Prise de position de Jean Asselborn, par rapport au communiqué de presse du Collectif Réfugiés du 22 mars 2018

Le ministre de l’Immigration et de l’Asile entend prendre position par rapport au communiqué de presse du Collectif Réfugiés du 22 mars 2018.

1. Rétention de familles

La durée de rétention maximale pour familles avec enfants a été augmentée de 72 heures à 7 jours par la loi du 8 mars 2017. En se référant à la "directive retours", qui constitue la pierre angulaire du dispositif de retours au sein de l’Union européenne, il a été critiqué par la Commission européenne dans l’évaluation Schengen en matière de retours, que les 72 heures de rétention ne permettent pas de garantir une effectivité suffisante en matière de retours.

Au niveau interne, cette modification législative s’est également avérée incontournable en vue d’une amélioration nécessaire de l’organisation et du déroulement des retours forcés. Nombreux sont les exemples dans ce contexte où la limitation à 72 heures a rendu difficile l’exécution de retours forcés. Il est fréquent que des membres de familles se soient cachés lorsque la police des étrangers essaye de les amener au Findel en vue de leur éloignement. La police a besoin de plus de temps pour retrouver toutes les personnes à éloigner et ceci surtout quand il est question d’un vol retour par charter.

Il arrive également que des problèmes avec les "traffic and landing rights" se présentent juste avant une mission de retour forcé par charter. La durée de rétention de 72 heures s’avère donc trop courte pour régler ces problèmes.

Au niveau judiciaire, nombreuses sont les personnes à éloigner qui essayent d’empêcher leur rapatriement via une requête de référé devant le tribunal administratif. L’augmentation de la durée de rétention permet donc aux instances judiciaires d’analyser en bonne et due forme cette requête. En cas de gain de cause dans le chef de l’État, il reste alors assez de temps pour l’organisation d’une action de retour. Dans l’ensemble et au vu de ces éléments, le but a été de contrecarrer ces abus de la part de demandeurs de protection internationale déboutés et de personnes en séjour irrégulier.

Signalons encore qu’en pratique, la durée de rétention pour familles avec enfants est largement inférieure au maximum prévu de 7 jours. En effet, depuis l’entrée en vigueur de la loi en mars 2017, elle n’a que légèrement augmenté à 3,46 jours. Il n’est donc pas question de parler d’abus et les autorités font un maximum pour limiter cette durée de rétention. Entre mars et décembre 2017, 94 membres de famille ont séjourné au Centre de rétention en vue d’un éloignement. En 2018, aucun membre de famille n’a encore séjourné au Centre.

Il est néanmoins rappelé, que la priorité du gouvernement reste de promouvoir les retours volontaires et ceci surtout pour les familles avec enfants. Chaque personne est invitée à un entretien afin de lui expliquer les avantages et aides éventuelles en cas d’un retour volontaire.

En 2016, sur 569 retours, seulement 113 personnes ont été éloignées par la force et 456 personnes ont fait objet d’un retour volontaire. En 2017, sur 514 retours, 154 personnes ont été éloignées par la force et 360 sont parties de manière volontaire.

2. Structure d’hébergement d’urgence Kirchberg (SHUK)

La SHUK héberge des demandeurs de protection internationale dont les empreintes digitales sont déjà enregistrées dans le système Eurodac. La SHUK constitue en effet une alternative à un placement au Centre de rétention et non une alternative à l’accueil. Pour les personnes assignées, le Luxembourg ne constitue pas l’État où elles ont déposé leur première demande d’asile, voire lequel est responsable pour le traitement de leur demande ou le retour en ce qui concerne les personnes déboutées.

Alors que la SHUK a été mise en place pour faciliter les opérations de transfert dans le chef de la police, en évitant que cette dernière se voit obligée de passer chez plusieurs foyers pour organiser un transfert, elle revêt aussi un caractère symbolique pour lutter contre les mouvements secondaires. N’oublions pas que les mouvements secondaires ont justement mis à mal le fonctionnement de l’espace Schengen. Les personnes assignées ne sont pas dans le même cas de figure que les personnes qui ont déposé leur première demande au Luxembourg. La structure a justement comme but d’éviter que les personnes tombant sous le champ d’application de Dublin s’acclimatent au Luxembourg. Elle vise aussi à limiter les nouvelles arrivées de mouvements secondaires tout en favorisant les transferts volontaires vers les pays responsables. La SHUK a aussi comme objet de lutter contre les abus.

En revanche, même si la SHUK est, de prime abord, moins accueillante qu’un foyer ordinaire, il ne peut pas être question de parler d’une situation précaire. Soulignons qu’un encadrement psychosocial est garanti avec 4 agents spécifiquement recrutés à cette fin. Alors que la capacité d’accueil maximale d’une tente est effectivement de 12 personnes, les personnes sont réparties sur les 18 tentes qui sont disponibles! Ainsi, avec 60 personnes actuellement à la SHUK on arrive à moins de 3,5 personnes par tente. En parallèle, les aides matérielles qui sont mises à la disposition des personnes assignées ne diffèrent pas des aides dont bénéficient les personnes logées dans un foyer de l’OLAI.

Depuis l’ouverture de la SHUK, la présence moyenne en jours des personnes assignées s’élève à 30 jours. Quelques rares cas ont été assignés au-delà de six mois. Ceci est notamment dû au délai de réponse des autres États membres et au temps d’organisation des transferts. De surcroît, il ne faut pas oublier que nombreuses sont les personnes qui disparaissent pour empêcher leur transfert, voire qui retournent volontairement dans l’État membre responsable. Les assignations sont renouvelables à plusieurs reprises sans pour autant dépasser la durée de 12 mois.

3. Délais de transfert

Rappelons que l’introduction d’un recours devant le tribunal administratif ne revêt pas un caractère suspensif en matière de transfert Dublin.

Un délai de 15 jours à partir de la notification de la décision de transfert est systématiquement respecté avant de procéder à un transfert Dublin. En parallèle, chaque personne concernée peut déposer une requête de référé devant les juridictions administratives. Enfin, dès le dépôt d’une requête de référé, le transfert est systématiquement suspendu en attendant l’ordonnance de référé.

Il est vrai que dans un seul cas récent, le transfert a eu lieu en parallèle au dépôt d’un référé. Le référé avait été déposé alors que le transfert par avion avait déjà été entamé, rendant la suspension matérielle du transfert impossible. D’ailleurs, le juge des référés n’a pas donné satisfaction à la partie demanderesse. Il faut également rappeler la responsabilité des avocats qui ont intérêt à déposer les requêtes de référé en temps utile.

Communiqué par la Direction de l'immigration/ ministère des Affaires étrangères et européennes

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