Introduction d'un droit pénal pour mineurs et réforme en profondeur de la protection de la jeunesse

Le 29 mars 2022, la ministre de la Justice, Sam Tanson, et le ministre de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse, Claude Meisch, ont présenté la loi créant un droit pénal pour mineurs au Luxembourg. La réforme de la protection de la jeunesse et avec elle la séparation entre les volets protection de la jeunesse et droit pénal pour mineurs concrétisent des éléments importants de l'accord de coalition 2018-2023 et honorent un engagement pris en 2019 par le Luxembourg vis-à-vis du Comité des droits de l'enfant des Nations unies.

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    (de g. à dr.) Claude Meisch, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse ; Sam Tanson, ministre de la Justice ; Renate Winter, experte internationale en droits de l’enfant

    (de g. à dr.) Claude Meisch, ministre de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse ; Sam Tanson, ministre de la Justice ; Renate Winter, experte internationale en droits de l’enfant

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    Photo de groupe

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Selon l'experte internationale en droits de l'enfant Renate Winter*, "la réforme de la loi sur la protection de la jeunesse et la séparation entre droit de la protection et droit pénal, qui en découle, ouvrent la voie à une administration et une justice adaptées aux enfants, dans lesquelles les enfants agissent en tant que sujets de droit".

Une réforme de la protection de la jeunesse conforme à la Convention internationale des droits de l'enfant

Le ministre Claude Meisch a souligné qu'"en séparant protection de la jeunesse et droit pénal pour mineurs, le Luxembourg ne fait pas que respecter une obligation internationale. L'Office national de l'enfant voit aussi sa mission prendre une direction davantage axée sur la prévention".

Un Office national de l'enfance fort pour des familles fortes: une action préventive, éducative et participative

L'Office national de l'enfance (ONE) est une administration du ministère de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse, qui apporte une aide aux enfants et aux jeunes adultes en détresse et à leurs familles.

La nouvelle loi renforce l'ONE et élargit ses compétences à l'éducation et la prévention. Grâce à son approche holistique de la prise en charge de l'ensemble de la famille, l'ONE considèrera désormais la famille comme un partenaire égal et accompagnera celle-ci tant dans la planification que dans la mise en œuvre des mesures d'aide.

L'ONE se voit également renforcé dans l'aide qu'il apporte aux familles volontaires et dans sa mission de prévention: il pourra intervenir avant qu'un problème ne surgisse et soutenir les parents dans leur rôle d'éducateur. La responsabilité parentale et le droit de l'enfant à vivre avec sa famille sont ainsi confortés. L'ONE privilégiera ainsi les aides volontaires.

Une alternative de la pratique actuelle de signalement est également mise en place. Elle facilitera une orientation rapide vers le service compétent; elle permettra d'offrir, dans les meilleurs délais, une aide adaptée à la diversité des situations.

Renforcement de la qualité

Ensemble avec les prestataires, l'ONE conduira une démarche collaborative et participative pour développer la qualité dans le secteur sur base du cadre de référence de l'aide à l'enfance et à la famille. Le focus sur le concept de protection de la jeunesse et de l'enfance constitue une part intégrale de la démarche qualité.

Renforcement des familles d'accueil

Les familles d'accueil se voient renforcées comme prestataires de l'aide à l'enfance et à la famille avec la régularisation de leur statut, dont la possibilité de choisir le statut d'indépendant.

Procédure judiciaire

Dans le cadre de la procédure judiciaire, les garanties procédurales sont renforcées. Ainsi, le mineur est obligatoirement assisté par un avocat et son droit d'être entendu est réaffirmé. Dans la mesure du possible, le mineur doit être gardé dans son milieu familial. Les parents gardent l'autorité parentale et le prestataire chargé de l'exécution des mesures d'accueil aura le droit d'accomplir les actes usuels relevant de l'autorité parentale.

