Discours prononcé par Lydie Polfer lors du dîner de gala des Chambres de commerce étrangères établies à Luxembourg

Hôtel Le Royal, le 26 janvier 2000

Excellences,
Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi tout d'abord de vous dire combien j'ai été honorée d'avoir été approchée pour être l'orateur à ce tout premier dîner de gala des chambres de commerce étrangères à Luxembourg. C'est donc avec grand plaisir que j'ai accepté l'invitation de prendre la parole devant vous ce soir.

On m'a demandé de vous entretenir de la politique luxembourgeoise en matière de commerce extérieur. Je crois que, pour bien situer les orientations actuelles de la politique de promotion du commerce extérieur, il est indispensable de faire un petit tour en arrière. En effet, il est clair que la structure de nos échanges est le fruit des mutations qu'a subies l'économie luxembourgeoise dans son ensemble tout au long de la période d'après-guerre.

En 1960, les métaux représentaient 83.1% des exportations luxembourgeoises ; en 1998 leur part relative était tombée à 30.9%. D'autre part, au niveau de la structure de l'économie, l'importance des services dans la somme des valeurs ajoutées est passée de 43% en 1970, à 78.2% en 1997. Ces chiffres illustrent à eux tous seuls l'ampleur des changements structurels intervenus au niveau de l'économie luxembourgeoise pendant ces derniers 40 ans.

Que s'est-il passé pendant cette période ?

Comme beaucoup de pays européens, le Luxembourg a été fortement affecté par la crise sidérurgique du milieu des années 70. Pourtant, une véritable récession a pu être évitée.

Pourquoi ? D'une part, un vaste programme de restructuration de l'industrie sidérurgique a été lancé, programme qui, je pense, a porté ses fruits si l'on considère que l'Arbed est aujourd'hui le 3e producteur d'acier au monde. D'autre part, il y a eu une prise de conscience de la part de nos décideurs politiques dès les années 60, que le monolithisme qui caractérisait alors l'économie luxembourgeoise, la rendait très vulnérable aux événements extérieurs, voire risquait de déstabiliser le pays dans son ensemble en cas de crise dans ce secteur. Plutôt que de remédier à cette situation en adoptant une attitude protectionniste, les gouvernements de l'époque ont résolument prôné l'ouverture et la diversification de notre économie.

Les premiers efforts ont été lancés dans les années 50 et c'est de cette époque que date la première vague des implantations d'entreprises étrangères, surtout américaines. Depuis lors, les gouvernements successifs ont systématiquement encouragé l'implantation d'entreprises étrangères, avec, je crois, un succès assez considérable. Aujourd'hui, en effet, le Luxembourg est de loin celui qui, de tous les pays européens, attire le plus important flux d'investissements étrangers par tête d'habitant.

Aux services financiers sont venus s'ajouter plus récemment d'autres types de services, notamment dans le domaine des médias et des communications. Grâce au dynamisme extraordinaire des services, la balance des paiements courants, contrairement à la balance commerciale, qui est déficitaire depuis 1975, n'a pas cessé d'être largement excédentaire tout au long des années.

Je me permets d'ajouter que dans une économie mondiale où les services ne cessent de gagner du terrain par rapport aux autres secteurs, il me semble d'ailleurs plus pertinent d'utiliser le solde de la balance courante plutôt qu'uniquement la balance commerciale comme référence pour mesurer la performance d'une économie. En effet, le déficit de la balance commerciale n'est pas nécessairement un phénomène exclusivement négatif, mais peut représenter un investissement qui a des conséquences positives pour le secteur des services. J'en veux pour exemple, l'importation d'aéronefs, qui a représenté un des éléments importants du déficit de notre balance commerciale, alors que la vente de services aériens, qui en est la conséquence, a des répercussions positives sur la balance des services.

