Intervention du ministre des Affaires étrangères Lydie Polfer à l'occasion des 50 ans des écoles européennes

Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,

En 50 ans la construction européenne a accompli des choses remarquables pour les citoyens de notre continent. Elle a permis la modernisation et la croissance de l’économie européenne après les ravages de la guerre et la mise en place de l'union monétaire. En matière politique, elle a contribué à consolider la démocratie dans des pays qui avaient connu la dictature. Elle a créé un pôle de stabilité, de liberté et surtout de paix et elle s'apprête à accueillir tout naturellement les pays qui se sont libérés de la tyrannie soviétique.

Voilà bien des succès.

Nous sommes cependant réunis aujourd'hui pour célébrer une autre réussite de la construction européenne, d'autant plus importante qu'elle a une influence directe sur ce qu'il y a de plus précieux: l'éducation de milliers de jeunes européens et la préparation de leur avenir. En effet, il y a 50 ans, la première école européenne vit le jour à Luxembourg.

La philosophie qui a présidé à la création de cette première école vraiment européenne et qui conditionne toujours son action et son fonctionnement est à mes yeux une illustration parfaite de ce que notre Union peut achever dès lors qu’elle est animée par la volonté du succès et l'esprit d'innovation.

Les initiateurs de ce projet auraient pu limiter leurs ambitions et simplement juxtaposer les différents systèmes éducatifs nationaux. Ils ont choisi une autre voie, plus ambitieuse, plus respectueuse aussi de la démarche européenne et pensé une éducation d’un type nouveau, basée sur la coexistence d'éléments qui avaient fait leurs preuves dans les différents pays et de nouvelles formes d’enseignement, réalisant ainsi une synthèse harmonieuse entre nos cultures nationales et les valeurs communes à toute la civilisation européenne. Ce faisant, ils préfiguraient une Europe nouvelle, faite de compréhension et de tolérance, bâtie sur le partage et la générosité. La mission du traité CECA était plus limitée. Il s'agissait de mettre en commun une partie, certes importante, des intérêts économiques des pays participants. Rendre impossible la guerre en Europe en soustrayant aux gouvernements nationaux le contrôle du charbon et de l'acier, considérés à raison comme le nerf de la guerre, était original et inédit.

Par contre, l'ambition et l'originalité de cette nouvelle forme d'éducation n'étaient pas moins grandes, puisqu'il s'agissait de former des Européens qui, sans qu’il aient à perdre leur identité nationale, puissent tirer avantage de la situation particulière, réellement plurilingue et multiculturelle, apprendre à respecter et à apprécier la différence de l’autre tout autant que l’unité fondamentale de notre continent.

Ces objectifs, poursuivis en premier lieu et atteints très tôt par les écoles européennes s’imposent de nos jours à l’ensemble de l’Union et à chacun de nos Etats membres. Je suis particulièrement fière que cette expérience pédagogique  ait été conçue et mise en œuvre pour la première fois au Luxembourg, la terre natale de Robert Schuman, qui de cette manière confirmait une fois de plus sa vocation et ses facultés à dépasser le cadre national et à promouvoir l'ouverture et la compréhension mutuelle.

Aujourd’hui nous savons que les pionniers de l’école européenne avaient une vision exacte des nécessités et des exigences du moment et une  prémonition admirablement juste de ce qui allait devenir la destinée de l’Europe.

Pour comprendre toute la pertinence de leur démarche, il est utile de rappeler dans quel contexte cette création s'est faite. Au moment où les blessures du plus tragique conflit que notre continent avait connu étaient encore loin d’être fermées, les initiateurs de ce projet ont été capables de faire preuve de clairvoyance. Ils sentaient que l'enseignement européen était le meilleur moyen pour tourner la page sur un passé fait de haine, de méfiance et de rancunes et pour construire un monde meilleur. Ce faisant, ils ont accompli un acte de foi dans la valeur de l’homme et dans sa capacité à tirer les leçons des erreurs commises pour éviter qu’elles ne se reproduisent.

