Le Comité du risque systémique recommande à la CSSF d'activer certaines mesures légales prévues pour l'octroi de prêts immobiliers

Après une analyse approfondie de l'évolution récente du marché de l'immobilier résidentiel au Luxembourg, le Comité du risque systémique (CdRS) a recommandé, lors de sa séance du 9 novembre 2020, à la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) d'activer la loi du 4 décembre 2019 pour atténuer l'accumulation des vulnérabilités liés à des crédits immobiliers résidentiels.

Les mesures recommandées sont prévues d'être activées à partir du 1er janvier 2021. Elles sont en ligne avec la recommandation adressée par le Conseil européen du risque systémique (CERS) en date du 27 juin 2019 au Luxembourg. Cette dernière faisait état de l'existence, à moyen terme, de vulnérabilités en raison de la croissance soutenue des prix immobiliers et d'un niveau d'endettement des ménages en constante progression. Le CERS avait souligné à cette occasion qu'une telle menace potentielle pour la stabilité financière n'était pas propre au Luxembourg, mais qu'elle est commune à plusieurs États membres de l'Union.

Au cours des cinq dernières années, les prix de l'immobilier résidentiel ont poursuivi leur progression avec un taux de croissance annuel moyen de 7,2% (et même de 13,9% au premier trimestre 2020). Sur la même période, les crédits immobiliers aux ménages ont connu une croissance soutenue, y compris durant la période de la crise sanitaire actuelle ( +9,4% au troisième trimestre 2020).

Pour atténuer la progression de l'endettement des ménages et éviter un risque de surchauffe, le CdRS recommande à la CSSF de fixer de nouvelles conditions d'attribution de crédits destinés au financement de l'acquisition de biens immobiliers à usage résidentiel situés sur le territoire luxembourgeois (borrower based measures).

La fixation de nouveaux standards a pour objectif premier de limiter l'émergence d'un endettement excessif des ménages, lequel demeure un facteur de baisse de la consommation et de l'épargne nécessaire à une croissance économique robuste. Par ailleurs, elle contribuera à restreindre la spéculation.

Le rapport LTV (Loan-To-Value) que la recommandation invite la CSSF à mettre en place, décrit le rapport entre la somme de tous les prêts ou tranches de prêts accordés à des emprunteurs de biens immobiliers résidentiels et la valeur du bien au moment du montage du prêt. Ce rapport LTV est différencié selon plusieurs critères socio-économiques.

Le principe général consiste en la fixation d'une limite maximale de 80% pour le rapport LTV pour tout crédit, y compris ceux destinés à l'investissement locatif (buy to let). Toutefois, le CdRS recommande à la CSSF de permettre aux établissements prêteurs de déroger à ce principe en fixant des limites spécifiques pour les primo-acquéreurs ainsi que pour les autres acquéreurs d'une résidence principale.

En effet, la mesure prise par le CdRS ne vise nullement à priver les jeunes ménages de la possibilité d'acquérir une résidence principale. Les établissements prêteurs peuvent poursuivre l'attribution de crédits aux primo-acquéreurs couvrant jusqu'à l'intégralité de la valeur du bien immobilier, sans, toutefois, aller au-delà d'un rapport LTV de 100%, lorsque ceci ne compromet ni leur propre solvabilité ni celle des emprunteurs.

Une limite maximale de 90% du LTV est instaurée pour les autres acquéreurs d'une résidence principale, à savoir ceux qui sont déjà propriétaire de leur résidence principale et souhaitent en acquérir une nouvelle. Cette limite peut être portée par l'établissement prêteur sous certaines conditions à 100%.

La recommandation émise par le CdRS s'inscrit également dans la lignée des mesures présentées dans le cadre du projet de budget 2021 pour contrecarrer la spéculation immobilière, en particulier la réduction du taux de l'amortissement accéléré et l'introduction d'un prélèvement immobilier pour les fonds d'investissement spécialisés investissant dans le secteur immobilier au Luxembourg.

Afin de prévenir l'évitement des limites prévues à travers un recours à des établissements prêteurs dans les pays limitrophes, le CdRS recommande à la CSSF de demander aux autorités nationales compétentes des autres États membres de reconnaître les limites prévues par ladite recommandation. Cette réciprocité de la mesure par les pays limitrophes a comme objectif d'éviter une distorsion du marché de crédit et/ou l'installation d'une concurrence déloyale de la part d'acteurs externes à l'économie domestique.

Le Comité continuera à faire le suivi de l'évolution du marché immobilier résidentiel au Luxembourg et du respect des bonnes pratiques en matière d'octroi de crédit par les établissements prêteurs. Il portera une attention particulière aux pratiques en matière de durée maximale des crédits immobiliers résidentiels et évaluera la nécessité de recommander des mesures complémentaires prévues par la loi.

Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, en sa qualité de président du CdRS, après en avoir informé le Conseil de gouvernement, a présenté la décision du CdRS à la Commission des finances et du budget (Cofibu) en date du 18 novembre 2020.

Résumé de la mesure

 

Type de prêt

Seuil*

Marge de tolérance**

Limite LTV*

Prêt destiné à un bien occupé par un primo-acquéreur

LTV ≤ 100%

0%

 

Prêt destiné à un bien occupé par son propriétaire

LTV ≤ 90%

Possibilité d’aller jusqu’à un LTV de 100% pour des crédits représentant au plus 15% de la production annuelle de ce type de prêt.

 

Prêt destiné à un autre bien immobilier, en ce compris l’investissement locatif

LTV ≤ 80%

0%

* Les limites indiquées s’appliquent à la nouvelle production annuelle des crédits immobiliers.

** Autorisation pour les établissements prêteurs d'accorder des prêts avec des LTV au-delà du seuil défini, en pourcentage de leur production annuelle. 

Communiqué par le Comité du risque systémique (CdRS)