Jean Asselborn, ministre des Affaires étrangères et président en exercice du Conseil, présente les priorités de la Présidence dans le domaine des relations extérieures devant la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie pour votre accueil.

Depuis les débuts de la construction européenne, le Luxembourg a toujours été un allié du Parlement européen. Nos rapports ne se sont jamais limités à l’exercice de style. Ensemble, nous avons contribué plus d’une fois à faire avancer l’Europe dans une direction dont nous savions qu’elle était la bonne. Permettez-moi donc de vous dire que vous pouvez compter sur nous, et l'inverse sera certainement vrai aussi.

Nicolas Schmit, notre Ministre-délégué aux Affaires étrangères et à l’Immigration, nous rejoindra dans un instant. Il se chargera plus particulièrement des relations avec le Parlement européen et que certains d’entre vous connaissent déjà de par ses fonctions précédentes en tant que Représentant permanent.

Présider l’Europe pour la onzième fois, c’est important pour le Luxembourg. Pour réussir, nous aurons besoin du concours de tous les Etats membres, du concours du Parlement européen, comme de la Commission.

Il s’agira de faire aboutir des décisions qui engagent l'avenir, d'en faire progresser d'autres, de rechercher la meilleure entente avec nos partenaires, de lancer des projets, et d'ouvrir de nouveaux champs de réflexion et de coopération.

Voilà dans quel esprit le Luxembourg entend agir, dans le prolongement du travail remarquablement accompli par la Présidence néerlandaise et en concertation étroite avec le Royaume Uni, qui nous succédera le 1er juillet prochain.

La tâche sera lourde, l’agenda ambitieux et l’Union européenne fera face à de grands enjeux, tant sur le plan européen que mondial.

A. Sur le plan européen

Elargissement

Le calendrier en matière d’élargissement de l’Union européenne sous Présidence luxembourgeoise s’est précisé avec les conclusions du Conseil européen des 16 et 17 décembre dernier.

D’abord, la Présidence sera amenée à finaliser la rédaction du traité d’adhésion avec la Bulgarie et la Roumanie. L'adhésion de ces deux pays complètera le cycle  actuel d'élargissement à l'est entamé en fait déjà au début des années quatre-vingt dix. L’organisation d’une cérémonie de signature officielle en avril 2005 à l'occasion de la session du Conseil "Affaires générales et relations extérieures" devrait venir clore le long travail des négociations d’adhésion. Le terme de la procédure institutionnelle est bien sûr conditionné par l’avis conforme du Parlement européen, que nous espérons pour la session d’avril à Strasbourg. L’adhésion effective de ces deux pays candidats n’étant prévue qu’au 1er janvier 2007, le monitorage de la transposition de l’acquis sera toutefois poursuivi avec détermination.

Ensuite, la future Présidence luxembourgeoise entamera les négociations avec la Croatie, signal important pour les pays des Balkans, auxquels nous avons donné une perspective européenne au Conseil européen de Thessalonique. Une question d’importance est évidemment ici la collaboration avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Les travaux sous la Présidence luxembourgeoise auront pour objectif l’élaboration d’un cadre de négociation, qui déterminera les critères pour la conduite des négociations techniques proprement dites. Le lancement des négociations pourra intervenir dès l’approbation du cadre de négociation par le CAGRE du 17 mars 2005.

La convocation d’une Conférence Intergouvernementale donnera le coup d’envoi officiel au processus de screening de l’acquis par la Commission, préalable à l’ouverture des discussions techniques chapitre par chapitre.

Enfin, s’agissant de la Turquie, conformément aux conclusions du Conseil européen de décembre, la date du 3 octobre 2005 a été retenue pour l’ouverture des négociations.

Traité Constitutionnel

Dans le cadre de la mise en œuvre du Traité Constitutionnel, il reviendra à la Présidence luxembourgeoise de continuer les travaux préparatoires entamés sous Présidence néerlandaise en vue de la mise en place d’un Service d’action extérieure commun.

L’année 2005 sera une année charnière en vue de la ratification du Traité instituant une Constitution pour l’Europe.

