Discours de la ministre de la Culture, Erna Hennicot-Schoepges, prononcé dans le cadre de la Semaine mondiale de la Francophonie

Mesdames, Messieurs,

C’est avec un réel plaisir, et conformément au souhait des organisateurs, que je voudrais dire quelques mots d’introduction à cette soirée où nous allons célébrer, avec deux jours d’avance sur la date officielle du 20 mars, la désormais traditionnelle Journée internationale de la Francophonie.

La Journée internationale de la Francophonie constitue tout d’abord un hommage au rayonnement de la langue et de la culture françaises dans le monde.

La langue française, dont certains voudraient prédire un peu trop vite le déclin, voire la disparition progressive sur la scène  internationale, me semble avoir encore bien des atouts. Selon des linguistes autorisés, elle arrive toujours en 10e position parmi les langues les plus parlées du monde, avec 135 millions de locuteurs, dont 75 qui l’utilisent comme langue maternelle et 60 qui l’emploient comme deuxième langue. Certes, il s’agit là d’estimations globales qui ne tiennent pas compte des réalités souvent complexes et des spécificités de certains pays. Pour y voir plus clair, le Haut Conseil de la Francophonie vient d’ailleurs de lancer une vaste"Enquête sur l’Etat de la Francophonie dans le monde" auquel notre pays participe également. Les résultats de cette enquête vont sans doute nous réserver quelques surprises

Tout aussi complexe, la littérature francophone fait preuve d’une vitalité et d’une richesse souvent surprenantes dans certains "pays ayant le français en partage". La conférence-projection de ce soir en apportera, j’en suis sûre, une preuve éclatante. Et je voudrais féliciter et remercier les organisateurs de leur concertation exemplaire : la Commission nationale pour la coopération avec l’Unesco, l’Université de Luxembourg, le Centre national de littérature, la Bibliothèque nationale et mon propre ministère. Mes remerciements vont tout particulièrement au professeur Frank Wilhelm, indéfectible défenseur de la culture francophone dans notre pays.

La Journée de la Francophonie constitue également pour moi une occasion propice pour rappeler qu’à côté de la francophonie culturelle, il existe aussi, sur le plan politique, une Organisation Internationale de la Francophonie, l’OIF, à laquelle adhèrent aujourd’hui 56 Etats et Gouvernements membres, représentant quelque 5oo millions d’hommes et de femmes sur les 5 continents. Elle représente aussi une plate-forme pour mieux faire connaître la mission francophone, plus actuelle que jamais  en ce début de siècle tourmenté.

Les premières structures de cette francophonie politique ont été créées par étapes successives pendant les années de la décolonisation, jusqu’à  la création en 1970, à Niamey, de l’Agence de Coopération culturelle et technique (ACCT). Elle a reçu son architecture actuelle, en 1997, au Sommet de Hanoi, où les chefs d’Etat et de gouvernement des pays ayant le français en partage ont adopté une nouvelle Charte de la Francophonie. Celle-ci prévoit une structure  bicéphale de l’Organisation, avec une aile politique, l’Organisation internationale de la Francophonie (AIF), dirigée par un secrétaire général, (aujourd’hui l’ancien président du Sénégal Abdou Diouf ) et une aile administrative, l’Agence intergouvernementale de la Francophonie (OIF), remplaçant l’ancienne ACCT, et qui est gérée par un administrateur général (le Belge Roger Dehaybe).

Dans l’esprit de ses pères fondateurs, comme le Sénégalais Léopold Sédar Senghor, le Tunisien Habib Bourguiba, le Nigérien Hamani Diori, la Francophonie était d’abord une communauté linguistique et culturelle, fondée sur un ensemble de valeurs philosophiques et éthiques, visant à l’émancipation des nations et des individus (« Dans les décombres de la colonisation, disait Senghor, nous avons trouvé un outil merveilleux : la langue française).

