Déclaration sur la politique de coopération au développement 2001 (version originale française)

Ne vaut que le discours prononcé

Monsieur le Président,

Notre rendez-vous traditionnel sur la politique de coopération au développement du gouvernement nous réunit, cette année, dans un contexte sensiblement différent. Il a lieu en automne et non plus au printemps. Ensuite, et dans la perspective du débat qui nous attend, les membres de la Chambre disposent, depuis quelques mois, du rapport annuel sur la coopération pour l’année 2000 que j’ai eu l’honneur de présenter à la Commission des Affaires étrangères en septembre dernier. Ils peuvent ainsi s’appuyer sur un document qui rend compte de l’évolution de notre Aide Publique au Développement (APD), du Fonds de la coopération au développement et des différentes lignes budgétaires, de la coopération bilatérale dans nos pays-cible et dans les autres pays, de la coopération multilatérale, de la coopération avec les ONG, de l’aide humanitaire et alimentaire, de l’assistance technique et enfin, et c’est nouveau, des efforts menés dans le domaine de l’évaluation. 

 

Votre Chambre est également en possession d’un rapport de la Cour des comptes concernant l’usage des moyens du Fonds réservés en 2000 aux Organisations Non Gouvernementales accompagné des observations du ministère. Je me félicite de ce que, pour la première fois, la Cour des comptes a saisi une faculté qui lui est réservée par la loi du 6 janvier 1996 sur la coopération au développement. J’estime que cet exercice, qui est une première, mais qui se répétera au cours des années à venir, constitue un moment important dans la politique luxembourgeoise de coopération au développement. Le contrôle externe de la Cour des comptes, je le considère en effet comme un puissant révélateur des défis à relever par le ministère des Affaires étrangères en matière de coopération au développement. Il offre en même temps une inspiration précieuse sur la manière d’y faire face. C’est donc dans un esprit constructif que nous avons formulé nos observations sur l’audit financier mené. Ainsi, nous envisageons une révision de la loi du 6 janvier 1996 sur la coopération au développement afin d’éliminer certaines imprécisions et de donner une base plus solide et indiscutable à des pratiques dont le bien-fondé est incontesté. Le rapport de la Cour des comptes fournit déjà les premiers éléments pour une telle révision.

 

Je serais de même reconnaissant à la Chambre de nous donner son opinion sur les principales options qui se dégagent de cet exercice. Ceci concerne notamment l’importance à réserver d’une part aux exercices d’évaluation à mener et, d’autre part, le degré de contrôle financier qu’elle estime nécessaire pour garantir une saine gestion des financements que le ministère met à la disposition des ONG par le truchement du Fonds de la Coopération au Développement.   

 

Rapport sur le développement humain :  bilan contrasté de l’état du monde

 

Permettez-moi d’attirer votre attention sur l’importance qui s’attache au rapport sur le développement humain que publie chaque année le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD). Ce rapport présenté en juillet dernier à la presse en présence de la Directrice et coordinatrice du rapport, Madame Sakiko Fukuda-Parr, comprend un nombre impressionnant de données et d’analyses sur le développement humain et sur l’évolution de la pauvreté dans le monde. Il actualise pour la quasi-totalité des Etats membres du monde, l’indicateur sur le développement humain qui mesure le niveau moyen atteint par un pays donné selon trois critères essentiels au développement humain : longévité, accès au savoir et niveau de vie. Ces trois aspects sont exprimés, respectivement, par l’espérance de vie, par le niveau d’instruction et le revenu par habitant.

 

Cette année, le Luxembourg figure à la 12e place de cet indicateur alors qu’il se trouvait encore à la 26e il y a trois ans. Ce progrès est dû notamment à une meilleure prise en compte de la véritable situation de notre pays en matière d’éducation. Il faut se demander si, pour mieux mesurer notre qualité de vie, l’on ne devrait pas intégrer dans les calculs statistiques, basés essentiellement sur des références monétaires comme le PNB ou le RNB, des indicateurs sociaux similaires auxquels on pourrait ajouter également des indicateurs sur le développement durable dans un souci de tenir compte aussi de notre "santé" environnementale.

Des progrès indéniables

 

On a peu conscience des progrès gigantesques accomplis dans le monde en développement depuis 30 ans. Ceux-ci démontrent que l’éradication de la pauvreté n’est pas une chimère. Un enfant né aujourd’hui peut espérer vivre huit années de plus que s’il avait vu le jour il  y a 30 ans. Les personnes qui savent lire et écrire sont bien plus nombreuses : le taux d’alphabétisation des adultes est passé d’environ 47% en 1970 à 73% en 1999. Dans les campagnes, la proportion de familles ayant accès à l’eau potable a plus que quintuplé. Un nombre beaucoup plus important de personnes bénéficient d’un niveau de vie décent. Ainsi, dans les pays en développement, le revenu moyen a pratiquement doublé en termes réels entre 1975 et 1998 pour passer de 1.300 à 2.500 dollars.

 

Les conditions nécessaires à la concrétisation des libertés ont considérablement évolué depuis dix ans. Une bonne centaine de pays en développement et en transition ont abandonné leur régime militaire ou leur système de parti unique, élargissant ainsi les choix politiques accessibles à la population. De plus, les engagements formels à se conformer aux normes internationales en matière de droits de l’homme ont spectaculairement progressé depuis 1990. Dans bien des pays, la démocratie reste, il est vrai, fragile et imparfaite.

