Octavie Modert à l´occasion de la clôture du colloque "tourisme culturel", organisé par l´Institut européen des itinéraires culturels à l´Abbaye de Neumunster à Luxembourg

Mesdames et Messieurs,

Lorsque le Conseil des Ministres de la Culture de l’Union Européenne a accepté en décembre dernier de placer la question du tourisme culturel, avec celle les industries culturelles, dans la perspective de la préparation d’un document politique à l’horizon de la première moitié de 2006, il l’a fait à la demande du Grand-Duché de Luxembourg. Et le Luxembourg l’a inscrit dans une perspective des objectifs de la stratégie de Lisbonne.

C’est en effet un sujet qui nous tenait à cœur, car il nous semblait qu’il avait été tenu trop longtemps à l’écart, - or voilà des opérateurs qui innovent dans ce domaine en créant des réseaux européens et qui participent de fait à une meilleure intégration européenne. Ils méritent donc une écoute attentive, y compris de la part de la Commission européenne.

Autrement dit ils avaient simplement le choix depuis 1997 de s’adresser, selon les composantes les plus fortes de leurs projets, soit à la lecture des réglementations professionnelles et des directives européennes, soit de répondre aux appels d’offres de la Commission dans le secteur des entreprises ou dans celui de la recherche, de faire appel aux politiques régionales pour des crédits d’investissements, de s’appuyer sur les programmes concernant la mobilité des jeunes ou de se retrouver mêlés aux opérateurs purement culturels éligibles aux programmes qui financement l’action culturelle ou la valorisation du patrimoine.

Nous voulions donc entamer une réflexion, et mieux encore une confrontation entre les demandes venues de secteurs différents parce que - justement - le tourisme culturel ne devait pas souffrir d’un éclatement des demandes, mais tout au contraire bénéficier d’un rassemblement des initiatives.)

Nous souhaitons que soit pris en compte le fait que cette filière économique nécessite une cohérence forte, de manière à ce qu’un projet garde, du stade de la recherche à celui de la commercialisation, son esprit d’innovation et sa volonté de répondre à une diversification et à une plus grande exigence de la demande des touristes.

Nous avons reçu de vos travaux trois types de messages qui nous confortent dans la pertinence du choix que nous avions fait.

Nous pouvons être fiers du message politique fort, non seulement parce qu’il vient de plusieurs secteurs ministériels à la fois tous représentés ici au niveau politique, mais aussi parce qu’il est affirmé comme une priorité essentielle par des pays, nouveaux membres de l’Union Européenne, qui ont fait d’emblée du tourisme culturel une clef de la valorisation de leur image retrouvée, un outil de développement dans un esprit de durabilité et un moyen de réapprendre concrètement à travailler ensemble.

Les Pays de la zone baltique, déjà membres de l’Union et plus encore ceux du Sud-Est européen qui vont signer le Traité d’adhésion dans quelques jours et même ceux qui commencent leurs négociations, sont venus nous dire que restaurer ensemble leur patrimoine, communiquer sur sa qualité et sa variété, non plus séparément, mais ensemble, le long de corridors culturels que j’appellerai "des grands couloirs du dialogue", allait devenir une résolution politique commune.

J’ai été particulièrement frappée par l’engagement de la contribution de Monsieur le Président de la République de Bulgarie qui relie une question essentielle de sécurité démocratique, à une question d’éthique du patrimoine commun et à celles d’une bonne gouvernance du tourisme et de l’amélioration de la qualité de la vie.

Le tourisme culturel bien compris doit donc nous permettre de dépasser des conflits récents.

Je suis ensuite sensible au message des professionnels de la culture qui parlent non seulement de citoyenneté européenne, d’un concept citoyen du patrimoine européen - qui rejoint en cela la longue expériences des itinéraires culturels du Conseil de l’Europe -, mais aussi de différenciation dans un monde concurrentiel. Autrement dit de pluralisme culturel.

Leur détermination rejoint là par un autre biais celle des professionnels du tourisme qui demandent que soient mises en œuvre des politiques de qualité qui tiennent autant aujourd’hui à la qualité des services, qu’à la qualité et à la diversité des contenus..

