La ministre de la Culture Erna Hennicot-Schoepges lors de l'inauguration officielle du Centre culturel de rencontre Abbaye de Neumünster

Altesse Royale, Excellences, Mesdames, Messieurs,

En tant que Ministre des Travaux Publics, l’inauguration d’un ensemble de bâtiments historiques restaurés dans le respect du passé tout en les dotant de fonctionnalités modernes, est évidemment une grande satisfaction.

En tant que Ministre de la Culture, l’inauguration d’un nouveau Centre Culturel, à la fois beau et utile, plein de charme et fonctionnel est une profonde joie.

Depuis la décision de fermer la prison du Grund, jusqu’à l’ouverture du Centre de Rencontre Abbaye de Neumunster que nous fêtons ce soir, il aura fallu près de vingt ans de persévérance, d’obstination, de passion.

La beauté de ce site, sa situation exceptionnelle, au cœur historique de la ville suscitèrent bien des convoitises. Les projets ne manquaient pas. Certains purement commerciaux, d’autres à caractère social, d’autres encore carrément fantaisistes.

La loi de 1993, trancha en faveur d’un projet à vocation culturelle. Elle fut proposée par Jacques Santer, alors Premier Ministre, Ministre des Affaires Culturelles. En tant que Présidente de la Chambre des Députés, je l’ai soutenu avec la profonde conviction que nous avions le devoir de transformer cet endroit de tristesse et de malheur en lieu de rencontre et de création.

Devenue Ministre de la Culture en 1995, j’ai, avec l’équipe en charge de notre année culturelle, dû regretter qu’un tel outil ne soit pas opérationnel pour cet important événement.

Et c’est en tant que Ministre des Travaux Publics que, depuis 1999, que j’ai pesé de tout mon poids pour que les travaux soient menés à leur terme sans plus tarder.

Un tel chantier, particulièrement compliqué en raison de deux impératifs apparemment contradictoires - le respect du charme de vieux bâtiments vétustes et leur réhabilitation en structures d’accueil modernes et agréables - , nécessite une attention toute particulière.

Je sais gré au maître d’œuvre, à l’Administration des bâtiments publics et aux architectes, aux ingénieurs et aux experts, aux entreprises et aux artisans, aux restaurateurs et aux ouvriers d’avoir mené à bien un projet d’une telle ampleur et d’une telle complexité.

L’effort considérable consenti par la collectivité nationale pour doter notre pays d’infrastructures culturelles performantes et adaptées aux besoins du monde moderne répond à plusieurs exigences.

D’une part, rattraper un certain retard, de plus en plus pénalisant pour le développement et la professionnalisation des activités culturelles.

D’autre part, contribuer à créer un patrimoine architectural contemporain digne d’un pays qui doit tenir son rang et remplir son rôle au cœur de la Grande Région et de l’Europe.

Enfin, et c’est peut-être le plus important, mettre à disposition des créateurs et des acteurs culturels mais aussi du public, les instruments d’un politique culturelle ambitieuse, pilier de notre cohésion sociale.

Durant le siècle dernier, notre pays a dû lutter pour assurer son bien-être et sa souveraineté. Les priorités  étaient alors naturellement d’œuvrer au développement économique et  à l’édification d’une Europe unie et pacifique, garante de notre indépendance. Ces deux objectifs ne sont certes pas oubliés aujourd’hui et restent au centre de nos préoccupations. Mais, s’ils restent nécessaires, ils ne sont plus suffisants. Selon l’économiste Keynes, les sociétés uniquement soucieuses de satisfactions matérielles sont menacées de neurasthénie. On ne peut être sans avoir, certes, mais à quoi bon avoir sans être ?

Les projets réalisés ou en cours de réalisation ne sont pas pharaoniques. Ils n’ont pas rendu le pays exsangue, n’ont pas ruiné les contribuables. Ils sont un pari confiant sur l’avenir, un héritage pour les futures générations.

Ceux qui empruntent aujourd’hui le Pont Adolphe ou s’émeuvent de sa beauté doivent savoir qu’il y a un siècle, sa construction fut une réelle audace. Architecturale et politique.

Ouvrir l’ancienne forteresse vers le Plateau Bourbon, c’était ouvrir le pays et aller de l’avant. Ceux qui empruntent aujourd’hui le Pont Grande-Duchesse Charlotte ou s’émeuvent de sa beauté doivent savoir qu’il y a quelques décennies, sa construction fut une réelle audace.