Des progrès inégaux selon les régions

 

Mais ce tableau général cache une réalité bien plus complexe, faite d’expériences diverses à l’échelon des pays, des régions du monde, des catégories d’individus et des aspects du développement humain. La zone Asie de l’Est et Pacifique a enregistré des progrès rapides et soutenus dans la plupart des domaines, de la diffusion du savoir à la longévité, en passant par le relèvement du niveau de vie. L’Asie du Sud et l’Afrique subsaharienne sont aujourd’hui à la traîne des autres : la pauvreté humaine et monétaire y demeure considérable. Le taux d’alphabétisation des adultes est encore de 55% en Asie du sud et de 60% en Afrique subsaharienne, soit très en deçà de la moyenne des pays en développement. L’espérance de vie à la naissance n’est toujours que de 48,8 ans en Afrique subsaharienne contre plus de 60 ans dans toutes les autres régions. Enfin, 46% des personnes vivant en Afrique subsaharienne et 40% de celles habitant l’Asie du sud ont moins d’un dollar par jour à vivre. Dans les régions Asie de l’Est et Pacifique et Amérique Latine et Caraïbes, c’est le cas de 15% de la population.

 

Les pays arabes dont il a été question plus sont souvent ces derniers temps, sont aussi à bien des égards en retard sur les autres grands ensembles. Cependant, ce sont eux qui enregistrent les progrès les plus rapides. Depuis le début des années soixante-dix, l’espérance de vie à la naissance y a augmenté de 14 ans, la mortalité infantile y a baissé de 85 pour 1.000 naissances vivantes et, depuis 1985, le taux d’alphabétisation des adultes y a gagné 15 points de pourcentage.

 

S’agissant de la croissance économique, les différences sont très marquées entre régions et pays. Ainsi, l’Inde et surtout la Chine, soit deux pays représentant à eux seuls un tiers de la population mondiale, ont connu une croissance importante ces dernières années. C’est l’Afrique sub-saharienne qui enregistre les résultats les plus désastreux : le revenu moyen, déjà très faible initialement, a encore baissé depuis lors. Ainsi, le Mali, un de nos pays-cible, avait un revenu par tête d’habitant de quelque 900 dollars en 1975 ; il n’est plus que de 753 dollars en 1999.

 

L’expérience et les études menées nous enseignent pourtant que la prospérité économique n’est pas nécessairement un préalable au développement humain.  Le Pakistan et le Vietnam - autre pays-cible - affichent un PIB par habitant du même ordre, mais le Vietnam a beaucoup plus œuvré pour traduire ce niveau de revenu en termes de développement humain. L’exemple de l’Etat du Kerala en Inde montre également qu’avec un revenu économique relativement faible, des progrès considérables peuvent être obtenus sur le plan de l’éducation et de la santé.

Nouveaux défis

 

Fin 2000, environ 36 millions de personnes étaient séropositives ou porteuses du virus du SIDA. Quelque 95% d’entre elles vivaient dans les pays en développement, et 70% en Afrique subsaharienne. On a recensé plus de 5 millions de nouveaux cas pour la seule année 1999. Au Sud du Sahara, plus de 20 pays ont, à cause de cette pandémie, enregistré un recul de l’espérance de vie depuis 1985. Dans six pays - Botswana, Burundi, Namibie - un de nos pays-cible -, Rwanda - un autre partenaire de notre coopération -, Zambie et Zimbabwe, ce recul dépasse 7 ans. La progression du VIH et du SIDA nuit de multiples manières au développement. Elle prive les pays touchés d’une part de leur population à l’âge où celle-ci est la plus productive, laissant les enfants des victimes à l’abandon. Fin 1999, le nombre de ceux qu’on appelle les orphelins du sida atteignait ainsi les 13 millions.

 

La sécurité des individus continue d’être menacée par la criminalité et les conflits. La mondialisation est une aubaine pour les activités illégales transfrontalières et favorise la montée en puissance des syndicats du crime et des réseaux mafieux multinationaux. En 1995, le montant des trafics de drogue était estimé à 400 milliards de dollars. Toujours selon le rapport du PNUD, quelque 1,8 millions de femmes et de jeunes filles étaient victimes de réseaux de prostitution. Résultat des guerres qui ravagent certains pays, le monde compte aujourd’hui 12 millions de réfugiés et 5 millions de personnes déplacées dans leur propre pays.

 

Les conflits qui se poursuivent sont un autre obstacle au développement. En Afrique, près de la moitié des pays sont directement ou indirectement affectés par ces conflits qui tuent chaque année plus de 200.000 personnes, pour la plupart des civils. Sans paix, il n’y aura pas de développement, mais sans développement, l’ancrage de la démocratie est compromis.

 

Nous vivons sur une planète qui compte 6,1 milliards d’êtres humains. La population mondiale passera à 8 milliards en 2025. Chaque année, elle augmente de quelque 80 millions et sur ce total, 90% naissent dans les pays en développement notamment les plus pauvres.

 

Une pauvreté et des inégalités inacceptables

 

La mondialisation offre d’immenses opportunités pour le développement. Les nouvelles technologies de la communication rendent partout l’accès à l’information possible d’une manière inimaginable il y a encore une décennie.  Même les pays les plus pauvres peuvent avoir accès à l’information via Internet. Un monde plus interconnecté et plus interdépendant a émergé. Les régimes autoritaires n’arrivent plus à contrôler le flux des informations.

 

Mais l’écart entre pays de plus en plus prospères et pays de plus en plus pauvres rend les injustices encore plus visibles et plus intolérables. Mécontentements, frustrations et sentiments d’humiliation créent ainsi un terreau favorable à la violence et aux extrémismes.