De nos jours, mon pays peut s'enorgueillir d'une économie particulièrement dynamique et prospère. Pour une petite économie, largement ouverte sur l'extérieur, comme celle du Grand-Duché, tributaire des marchés extérieurs pour 85 % de sa production, le dynamisme des échanges commerciaux est un élément décisif du progrès économique et social. Il n'est donc pas étonnant que les responsables luxembourgeois aient toujours conduit dans ce domaine une politique résolument volontariste, en étroite concertation avec les secteurs concernés.

Pour ma part, je tire plusieurs conclusions et enseignements des développements qui sont intervenus dans la période d'après-guerre au niveau de notre économie.

Premièrement, la performance actuelle de notre secteur sidérurgique, comme d'ailleurs de nombreuses PME, prouve que ce type d'industries peuvent continuer à jouer un rôle important dans une économie moderne et que nous devons à l'avenir, continuer à miser aussi sur les secteurs traditionnels de notre économie. En même temps, le processus de diversification économique a contribué à la stabilité du pays et doit rester le fil conducteur de nos politiques économiques.

Deuxièmement, l'évolution structurelle de l'économie luxembourgeoise n'a pas été un fruit du hasard. Le succès de la diversification industrielle, l'émergence d'une place financière de première importance, la création d'une plate-forme pour le secteur des communications, n'ont pas été des développements accidentels. Les mutations structurelles qui se sont produites, sont intervenues grâce aux impulsions des décideurs du monde politique et économique de l'époque qui ont su, grâce à leur clairvoyance, prendre au bon moment les décisions stratégiques qu'il fallait pour orienter le développement du pays dans la direction appropriée.

Savoir reconnaître les forces et les faiblesses du pays, identifier les créneaux porteurs, être attentif à ce qui se passe au-delà de nos frontières : voilà les préalables à toute politique économique réussie. Ces préalables sont aujourd'hui encore les mêmes qu'il y a quarante ans. Je dirais même qu'à l'époque de la mondialisation, ils sont plus pertinents que jamais.

Cela m'amène à mon troisième point. L'histoire a montré que la décision d'ouvrir l'économie luxembourgeoise au monde a été capitale pour l'essor du pays. Cette approche devrait aussi à l'avenir constituer une caractéristique essentielle de notre politique économique.

Si nous pouvons tirer ces leçons du passé, il n'en reste pas moins que le monde d'aujourd'hui n'est plus le même qu'il y a quarante ans. Aussi notre stratégie en matière de promotion économique doit-elle être adaptée à l'environnement actuel, aux conditions que nous impose la mondialisation.

De manière générale, je pense que, pour le Luxembourg, la mondialisation devrait représenter des défis et des opportunités, plutôt que des dangers. Je pense d'ailleurs qu'un certain nombre de conditions de départ sont d'ores et déjà réunies pour réussir la percée du Luxembourg dans l'ère de la mondialisation. L'économie luxembourgeoise est :

  • saine et dynamique, caractérisée notamment par une croissance soutenue et des finances publiques en équilibre
  • largement ouverte sur le monde
  • l'Heritage Foundation aux Etats-Unis a classé le Luxembourg comme l'économie la plus ouverte en Europe
  • diversifiée dans la mesure où malgré la prédominance des services, le Luxembourg a su maintenir une base industrielle dynamique et moderne. Le poids du secteur industriel dans l'ensemble de l'économie est identique à ce que l'on constate dans d'autres économies avancées. Le Luxembourg dispose d'ailleurs actuellement d'un certain nombre d'industries de pointe sophistiquées qui n'ont rien à envier aux entreprises que l'on trouve dans les pôles de croissance ailleurs en Europe.

Il n'en reste pas moins que de nombreux défis attendent d'être relevés. Tout d'abord, vu le rythme auquel les choses évoluent, nous devons, plus que nos prédécesseurs, être en mesure d'adapter les développements internes aux changements qui interviennent au niveau de l'environnement international, voire de prendre le devant sur ces changements. Cela présuppose que nous devons être capables d'innover, de réagir rapidement, d'être flexibles.

