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Jean-Marie Halsdorf présente les grands traits de la réforme territoriale du Luxembourg
Dans son discours, le ministre a cerné les quatre piliers de la réforme projetée:
- les principes fondamentaux de l’État,
- la nouvelle répartition des compétences entre l’État et les communes,
- l’aménagement du territoire,
- le volet communal.
Le plan de travail que le gouvernement s’est fixé pour mettre en œuvre cette réforme débutera par une phase de concertation avec le Syvicol et les communes concernées et aboutira en 2010 à une nouvelle cartographie du paysage communal. Parallèlement les plans sectoriels primaires seront finalisés et entreront en vigueur. La création des premières communautés urbaines et la préparation du référendum sur le nouveau paysage communal clôtureront ce processus. Le nouveau système sera applicable pour les élections communales de 2017. Dans la foulée de ces réformes les cantons et les districts actuels disparaîtront et le contrôle étatique sur les communes sera redéfini.
Introduction
En début de conférence, le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire a souligné qu’une réforme territoriale du Grand-Duché de Luxembourg s’est avérée une nécessité absolue afin de rendre l’ensemble du territoire compétitif, équilibré et coordonné.
Au mois de novembre 2003, la Chambre des députés avait par ailleurs lancé le débat en la matière notamment en ce qui concerne la répartition des compétences entre d’une part, l’État luxembourgeois et d’autre part, les communes.
Par ailleurs, la déclaration gouvernementale de 2004 a précisé que le gouvernement entamerait les démarches nécessaires afin de doter le pays d’un service public et de structures territoriales en mesure de répondre aux attentes et aux défis du 21e siècle.
Ainsi, la Chambre des députés a constitué fin 2004 une commission spéciale ayant pour mission de dégager, conjointement avec le ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, les grandes lignes visant à terme une réforme territoriale en vue de moderniser les structures actuelles.
Au mois de mai 2005, le ministre en charge de l’aménagement du territoire a présenté un concept intégratif en matière de réforme territoriale et administrative.
Pendant deux années, des discussions intensives ont été menées à ce sujet avec l’ensemble des forces vives concernées par cette thématique.
Finalement, la commission spéciale de la Chambre des députés a établi d’une part, un questionnaire adressé au gouvernement luxembourgeois et d’autre part, un second questionnaire adressé aux fractions politiques afin de dégager des positions claires concernant différents points en matière de réforme territoriale.
Position du gouvernement luxembourgeois concernant la réforme territoriale et sa réalisation
1. Les principes fondamentaux de l’État sont maintenus
Les principes fondamentaux concernent:
- la souveraineté de l’État: l’État demeurera unitaire et de cela en découle le principe de la légalité;
- l’autonomie des communes: résultat de la délégation de compétences de l’État aux communes;
- le fonctionnement des institutions: les institutions luxembourgeoises fonctionnent selon les principes de déconcentration et de la décentralisation (conformément au Programme directeur);
- le principe de subsidiarité.
Les principes susmentionnés conditionnent les réflexions sous-jacentes à la réforme projetée.
2. La répartition des compétences
La réforme territoriale et administrative n’envisage pas de grands changements tout en prévoyant quelques ajustements dans les domaines suivants.
a) Politique des déchets
En matière de politique des déchets, la loi du 17 juin 1994 définit clairement que les communes sont responsables en matière de gestion des déchets du fait qu’elles disposent d’une plus grande liberté concernant l’organisation de ce service.
Le rôle du gouvernement en la matière est celui d’un coordinateur actif agissant à trois niveaux:
- au niveau de la définition des résultats à atteindre,
- au niveau de la mise en place de mesures concrètes pouvant être éventuellement des missions principales (un exemple en est la "Superdréckskescht fir Betriiber"),
- et au niveau du suivi et de la concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.
b) Nouvelles énergies et énergies renouvelables
Dans le cadre des engagements pris par le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg concernant le protocole de Kyoto, l’association des communes a été recherchée. Ceci vaut notamment pour les mesures visant l’économie d’énergies ainsi que pour l’usage des énergies renouvelables (par exemple dans le cadre des nouvelles constructions ou de transformation des équipements et bâtiments communaux).
Le premier plan d’action du gouvernement (26 avril 2006) en matière de réduction des émissions, dont le l’objectif principal vise précisément l’économie d’énergies et l’usage des énergies renouvelables, prévoit une collaboration étroite entre l’État et les communes.
Par ailleurs, l’État soutient financièrement les communes qui s’engagent dans leurs projets pour un usage rationnel de l’énergie ou qui recourent aux énergies renouvelables.
Il est important et absolument indispensable que les communes soutiennent l’État dans la mise en oeuvre des politiques nationales en la matière. À cet effet, un cadre sera établi à l’adresse des communes qui précisera leur rôle dans le contexte des engagements du protocole de Kyoto. Ce cadre devant par ailleurs permettre aux communes de mieux agencer leur contribution en vue d’atteindre les objectifs que l’État s’est proposé dans ses engagements.
c) Enseignement musical
La loi portant sur l’enseignement musical existe depuis dix ans et l’expérience accumulée pendant cette période, démontre que des adaptations sont nécessaires notamment et tout particulièrement en ce qui concerne le financement de cette activité. La commission spéciale de la Chambre des députés ainsi que le Syvicol se sont clairement prononcés pour une offre obligatoire de l’enseignement musical de base par les communes. Cela ne signifie cependant pas que chaque commune doit elle-même organiser sur son territoire des cours de musique. Mais cette position requiert que chaque commune participe à l’avenir au financement des cours de musique ne se tenant pas sur son territoire mais toutefois fréquentés par ses propres habitants.