 

En effet, beaucoup reste à faire pour le développement humain, en ce début de millénaire. Malgré les progrès signalés, le monde continue de connaître un niveau de pauvreté inacceptable. Sur les 4,6 milliards d’habitants des pays en développement, plus de 850 millions sont analphabètes, près d’un milliard n’ont pas accès à des points d’eau aménagés et 2,4 milliards à une infrastructure sanitaire élémentaire. Près de 325 millions de garçons et de filles ne sont pas scolarisés. Et 11 millions d’enfants de moins de cinq ans succombent chaque année à des maladies et autres fléaux pour lesquels existe pourtant une prophylaxie ou une solution. Cela représente 30.000 décès chaque jour. Quelque 1,2 milliards d’individus ont moins d’un dollar par jour et 2,4 milliards moins de deux dollars par jour.

 

La mondialisation conduit à une marginalisation sans cesse croissante de la plupart des pays en développement. Les inégalités entre le Nord et le Sud continuent de croître de manière préoccupante : à l’échelle planétaire, les 1% les plus riches disposent d’un revenu cumulé égal à celui des 57% les plus pauvres. Le revenu cumulé des 10% d’habitants les plus riches des Etats-Unis - environ 25 millions de personnes - dépasse celui des 43% les plus pauvres de l’ensemble du monde - quelque 2 milliards d’individus. 5% des habitants de la planète se partagent 75% du revenu mondial.

 

L'écart entre les nantis et les démunis, entre les détenteurs du savoir et ceux qui n'y ont pas accès, se creuse. 80% de la population planétaire – soit plus de 4 milliards et demi d'individus – n'ont pas accès aux moyens de télécommunication de base. L’innovation répond aux pressions du marché et non aux besoins des pauvres dont le pouvoir d’achat est trop faible. Les activités de recherche et développement, le personnel scientifique et les moyens financiers sont concentrés dans les pays riches. Ils sont canalisés par les multinationales qui s’attachent d’elles-mêmes à satisfaire la demande d’un marché mondial dominé par les consommateurs à haut revenu. 91% des brevets sont délivrés dans les pays de l’OCDE.

 

Les entreprises transnationales ont un pouvoir considérable et, par conséquent, des responsabilités nouvelles. Le commerce mondial est réalisé à 70% par 500 entreprises. Par ailleurs, 1% des entreprises de la planète effectue la moitié des investissements directs à l’étranger.

L’existence de la pauvreté à une très large échelle sur notre planète est un des défis majeurs auquel nous sommes confrontés. 

 

Les rassemblements de Seattle, de Göteborg, de Gênes et de Porto Alegre ont réuni un nombre considérable de mouvements sociaux, de syndicats, d’ONG, de groupes écologiques, d’associations de femmes, de défenseurs des droits de l’homme. Loin de s’opposer à la mondialisation ceux-ci revendiquent un ordre mondial plus juste, une mondialisation qui serve aussi les intérêts des pauvres et des laissés-pour-compte. Tous ces groupes s’appuient sur Internet pour s’organiser et se concerter. Je vois dans toutes ces manifestations un engagement accru en faveur de plus de justice dans le monde. Certains de leurs  propos et de leurs propositions rejoignent l’analyse et les idées que je me suis permis d’avancer dans le passé et que je voudrais préciser. Il s’agit de savoir de quelle manière nous pourrons humaniser la mondialisation et comment nous pourrions contribuer à créer un ordre mondial plus responsable, plus équitable et plus bénéfique aux plus pauvres.  

 

Ensemble avec nos partenaires, nous n’avons pas attendu les événements tragiques du 11 septembre - que rien ne saurait justifier - pour nous rendre compte de la nécessité d’introduire des changements structurels profonds sur notre planète. Mais il n’en est pas moins sûr que ces événements ont suscité dans nos opinions publiques une conscience plus aiguë de l’interdépendance entre pays industrialisés et pays en développement et du fait que notre partenariat avec les pays en développement peut aussi influer sur notre sécurité. Les questions liées à  la mondialisation deviennent les questions de chaque citoyen. L’heure est peut être propice pour réserver une importance nouvelle à la politique de coopération au développement.

Comment humaniser la mondialisation : la responsabilité de l’UE et de ses Etats membres

 

Face aux constats qui précèdent, nous - Union européenne et  Etats membres - qui fournissons plus de 50% de l’Aide publique au développement, avons une responsabilité considérable à assumer.

 

Il importe que l’UE contribue à donner une plus grande dimension éthique à la mondialisation en plaçant clairement l’être humain au centre de ses préoccupations. Il convient d’affirmer l’importance qui doit être attachée au respect des droits de la personne humaine, au caractère universel et indivisible de ces droits qu’il s’agisse des droits politiques et civils ou des droits économiques et sociaux. Une gouvernance globale humaine demande une référence claire à un ensemble de valeurs, de normes éthiques, un sens partagé de responsabilités et de devoirs. Le respect de la vie, de la justice et de l’équité, la tolérance et le respect mutuel se trouvent à la base de la déclaration universelle des droits de la personne humaine et de la Charte de l’ONU.

 

Aussi devrons-nous réserver à la mondialisation une dimension sociale en valorisant à un niveau mondial l’acquis et le progrès sociaux développés depuis cent ans au Luxembourg et dans les sociétés européennes. L’économie n’est pas un but en elle-même, mais doit être au service de tous les êtres humains. L’économie de marché ne doit pas être une économie sauvage et débridée, mais une économie sociale de marché, dans laquelle l’Etat assume des obligations, y compris dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’environnement, crée le cadre dans lequel l’économie se développe, organise la justice sociale notamment par une redistribution de la richesse. Cette redistribution s’opère au niveau national, mais également au niveau européen, en particulier à travers les fonds structurels. De telles politiques devraient influer sur les rapports entre nations riches et pauvres. Le renforcement de l’Europe sociale est de nature à faciliter une telle démarche. C’est dans cet ordre d’idées que nous devons encourager une application universelle et efficace des Conventions de l’Organisation Internationale du Travail, y compris de celles concernant le travail forcé des enfants et les pratiques d’esclavage.

