François Biltgen à l'occasion de la rentrée académique 2005

Monsieur le Recteur,
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs les Professeurs,
chères étudiantes et étudiants,
mesdames et messieurs,

L’Université du Luxembourg s’apprête à célébrer sa première vraie rentrée académique; en effet, les premières formations bachelor et master vont démarrer maintenant et c’est ainsi que l’Université, non seulement répond aux obligations de la loi constitutive du 12 août 2003, mais qu’elle se place résolument dans le Processus de Bologne. Mes encouragements vont donc aux nouveaux étudiants; que ceux qui sont en deuxième année puissent continuer leurs études avec succès. A vous Mesdames et Messieurs les Professeurs un grand merci pour le travail investi dans les changements et dans les mises au point des programmes.

Sur le plan européen, l’importance accordée aux questions universitaires n’a jamais été aussi grande. Il y a la conscience partagée que le rôle que les universités ont à jouer dans l’avènement de la société de la connaissance est primordial.

La stratégie de Lisbonne fait des institutions universitaires un acteur essentiel pour atteindre les objectifs de croissance durable et d’innovation.  En effet, de par leur mission d’enseignement, les universités forment les professionnels dont les connaissances, les savoir-faire et les compétences sont à la base de cette économie de la connaissance. Dans ce domaine, l’Europe est en retard. Aux États-Unis, quelque 16 millions d’étudiants sont inscrits dans des institutions d’enseignement supérieur, dans l’Union européenne des 25, le chiffre varie autour de 11 millions. Les chiffres montrent que l’Europe risque ne pas qualifier un nombre suffisant de jeunes gens pour répondre aux défis du monde du 21e siècle. Le retard que nous accumulons est surtout marqué dans les sciences naturelles et les formations à l’ingénieur.

Par ailleurs, il convient de relever que le niveau de formation des populations est un facteur essentiel de compétitivité et de cohésion sociale. La société de la connaissance demande que le nombre de jeunes gens hautement qualifiés progresse, et ce aussi pour éviter que des parties importantes de la population ne soient en déphasage avec le développement de la société. L’accès aux études supérieures est à la fois un facteur d’équité sociale et de compétitivité économique.

Le Luxembourg ne peut être absent de ce débat. Nous avons actuellement un taux d’accès qui se situe autour de 24%, alors que certains de nos concurrents directs avoisinent les 50%. Je pense notamment à l’Irlande et au Royaume-Uni qui sont nos concurrents directs dans l’économie bancaire et qui considèrent l’enseignement universitaire comme un élément essentiel du développement de ce secteur. Cela vaut d’ailleurs aussi pour les domaines des biotechnologies et des technologies de l’information et de la communication. Ces secteurs ne peuvent avoir leur essor que si la main d’œuvre est hautement qualifiée et disponible. Il nous reste un effort considérable à faire pour réussir l’adéquation entre le marché de l’emploi et les qualifications des jeunes. Cela est vrai, et pour le nombre de jeunes gens qu’il s’agit de qualifier, et pour la nature des voies de qualification.

La nécessité de qualifier beaucoup de jeunes à un niveau très élevé ne peut se réaliser aux dépens des exigences de qualité. Très souvent, massification de l’enseignement supérieur et excellence sont des concepts qui sont présentés et ressentis comme des antonymes.

Mesdames, Messieurs,

Le Luxembourg n’échappe pas non plus à cette problématique. La réponse donnée se situe à deux niveaux. Nous encourageons l’accès aux études supérieures. Le système d’aide financière et de primes d’encouragement a pour but d’inciter les jeunes à poursuivre leurs études au-delà de l’enseignement secondaire, et ce indépendamment du niveau de vie de leurs parents. Ils continueront également à l’avenir à faire des études à l’étranger et nous les y encourageons. L’Université ne sera pas réservée aux seuls Luxembourgeois, mais sera internationale. Et les Luxembourgeois ne sont pas concentrés sur l’Université du Luxembourg, mais continueront à être mobiles.

En même temps, l’Université du Luxembourg a été conçue comme une université se spécialisant dans un certain nombre de domaines et cherchant d’atteindre l’excellence dans ces domaines. La recherche de l’excellence va de pair avec la concentration sur un nombre limité d’objectifs. Investir de façon concentrée au lieu d’éparpiller les moyens doit constituer notre devise. L’exemple néerlandais peut constituer une référence. Après tout, quatre de ces institutions se retrouvent régulièrement dans les ranking. Une politique volontariste peut être porteur de succès, même dans un petit pays.

      * * *

Mesdames, Messieurs,

Je viens de répéter des principes essentiels de notre projet universitaire. J’entends encore et toujours des personnes annonçant la mort de l’Université ou doutant de ses objectifs. D’aucuns, sans le dire ouvertement, veulent revenir en arrière et recommencer le débat à zéro. Or la loi de 2003 a tranché et le gouvernement actuel a confirmé l’objectif de cette loi. Notre université sera avant tout une université concentrée sur la recherche d’excellence dans quelques domaines choisis ayant un intérêt pour l’économie, mais aussi pour la société.

