Intervention de Charles Goerens lors de la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

Bangkok, le 15 février 2000

Version prononcée

Monsieur le Président,

Permettez-moi d’abord de vous demander de bien vouloir transmettre mes félicitations au président de la Conférence à l’occasion de son élection. Je tiens aussi à remercier le secrétariat de la CNUCED et l’ambassadeur Philippe Petit pour nous avoir aidés à nous préparer dans un esprit constructif. Ce dynamisme est rassurant alors que la conjoncture place la Xe session de la CNUCED devant l’échec de la 3e conférence ministérielle de l'OMC.

Rubens Ricupero emprunte à l'esthétique la notion "d'œuvre ouverte" pour décrire la globalisation comme un phénomène en partie maîtrisé en partie aléatoire, autrement dit : un processus qui invite au resaississement, à la vigilance et à l’action. Les protestations contre la globalisation traduisent cette incertitude. Mais peut-on se limiter à dire non quand se mettent en place de nouveaux paramètres du développement ?

Quand sous l'effet de la mondialisation les inégalités s'accroissent aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays en développement, la problématique du développement demande à être envisagée comme traversant de part en part un monde de plus en plus interdépendant. Je partage le point de vue que le Portugal a présenté à cette tribune en tant que présidence du Conseil de l'Union européenne.

En tant qu'état-membre de l'UE, je tiens à relever le succès récent  des négociations entre l’Union européenne et les pays ACP avec la conclusion d’un accord de partenariat politique et économique d’une nouvelle génération.
Je voudrais rappeler aussi que garantir rapidement un accès hors franchise et hors quota essentiellement à tous les produits en provenance des PMA reste une de nos priorités.

Monsieur le Président,

La coopération luxembourgeoise au développement est relativement récente. La part du développement dans le PIB atteint aujourd'hui 0,7% et mon gouvernement s'est fixé l'objectif de 1% pour 2004. Ces chiffres qui ne sont pas en phase avec le déclin général de l’aide directe, ne font que refléter une prise de conscience accrue de notre opinion publique en matière de coopération au développement.

L'action bilatérale du gouvernement luxembourgeois cherche à stimuler l'intégration économique des plus pauvres en intervenant d’abord dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement rural. Cette action peut, le cas échéant,  prendre la forme d’une coopération trilatérale avec la mise en place de mécanismes qui s’inscrivent dans le cadre des relations Sud-Sud.
Notre effort de coopération se concentre aujourd'hui sur 10 pays cibles dont plusieurs sont concernés par des conflits armés. Sur ces dix pays cibles, un seul est un pays d'émigration vers le Luxembourg.

Mentionnons aussi l'engagement de la société civile : environ 80 ONG luxembourgeoises sont actives dans une cinquantaine de pays et bénéficient pour la plupart d’entre-elles du soutien du gouvernement luxembourgeois. Par ailleurs, le débat sur la société civile suscite d'autres formules participatives comme par exemple des jumelages de municipalités avec des localités dans les pays cibles. Avec la multiplication des partenariats, notre action directe devient plus complexe, plus exigeante en termes de gestion et de transparence, mais elle acquiert aussi  les caractéristiques d'un processus démocratique en mouvement. Les liens de solidarité qui constituent à l’intérieur de toute société les défenses les plus efficaces contre l’éclatement du tissu social en sortent renforcés.

Toutefois, alors que les intérêts économiques et financiers se globalisent et ne coïncident plus avec les entités politiques, culturelles et sociales existantes, de nouveaux liens de solidarité deviennent nécessaires.   

C’est dans ce contexte que le  travail d’analyse et l’assistance technique des organisations internationales sont sollicités ; c’est là que pourra et devra se vérifier leur légitimité.

En tant que forum de dialogue Nord-Sud, la CNUCED est particulièrement bien placée pour préparer ceux qui le demandent aux négociations commerciales multilatérales, d’où le besoin de mieux cibler son offre de formation. Mais la CNUCED a aussi la responsabilité de promouvoir l’intégration de la dimension du développement dans la globalisation : ce qui suppose la capacité d’impulser les réflexes correspondants dans la culture institutionnelle de l’OMC, entre autres. Or, ce rôle d’interface demande encore à s’affirmer.

La recherche d’une meilleure coopération entre les institutions et les  agences concernées par la globalisation est un des éléments de cohérence nécessaires à l’intégration équitable de tous les pays dans l’économie mondialisée. Le dialogue qui est en train de se nouer entre  les chefs d’agences et d’institutions implique aussi la mise en place des facilités administratives qui permettent par exemple les détachements de fonctionnaires d’une institution à l’autre.

Depuis sa création, la CNUCED essaie de traiter de façon interactive les problèmes liés au commerce et au développement tels que l’accès au crédit. Le Luxembourg est  aujourd’hui un des principaux contributeurs au projet de "marché virtuel de la micro-finance". Ce projet met en place un site Internet visant à rassembler toute information susceptible de contribuer à rapprocher les institutions de micro-finance dans les pays en développement des marchés traditionnels de la finance. 
En cherchant ainsi à promouvoir la canalisation des flux de capitaux, notamment privés, vers les micro-entreprises, dans le but d’assurer à un nombre grandissant d’entre elles la perspective d’une autonomie financière, ce projet vise  la structuration à terme des secteurs informels concernés, avec les conséquences que cela peut comporter dans les domaines de la santé et de la sécurité du travail, de la protection de l’enfance... bref de tout ce qui forme dans l’esprit de Juan Somavia, directeur général de l’OIT, la notion d’un travail décent. En l’absence de cette perspective, les micro-entreprises ne resteront malheureusement que des micro-solutions.

Monsieur le Président,

La CNUCED X ne peut et ne doit pas se transformer en séance de rattrapage par rapport à Seattle. Les difficultés que connaît l’OMC ont mis en évidence la nécessité de définir en commun les responsabilités de chacun pour une globalisation profitant équitablement à tous.
Ici à Bangkok nous avons l’opportunité de relancer le dialogue et la coopération pour placer la globalisation dans la perspective du développement durable. Nous devons associer à cet effort ceux qui profitent de la globalisation, ceux qui en redoutent les effets négatifs et ceux qui sont encore ou déjà à l’écart des circuits de l’économie du savoir : face à l’immense besoin que nous avons de construire la paix, le profit de la globalisation ne peut pas prendre les traits d’un délit d’initiés.  

Je vous remercie.

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