  

Nous devons intensifier nos efforts visant à assurer la cohérence de nos politiques au niveau national mais aussi et surtout européen. Cela veut dire que les objectifs du développement durable et de la lutte contre la pauvreté doivent être appuyés par toutes les politiques menées aux niveaux national et européen, qu’il s’agisse des politiques agricole, commerciale, environnementale ou financière. Notre action dans les pays en développement s’inscrit dans un environnement façonné bien sûr par la politique des gouvernements de ces pays mais également par ces politiques que nous définissons à l’UE et que nous défendons ensuite à l’OMC, à l’ONU ou à la Banque Mondiale. L’engagement en faveur d’un renforcement de la cohérence des politiques est un impératif de la politique de coopération au développement. De façon très concrète, nous soutenons ainsi chaque année la campagne de sensibilisation menée par l’ONG TransFair-Minka en faveur du commerce équitable.   

J’ai participé la semaine passée - tout comme l’honorable député Jean Huss - à l’ouverture des travaux de l’OMC à Doha qui viennent de conduire au lancement d’un nouveau cycle de négociations commerciales. L’occasion nous a ainsi été donnée de nous prononcer en faveur d’une prise en compte effective des intérêts des pays en développement lors de ce qui doit devenir un cycle du développement. L’UE devra davantage ouvrir ses marchés aux produits exportés par les pays en développement, qui pourront ainsi gagner des ressources importantes et précieuses pour leur développement. L’initiative "Everything But Arms" est un pas dans la bonne direction, mais d’autres mesures devraient suivre. La révision de l’Accord sur la propriété intellectuelle - "Accord ADPIC / TRIPS" -, l’environnement et les normes sociales sont d’autres questions auxquelles l’Union européenne attache une grande importance. Nous devons encourager l’OMC à poursuivre ses efforts visant à rendre ses travaux plus transparents et, à cet effet, à associer régulièrement à ses travaux les parlementaires de ses Etats membres et la société civile.

 

L’UE devrait s’engager plus activement en faveur d’un renforcement du système des Nations Unies. Le monde a besoin, plus que jamais, d’une gouvernance mondiale légitime et efficace. Œuvrons en faveur d’une réforme du Conseil de sécurité permettant d’assurer une représentation plus équilibrée entre le Nord et le Sud. Que l’UE y parle d’une seule voix alors qu’elle est en train de se doter d’une politique extérieure plus cohérente ! Les institutions et agences de l’ONU agissant en faveur du développement devraient coopérer davantage et agir selon une approche résolument intégrée. La proposition de l’ancien Premier ministre suédois Carlsson de créer un Conseil de sécurité économique et social mérite d’être relancée.

 

Au sein des Institutions de Bretton Woods, l’UE devrait renforcer sa coordination en valorisant le fait que ses Etats membres, pris dans leur ensemble, en constituent l’actionnaire principal.

 

Le problème de la dette continue de présenter un obstacle très sérieux au développement. L’initiative d’allègement de la dette en faveur des pays pauvres les plus endettés (PPTE / HIPC) a trouvé un début d’application à une série de pays. Même si c’est un pas dans la bonne direction, il convient d’en poursuivre la mise en œuvre rapide. Et pour réserver à cette démarche un impact réellement profond, d’autres mesures sont nécessaires.

 

Nous avons à  réserver une attention particulière à la bonne gouvernance qui figure d’ores et déjà parmi les principes qui fondent notre politique de coopération. Nous devons appuyer l’introduction de pratiques de bonne gouvernance dans les pays en développement. Donnons une priorité nouvelle à la lutte contre la corruption. Dans la convention de Cotonou signée le 23 juin 2000 entre l’UE et 77 pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), la bonne gouvernance a été introduite comme un élément essentiel. De ce fait, elle est en voie de devenir un élément de conditionnalité, au même titre que le respect des principes démocratiques, les droits de la personne humaine et l’Etat de droit. En cas de violation flagrante d’un de ces éléments essentiels, la coopération peut être suspendue. Mais ce combat ne saurait être à sens unique. Un code de bonne conduite interdisant les pratiques de corruption des entreprises transnationales est à mettre au point. Rappelons à cet égard que nous avons organisé, en novembre 2000, un atelier de travail au sujet de la bonne gouvernance animé par Monsieur Dieter Frisch, membre fondateur de l’ONG Transparency International.

 

L’Europe devrait peser de tout son poids dans le combat contre le crime organisé y compris la criminalité financière qui assure aux mafias modernes une puissance dangereuse pour nos démocraties.

 

Il est à souhaiter que l’accord sur la Cour Pénale Internationale, qui a été ratifié par votre Chambre il y a quelques mois, puisse entrer en vigueur le plus tôt possible. Il renforce l’action de la communauté internationale contre les pires formes de criminalité et de violence. Une fois en vigueur, cet instrument jouera un double rôle de prévention et de sanction.

 

L’intégration régionale des pays en développement ne manquera pas d’avoir des effets bénéfiques sur leurs possibilités d’accès au marché mondial. Ceci me paraît très important en particulier pour les pays les moins avancés (PMA). Ceux-ci ont connu des taux de croissance démographique, au cours de la décennie écoulée, en moyenne de deux à trois fois supérieurs à ceux de l’économie. Ces pays deviennent donc toujours plus pauvres. L’incapacité à faire décoller les économies de ces pays ne cesse de défier les politiques de coopération au développement. 

 

En effet, l’objectif majeur de notre politique de coopération est la lutte contre la pauvreté. La plupart de nos pays-cible comptent d’ailleurs parmi les plus pauvres. En réalité, l’essentiel des activités dans les PMA se réduisent à une agriculture de subsistance. Ainsi, au Niger, 85% de la population sont des paysans et des paysannes. Ils représentent une majorité plus ou moins grande dans nos autres pays-cible. 