Avec cette répartition équitable, les problèmes rencontrés ces dernières années par certains établissements offrant un enseignement musical pourront être résolus.
d) Infrastructures
Quatre types d’infrastructures sont concernés:
- les infrastructures sportives,
- les infrastructures culturelles,
- les infrastructures pour le troisième âge
- et les infrastructures pour les jeunes.
Dans ces quatre domaines, il est prévu de prendre en considération davantage les critères territoriaux.
Des commissions interministérielles auront ainsi pour mission d’aviser ces types d’infrastructures qui devront être en conformité avec les dispositions en matière d’aménagement du territoire.
Cette façon de procéder permettra de renforcer la centralité des CDA (Centres de développement et d’attraction). Le moment venu et à partir des expériences encourues, des plans sectoriels pourront être établis. Le domaine des sports peut dans ce contexte être pris comme exemple puisque des réflexions ont déjà été entamées.
Il est à noter que la Direction de l’aménagement du territoire dispose depuis peu d’une base de données exhaustive - aussi bien spatiales que statistiques - concernant les infrastructures sportives et culturelles ou encore les foyers pour personnes âgées.
3. L’aménagement du territoire
a) La loi sur l’aménagement du territoire
Cette loi devra être adaptée, non pas parce qu’elle serait mauvaise mais tout simplement parce qu’aujourd’hui, quelques 8 ans après son entrée en vigueur, nous disposons d’éléments nouveaux et d’expériences pratiques que nous n’avions pas encore en 1999. Pour ces raisons et pour des raisons de simplification administrative, des adaptations ponctuelles doivent être opérées afin d’accélérer la mise en place des plans sectoriels.
b) Les plans sectoriels
Les travaux avancent bien et les deux plans sectoriels primaires sur le transport et les grands ensembles paysagers seront prêts dans le courant de l’année 2008.
c) Le complexe volet communal et régional
Le paysage communal changera de manière fondamentale. Ce changement s’opérera à travers une collaboration étroite entre le MIAT et le Syvicol ainsi qu’à travers des discussions menées avec les communes dans les régions. Sur base de ces consultations, le gouvernement proposera une nouvelle cartographie sur le paysage communal d’ici 2010.
Le concept des régions sera maintenu et ces dernières seront rendues vivantes et viables.
Comment y arrivera-t-on?
Dans une première phase, l’aménagement du territoire sera doté de moyens matériels et humains.
En ce qui concerne le débat sur les fonds régionaux, il s’agira de rendre ces régions vivantes et viables et de les faire fonctionner.
En attendant, les flux financiers seront répartis prioritairement en fonction de critères plus régionaux. Comme c’est déjà le cas pour les zones régionales au nord, à l’est et bientôt également à l’ouest avec le création du ZARO(uest).
Ceci peut également se faire par le biais des demandes de subsides à adresser par les régions aux différents ministères qui aviseront les projets au sein de leurs différentes commissions interdépartementales en fonction notamment de critères spatiaux afin de renforcer ainsi la centralité des CDA (Centres de développement et d’attraction).
Il est clair également qu’il existe un lien entre le volet régional et communal dans le sens que les frontières des régions devront être adaptées à la lumière du nouveau paysage communal et des communautés urbaines et qu’il faudra garder en mémoire que nous avons d’un côté des régions urbaines avec des communautés urbaines et de l’autre côté des régions rurales avec de forts syndicats à vocation multiple.
Qu’est-ce qu’il faut entendre par "communauté urbaine" suivant le modèle luxembourgeois ?
Il s’agit de créer, au-dessus des communes d’une agglomération, une entité forte disposant de certaines compétences définies et ainsi d’une certaine autonomie dans les domaines des finances, du personnel et de son patrimoine sans que les communes de l’agglomération, par opposition à la fusion, ne cessent d’exister. Les principales compétences de ces communautés sont l’élaboration des PAG, la mobilité, les ZAE et les infrastructures régionales.
Les premiers pas dans cette direction ont déjà été réalisés par la signature des conventions Nordstad ou dans le sud-ouest de la Ville de Luxembourg.
Les réflexions actuellement menées au sein de la région Sud du pays vont dans la même direction.
Je me propose de déposer un projet de loi relatif aux communautés urbaines que j’ai déjà discuté avec les partenaires concernés.
Au vu de la complexité du volet "aménagement du territoire" dans le cadre de la réforme territoriale, il est important de se doter d’un plan de travail jusqu’en 2017:
- début 2009: premières propositions de la part du MIAT et du Syvicol;
- début 2010: proposition de carte de la part du gouvernement;
- parallèlement, finalisation et entrée en vigueur des 4 plans sectoriels primaires qui sont: Transport, Zones d’activités économiques, Logement et Grands ensembles paysagers;
- création des premières communautés urbaines;
- préparation du référendum sur le nouveau paysage communal dans les communes concernées en 2017.
