Discours d'ouverture de Jean-Claude Juncker, Premier ministre, lors de la Conférence des Femmes de la Francophonie

J'ai souvent l'occasion de souhaiter la bienvenue à des visiteurs étrangers.

En règle générale, je le fais, parce que mes obligations protocolaires m'y contraignent. Parfois, beaucoup plus rarement, je le fais parce que tel est mon désir et ma volonté. Les paroles de bienvenue que j'ai le plaisir de vous adresser aujourd'hui, s'inscrivent résolument dans cette deuxième catégorie. Oui, nous sommes heureux que vous soyez là. Vous qui représentez les cinquante-cinq nations des pays qui ont le français en partage, qui nous venez des cinq continents et qui me faites songer à ces cinq cent millions d'hommes et de femmes qui par leur talent, leur énergie, leurs rêves ne cessent d'animer la Francophonie.

Je vous souhaite la bienvenue au nom de mon gouvernement, et, au-delà de tous les Luxembourgeois. Et je voudrais tout particulièrement remercier de sa présence Son Altesse Royale la Grande-Duchesse Joséphine-Charlotte, présence royale qui souligne que la Francophonie trouve chez nous un accueil spontané et une sympathie naturelle.

Le Grand-Duché, petit pays à géographie et démographie modestes, veut être un constructeur de Francophonie et un artisan de la Francophonie. Il veut l'être parce qu'il est lucide et fidèle dans ses amitiés. Blotti entre deux veilles Nations européennes, la France et l'Allemagne, il a toujours trouvé dans sa grande voisine de l'Ouest, la France, un allié sûr, qui a su partager ses douleurs lorsque la tempête s'abattait sur le pays et qui avec nous a partagé les mêmes voies, qui très souvent étaient les conséquences directes des adversités communes. 

Lucides, fidèles dans ses amitiés, le Grand-Duché veut être constructeur et acteur de la Francophonie parce que le français et la Francophonie sont des composantes essentielles de sa personnalité. Rien de ce qui est français nous est étranger et tout ce qui touche à la Francophonie nous est familier. Le français est une des langues officielles du pays. Nous le pratiquons avec presque la même aisance que le luxembourgeois, notre langue maternelle et notre langue nationale, et nous comparons la beauté, la musique, les caprices de la langue de Voltaire aux multiples méandres de celle de Goethe, l'Allemand, qui n'a guère de secrets pour nous. Telle est en effet notre singularité, un petit pays, deux grands voisins, trois langues qui chacune à sa façon ajoute sa richesse aux richesses des autres. Constructeur et artisan de Francophonie, nous voulons l'être parce que comme Pascal, nous aimons les choses qui vont ensemble.

Nous pensons, nous souhaitons, nous voudrions qu'entre Francophonie et démocratie, il n'y ait pas de ligne de démarcation mais des ponts qui les relient. A quoi sert une langue commune si elle n'est pas prolongée par un idéal commun, la langue - oui, mais je revendique pour la Francophonie un supplément d'art, une ambition commune, celle de la démocratie, de la tolérance, du respect d'autrui, des droits de l'homme, qui doivent être universels et francophones d'abord. Cette quête d'une ambition commune, cette volonté ardente de servir l'homme et de le libérer de toutes les servilités, doit distinguer, doit devenir le génie francophone. Oui - la Francophonie a des choses à dire au monde et pour dire avec crédibilité les principes directeurs qui doivent forger notre époque irritante, moderne, elle doit imposer chez elle l'exigence de la démocratie et des droits de l'homme. Cette exigence que nous devons nous imposer à nous-mêmes connaîtra succès et réussite si elle s'accompagne d'un effort de compréhension réciproque, d'esprit, de mesures, de patience parfois, de volontarisme réfléchi toujours. 

Vous êtes venus, Mesdames, Messieurs, à Luxembourg pour la Conférence des Femmes de la Francophonie. Je sais bien que le grand public maudit les grandes conférences et qu'il estime que les sommets très souvent ne sont que collines. Il n'a pas toujours tort, mais il n'a pas raison à chaque fois. Cette conférence pourra être une étape importante dans la longue marche des femmes vers l'égalité et donc vers leur dignité accomplie, si elle sait éviter le piège de la déclamation sans suite ni effet. La conférence ne doit pas être un sommet de bonnes intentions mais un rendez-vous qui déclenche une vaste action politique partout là, où la Francophonie voudra dire des choses au monde.

Le succès ne sera pas dans les conclusions de la Conférence, mais bien dans son suivi. A partir d'aujourd'hui naîtra entre nous une compétition noble, la compétition de ceux qui, chacun à son rythme, traduiront dans des faits concrets, tangibles, mesurables, les actions urgentes que demande la grande cause qui nous unit. Toute politique en faveur des femmes, qu'elles soient francophones ou non, doit se doter d'instruments de travail, de mécanismes de suivi, de méthodes de surveillance multilatérale. Toute politique en faveur des femmes doit d'abord concerner, c'est-à-dire rendre concernés les hommes, qui doivent réfléchir et agir de concert avec les femmes. Oui, l'avenir des femmes est aussi l'avenir des hommes.

Toutes les grandes ambitions que nous pouvons avoir, tous les grands projets que nous pouvons nourrir, tout ce qui demain fera le bonheur de l'humanité présuppose et exige le concours de deux volontés fortes. Celle des femmes d'abord, qui doivent avoir la volonté d'agir, celle des hommes ensuite, qui doivent avoir la volonté de suivre.

Oui, nous membres de la Francophonie, nous avons des choses à dire au monde, alors dites-les.

Je vous en remercie.

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