 

Le fonctionnement de l’économie agricole mondiale qui concerne 1,2 milliard d’habitants, soit la moitié de la population active sur la planète, a conduit à une explosion des écarts de productivité entre les agricultures du Nord et du Sud. Ceci a inéluctablement entraîné une baisse des prix et partant un appauvrissement continu des populations rurales du Sud. Ne serait-il dès lors pas plus judicieux de plaider pour la création au Sud de marchés agricoles régionaux regroupant des agricultures à productivité comparable, permettant à la fois l’obtention de prix plus justes et une protection vis-à-vis de la concurrence du Nord. Le maintien et le développement d’une agriculture vivrière capable d’alimenter les populations sont à ce prix. Aussi appuyons-nous les efforts des organisations paysannes ouest-africaines visant à renforcer leurs capacités organisationnelles et à contribuer à la mise en place d’une politique agricole commune au niveau de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA).

 

Le Conseil européen devrait régulièrement examiner les questions liées à la mondialisation. Un premier pas a été accompli lorsque, sous l’impulsion de la Présidence suédoise, nos chefs d’Etat et de gouvernement ont à Göteborg mis à leur ordre du jour la question du développement durable. Le Conseil européen a convenu d’examiner les progrès accomplis dans la mise au point d’une stratégie de développement durable lors de ses réunions annuelles de printemps. Il a réaffirmé sa détermination à tenir les engagements pris dans le cadre du protocole de Kyoto. La Conférence de Bonn et celle de Marrakech qui vient de se terminer ont abouti à de premiers résultats. La maîtrise des émissions de CO2 est à poursuivre dans le respect des engagements pris. La question de la réorientation de nos modes de production et de consommation, inscrite aussi au programme de la Présidence belge, fait partie de la mise au point d’une telle stratégie de développement durable. Ces travaux sont à intensifier en vue de la Conférence Rio + 10 qui doit se tenir en septembre prochain à Johannesburg.

 

Le succès de la politique de développement durable dépend très étroitement de son acceptation par l’opinion publique. Mieux cette politique sera comprise, plus elle sera acceptée. Pour réduire le déficit démocratique en la matière, il importe de ne ménager aucun effort afin de renforcer le dialogue entre l’UE et ses Etats membres d’une part, et les parlements et la société civile d’autre part. 

La Conférence de Monterrey sur le financement du développement

 

Une autre conférence internationale importante se tiendra en mars 2002 à Monterrey au Mexique et sera consacrée au financement du développement. A côté d’une série de thèmes comme le commerce, les investissements, la bonne gouvernance, la prévention des conflits, c’est la question de l’Aide Publique au Développement qui se trouvera au centre de cette Conférence. Il s’agira de donner une suite concrète aux engagements que nos chefs d’Etat et de gouvernement ont pris à New York en septembre 2000 visant à réduire de moitié la proportion des personnes souffrant d’extrême pauvreté d’ici 2015. Il importera de même de concrétiser les conclusions du Conseil européen de Göteborg confirmant la volonté de l’UE et de ses Etats membres d’atteindre l’objectif d’une APD de 0,7% du PNB. Le Conseil des ministres du Développement qui s’est réuni il y a une semaine, a pris une décision encourageante. Il a, en vue de la Conférence au Mexique, chargé la Commission européenne d’examiner avec chaque Etat membre les mesures concrètes à prendre pour respecter cet objectif y compris celle de l’établissement d’un calendrier pour y arriver.

Une politique de coopération au développement dynamique

 

Le Luxembourg abordera cette Conférence dans une position confortable. Les gouvernements successifs se sont dotés, ces dernières années, d’une politique de coopération au développement dynamique et ambitieuse. L’année 2000 entrera dans l’histoire de la coopération luxembourgeoise. C’est l’année où, en effet, et conformément aux engagements pris au sommet de la Terre à Rio en 1992, nous avons atteint et même dépassé l’objectif de consacrer 0,7% de notre Revenu national Brut (RNB) à l’Aide publique au Développement. 5,5 milliards de francs - soit, pour être précis, 0,71% du RNB - ont ainsi été affectés aux fins de la coopération au développement.  Nous avons rejoint ainsi le petit groupe des quatre autres pays - Suède, Norvège, Danemark et Pays-Bas - qui ont atteint cet objectif. Cette performance paraît d’autant plus remarquable que la tendance générale de l’APD est allée à la baisse du fait notamment des grands pays industrialisés. La moyenne de l’APD est, en effet, tombée en 2000 à un niveau critique correspondant à seulement 0,22% du PNB des pays de l’OCDE.

 

Le Gouvernement poursuit sa voie vers une APD équivalant à 1% de notre RNB d’ici 2005. Dans le budget 2001 approuvé par votre Chambre en décembre dernier, l’APD correspond à 0,76% de notre RNB, et le projet de budget pour 2002 propose une APD de 0,80% du RNB.

 

Cette politique de solidarité ne passe pas inaperçue au niveau international. Les crédits budgétaires que vous votez à cette fin assurent au Luxembourg appréciation, crédibilité et visibilité tant auprès des pays en développement qu’auprès des partenaires industrialisés et des organisations internationales. Nous sommes déterminés à utiliser cette nouvelle position pour œuvrer avec nos partenaires européens dans le sens d’une politique active et d’un rôle dirigeant de l’UE pour agir en faveur d’un ordre mondial plus juste et plus solidaire et pour une mondialisation qui bénéficie à tous les êtres humains et tout d’abord aux plus pauvres.

 

La lutte contre la pauvreté et le développement durable constituent, faut-il le rappeler, les objectifs majeurs de notre politique de coopération au développement. Ajoutons que cette politique est aussi fondée sur le respect des principes démocratiques, des droits de l’homme, de l’Etat de droit et de la bonne gouvernance.