Pour le gouvernement luxembourgeois, le défi majeur de la mondialisation consistera à maintenir voire à développer un environnement d'affaires qui donne aux forces économiques la possibilité de saisir pleinement les nouvelles opportunités qui s'offrent à eux, tout en restant à même d'influencer les développements qui s'opèrent dans le pays. Or, il ne fait pas de doute qu'aujourd'hui, dans un monde caractérisé par une intégration économique de plus en plus poussée, la marge de manoeuvre des autorités publiques est beaucoup plus réduite.

Toutes les considérations que je viens d'énoncer sont à la base de la politique économique extérieure du gouvernement luxembourgeois actuel. Assurer la continuité en consolidant les acquis des dernières décennies, tout en restant capables d'innover et de nous adapter à un monde en mutation rapide : voilà notre objectif.

Le Luxembourg devra accueillir dans les années à venir de nouvelles entreprises opérant dans les secteurs d'avenir. La taille du pays autant que le réservoir en main-d'œuvre imposent cependant un développement favorisant les activités à haute valeur ajoutée, à potentiel économique élevé et ayant un impact contrôlé sur l'environnement.

Concrètement, cela signifie que nous allons notamment essayer de développer la position du Luxembourg dans le domaine des médias et des communications et, bien sûr, dans le secteur financier.

En visant ces secteurs à haute valeur ajoutée, que l'on considère d'ailleurs comme les industries à croissance élevée en ce début du XXIe siècle, nous espérons atteindre une croissance économique qualitative, qui garantit un développement durable et qui coïncide avec les aspirations de nos citoyens.

Nous pensons que les structures existantes dont nous disposons sont une bonne base sur laquelle nous pouvons bâtir pour développer les activités que je viens de mentionner. Une adaptation de notre cadre légal et juridique sera toutefois nécessaire. A cet effet, le gouvernement a notamment annoncé les mesures suivantes :

- augmenter l'investissement public dans la recherche et le développement de 0.1% à 0.3% du PNB
- réduire l'impôt sur les sociétés en-dessous du seuil de 35%
- développer l'éducation supérieure, notamment en offrant des cours post-universitaires spécialisés dans certains domaines où le Luxembourg détient une expertise spécifique, tels que le secteur bancaire ou les médias.

De cette philosophie générale de la politique découle la politique de promotion du commerce extérieur, puisque les entreprises qui s'installent à Luxembourg déterminent, à fortiori, la structure de nos échanges, c.à.d. que c'est la qualité et l'offre de la production intérieure qui conditionnent largement le commerce extérieur.

Le rôle du ministère des Affaires étrangères et du Commerce extérieur est de mettre à la disposition des entreprises des outils qui leur facilitent l'exploration de nouveaux marchés ou le développement de leurs exportations. A cet effet, il dispose d'une série d'instruments de promotion, dont les missions de promotion commerciale sont sans doute les mieux connues. Au-delà je considère qu'il a aussi une responsabilité dans le domaine de la présentation du Luxembourg et de son image économique à l'étranger.

Même si, selon certaines définitions, le terme de commerce extérieur ne désigne, stricto sensu, que les échanges de marchandises, je pense que dissocier biens et services dans le cadre d'une stratégie de promotion à l'étranger ne fait plus beaucoup de sens aujourd'hui. Les frontières entre les deux deviennent d'ailleurs de plus en plus floues, et nos statisticiens ont le plus grand mal à ranger certains produits dans l'une ou l'autre catégorie ( un programme informatique, par exemple, doit-il être considéré comme un service ou une marchandise ?). Si donc l'économie luxembourgeoise se développe selon les lignes que nous venons d'esquisser - et je suis optimiste quant aux résultats - il est essentiel de disposer d'une stratégie cohérente et inclusive en matière de promotion du commerce extérieur.