L’entrée en vigueur de ce nouveau Pacte fondateur est conditionnée par sa ratification dans chacun des 25 Etats membres dont la plupart envisagent de faire aboutir leur procédure nationale respective dans le courant de l’année 2005.

Aussi, tout au long de l’année, les différentes procédures nationales de ratification seront suivies avec beaucoup d’attention, tant pour les Etats membres qui soumettent le texte en question à la voie parlementaire que dans ceux où a lieu une consultation populaire. Les résultats feront en tout état de cause l’objet d’une analyse approfondie.

B. Relations extérieures de l’Union européenne

 L’importance de cette dimension de la Présidence s’est accrue considérablement, tout comme l’importance de l’Union sur la scène mondiale, et les responsabilités qui en découlent. Les objectifs de l’Union sont bien connus : un monde plus stable, plus prospère, plus respectueux des droits de l’homme. Ils inspirent toute l’action extérieure de l’Union qui dispose d’un ensemble d’instruments au service de leur réalisation. La Présidence a noté avec intérêt que cette commission s’est dotée de deux sous-commissions "Droits de l’homme" et "Sécurité et Défense".

La politique étrangère et de sécurité commune et la coopération avec les pays tiers

Dans ce contexte, la Présidence aura pour responsabilité de poursuivre la mise en œuvre de la stratégie européenne de sécurité, adoptée il y a un an et qui constitue la trame dans laquelle s’inscrit l’action extérieure de l’Union. De cette stratégie découlent un certain nombre de choix fondamentaux qu’il appartiendra à la Présidence de concrétiser.

Une des orientations essentielles de cette stratégie est la priorité accordée au multilatéralisme. L'Union européenne voit dans ce système le moyen privilégié d’atteindre les objectifs ambitieux qui sont les siens. C’est pourquoi elle continuera à soutenir le multilatéralisme dans tous ses aspects. Je citerai plus particulièrement trois exemples :

L’Union européenne appuiera la réflexion actuellement en cours au sein des Nations Unies concernant l’avenir du système multilatéral.

A l’OMC, la Présidence aura à cœur de favoriser la conclusion la plus rapide possible des travaux du Doha Round dont il faut souligner l’importance pour le développement de l’économie mondiale et pour l’intégration des pays en développement dans le commerce mondial.

Enfin, le premier semestre 2005 doit voir la réforme du traité de non-prolifération, entreprise dont les évènements actuels démontrent amplement le caractère prioritaire.

L’Union poursuivra également son action dans d’autres organisations multilatérales telles que l’OSCE et le Conseil de l’Europe, dont le Troisième Sommet est prévu pour le mois de mai.

Au-delà de ce parti pris en faveur du multilatéralisme, l’Union poursuit également la réalisation de ses objectifs par un dialogue et une coopération intensifs avec de nombreux partenaires. Les réunions au Sommet prévues avec des pays tels que les Etats-Unis ou la Russie seront l’occasion de marquer des étapes potentiellement décisives dans les relations avec ces pays.

Les Etats-Unis demeurent un partenaire irremplaçable de l'Union européenne. Dans ce contexte, la visite du président Bush à Bruxelles le 22 février sera un événement exceptionnel qui permettra de donner un nouvel élan aux relations entre l'UE et les Etats-Unis.

La Présidence luxembourgeoise devra aussi donner des suites concrètes aux déclarations adoptées sous Présidence irlandaise, notamment à travers le renforcement du partenariat économique et la lutte contre le terrorisme. Le traditionnel sommet UE-US en fin de Présidence luxembourgeoise sera alors le moment de faire le point de toutes ces initiatives et de réfléchir à de d'éventuelles orientations nouvelles.

La Russie est un partenaire stratégique de l'Union européenne parce qu'élément majeur de notre sécurité et de notre prospérité. Le Conseil européen de décembre 2004 a donné mandat à la Présidence luxembourgeoise d'aboutir pour le sommet UE-Russie en mai 2005 à un paquet équilibré des quatre espaces. C'est à quoi nous allons nous atteler.