 

Soucieux de répondre aux besoins essentiels des populations concernées, nous identifions et réalisons nos projets et nos programmes dans les secteurs sociaux,  et notamment l’éducation, la formation professionnelle, la santé de base, l’accès à l’eau, l’assainissement, ainsi que le développement rural.

Nous continuons de mettre un accent particulier sur le transfert de savoir et de savoir-faire, sur la formation et le développement des capacités professionnelles et de gestion dans les pays partenaires. Il ne sert à rien, en effet, de construire des hôpitaux et des lycées, si ces projets, une fois terminés, ne sont pas valablement gérés, si les médecins et les infirmières n’ont pas la formation adéquate, si les formateurs et les professeurs n’ont pas la qualification nécessaire. La durabilité de nos projets est à ce prix, de même que leur appropriation par le pays et les gouvernements partenaires. Rares sont donc nos projets qui ne comprennent pas un important volet de formation à la gestion ou de formation technique ou professionnelle.

 

Nous ne voulons pas pratiquer la politique de l’arrosoir dans notre coopération au développement et nous engager dans des dizaines et des dizaines de pays différents. Il serait vain de vouloir contenter tout le monde et son frère. Pour renforcer l’efficacité de notre politique, mais aussi pour en faciliter la gestion, nous concentrons l’essentiel de notre action dans un nombre limité de pays, nos pays-cible, qui sont au nombre de dix. Le Vietnam et le Laos en Asie, le Nicaragua et le Salvador en Amérique Centrale, le Niger, la Namibie, le Cap Vert, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso en Afrique. S’y ajoutent les Territoires Occupés.

 

C’est sur le degré de pauvreté que nous nous basons pour déterminer les pays-cible. La majorité d’entre eux font partie des pays les moins avancés.

 

Cela dit, nous continuons néanmoins une coopération, mais à un niveau bien plus modeste, avec d’anciens pays-cible, comme la Tunisie, l’île Maurice, l’Equateur, ou des pays partenaires traditionnels comme le Rwanda ou le Maroc.

Depuis l’année passée, nous organisons les Journées de la coopération qui réunissent bon nombre de Luxembourgeois actifs dans la coopération, c’est-à-dire les agents du ministère, de Lux-Development et tous les agents de la coopération opérant sur le terrain, y inclus nos "Junior Professionnal Officers" (JPO), que nous engageons en nombre croissant au service d’agences onusiennes, tout comme les Jeunes Experts travaillant dans les délégations de la Commission européenne. Y sont invités de même les ONG agréées ainsi que les représentants des municipalités. Ces Journées fournissent l’occasion d’examiner les grands défis de notre politique de coopération au développement, de confronter les pratiques du ministère avec les expériences gagnées par ceux qui, jour après jour, agissent dans nos principaux pays partenaires, en Afrique, en Asie et en Amérique Latine. 

 

Au mois de janvier dernier, nous avons ouvert à Dakar notre première Mission de la coopération avec compétence régionale sur terre africaine. Cette ouverture annonce un important mouvement de rapprochement de la coopération vers le terrain. Le bien-fondé de cette initiative s’est rapidement confirmé. Nous sommes maintenant en mesure de donner à notre coopération une visibilité et une efficacité plus grandes. Nous avons un dialogue plus régulier avec nos partenaires africains gouvernementaux et non-gouvernementaux, avec les autres bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux. Nous arrivons à  mieux connaître et à mieux comprendre les réalités, les problèmes, les différents acteurs de la coopération, à améliorer la conception et la coordination de nos travaux, à en assurer une plus grande transparence. Si les décisions continuent d’être prises au ministère même, un important travail de préparation se fait désormais sur place. Cette décentralisation s’inspire très largement de l’exemple d’autres partenaires, tels que la Commission européenne et les Pays-Bas. Au Cap Vert, nous pouvons nous appuyer depuis peu sur les services d’un coordinateur-résident.

L’expérience acquise au terme de la première année d’activité de notre mission à Dakar ne manquera pas de nous renseigner sur l’opportunité de poursuivre l’expérience en Asie et en Amérique Centrale.

 

L’ouverture de la mission à Dakar nous a fourni l’occasion d’y organiser un colloque sur le thème "Démocratie, Droits de l’Homme et Développement en Afrique de l’Ouest". Y ont pris part des représentants des gouvernements et de la société civile du Sénégal, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Cap Vert. Les actes de ce colloque, mis à la disposition des membres de votre Chambre, permettent de se rendre compte de la qualité des interventions. Je me réjouis de ce que la Chambre a pu être associée à cet événement grâce à la participation de l’honorable député Jos Scheuer, représentant la Section Parlementaire luxembourgeoise de la Francophonie.

 

Depuis 1999, nous avons ouvert un nouveau chantier géographique pour notre coopération. Il s’agit du Sud-Est de l’Europe et plus particulièrement de la République Fédérale de Yougoslavie - Serbie et Kosovo, Monténégro - et de l’Albanie. Nous apportons ainsi une contribution bilatérale aux efforts de la communauté internationale visant à introduire une plus grande stabilité dans cette partie de l’Europe.

