Discours de Jean-Claude Juncker prononcé en tant que président du Conseil des gouverneurs à l'ouverture de l´assemblée annuelle de la BERD

Chers collègues gouverneurs, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

C’est un grand honneur pour moi de présider cette année l’Assemblée annuelle de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement, à quelques jours de l’entrée dans l’Union européenne de huit pays dans lesquels la BERD opère depuis 1991. Cet événement vient, selon moi, couronner l’évolution remarquable qu’a connue l’Europe centrale et orientale depuis la chute du Mur de Berlin. La BERD peut être fière de son action décisive en faveur de cette transition. Sans son rôle novateur – soutenir le nouveau secteur privé de ces pays tout en prêtant attention aux conséquences sociales des réformes – je doute que le processus de transition aurait été aussi simple et aussi rapide.

Cela dit, je ne pense pas que ce processus soit à ce point achevé pour les nouveaux pays adhérents que la mission de la BERD y soit arrivée à son terme. Au contraire, la dernière étape de la mise en place d’une véritable économie de marché est généralement la plus périlleuse et seule une institution spécialisée comme la BERD peut accompagner les nouveaux pays membres de l’Union européenne dans cette dernière ligne droite. Les marchés financiers y manquent encore de la solidité requise, la restructuration des secteurs les plus sensibles n’est pas achevée et les municipalités ont encore besoin d’aide pour améliorer les services publics. Je suis persuadé que la BERD, grâce à sa longue expérience de la région, peut apporter sa contribution dans ces domaines sans mettre en péril les principes d’additionalité et d’impact sur la transition. La BERD, après tout, n’a pas pour mission de priver d'autres investisseurs des possibilités offertes dans les pays qui s'apprêtent à rejoindre l’Union.

Si l’on peut être sûr que les activités à venir de la BERD dans ces pays respecteront les principes d’additionalité, c’est, entre autres, parce que certaines de ses opérations y seront nécessairement plus risquées. Cet élément, associé à la nécessité de mettre l’accent sur les pays moins avancés du Sud et de l’Est de la région, se traduira par un portefeuille de projets de plus en plus risqués que la Banque devra gérer. Nous devons toutefois, en tant qu’actionnaires, soutenir fermement cette évolution, car la prise de risques dans le cadre des principes de bonne gestion bancaire est parfaitement conforme au mandat de la BERD. Nous sommes à cet égard privilégiés, car les exercices précédents – et notamment celui de 2003 – ont produit pour diverses raisons de solides résultats financiers, ce qui permet à la Banque de prendre davantage de risques. 

À cet égard, nous pouvons féliciter le Président Lemierre et les responsables de la Banque pour avoir su consolider la bonne santé financière de l'institution. Bien sûr, ces bons résultats sont dus en partie à de fructueuses cessions de titres sur des opérations conclues au cours des premiers stades de la privatisation en Europe centrale et il est peu probable que ces occasions se renouvellent.  Toutefois, la saine gestion budgétaire de l’institution – concernant tant les opérations bancaires et de trésorerie que le budget de fonctionnement – mérite d'être saluée, car il n'est pas aisé de naviguer en toute sécurité dans les eaux souvent imprévisibles des économies émergentes.

S’agissant des nouveaux défis à relever, nous pensons certainement au rôle accru de la BERD dans les pays moins avancés sur la voie de la transition. Au fur et à mesure que la Banque mettra l’accent sur les pays situés à l'Est et au Sud de la région, non seulement le contexte économique deviendra plus difficile, mais les conditions énoncées à l'Article 1 de l'Accord portant création de la BERD – c'est-à-dire la diversité politique et la démocratisation – prendront certainement davantage d'importance.  Certains de ces pays sont parmi les plus pauvres d’une région par ailleurs très dynamique. Ils sont confrontés au manque d’intérêt des investisseurs et à une dette publique élevée. Je salue tout particulièrement le Plan d’action pour les pays aux premiers stades de la transition que la Banque vient de présenter au terme d'un processus d'examen et d'analyse approfondi. L’idée de s’appuyer sur des instruments existants qui ont prouvé leur valeur – comme les prises de participations directes et les prêts aux petites entreprises – est un bon point de départ. Mais il est clairement nécessaire d’y adjoindre de nouveaux outils afin de mettre un terme au déclin général des engagements de la BERD dans la région.  En outre, la mobilisation accrue de ressources humaines et la mise en place d’une structure de gestion plus directe complètent utilement ce recentrage stratégique. 

