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Prise de position de Fernand Boden au Conseil des ministres de l'Agriculture à Bruxelles
Monsieur le Président,
Je voudrais vous remercier de nous avoir donné la possibilité de commenter dès aujourd’hui les propositions législatives élaborées par la Commission sur la révision à mi-parcours.
J’aimerais remercier aussi la Commission pour la présentation de ses propositions.
Il est clair qu’un examen plus approfondi de ces textes devra être fait au cours des prochains mois.
Je rappelle que l’Agenda 2000 avait pour but de créer un cadre stable, de donner des perspectives pour les agriculteurs de l’Union jusqu’en 2006 et qu’il constitue l’acquis communautaire à ce stade. Les objectifs fixés en 1999 pour la politique agricole commune sont toujours valables et ont été confirmés au Conseil européen de Bruxelles en octobre 2002. En effet lors de ce conseil il a été notamment réaffirmé : « Il conviendra de continuer à tenir compte des besoins des producteurs des régions défavorisées de l’Union européenne actuelle ; une agriculture multifonctionelle sera préservée dans toutes les régions d’Europe conformément aux conclusions du Conseil européen de Luxembourg (1997) et du Conseil européen de Berlin (1999) ».
Nous constatons aussi que ces dernières années les dépenses agricoles sont restées nettement en dessous des plafonds prévus par les perspectives financières pour l’ensemble de la période 2000-2006 et que celles pour la période 2007 -2013 sont dorénavant établies.
Lors de la présentation de la communication sur la révision à mi-parcours en juillet nous avions déjà exprimé nos réserves quant à la nécessité d’une modification immédiate et en profondeur de la PAC.
A notre avis il s’agit avant tout de procéder aux ajustements et améliorations qui sont devenus nécessaires par l’évolution des marchés depuis la mise en oeuvre de l’Agenda 2000 et par les décisions prises au Conseil européen de Bruxelles d’octobre 2002 et nous sommes prêts à y participer activement. Or, le paquet de propositions présenté maintenant par la Commission va bien au-delà de tels ajustements et améliorations, il constitue une réforme anticipée et apporte un bouleversement de l’acquis communautaire. Nous craignons que la réforme proposée ne permette pas de mieux atteindre les objectifs fixés pour la PAC en 1999 et qu’elle se fasse au détriment du revenu des agriculteurs, ce que nous ne pouvons pas accepter.
Un objectif largement partagé est le renforcement de la politique du développement rural qui par des programmes ciblés permet aux différents Etats membres de soutenir le rôle multifonctionnel de l’agriculture et d’encourager la production de produits régionaux de qualité.
Afin de renforcer le développement rural, la Commission avait proposé en juillet 2002 une modulation dégressive et un transfert des fonds ainsi générés du premier vers le deuxième pilier.
Maintenant nous constatons que la Commission diminue fortement le transfert vers le deuxième pilier, sans pour autant diminuer sensiblement la dégressivité des aides.
Ainsi seulement une partie des moyens financiers résultant de la modulation-dégressivité devrait être disponible pour développer le deuxième pilier de la PAC, un effet négatif sur les revenus des agriculteurs serait donc programmé.
Dans ce contexte je tiens à réitérer notre demande d’élargir les critères de distribution concernant les fonds à mettre à disposition des Etats membres pour le développement rural, en prenant en compte l‘utilisation historique des fonds aussi bien communautaires que nationaux en matière de développement rural.
En ce qui concerne le concept de la modulation dégressive, je voudrais rappeler que lors des discussions sur la communication de la Commission sur la révision à mi-parcours, nous avons déjà exprimé une réserve générale sur ce concept.
Tout en continuant d’analyser plus en profondeur la répercussion du modèle proposé sur notre agriculture, nous ne pouvons à ce stade que maintenir cette réserve.
Nous partageons cependant le souci de la Commission de parvenir à une répartition plus équitable des aides entre les agriculteurs et dans ce contexte nous étions en faveur d’une dégressivité, voire d’un plafonnement des aides en fonction de la taille de l’exploitation, étant donné que les économies d’échelle jouent.
Or, contre toute attente, le système de modulation proposé maintenant ne prévoit plus de plafonnement.
Il est vrai que la Commission a prévu trois paliers de dégressivité des paiements directs : moins de 5 000 Euros, entre 5 000 et 50 000 Euros et enfin plus de 50 000 Euros. A notre avis, le premier palier est trop bas et il reste encore beaucoup de place pour introduire l’un ou l’autre palier supplémentaire pour la partie des paiements directs dépassant largement les 50 000 Euros, ceci afin de mieux tenir compte des économies d’échelle et de rendre la répartition des aides entre les agriculteurs plus équitable.
S’y ajoute, et je viens maintenant à l’élément principal de la réforme proposée, qu’avec une aide unique découplée, gelée sur la base d’une période de référence historique, le rééquilibrage souhaité de l’attribution des aides directes sera rendu quasiment impossible.
Beaucoup d’autres questions concernant le découplage des aides restent également ouvertes.