Plutôt que de projeter à l'étranger une image fragmentée de ce que représente le Luxembourg, il me paraît plus efficace de le présenter dans toute sa diversité. Je ne me lasse pas d'expliquer, lors de mes visites à l'étranger, que l'économie luxembourgeoise ne se limite pas au secteur financier, et de souligner que la part de l'industrie dans la valeur ajoutée est, au Luxembourg, comparable à ce qu'elle représente dans nos pays voisins.

Dans un petit pays comme le Luxembourg, unir les forces pour défendre ensemble nos intérêts est la seule voie envisageable pour une stratégie de promotion commerciale réussie. Concrètement, cela implique une plus grande coordination entre tous les acteurs en charge de la promotion économique à l'étranger.

Un premier pas dans cette direction a d'ores et déjà été fait à travers la redynamisation du Comité consultatif du commerce extérieur, organe de concertation, réunissant des représentants des secteurs public et privé et dont la mission est de définir les grandes orientations de la promotion du commerce extérieur luxembourgeois. Lors de mon entrée en fonction, j'ai décidé de revaloriser ce comité et d'élargir le cercle de ses participants de manière à mieux refléter les réalités économiques actuelles. Je souhaite en faire un véritable organe d'impulsion pour la promotion commerciale du Luxembourg et la promotion de son image de marque.

Le comité a vocation de définir et de coordonner les grandes lignes de la promotion commerciale du Luxembourg et de son image à l'étranger. A terme, un renforcement de la coopération entre ses membres pourrait ainsi déboucher sur une stratégie de promotion plus coordonnée que tel n'a été le cas jusqu'ici. Quel est maintenant le rôle des chambres de commerce étrangères au Luxembourg ? Il n'y a pas de doute que ce rôle est éminent, que vous avez d'ailleurs toujours joué avec dévouement et détermination. Vous êtes une sorte de trait d'union entre les entreprises de votre pays et les force vives du Grand Duché. Votre mission est de rapprocher les acteurs économiques de votre pays d'origine et du Grand-Duché. Cela se reflète d'ailleurs dans votre structure même, car vos membres sont typiquement des sociétés originaires de vos pays et des sociétés luxembourgeoises. En d'autres termes, vous êtes de véritables ambassadeurs des milieux d'affaires de vos pays, et en cela, votre contribution est inestimable.

Je voudrais profiter de cette occasion pour vous exprimer mes remerciements très chaleureux pour ces efforts que vous fournissez au jour le jour, mais aussi pour tout l'appui que vous nous avez toujours donné lorsque nous avons organisé des missions de promotion dans vos pays. En effet, vu l'exiguïté des ressources, en particulier humaines, dont nous disposons, votre contribution s'est souvent avérée essentielle pour garantir la réussite de nos efforts.

Je me félicite que les représentants de plusieurs de nos plus grands partenaires commerciaux soient réunis ici ce soir. Le marché français est aujourd'hui la deuxième destination des produits luxembourgeois après l'Allemagne. Nos exportations vers l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni ont connu des progressions impressionnantes au cours des dernières années. Les Etats-Unis restent bien évidemment notre partenaire commercial principal en dehors de l'Union européenne. Enfin, nous entretenons depuis quelques années déjà des relations commerciales privilégiées avec le Chili.

Cette soirée a été une excellente occasion pour apprendre à mieux nous connaître et pour échanger nos points de vue sur la manière dont les échanges extérieurs du Luxembourg avec vos pays d'origine respectifs peuvent être développés davantage à l'avenir. Le ministère des Affaires étrangères se tient à votre disposition pour vous aider dans le cadre d'activités visant à promouvoir vos exportations vers le Luxembourg et, bien sûr, nous espérons pouvoir continuer à compter sur votre appui pour l'organisation d'initiatives de promotion luxembourgeoises dans vos pays.

Je pense que nous avons maintenant assez de matière à discussion et je me tiens à votre disposition pour toute question éventuelle que vous voudrez soulever.

Je vous remercie de votre attention.

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