L'espace sur la sécurité extérieure y a pris une importance croissante. Il reviendra à notre Présidence de mettre en œuvre la politique européenne de voisinage, politique que l'UE s'est donné comme cadre pour approfondir les relations avec les pays voisins de l'Europe élargie.

La mise en œuvre des plans d'action adoptés en décembre dernier y sera cruciale. Dès février la Présidence luxembourgeoise tiendra une session du Conseil de coopération avec la Moldavie. Elle espère aussi en janvier décider de transmettre à l'Ukraine le plan d'action et tenir une session spéciale du Conseil de coopération avec l'Ukraine en février. L'UE a été présente à Kiev aux moments cruciaux des élections. Il lui revient maintenant d'être activement aux côtés des nouvelles autorités ukrainiennes dans leurs efforts de réformes.

Luxembourg verra la tenue de la 7ème réunion ministérielle du processus de Barcelone, dit Euromed. Cette région voisine de l’Union est confrontée à des défis qui ont un impact direct sur la sécurité et la prospérité de l’Union. Il incombera donc à la Présidence de préparer cette échéance avec le plus grand soin.

Une autre réunion ministérielle d’une envergure toute particulière sera celle qui se tiendra à Luxembourg entre l’UE et ses partenaires d’Amérique latine avec lesquels les relations s’intensifient continuellement.

Suite au raz-de-marée en Asie, la Présidence a convoqué une session extraordinaire du Conseil pour faire le point sur nos actions. La Présidence luxembourgeoise et la Commission travaillent actuellement ensemble pour que ces  premières orientations se concrétisent en vue du prochain Conseil "Affaires générales et relations extérieures" le 31 janvier.

Ainsi, des réunions ministérielles sont prévues dans le cadre des processus ASEM et UE – ASEAN, ainsi qu’avec le Japon, la Chine, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Au-delà de ces réunions spécifiques, découlant d’engagements préexistants de l’Union européenne, l’action de la Présidence est surtout dictée par l’évolution des nombreux défis extérieurs auxquels l’Union est confrontée, évolution qui implique des échéances plus ou moins prévisibles.

Il serait vain de vouloir passer en revue ici l’ensemble des problèmes auxquels il faudra faire face. Je me contenterai donc d’évoquer les principaux : le processus de paix au Moyen-Orient, la réussite des élections en Irak et l’approfondissement des relations entre l’UE et ce pays, la protection des droits de l’homme et la lutte contre la prolifération nucléaire en Iran, les développements en Ukraine, dans le Caucase, en Biélorussie ou en Moldavie, la situation en Afrique qui compte de nombreux foyers de crise, que ce soit au Soudan, en Côte-d’Ivoire ou dans la région des Grands Lacs.

L’année 2005 verra encore de grandes échéances dans la région des Balkans. La Communauté internationale sera en particulier appelée à faire le bilan de la situation au Kosovo. Les standards au Kosovo seront analysés et si leur niveau est assez élevé, les négociations sur le statut du Kosovo pourront éventuellement être entamées au milieu de l’année. Un autre grand défi pour l’Union européenne sera le développement futur de la Bosnie. La mission militaire de l'UE est un exemple du renforcement de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD) et de la coopération entre l’OTAN et la PESD. Ces deux développements sont cruciaux pour l’avenir de l’action extérieure de l’Union.

Conclusion

Comme vous le voyez, Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, ce ne sont pas les défis qui manqueront à l’Union européenne et à la Présidence luxembourgeoise, dont je sais cependant qu’elle pourra compter sur le soutien de l’ensemble de ses partenaires pour y faire face.

Je conclurai en vous assurant que le Gouvernement luxembourgeois sera totalement mobilisé dans cette Présidence. Je suis convaincu que l’une des clefs pour une Présidence réussie réside dans le fait de savoir que l’Europe n’est pas faite pour être dirigé par une seule main, mais qu’elle avance à coups de compromis.

La Présidence, qui jouera son rôle d’honnête courtier, compte sur ses alliés au Parlement Européen pour contribuer aux compromis qui feront avancer l’Europe.

Je vous remercie.

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