Transcription du discours tenu par le Premier ministre Jean-Claude Juncker en l'honneur du président de la République portugaise Jorge Sampaio

Monsieur le Président,
Chère Madame Sampaio,

Ma femme et moi-même, les membres de mon gouvernement ainsi que mes deux prédécesseurs, nous sommes heureux de vous accueillir à bord du plus important bâtiment de la flotte luxembourgeoise.

J’hésite, Monsieur le Président, entre deux formes de discours. Il y a, pour ces occasions, la rubrique des discours solennels, enflammés, officiels, discours qui conviendraient au président portugais et à sa femme, vu l’importance de cette visite et vu l’exceptionnelle qualité de nos visiteurs. Et puis il y a le discours d’amitié, de proximité, de complicité qui, si souvent, a su mieux décrire que tous les autres discours, les relations particulières qui existent entre le Portugal et le Luxembourg.

J’ai pour habitude de dire que rien de ce qui est portugais ne nous est vraiment étranger, puisque nous avons à l’égard des nombreux Portugais qui vivent chez nous des sentiments qui sont des sentiments qu’inspire le raisonnement du cœur. Et donc un peu irrationnel. Les Portugais qui vivent chez nous, qui sont nombreux, qui sont présents dans tous les secteurs de l’économie, qui habitent toutes nos villes et tous nos villages, font partie avec une normalité exemplaire, avec une évidence qui parle par elle-même, de notre paysage – de notre paysage sociologique, du paysage qui est sculpté par les valeurs du cœur. Nos entreprises sont largement tributaires des nombreux investissements qui sont les leurs, en terme d’énergie au travail, de capacité au travail, de savoir-faire.

On a l’habitude de dire que l’immigration portugaise au Luxembourg est une immigration réussie. Elle l’est en très grande partie, mais il reste des efforts à faire, au niveau de l’école, au niveau d’une meilleure insertion dans les rouages socio-économiques du pays. Le gouvernement y travaille, la communauté portugaise y travaille aussi.

Lorsqu’on dit que l’immigration portugaise est une réussite, on oublie trop souvent, c’est peut-être la raison pour laquelle on le dit si souvent, que l’émigration est toujours une tragédie pour ceux qui en sont les acteurs. Celui qui quitte son pays, qui quitte sa région, celui qui renonce à une proximité qui lui est familière depuis sa tendre enfance, en fait, se lance non seulement dans une aventure incertaine, mais prend de très grands risques, y compris autobiographiques.

Ce qui m’amène à dire qu’il faudra qu’aujourd’hui, nous ne cessions d’applaudir aux efforts de ceux qui ont quitté le Portugal pour venir apporter au Luxembourg de si nombreuses richesses qui aujourd’hui contribuent à faire du Luxembourg ce que le Luxembourg est devenu.

(…)

Lorsque j’étais jeune, jeune secrétaire d’Etat au Travail, nous négociions avec le Portugal et l’Espagne sous l’égide d’ailleurs de Jacques Santer qui fut mon ministre du Travail, les périodes transitoires pour permettre au Portugal et aux Européens d’adhérer à l’Union européenne et au Portugal de s’insérer avec élégance dans les rouages communautaires. Déjà à l’époque j’avais pu noter qu’il y a une véritable communauté d’ambition.

Le Portugal n’est pas devenu membre de l’Union européenne pour en tirer profit, pour devenir un bénéficiaire net, comme on le dit dans un sous-groupement dont je conteste la logique y compris sentimentale.

Le Portugal est devenu membre de l’Union européenne, parce que nous caressons le même rêve, parce que nous avons le même amour pour la pacification canalisée du continent européen. Et dès lors il n’est pas surprenant que l’ancien Premier ministre portugais s’est vu confier la tâche de présider la Commission européenne. C’est une évolution normale, logique, qui a tout son sens.

Sur l’essentiel des dossiers européens, les deux gouvernements, les deux pays partagent le même avis. Il nous faudra dans les mois à venir tout faire pour ratifier dans de bonnes conditions le traité constitutionnel.

Il sera du devoir de la Présidence luxembourgeoise, qui va commencer au 1er janvier de l’année à venir, de mettre un point final à ce débat entre les pays bénéficiaires nets et les contributeurs nets en donnant aux perspectives financières le profil qui leur conviendra.

Nous aurons à réformer, du moins à revisiter le pacte de stabilité et de croissance et puis nous devrons procéder au mid-term review, comme on dit en franglais, de l’agenda de Lisbonne. Beaucoup de travail donc pour l’exécution duquel nous savons que nous pouvons nous appuyer sur la coopération et la collaboration et une fois de plus la complicité de nos amis portugais.

A part les nombreux apports portugais au Luxembourg, et à part la complicité qui existe entre les pays, il y a le premier des Portugais qui est chez nous, et qui est un complice depuis quelques années - ce qui fît que j’ai hésité entre deux sortes de discours parce qu’en fait, je peux m’adresser au président de la République portugaise, mais je peux plus aisément m’adresser à mon ami et à mon complice, à l’artisan qu’il fût pour le renouveau du Portugal d’après révolution, pour l’énergie qu’il a mis à baliser le chemin du Portugal vers l’Union européenne. Nous avons très souvent des échanges, au téléphone, en aparté… Nous nous voyons à chaque fois que l’occasion se présente. Parfois même nous faisons le détour d’un tournage de film au Portugal pour voir une coproduction luso-luxembourgeoise. Bref, les relations entre les pays sont excellentes et les relations entre les dirigeants des pays ne le sont pas moindres. Nous sommes, Monsieur le président, chère Madame, très honorés par cette visite, qui est aussi une visite auprès de la communauté portugaise au Luxembourg que nous apprécions pour les raisons que je vous ai dites et que nous suivons dans ses moments de félicité.

Il n’y a pas d’événement qui aurait pu plus souligner l’évidence des liens entre Portugais et Luxembourgeois que cette félicité portugaise qui nous a tous gagnés au moment du Championnat d’Europe de l’Euro 2004. Il y avait des milliers de drapeaux portugais dans nos rues. (…) Cette fois-ci même les Luxembourgeois ont hissé les drapeaux portugais parce qu’il y a entre les Portugais et les Luxembourgeois cette amitié qui fait que tout devient possible.

Monsieur le président, encore une fois soyez les bienvenus. Nous avons été heureux de pouvoir vous accueillir aujourd’hui avec Madame Sampaio et je me permettrai de lever le verre à l’amitié entre le Portugal et le Luxembourg, à la santé de son président et de Madame Sampaio et au prolongement des si nombreuses complicités qui font solidité de nos liens.

Merci.

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