 

Il faut se féliciter de la coopération particulièrement riche et fructueuse que nous poursuivons avec 74 Organisations Non Gouvernementales. L’engagement des permanents et des bénévoles de ces ONG, leur contact direct avec les populations concernées, la diversité de leurs actions et des relations qu’elles nouent avec le Sud constituent une contribution précieuse et irremplaçable à l’effort du Luxembourg à l’égard des plus démunis. Une part croissante de notre APD,  plus de 750 millions de francs - 13,6% du total -, a été affectée en 2000 au soutien de projets de nos ONG. Pour la première fois, nous avons pu offrir une formation à une centaine de membres d’ONG sur la gestion du cycle de projet. A ce jour, des accords-cadres ont été négociés et conclus avec dix ONG et un consortium d’ONG. Fruit de la coopération entre le ministère des Affaires étrangères et le Cercle des ONG, un Bureau d’Assistance Technique a été installé. Ce service du Cercle est chargé de former, d’informer et de conseiller toutes les ONG intéressées, notamment dans la préparation des demandes à introduire auprès du ministère. Le Cercle a de même pu mettre sur pied un service d’appui à l’éducation au développement dont pourront bénéficier les éducateurs, les écoles primaires et secondaires.

 

Si la coopération bilatérale menée de gouvernement à gouvernement constitue  de loin le volet le plus important, nous menons néanmoins aussi une coopération substantielle au niveau multilatéral et notamment avec les diverses agences onusiennes. Ainsi nous participons avec l’OMS à différents programmes visant à lutter contre les épidémies et les maladies qui ravagent surtout le continent africain comme la tuberculose, la malaria, le SIDA, mais aussi des maladies moins connues comme l’onchocercose ou la draconculose. Nous renforçons aussi la coopération avec les organisations onusiennes en finançant l’exécution dans nos pays-cible de projets que nous appelons "projets multi-bi", c’est-à-dire de projets que nous considérons comme complémentaires par rapport à notre action bilatérale.

 

La présence du Luxembourg aux Conseils d’Administration du PNUD et du FNUAP à partir du 1er janvier prochain pour une durée de deux ans nous mettra en mesure de renforcer notre participation à l’examen de la politique de coopération au développement d’instances des plus importantes de l’ONU dans ce domaine.

 

La Conférence sur le SIDA qui a eu lieu en juin à New York a donné une nouvelle impulsion politique à la lutte contre ce fléau. Il est crucial de mettre à la disposition des personnes atteintes par cette maladie des médicaments à prix abordable. Nous avons contribué pour quelque 500 000 euros en 2000 aux différents programmes de lutte contre le SIDA de l’ONUSIDA. Plus récemment, nous avons décidé de participer aussi à l’initiative européenne "Solidarité thérapeutique hospitalière contre le VIH/SIDA" qui a pour objectif la mise à disposition de médicaments et la prise en charge thérapeutique et psychosociale ainsi qu’un suivi de laboratoire et une surveillance des résistances. Je me félicite de ce que, dans le cadre de cette initiative, le Centre Hospitalier de Luxembourg et le Centre Hospitalier du Nord à Ettelbruck ont spontanément accepté de devenir les partenaires d’hôpitaux au Rwanda.

Nous avons du reste contribué dans ce pays à la réalisation d’un important centre national de transfusion sanguine. Au Niger, nous réalisons depuis quatre ans un projet substantiel de prévention. Un projet similaire sera réalisé au Laos avec le concours d’ONUSIDA. Au Burkina Faso, Lux-Development est mandaté à exécuter un important projet comprenant la construction d’un centre national de transfusion sanguine à Ouagadougou ainsi que plusieurs unités régionales. 2,4 millions d’euros ont été consacrés en 2000 à ces différents projets et notre action sera renforcée encore à l’avenir dans ce secteur.

 

Point n’est besoin d’insister sur le rôle crucial de la femme dans le développement. Nos projets sont conçus dans le respect du principe de l’égalité entre hommes et femmes. Nous voulons aussi contribuer à garantir le droit à la santé en matière de reproduction, y compris le droit de choisir le nombre de ses enfants et l’espacement de leurs naissances. C’est pour cette raison aussi que nous renforçons sans cesse notre coopération avec le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), dont les représentants sont du reste venus présenter la semaine passée l’état de la population mondiale en 2001. Je rappelle aussi l’important projet que nous avons accepté de cofinancer avec le FNUAP en faveur des femmes afghanes et de leurs enfants réfugiés dans les différents pays voisins de l’Afghanistan.

 

L’aide d’urgence, l’aide humanitaire et l’aide à la reconstruction représentent quelque 10% de notre APD. Nous aidons ainsi à reconstruire le Kosovo et le Timor, nous assistons les victimes de catastrophes naturelles comme celles des tremblements de terre en Inde ou au Salvador ou encore les victimes de crises humanitaires comme celle que connaît l’Afghanistan. Nous avons conclu cette année des accords avec le Comité International de la Croix-Rouge (CICR) et aussi, pour la première fois, avec le Haut Commissariat pour les Réfugiés (HCR) et le Programme Alimentaire Mondial (PAM), en application de notre politique des conflits oubliés. Celle-ci nous amène à intervenir dans des situations de détresse qui ne font plus la une de l’actualité. Notre action commence là où s’arrête celle de CNN.

 

L’éducation au développement et la sensibilisation de notre opinion publique restent un autre volet important de notre politique. Ces actions visent à mieux faire connaître la réalité dans les pays en développement, les liens entre le Nord et le Sud, ainsi que la responsabilité que doivent assumer les pays industrialisés face au défi que constitue le développement. Ainsi, début octobre, les départements de la culture et de la coopération au développement ont organisé pour la première fois une semaine culturelle capverdienne. Elle fut suivie par une "semaine nigérienne" dont l’essentiel des activités se sont déroulées à la Foire Internationale d’automne. Ces initiatives doivent aussi illustrer l’esprit dans lequel nous voulons réaliser notre coopération, et qui en est un aspect non négligeable : l’esprit de tolérance à l’égard de l’autre, le respect pour le partenaire, l’intérêt pour son pays, sa société, son histoire, sa culture et ses problèmes nous permettent de mieux apprécier l’apport de nos pays partenaires à la civilisation. N’est-ce pas là le moyen le plus approprié pour prévenir des appréciations encore plus dangereuses que stupides sur une prétendue inégalité entre les civilisations.