Altesses Royales,
Mesdames, Messieurs,

Notre présence ici aujourd’hui témoigne de la force de cette idée qui s'est révélée fort juste. Heureusement, l’idée d’une éducation européenne, non pas opposée, mais complémentaire à l’éducation nationale s'impose chaque jour davantage. Ainsi, en 50 ans, l’Europe a changé, non seulement pour ce qui est de ses institutions, mais les hommes et les femmes qui font l'Europe ont également évolué, et les écoles européennes ont été un acteur engagé et important de ce processus. Le mouvement ne s'arrête pourtant pas, tant il est vrai que le succès appelle le succès.

Le 16 avril, nous avons signé à Athènes le traité d’adhésion avec les 10 pays qui viendront dès l’année prochaine renforcer notre Union, tout en démontrant une fois de plus qu’une partie importante de la richesse de l’Europe  réside dans sa diversité et dans le respect des différences.

Si l’élargissement constitue un défi - et une opportunité - pour l’Union, il n’en est pas autrement pour les écoles européennes. De nouvelles sections linguistiques verront le jour, la structure des écoles et l’organisation pratique des cours seront un peu plus complexes, mais, les potentialités aussi se trouvent renforcées.

La mission des écoles européennes - comme de toute éducation par ailleurs - restera inchangée. Il s’agit d’encourager le développement de la dimension européenne afin de préparer les jeunes à devenir des membres engagés et responsables de nos sociétés, capables de fournir leur apport à un monde caractérisé par une intensification des relations interculturelles et par une mondialisation croissante que nous ne pourront réussir que grâce à la compréhension de nos particularismes et des valeurs que nous avons en partage. Le respect des identités nationales allié à l'ouverture européenne sont les domaines dans lesquels l'école européenne excelle et où elle peut servir de modèle aux enseignements nationaux.

Je peux vous assurer que le Luxembourg soutiendra comme par le passé cette aventure unique que constitue la création et le fonctionnement d'une école pour Européens. Les gouvernements successifs ont toujours fait de leur mieux pour  répondre aux défis lancés par la croissance de l'Europe et découlant de nos obligations comme plus ancienne des villes siège de l'Union. Aussi, tout sera mis en œuvre pour que les bâtiments devant abriter la deuxième école européenne à Luxembourg seront disponibles dans les plus brefs délais. L'élargissement de l'Union européenne signifie un accroissement important du nombre des élèves dans les années à venir. Nous nous attendons en effet à accueillir jusqu'à 2000 élèves supplémentaires d'ici 2008. Pour faire face à ce besoin, nous avons décidé de construire une deuxième Ecole européenne, dont l'implantation est prévue à Mamer. Je me réjouis que le Conseil supérieur des Ecoles européennes ait marqué son accord avec la proposition d'implantation du Gouvernement luxembourgeois. Nous sommes ainsi en mesure d'entamer prochainement les travaux avec l'ambition d'inaugurer cette nouvelle Ecole en 2007.

Sachant toutefois que l'arrivée des nouveaux élèves commence dès maintenant, le Gouvernement luxembourgeois mettra en place une infrastructure scolaire provisoire qui permettra de les accueillir de manière satisfaisante dans l'enceinte de l'Ecole européenne du Kirchberg. Cette infrastructure sera prête pour la rentrée 2004. Il s'agit d'une solution élaborée avec la Direction de l'Ecole européenne et bénéficiant du soutien de l'Association des parents d'élèves, que je voudrais remercier, au même titre que tous les autres intervenants, pour leur contribution à l'élaboration de ce concept, qui répond aux besoins de l'Ecole européenne.

Pour terminer, je tiens à rendre hommage au travail remarquable accompli par les écoles européennes au cours d'un demi siècle et je vous assure du plein appui du gouvernement luxembourgeois pour relever, conformément à votre tradition, les défis qui sont devant nous.