le taux de majoration de la demi-heure sera de x% (dans les propositions du gouvernement présentées le 6 février 2007 aux partenaires sociaux, les taux de x et de y % étaient fixés à 50% et 25%).

Le gouvernement réfléchit actuellement sur la fixation d’autres taux de majoration, qui ne seraient plus cotisables en matière de sécurité sociale.

Spécificités des secteurs HORECA et Transports: il convient d’appliquer à ces secteurs une approche qui tient compte de la spécificité et de la nature du travail actuellement effectué par le personnel ouvrier.

Délégations du personnel: afin de simplifier la transition entre le régime actuellement en place et le nouveau système, en ce qui concerne les entreprises ayant à la fois une délégation d’ouvriers et une délégation d’employés privés, le projet de loi instituant le statut unique va prévoir pour ce qui concerne la composition des nouvelles délégations uniques du personnel une disposition transitoire, qui couvrira en principe la période quinquennale de 2008 à 2013.

Comités mixtes et sociétés anonymes: les dispositions des textes relatifs aux comités mixtes et sociétés anonymes sont modifiées dans un esprit de neutralité en se limitant à toutes les références relatives aux deux statuts sans aucune autre modification quant au fond.

Pensions complémentaires: compte tenu du système de financement des régimes complémentaires l’introduction du statut unique ne peut-il avoir pour effet de conférer des droits acquis à des personnes pour lesquelles n’ont pas été constituées des provisions ou pour lesquelles des cotisations n’ont pas été versées. Des adaptations nécessaires des plans de pensions sont à examiner dans le cadre du dialogue social au niveau des entreprises. Deux mesures législatives sont envisagées:

  • l’introduction du statut unique ne peut avoir pour effet d’étendre de plein droit le champ d’application personnel d’un plan de pension;
  • l’article 8 de la loi sur les régimes complémentaires de pension devra être aménagé de sorte à permettre une différenciation des plans suivant l’entrée en service ou l’admission à un plan de pension.

Les fusions des chambres professionnelles et des juridictions du travail

Chambres professionnelles et élections sociales: en ce qui concerne la fusion de la Chambre de travail et la Chambre des employés privés et les élections sociales, le gouvernement s’attend à une proposition conjointe.

La possibilité d’une extension de l’électorat pour les chambres professionnelles aux retraités a été a été évoquée, de sorte que l’on pourrait éviter une élection spécifique pour les organismes de sécurité sociale.

Juridictions du travail: le département du Travail et de l’Emploi se concertera avec le département de la Justice pour adapter le dispositif légal applicable aux juridictions du travail.

La fusion des caisses de maladie et des caisses de pension

L’introduction du statut unique rendra superfétatoire, voir impossible l’affiliation à des organismes de sécurité sociale distincts suivant le statut socioprofessionnel. Le statut unique ouvrira dès lors la perspective de regroupements et de réalignements dans l’organisation administrative de la sécurité sociale. Cette réorganisation devra avoir comme objectif d’optimiser et de rationaliser les services.

Une révision des structures organisationnelles de la sécurité sociale devrait être dictée principalement par le souci d’organiser au mieux l’accessibilité des assurés à leurs droits en matière de sécurité sociale par une structure transparente, rationnelle et efficace.

Le regroupement pourrait s’opérer autour de caisses nationales d’après les différentes branches de risques? Ainsi seraient créées en dehors du Centre commun de la sécurité sociale, de la Caisse nationale des prestations familiales et de l’Association d’assurance contre les accidents:

  • Une Caisse nationale d’assurance maladie, par le regroupement de l’Union des caisses de maladie, les caisses de maladie des salariés du secteur privé et des caisses de maladie des non-salariés. En phase avec les conclusions de la tripartite les caisses de maladie du secteur public seront maintenues avec leurs compétences d’attributions actuelles, limitées au remboursement des prestations aux assurés.
  • Une Caisse nationale de pension, par le regroupement des 4 caisses de pension du régime général et du Fonds de compensation.

Les agences de la Caisse de maladie des ouvriers pourraient être reprises, sous l’égide du Centre commun de la sécurité sociale comme agences locales pour l’ensemble de la sécurité sociale opérant comme "guichet unique multifonctionnel".

Le modèle de gouvernance des différents organismes de sécurité sociale devrait s’inspirer de celui en vigueur auprès de l’UCM, de l’OAS et de la CPEP dans lequel les partenaires sociaux figurent paritairement; l’Etat étant représenté par un président fonctionnaire.

Les réformes institutionnelles envisagées devraient permettre un réalignement de l’organisation et des procédures des différents organismes de sécurité sociale. En termes d’objectifs stratégiques il y a lieu:

  • de répondre à l’attente des organismes d’atteindre une meilleure gestion des procédures;
  • d’améliorer la communication entre les organismes et le Centre informatique de la sécurité sociale (CISS);
  • de mettre à terme à la disposition l’accès des assurés aux services de la sécurité sociale à travers des guichets uniques;
  • subsidiairement, de permettre un contrôle efficace de la gestion.

La définition de processus centrés sur les assurés nécessite la mise en place d’un cadre méthodologique commun. A cet égard il est important de maintenir le Centre commun comme organisme centralisateur des opérations informatiques de la sécurité sociale opérant en concertation étroite avec les cellules méthodologiques des différents organismes.

Une réforme des structures institutionnelles devait aller de pair avec une uniformisation des règles de la tutelle administrative suivant le modèle UCM /CM et Fonds de compensation.

Calendrier de la mise en place du statut unique

Lors de leurs travaux les partenaires sociaux et le gouvernement sont convenus de faire abstraction de solutions envisageant un passage progressif vers le statut unique. Le statut unique prendra pleinement effet à la date du 1er janvier 2009, à la suite des élections sociales qui auront lieu en automne 2008. De sorte à faire élire les membres pour les mandats à pourvoir suivant la nouvelle organisation de la chambre professionnelle et des organismes de sécurité sociale, la loi portant introduction du statut unique devrait être adoptée jusqu’à la fin 2007, étant donné qu’un certain nombre de règlements d’application devront être adaptés début 2008 en amont des élections sociales.

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