 

Ces semaines capverdienne et nigérienne ont également montré que la culture, l’éducation, les échanges commerciaux, les contacts entre sociétés civiles constituent autant de dimensions de nature à enrichir nos relations qui ne sauraient se réduire uniquement à des relations de coopération. Nous continuons de soutenir les activités des ONG dans ce domaine, qu’il s’agisse d’expositions, de centres de documentation, de publications, de conférences, de manifestations culturelles et autres. 

 

Les opérations d’évaluation que nous menons doivent mieux nous permettre de nous rendre compte des résultats et de la pertinence de nos actions. Ainsi, en Namibie, une évaluation du projet "Système d’information géographique" a été réalisée cette année et a permis d’orienter la prochaine phase du projet vers une plus grande concentration sur le développement des ressources humaines et le renforcement de la capacité institutionnelle de la Namibie en la matière. Une opération d’évaluation du projet "Village Artisanal" au Niger - dont les produits ont été présentés à la Foire Internationale d’automne - est en préparation.

 

Nous avons également procédé à l’évaluation des interventions de deux ONG en Haïti et en Argentine. Enfin, nous sommes en train de réaliser la mise au point d’un manuel intégré de suivi et d’évaluation.

 

La signature de l’Accord de Cotonou le 23 juin 2000 ouvre un nouveau chapitre dans les relations entre l’Union Européenne et 77 pays de l’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP). Ce contrat de solidarité qui lie l’Europe et la plupart des pays les plus pauvres de la planète reste unique en son genre dans les relations internationales. Un nouveau dialogue politique, l’éradication de la pauvreté, la lutte contre la corruption, la reconnaissance du rôle à jouer par la société civile - ONG et secteur privé -, l’organisation des échanges commerciaux sur une base régionale  d’ici 2008, le partenariat et la simplification des procédures, voilà les changements majeurs de cet Accord qui, je l’espère, pourra bientôt être ratifié par votre Chambre. 

 

 

Conclusion

 

Ce qui précède nous montre que nous n’avons attendu ni les manifestations de Seattle ou de Gênes, ni les attentats du 11 septembre pour nous doter d’une politique de coopération au développement lucide, courageuse et dynamique. Nous vivons hélas dans un monde qui connaît de sérieux désordres. Un monde à réinventer ! Le Luxembourg est prêt à participer à cette tâche. Il dispose d’une politique cohérente, d’instruments efficaces, de moyens et d’acteurs de talent pour ce faire avec conviction.

 

Les liens de solidarité qui nous unissent à nos partenaires en Afrique, en Asie et en Amérique Centrale ne devraient pas nous rendre aveugles face aux situations de détresse, de précarité et d’insécurité que peuvent encore rencontrer d’aucuns dans nos sociétés prospères. Les autorités et les services responsables pour l’application de la législation sociale, du droit du travail respectivement de la politique familiale en sont d’ailleurs très conscients et très déterminés à assumer leurs responsabilités.

Cette politique, bien entendu, a un coût. La Chambre, en votant les crédits nécessaires à l’exécution de la politique sociale d’une part, et au financement de la politique de coopération au développement d’autre part, prouve ce faisant qu’il est tout à fait possible de lutter contre la pauvreté et dans les pays en développement et dans notre propre pays. C’est l’un et l’autre, et non pas l’un ou l’autre, et ce dans l’intérêt bien compris de tous.

 

Petit à petit, l’idée selon laquelle la santé individuelle est très largement conditionnée par la santé collective fait son chemin. L’engagement en faveur des populations des pays en développement contribue à influer de façon positive sur cette santé collective.

 

Notre politique de coopération au développement s’ajoute à l’ensemble des stratégies d’ouverture que notre pays a mises en œuvre au cours de son histoire. Elle s’inscrit de par son caractère d’ouverture dans la longue série de coopérations initiées par notre pays au cours de son histoire et que sont l’Union douanière, l’UEBL, la CECA, le Marché commun, l’Acte unique, le Traité sur l’Union européenne, entre autres. Chaque étape d’ouverture nous a permis de faire des avancées considérables.

 

Quant à la coopération au développement, j’en suis sûr, il en sera de même, à condition de ne pas vouloir tabler sur des résultats immédiats ou trop rapides. Aussi ces résultats ne sont-ils pas toujours perceptibles à première vue.

 

Il est tout de même permis de se demander si la logique multilatérale prenant davantage en considération les besoins légitimes des pays pauvres n’est pas d’une très grande valeur. Une dignité individuelle ou collective retrouvée en Afrique, une lueur d’espoir, un traitement médical administré à une mère malade du SIDA, la prévention de la transmission du SIDA à son nouveau-né, l’alphabétisation d’une femme malienne dans la zone périurbaine de Bamako, sa faculté ainsi développée d’apprendre à son tour à d’autres à lire et à écrire, le lépreux complètement guéri, la possibilité donnée à un Burkinabé d’avoir accès au micro-crédit, un massacre prévenu, une guerre évitée, une paix retrouvée, une reconstruction engagée, une dynamique lancée, le recul de la corruption amorcé, une meilleure gouvernance escomptée, une coopération régionale devenant une perspective réelle et débouchant sur une mondialisation plus inclusive et plus respectueuse des attentes et des droits de nos partenaires du Sud, tout cela serait-il sans valeur ?

 

Il y a des échecs à déplorer, hélas. Il y a aussi des résultats parfois trop modestes. Mais à la longue, nous gagnerons réellement en sécurité, en justice et en enrichissement culturel et moral, bref en termes humains, ce que nous investissons aujourd’hui en termes budgétaires.