Si j’en crois en effet la représentante de Monsieur le Ministre de la Culture français, dans une nouvelle perspective de concurrence mondiale où de nouveaux marché touristiques émergent à grande vitesse, comme la Chine par exemple, la nécessité de coopération européenne entre les pays membres, comme entre tous les acteurs des filières concernées est le seul moyen de faire face à une érosion inéluctable de la fréquentation de la destination Europe.

Encourager la recherche appliquée pour mieux comprendre les phénomènes touristiques dans toutes leurs composantes, faire évoluer l’esprit des professionnels en prenant en compte une approche intégrée du tourisme culturel au cours et à l’issue de ces recherches, renforcer les réseaux d’excellence qui se sont créés entre les villes européennes, sont autant de solutions qui ont été proposées.

Autrement dit le tourisme culturel apparaît comme une démarche essentielle pour se différencier, pour enrichir le message que nous voulons délivrer ensemble dans une Europe en voie d’intégration, à nos visiteurs.

A ces deux premiers messages que je me dois de transmettre en termes de stratégie à mes collègues des autres pays de l’Union Européenne et que je vais nourrir, avec l’aide de l’Institut Européen des Itinéraires culturels, des éléments de la Déclaration que vous avez élaborée au cours des tables rondes et dont j’ai compris qu’elle allait encore s’enrichir dans les semaines qui viennent, je voulais ajouter une dernière considération enthousiaste.

Cette dernière remarque est en relation avec l’impressionnante variété des propositions qui ont été présentées, dans un ensemble de sessions dont je vois bien qu’elles ont été presque trop riche et qu’elles ont manqué de temps.

Il y a là comme une énorme impatience trop longtemps contenue à faire connaître les nouvelles démarches fondées sur des personnages historiques européens, sur des grandes voies de mémoire, sur des facteurs de civilisation propres à des grands espaces géographiques et humains, et je pense tout particulièrement à la Méditerranée, puisque je reviens de l’inauguration de la Fondation euro - méditerranéenne Ana Lindh pour le Dialogue des Cultures. Et certes le tourisme culturel est-il un échange entre les peuples et constitue-t-il donc une composante du dialogue interculturel.

Une impatience qui semble due à l’absence de forum de ce type pendant de trop longues années.

Mais il y a plus... c’est l’enthousiasme de franchir les frontières, d’aller à la découverte de l’autre, de prendre les chemins de traverse.

A un moment où les messages sur l’Europe sont parfois brouillés et désenchantés, on pourrait dire que le tourisme et les itinéraires culturels proposent en quelque sorte un ré-enchantement de l’idée européenne.

Que tant de pays et de villes soient représentés ici, avec une telle variété des niveaux et des types de responsabilité, au point que nous avons même dû dans les derniers jours modérer cet enthousiasme, nous amènera certainement à renouveler cette expérience.

Je sais que l’Institut Européen des Itinéraires culturels est responsable de la réalisation ici à Neumünster de la réunion finale du programme PICTURE d’ici un an et demi. Ce programme qui vise tant de villes petites et moyennes qui sont aujourd’hui devenues les éléments moteurs de l’initiative touristique, nous semble un exemple même de ce que les futurs programme cadres devraient encourager.

Nous veillerons avec l’Institut à ce que cette conférence de septembre 2006 soit un nouveau jalon sur le chemin que vous avez commencé de partager et qu’elle atteigne son but pratique de transmission et de dissémination des résultats de ce programme, en faisant converger à Luxembourg non seulement les collectivités locales concernées, mais tous les secteurs professionnels qui doivent coopérer.

Nous serons alors à quelques mois du lancement de Luxembourg Grande Région, capitale européenne de la Culture qui vise aussi, dans ses retombées, de nouvelles propositions touristiques transfrontalières s’appuyant sur un réseau de villes et de territoires à redécouvrir sous un jour neuf après des mutations économiques, industrielles et sociales profondes.

Soyez certain que nous utiliserons toutes ces synergies pour prolonger ce forum fécond que vous avez ouvert.

Je tiens à vous remercier tous de votre implication et de l’enthousiasme dont vous avez fait preuve.

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