J’ai été heureux d’entendre ce matin le Premier ministre confirmer cette vue dans sa déclaration sur les priorités politiques du gouvernement.

"D’Recherche bleift eng Regierungsprioritéit: si huet sech an de leschte fënnef Joer versechsfacht, déi öffentlech Recherche wäert am Budget 2006  0,3 Prozent vum PIB ausmaachen, d’Ziel bleift et si op 1 Prozent unzehiewen an d’Gesamtrecherche – privat an öffentlecher – op 3 Prozent vun eisem PIB erunzeféieren. D’Recherche zu Lëtzebuerg organiséiert sech ronderëm d’Uni Letzebuerg. Si wäert hiren Haaptakzent éischter op Doktorater a spezialiséiert Master-Diplome leeën. D’Uni gëtt och eng Kompetitivitéitsfabrik. Si wëllt net a ville Beraïcher wéineges ubidden mee a wéinegen Domainer villes. Akademesch Fokusséierung, net universitär Megalomanie wäert se auszeechnen. 2006 wäert eis Uni 3.400 Studenten hunn – 200 méi wéi elo - , am Joer 2010 studéieren op hir maximal 4.800 Studenten an am 2015 sollen et der méi wéi 6.000 sinn."

Les références aux universités étrangères font apparaître un autre constat. Celles qui réussissent le mieux sont celles que l’on pourrait qualifier d’université entrepreneuriale. entrepreneurial university. Ce sont celles qui établissent des liens avec les milieux économiques et qui s’engagent résolument dans une recherche qui mise sur la coopération entre l’industrie et le monde académique. Très souvent une telle approche s’inscrit également dans un objectif de développement régional. Par ailleurs, elle est une source supplémentaire de financement. Ainsi toutes ces universités ont leur pépinière d’entreprise et disposent en outre d’un dispositif juridique leur permettant de régler les questions relatives à la propriété intellectuelle et à l’accès au savoir.

Le projet de la Cité des sciences, de la recherche et de l’innovation sur la friche de Belval-Ouest poursuit précisément ces mêmes objectifs. Le fait de réunir dans les meilleurs délais sur un même site la Faculté des sciences, les Centres de recherche publique avec le Technoport permet d’établir la chaîne de l’innovation qui va de la recherche en amont à l’application et au transfert technologique tout en favorisant la création d’entreprise. En effet, même s’il n’a pas de modèle unique, toutes les expériences couronnées de succès se basent sur celui de la proximité des différentes institutions et sur celui de la focalisation des activités sur de grands domaines tels l’informatique ou encore la biotechnologie. Le cadre juridique de l’établissement public garantit la flexibilité d’action des différentes institutions.

L’Université et la Chambre de commerce sont en train de mettre sur pied un dispositif visant la mise en place d’une chaire professorale en entrepreneuriat. La création d’une fondation Luxembourg School of Finance est l’outil pour structurer les relations entre le monde des finances et l’Université. Les deux projets s’inscrivent dans cette volonté de part et d’autre de faire de l’Université un acteur économique important. Le fait que la business community s’engage financièrement montre que la responsabilité pour le développement de l’Université n’est pas uniquement une responsabilité de l’État. En outre, cette façon d’agir accroît le degré d’autonomie de l’Université qui ne dépend plus d’un seul bailleur de fonds.

Mesdames, Messieurs,

A mon entrée en fonction, je disais que contrairement à ce que d’aucuns voulaient faire croire, l’Université n’était pas un navire en train de couler, mais un navire naviguant en des eaux troubles suite à la mort du recteur Tavenas.

Vous avez désormais avec le recteur Tarrach une main sure au gouvernail et une vue droite sur un horizon clair. Le capitanat, à savoir le Conseil de gouvernance, et les équipages, rectorat, facultés, administration commencent à être bien rodés.

Le rôle du gouvernement sera celui de faire souffler le vent dans la bonne direction. Ce vent sera constitué, d’une part, par les dotations budgétaires, et d’autre part, par la réalisation des infrastructures nécessaires pour offrir aux chercheurs, aux enseignants et aux étudiants des conditions de travail attractives.

Mercredi prochain, le ministre du Budget présentera le projet de budget pour 2006. Vous verrez que malgré la rigueur budgétaire de mise, la dotation étatique augmentera plus que considérablement. Car le gouvernement maintient sa priorité d’investir dans les cerveaux. L’augmentation prévue permettra notamment de relever le budget recherche de l’Université au-delà des 40%.

La Cité des sciences sera réalisée dès 2006. La décision politique sur les autres sites est imminente. De nouveaux logements pour étudiants seront construits en nombre suffisant.

Car permettez-moi de vous dire que je vois encore deux champs d’action à creuser considérablement

  • l’implication des étudiants,
  • le contrôle de qualité.

Mais je sais qu’à chaque jour suffit sa peine.

Voilà pourquoi il me semble que l’Université est désormais bien lancée pour atteindre dans les années à venir le rythme de croisière lui permettant d’atteindre la qualité nécessaire au développement du pays.

Je vous remercie de votre attention.

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