Il nous reste à parler du dernier élément du plan d’action pour les pays aux premiers stades de la transition : les ressources concessionnelles nécessaires au soutien des opérations de la Banque. Dans la mesure où la BERD, contrairement à d’autres banques multilatérales de développement, ne bénéficie pas de conditions financières de faveur, ces ressources doivent venir de l’extérieur. En tant que donateurs, notre responsabilité dans le succès de la Banque dans ces pays est donc d’autant plus importante et je pense que nous devons faire un effort supplémentaire pour relever ce défi. Le Luxembourg est, quant à lui, prêt à miser sur son expérience positive du programme de redressement des entreprises et du programme de consultants locaux et est disposé à consacrer davantage de ressources financières tant au développement des petites et moyennes entreprises dans les pays aux premiers stades de la transition qu’aux activités de microfinancement. [Nous venons, par exemple, d’approuver un nouvel engagement relatif aux activités de redressement des entreprises au Tadjikistan et en République kirghize].

La Mongolie est un pays de la région qui mérite également notre attention. Bien qu’exclue pour l’instant des financements directs de la BERD, la Mongolie s'est engagée dans un courageux programme de transition, avec le soutien du Fonds de coopération technique pour la Mongolie créé il y a trois ans par les Pays-Bas, le Japon et le Luxembourg (rejoints ultérieurement par le Taipei chinois). Quelle que soit l’efficacité de ce fonds, les montants sont limités et seul un financement de projets sur les ressources régulières de la BERD peut garantir des progrès substantiels en termes de transition. Je vous invite donc instamment, chers collègues gouverneurs, à assurer personnellement le suivi de la résolution unanime que nous avons adoptée pour admettre la Mongolie comme pays d’opérations de la BERD. Il est essentiel que les différentes procédures nationales pour la ratification de l’amendement de l’Accord portant création de la Banque aboutissent dans les meilleurs délais.  Le Luxembourg, quant à lui, est sur le point d'adopter la loi requise et j'espère que la Banque pourra rapidement clore cette procédure dans l'intérêt de nos amis mongols.

L'accent mis sur les pays aux premiers stades et aux stades intermédiaires de la transition situés les plus à l'Est ne doit pas nous faire oublier les Etats du Sud-Est, notamment ceux du Caucase et des Balkans occidentaux. S’agissant des Balkans occidentaux, l'Union européenne a réaffirmé – en juin 2003, lors du sommet de Thessalonique – son engagement en faveur du processus de stabilisation et d’association. Cet engagement doit toutefois se traduire par un soutien financier et politique accru si nous voulons mettre un terme à l’instabilité qui a affecté pendant trop longtemps certaines parties de la région. La BERD peut certainement jouer un rôle important à cet égard, non seulement en complétant le Pacte de stabilité de l’Union par des initiatives du secteur privé, mais également en favorisant les investissements transfrontières et la transition juridique.  Cette région ne peut rester une enclave défavorisée dans une Europe élargie et prospère. 

Pour terminer, permettez-moi de vous remercier personnellement, Monsieur le Président, pour vos performances exemplaires à la tête de cette institution. J’ai indiqué que vous avez su renforcer avec prudence les réserves de la Banque et identifier clairement les défis opérationnels à relever. J’ajoute que les relations avec nos représentants au sein de l'institution – le Conseil d'administration – sont au beau fixe, et que le personnel de la Banque est attaché à suivre vos initiatives. Monsieur le Président, c’est à l’unanimité, j’en suis sûr, que, dans quelques instants, mes collègues gouverneurs vont vous reconduire dans vos fonctions pour quatre nouvelles années, puisque votre compétence et votre clairvoyance ont été appréciées par tous au cours de votre premier mandat.

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