A partir de Hanoi, et sous l’impulsion de son premier secrétaire général,  Boutros-Ghali, la Francophonie a amorcé un important virage politique et stratégique : au lieu de se focaliser exclusivement sur la défense et la célébration de la langue française, la Francophonie s’est donné un nouvel objectif : la promotion du pluralisme linguistique et de la diversité culturelle.

A travers une coopération plus étroite avec les ères linguistiques  hispanophone, lusophone, arabophone et russophone, objet de plusieurs conférences internationales, la Francophonie a préconisé le dialogue des cultures, thème dominant du Sommet de Beyrouth en 2002.

Dans la même logique,  la Francophonie  propose aujourd’hui une alternative  face à une mondialisation axée sur le tout économique d’ une idéologie ultra-libérale. Elle favorise un modèle de développement mondial à visage humain, respectueux de identités culturelles et des ressources naturelles, tout cela dans un esprit de solidarité, de coopération et développement durable.

Car il n’y a pas de développement sans un partage plus équitable des richesses entre les pays. La Francophonie est aujourd’hui la tribune par excellence  où peuvent s’exprimer les angoisses et les frustrations, les aspirations et les rêves des pays du Sud qui en composent la majorité.

Il n’y a pas de développement sans partage des connaissances. Aussi la francophonie s’implique-t-elle  dans la préparation de la Conférence mondiale sur la société de l’information, dont un des objectifs sera de réduire la fracture numérique, dans un cadre éthique et juridique garantissant la dignité humaine

Il n’y a pas de développement sans démocratie et respect des libertés fondamentales. Conscient du fait que la démocratisation est un long processus, toujours menacé de revers, parfois sanglants, la Conférence de Bamako a adopté en novembre 2000, une déclaration et un plan d’action concernant les pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l’espace francophone.

Il n’y a pas de développement sans les Jeunes : la Francophonie leur avait consacré le Sommet de Moncton (1999) où, sur proposition de la délégation luxembourgeoise, un Parlement des Jeunes a été créé.

Il n’y a pas de développement sans une participation active des femmes à la vie économique, sociale et politique. Souci majeur de l’OIF, le statut et le rôle des femmes a fait l’objet d’une conférence des femmes francophones à Luxembourg, du 4 au 5 février 2000. Précédée d’une visite officielle de Boutros-Ghali au Luxembourg, cette conférence consacrée au  thème de « Femmes- pouvoir et développement » a connu un grand succès. La Déclaration de Luxembourg, qui en résume les propositions essentielles, constitue aujourd’hui une des références majeures de l’OIF.

Notre pays est donc bien présent sur la scène francophone. Et certains vont jusqu’à dire qu’il constitue, avec l’île Maurice, l’une des deux perles de la Francophonie. Quoi qu’il en soit, nos liens avec la Francophonie officielle sont excellents et seront encore renforcés par la visite officielle, le 14 avril prochain, de son secrétaire général, Son Excellence Monsieur Abdou Diouf.

Dans son message adressé récemment aux pays francophones, Abdou Diouf écrit : "J’ai voulu inscrire le 20 mars 2004 dans la perspective du thème du Xe Sommet de la Francophonie qui se tiendra en novembre prochain à Ouagadougou, au Burkina Faso : La Francophonie un espace de solidarité pour un développement durable.

Nous devrons ensemble, cette année, en plaçant la solidarité au centre de notre action, montrer au monde que la voie que nous avons choisie, celle d’un "humanisme de la différence" doit permettre de mieux répondre aux injustices et aux inégalités, au besoin de paix et de développement.

Cette solidarité apparaît pour nous tous comme le complément nécessaire et indissociable de notre combat pour la diversité culturelle et linguistique…

L’Organisation internationale de la Francophonie a besoin de toutes les forces vives de notre communauté, sur le terrain, dans les écoles et les universités, dans les entreprises, dans le monde associatif, dans les médias."

Je pense que la manifestation de ce soir s’inscrit dans le droit fil de ce message. Et je m’empresse de céder  la parole au professeur Frank Wilhelm et aux animateurs de cette soirée prometteuse.

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