Le système de découplage proposé par la Commission, lié au nouveau concept de conditionnalité avec tout son catalogue de conditions visées à l’annexe III, n’apportera à notre avis pas de simplification, ni du point de vue administratif ni en ce qui concerne les contrôles. Chaque exploitation aura des droits à paiement par ha différents et ces différences des droits entre exploitations, voire à l’intérieur d’une même exploitation, devraient être prises en compte lors des paiements des aides et lors des transferts de surfaces d’une exploitation vers une autre, ce qui nécessitera des travaux de gestion et de contrôles considérables.
Par ailleurs, en figeant cette aide au revenu découplée au niveau de l’exploitation et en la liant directement au nombre d’ha de l’exploitation, une pression sur les coûts du foncier ne peut être exclue. Une capitalisation des droits à la prime, créant une rente pour les propriétaires des terres et pour les agriculteurs sortants, en résultera, à l’instar de ce que nous observons dans le domaine des quotas laitiers, qui sont devenus une sorte de droit de propriété et ont renchéri de façon substantielle les coûts de production des producteurs actifs.
Nous savons que la Commission est consciente de ce problème, nous craignons cependant que les mécanismes proposés ne vont pas pouvoir y faire face.
De même, en s’appuyant strictement sur une moyenne triennale, les agriculteurs ayant amélioré la structure de leur exploitation pendant cette période de référence ne risqueraient-ils pas d’être pénalisés par rapport à ceux qui ont diminué la taille de leur ferme au cours de cette période ?
Monsieur le Président, vous voyez que pour le moment nous n’avons pas encore trouvé des réponses satisfaisantes aux questions essentielles qui nous préoccupent, et de ce fait nous ne pouvons qu’exprimer nos réserves quant au modèle proposé par la Commission. Nous réitérons notre demande à la Commission, demande d’ailleurs faite par plusieurs délégations au cours des discussions antérieures, d’examiner d’autres variantes du découplage des aides de la production, et notamment celle du découplage partiel des aides.
En ce qui concerne maintenant les propositions de réforme dans les différents secteurs de production, je me bornerai à ceux qui présentent le plus d’importance pour notre pays.
J’aimerais commencer avec le secteur laitier.
Nous accueillons avec satisfaction que la Commission propose une prolongation du système des quotas laitiers, qui, malgré ses contraintes, a assuré une stabilité des prix et du revenu de nos producteurs laitiers.
Je constate aussi que ce secteur, malgré sa grande importance pour l’agriculture européenne, s’avère relativement peu coûteux pour le budget.
Si nous pouvons approuver le principe d’une baisse asymétrique des prix institutionnels, nous ne voyons pas l’intérêt d’avancer le calendrier de Berlin vu que la situation du marché dans ce secteur est favorable.
Par ailleurs la proposition d’une baisse des prix institutionnels de l’ordre de 28% conduira à des pertes sèches de revenu, sachant que la compensation ne s’élève qu’à quelque 60% et qu’elle est de surcroît dégressive.
La question se pose également pourquoi la Commission propose un nouveau texte législatif à la place d’une nouvelle codification, texte qui est d’ailleurs plus vague en ce qui concerne les différentes possibilités de transfert des droits selon des critères objectifs.
De même, la fixation d’une valeur de référence nationale en ce qui concerne la teneur en matière grasse compliquera considérablement la gestion du système.
En ce qui concerne les céréales, cette nouvelle réduction du prix, compensée uniquement à 50% aura comme effet une diminution de la marge brute par ha (selon certains calculs un recul jusqu’à 50% serait possible) et conduira à des pertes de revenu plus ou moins importantes selon l’orientation de l’exploitation.
Par ailleurs nous ne sommes pas persuadés de la nécessité des mesures proposées (baisse du prix d’intervention, suppression des majorations mensuelles), sachant que la situation sur le marché mondial est plutôt positive.
La Commission maintient sa proposition d’un gel à long terme. S‘il est positif que les producteurs biologiques soient exclus de cette obligation, nous craignons des problèmes administratifs pour les autres producteurs, surtout lors du transfert de ces surfaces.
En outre, la production de plantes non-alimentaires et énergétiques ne serait plus possible sur ces surfaces.
Nous avons une préférence pour le maintien du système de gel des terres actuel, rotationnel avec la possibilité de produire des cultures non-alimentaires. De même la possibilité de produire des plantes protéagineuses sur ces surfaces devrait être examinée.
En outre l’idée du crédit carbone ne nous semble pas convaincante.
Il conviendrait plutôt d’analyser la possibilité d’une combinaison de différents instruments, tel que la gestion de l’offre par le biais de la production non-alimentaire, une prime pour la production de plantes énergétiques vraiment incitative ou des mesures dans le deuxième pilier de la PAC pour dynamiser ce secteur prometteur.
Si la fixation de surfaces maximales garanties est envisagée, nous favorisons plutôt une approche communautaire, aussi bien pour le régime « Crédit Carbone » que pour l’aide spécifique pour les cultures protéagineuses.
Finalement, j’aimerais souligner que le renforcement du deuxième pilier ne pourra se faire que si les modalités de gestion et de contrôle ainsi que les procédures de décision et d’allocation des aides sont simplifiées.
Une approche plus flexible pour la mise en œuvre des mesures du développement rural dans le contexte de la subsidiarité devrait être introduite, pour permettre aux Etats Membres de mieux adapter les programmes à leur situation socio-économique.