Architecturale et politique. Ouvrir la ville vers le Plateau du Kirchberg, c’était ouvrir le pays vers l’Europe et, à nouveau, aller de l’avant. Nous devons beaucoup à ceux qui, avant nous ont pris ces décisions. Nous devons encore plus à ceux qui, après nous utiliserons nos équipements culturels et seront émus par leur beauté.

Le Centre Culturel de Rencontre Abbaye de Neumünster, que nous inaugurons ce soir, est peut-être la plus symbolique de ces réalisations.

Que ces bâtiments, où tant de nos compatriotes ont souffert, ouvrent largement leurs portes à la rencontre et au dialogue des cultures, est un signe fort de notre engagement, une marque tangible de notre projet culturel.

Sur ce site, témoin de tant de conflits, là même où des troupes livraient bataille, les unes faisant le siège de la forteresse, les autres en occupant les ouvrages militaires, désormais des femmes et des hommes vont partager leurs émotions, confronter leurs idées, échanger leurs points de vue, créer ensemble… en un mot : dialoguer.

La prison n’est plus qu’un mauvais souvenir, mais elle doit rester un souvenir.

J’ai l’honneur de saluer ce soir Madame Renée Krieps, dont le mari, Robert Krieps, après avoir lui-même connu, encore adolescent, les horreurs de l’incarcération et de la déportation nazies, fut un de mes prédécesseurs et a donné son nom à cette magnifique salle.

J’ai l’honneur de saluer ce soir, les enfants et petits enfants de Lucien Wercollier, lui aussi interné au Grund et dont nous inaugurerons le cloître le 3 juin prochain.

J’ai aussi l’honneur de saluer Madame Georgette Bruch, dont l’époux, le professeur Robert Bruch fut un des artisans de la vivacité de notre langue et qui a donné son nom à l’ancien Hôpital Militaire, dit Bâtiment «Criminel».

Marcel Jullian y a passé les heures les plus sombres de son existence et il nous fait l’amitié de partager notre joie de voir aujourd’hui les anciennes cellules devenues des studios de résidence pour artistes.

Quelles revanches de l’histoire, quelle revanche de l’esprit, quelle magnifique victoire de la culture.

J'ai l'honneur aussi de saluer parmi nous ce soir, Monsieur Razvan Theodorescu, Ministre de la Culture et des Cultes de Roumanie: hier, les 25 Ministres de la Culture réunis à Bruxelles ont donné le feu vert au projet présenté par le Luxembourg pour 2007: un projet innovateur et fort de laboratoire de l'Europe, symbolique aussi pour le lieu que nous inaugurons aujourd'hui. Luxembourg et sa Grande Région ainsi que la ville de Sibiu en Roumanie ont été officiellement désignées capitales européennes de la culture pour 2007. J'y vois aussi un signal fort que le Luxembourg donne au moment où la nouvelle Europe est en train de se construire.

J'aimerais aussi rendre hommage ce soir à M. Claude Frisoni, l'ancien coordinateur général de l'année culturelle de 1995 et directeur aujourd'hui du Centre culturel de Rencontre, Abbaye de Neumünster! Nous avons eu raison d'avoir confiance en Claude et je forme des voeux pour que lui, son conseil d'administration et son équipe réussissent ce formidable pari sur l'avenir!

Altesse Royale, Excellences, Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

La culture est un des rares domaines où l’offre précède souvent la demande. Ceux qui ne savaient pas qu’ils aimeraient Neumünster ne pourront bientôt plus s’en passer.

Restauré, rénové, réhabilité avec goût, ce complexe est à présent un rouage de plus dans l’engrenage de nos équipements culturels.

Il est au service du dialogue des cultures. Pas seulement d’origines ethniques, géographiques, linguistiques diverses, mais également sociales. Parce qu’il ne servirait à rien de confisquer un tel outil à l’usage exclusif d’une élite ou d’initiés.

C’est pourquoi le Centre Culturel de Rencontre collaborera avec le monde associatif et ne deviendra ni ghetto ni tour d’ivoire.

Et dès ce soir, sous un ciel particulièrement clément, nous allons partager le bonheur de vivre ensemble ces émotions que seule la culture peut offrir.

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