Introduction d'un droit pénal pour mineurs en conflit avec la loi

Les projets de loi présentés constituent un véritable changement de paradigme. Conformément aux recommandations du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, ils opèrent une séparation entre dispositions relatives aux mineurs étant poursuivis pour avoir commis une infraction pénale et dispositions relatives aux mineurs nécessitant des mesures d'aide, de soutien et de protection. Un troisième projet de loi vise quant à lui à renforcer les droits des mineurs victimes ou témoins d'infractions pénales.

Dans ce contexte, les projets de loi sont le fruit de concertations avec Renate Winter, experte en matière de droits de l'enfant et ancienne présidente du Comité des droits de l'enfant de l'ONU.

Introduction d'un âge minimum de responsabilité pénale et mesures de diversion

Le projet de loi portant introduction d'un droit pénal pour mineurs instaure une procédure pénale adaptée aux besoins et à la particulière vulnérabilité du mineur ayant atteint l'âge de la responsabilité pénale qui est fixé à 14 ans. Le projet de loi prévoit à cet effet l'application de principe du Code pénal et du Code de procédure pénale, tout en énonçant des dispositions dérogatoires davantage adaptées au mineur. Il poursuit un objectif éducatif et réhabilitatif, la privation de liberté du mineur étant l'ultime recours et étant strictement encadrée et limitée. Il s'inscrit également dans une logique de déjudiciarisation, alors qu'il accorde une place prioritaire aux mesures de diversion, visant à offrir au mineur ayant commis une infraction minime une alternative aux sanctions pénales. Le mineur pourra, avec son accord, être soumis à une mesure dans le cadre de laquelle il est amené à réaliser une action positive qui contribuera davantage à sa responsabilisation (p.ex. prestation éducative d'intérêt général).

Création de juridictions pénales pour mineurs

Du fait de la création d'un véritable droit pénal pour mineurs, des changements structurels sont également de mise. Des juridictions exclusivement compétentes en matière de droit pénal pour mineurs seront créées. En parallèle, la création de nouvelles structures et de nouveaux services en matière de droit pénal pour mineurs, notamment au niveau du Service central d'assistance sociale (SCAS), est prévue.

Des garanties procédurales pour le mineur

En outre, le projet de loi prévoit des garanties procédurales renforcées pour les mineurs poursuivis du chef d'une infraction pénale. L'accompagnement du mineur par ses représentants légaux ainsi que l'assistance par un avocat pendant la procédure pénale sont notamment garantis.

Les droits et garanties procédurales de mineurs victimes ou témoins d'infractions pénales sont également renforcés, notamment par le biais de mesures de nature à garantir une protection et un suivi adéquat du mineur, non seulement par des professionnels spécialisés, mais également par une personne de confiance que le mineur pourra désigner afin de le soutenir pendant la procédure pénale.

Bien qu'une séparation stricte entre protection des mineurs et droit pénal des mineurs soit prévue, les différents projets de loi se caractérisent également par leur complémentarité alors que des passerelles sont prévues de part et d'autre afin de garantir un encadrement optimal du mineur concerné.

 

*Renate Winter, experte internationale, a grandement contribué à porter la présente réforme sur les fonts baptismaux. D'abord juge en Autriche à partir de 1981, Renate Winter a commencé sa carrière internationale à l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) à Vienne. Son expertise couvre la justice juvénile, les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité, les questions de genre, le crime organisé et la justice réparatrice. Elle a servi en tant que juge international à la Cour suprême du Kosovo dans le cadre de la mission de l'ONU. Elle a également été nommée au Tribunal spécial pour la Sierra Leone en 2002. En 2013, elle est devenue membre du Comité des droits de l'enfant de l'ONU, dont elle fut alternativement vice-présidente (2015-2017, 2019-2021) et présidente (2017-2019). Elle conseille le gouvernement luxembourgeois sur la réforme de la loi de 1992 relative à la protection de la jeunesse.
 

Communiqué par le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enfance et de la Jeunesse et le ministère de la Justice

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