Il va sans dire que dans la foulée de ces réformes, les cantons et les districts disparaîtront.
4. Le volet communal
a) Le congé politique
L’augmentation du congé politique ne constitue qu’une étape parmi d’autres dans le processus que nous allons entamer. L’échéancier évoluera parallèlement aux autres étapes et je m’orienterai au modèle tel que présenté par le SYVICOL qui représente le consensus entre les communes.
b) Le personnel communal
Des communes plus grandes et plus fortes ont besoin de trois piliers dans la structure de leur personnel:
- un service administratif (secrétariat, population, état-civil, service scolaire);
- un service financier avec de nouvelles tâches;
- un service technique tel que prévu dans la loi du 19 mai 2004 sur l’aménagement communal.
Un fonctionnaire sera chargé de la coordination de ces trois services; il s’agit en principe du secrétaire communal alors que dans les communes plus grandes (à partir de 10.000 habitants) il pourra s’agir d’un fonctionnaire-directeur.
En ce qui concerne le statut du personnel communal, le fonctionnariat restera la règle pour les activités relevant du "core-business" des communes alors que pour d’autres domaines il y aura une ouverture pour le recrutement ponctuel de salariés qualifiés d’autres secteurs.
c) Les finances communales
Les mécanismes pour permettre une évolution des recettes communales parallèlement à celles de l’État seront mis en place tel qu’indiqué dans la déclaration gouvernementale.
Les missions nouvelles qui seront attribuées aux communes entraineront une adaptation des moyens financiers mis à la disposition des collectivités locales.
En ce qui concerne la composition de l’enveloppe globale que l’État met à disposition du secteur communal, il ya lieu de voir quel sera le paysage communal en 2017 et de réagir en conséquence.
d) Séparation des mandats et bourgmestre à plein temps
Une réponse définitive à cette question ne saura être donnée qu’à la fin du processus de réforme alors que la discussion sur la séparation des mandats est largement tributaire du nombre et de la taille des communes.
Je pourrais m’imaginer que les communes de plus de 10.000 habitants disposeront d’un bourgmestre à plein temps
La réforme projetée de l’actuel système du congé politique fera en sorte que dans les collectivités de plus de 10.000 habitants le bourgmestre disposera d’assez de congé politique pour pouvoir exercer son mandat à plein temps.
e) Contrôle de l’État
Du maintien de l’État luxembourgeois en tant qu’État unitaire, il en résulte le principe de la légalité. Cette légalité doit bien évidemment être contrôlée afin de garantir une application homogène du droit et des lois sur l’ensemble du territoire luxembourgeois et ce dans l’intérêt de tous les citoyens du Grand-Duché.
Afin d’ajuster ce contrôle aux exigences du 21e siècle, il est indispensable de renforcer l’autonomie des communes. Ce renforcement se traduisant par conséquent également dans une plus grande responsabilité communale.
Le principe de "tutelle d’approbation" actuel sera ainsi remplacé par un dialogue permanent entre le commissaire de district et les communes. Le juge administratif tranchera en dernière instance dans les cas où un arrangement ne peut être conclu.
À moyen terme, cette réorganisation aura pour conséquence que le ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire se concentrera essentiellement sur l’élaboration et la mise en oeuvre des textes légaux et réglementaires. De même, les commissariats de districts seront regroupés dans une même administration tout en restant rattachés au ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire.
Conclusions
Le processus qui s’est étalé sur plusieurs années a été certes long et difficile mais les résultats obtenus sont satisfaisants puisque l’objectif principal a été atteint, celui de la mise en oeuvre d’une profonde réforme territoriale.
Les résultats des travaux de la commission spéciale de la Chambre des députés doivent être considérés comme cohérents et adaptés à la nécessité.
De plus, la récente prise de position du Syvicol est accueillie favorablement puisqu’elle ouvre des perspectives qui permettront d’atteindre un consensus équilibré. Une première réunion entre le ministre et le Syvicol est par ailleurs prévue pour le 12 février 2008 au cours de laquelle devrait se dégager une démarche commune afin de mettre en oeuvre cette réforme.
Finalement, le gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg s’est engagé à relever les défis découlant de cette réforme et entend à ce sujet:
- rencontrer pendant douze mois, conjointement avec le Syvicol, l’ensemble des communes afin de discuter des modalités concernant les fusions de communes;
- établir en un an un ensemble de solutions cohérentes et intégratives;
- mettre en place une nouvelle organisation communale à l’horizon 2017 afin de doter, après les élections communales, le pays de nouvelles structures répondant aux attentes et exigences du 21e siècle.
Dans ses mots de conclusions, le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire a souligné que le pays s’est donné une opportunité historique pour mener à bien une réforme fondamentale au service de l’ensemble des citoyens du Grand-Duché de Luxembourg. Et il est de sa ferme volonté d’atteindre cet objectif dans les meilleurs délais et en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés.