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Déclaration de politique étrangère 2005 (traduction française)
Mesdames et Messieurs,
C’est la première fois que j’ai l’occasion et l’honneur de prononcer devant la Chambre des députés la déclaration de politique étrangère luxembourgeoise, de vous présenter les principes, les objectifs et les défis de notre politique étrangère.
Cette déclaration intervient à un moment inhabituel. En effet, les nombreux engagements liés à la Présidence luxembourgeoise de l’Union européenne ne m'ont pas permis de faire cette déclaration au printemps, comme le veut la tradition: Vous avez fait preuve de beaucoup de compréhension et je tiens à vous en remercier expressément.
Vous ne serez pas surpris de constater que la Présidence occupe une place de choix dans la présente déclaration, dont l’objectif est moins de passer en revue les principaux dossiers et événements que de nous tourner vers l’avenir pour voir où nous en sommes après cette Présidence, nous, le Luxembourg, nous, l’Europe, mais aussi nous, le Luxembourg, dans cette Europe et dans le monde.
Pour le Luxembourg, cette Présidence, la onzième que nous avons assumée, a été une fois de plus l'occasion de montrer que nous sommes prêts à assumer notre part de responsabilité au niveau mondial, qu’en Europe et au-delà, nous sommes à même d'apporter une contribution active, que nous sommes un partenaire crédible, un partenaire engagé qui défend l’Union et ses intérêts, qui essaie de faire avancer le grand projet européen.
Cet engagement en faveur d’un approfondissement de l’intégration européenne et d’un élargissement de l’UE selon des critères précis répond à notre conviction, mais aussi à nos intérêts. Une Europe forte et unie est dans l’intérêt du Luxembourg et de ses citoyens. Les intérêts du Luxembourg sont les mêmes que ceux de l’UE.
Jamais notre poids politique, notre influence sur les affaires mondiales et, inversement, notre dépendance à l'égard de ce qui se passe dans le monde n’ont été aussi prononcés qu'aujourd'hui. La prospérité, la sécurité et la stabilité que nous connaissons reposent sur des réponses communes aux défis de la mondialisation, sur la coopération internationale et des institutions comme l'UE, l'OTAN et l'ONU.
Pour nous, un "multilatéralisme efficace" est bien plus qu’un simple slogan. La Présidence nous a donné une fois de plus l’occasion de le prouver.
Dans sa stratégie de sécurité, l’Union européenne s’est clairement prononcée en faveur d’une approche multilatérale, avec, au centre, les Nations Unies. C’est cette organisation mondiale qui devra jouer le rôle central en matière de maintien de la paix et de la sécurité, de promotion des droits de l'homme et de lutte contre la pauvreté et le sous-développement.
C’est dans cet esprit que nous avons participé intensivement à la préparation du sommet de l’ONU en septembre. Pour nous, il était important de contribuer à ce que l’organisation de la communauté mondiale puisse répondre plus efficacement aux défis du 21e siècle et que nous avancions dans la réalisation des "Objectifs de développement du Millénaire".
Dans ce dernier domaine notamment, je peux dire que l’Union a fait face à ses responsabilités. C’est ainsi que les 25 Etats membres se sont engagés en mai dernier à consacrer collectivement, d’ici 2010, 0,56% de leur produit intérieur brut à l’aide au développement avant d'atteindre en 2015 l’objectif de 0,7%.
Cependant, notre engagement en faveur d’un multilatéralisme efficace se reflète également dans d’autres domaines. Citons l’intervention en cas de crises, seuls ou en coopération avec nos partenaires de l’OTAN, dans le cadre d’une mission civile ou militaire dans le contexte de la Politique européenne de sécurité et de défense. C’est ainsi qu’actuellement, non moins de 10 missions de l’UE sont déployées, dont trois dans les Balkans, trois en Afrique, trois au Moyen-Orient et une en Asie.
Enfin, le développement de notre Politique étrangère et de sécurité commune repose sur la recherche de solutions multilatérales et la volonté d’assumer nos responsabilités en dépassant le rôle de "l’acteur payeur".
C’est dans cet esprit que nous nous sommes attaqués aux défis de politique étrangère sous notre Présidence.
Mesdames et Messieurs,
Les relations entre les Etats-Unis et l’Union européenne ont sans aucun doute souffert de la crise de l’Irak : un des objectifs que s’était fixés la Présidence luxembourgeoise était dès lors de relancer d’une part ces relations, d’une importance si vitale pour nous tous, et, d'autre part, de recréer l’unité au sein de l’Union. Je crois pouvoir dire que nous avons atteint cet objectif.
Les deux sommets, avec la première visite, en février dernier, d’un président américain auprès des institutions européennes, les nombreuses rencontres à tous les niveaux et de tous formats, à 25, au sein de la troïka ou au niveau bilatéral, ont permis de d’établir un dialogue transatlantique basé de manière accrue sur une relation entre partenaires qui s’estiment mutuellement et d‘atteindre une meilleure concertation de nos politiques, tant dans le domaine politique que dans les domaines économique et environnemental.
Le conflit israélo-palestinien, l’Iran, l’Irak, la situation au Moyen-Orient dans son ensemble, mais également les développements en Asie, dans les Balkans ainsi que la lutte commune contre le terrorisme, pour ne citer que quelques exemples, figuraient régulièrement à l’ordre du jour des discussions. Celles-ci étaient surtout marquées par l’importance d’un échange, d’une approche commune basée sur le dialogue et la négociation.
Parmi les résultats du sommet UE/Etats-Unis à Washington en juin dernier, il faut surtout citer une déclaration économique jetant les bases d'un démantèlement des barrières au niveau des relations économiques transatlantiques, qui subsistent, particulièrement en matière réglementaire. Une importante consultation du secteur privé des deux côtés de l’Atlantique a permis d’aboutir à un accord qui ne se limite pas à énumérer et à approfondir les domaines qui répondent aux intérêts offensifs des Etats-Unis, mais également les domaines qui sont d'une grande importance pour l’UE, comme par exemple la réglementation des marchés publics. Cet accord sera à présent mis en oeuvre.
Un autre sujet qui - pour la première fois depuis de nombreuses années - figurait à l’ordre du jour du sommet de juin était l’environnement : le changement climatique, le Protocole de Kyoto, autant de thèmes qui étaient longtemps tabous pour les Etats-Unis. L’UE doit contribuer activement à les convaincre de l’importance de ces questions.
Cependant la situation au Moyen-Orient figurait non seulement en tête de l'ordre du jour dans nos relations avec les Etats-Unis. Depuis de nombreuses années, l’Union européenne s’engage en effet en faveur d’une solution équitable et durable du conflit israélo-palestinien. En tant que membre du Quatuor, nous sommes intervenus en faveur d’une relance du processus de paix conformément à la "feuille de route", pour l’arrêt de la construction de colonies israéliennes dans les Territoires occupés, pour l’arrêt de la construction du mur et des activités israéliennes à et autour de Jérusalem-Est, mais également en faveur du droit, pour Israël, de vivre en sécurité et en paix avec ses voisins.
Les événements des derniers jours permettent d’espérer une relance du processus de paix. L’ouverture d’un poste-frontière entre la bande de Gaza et l’Egypte est bien plus qu’un pas symbolique vers un Etat palestinien souverain : elle offre également une perspective économique plus que nécessaire. Je suis fier qu’avec votre soutien, nous puissions participer activement à la mission d’assistance frontalière de l’UE à Rafah et démontrer ainsi notre engagement en faveur de cette région difficile.
Les élections du Conseil législatif palestinien en janvier prochain marquent une autre étape importante. Il est crucial que ces élections se déroulent librement et de manière équitable et que leur préparation fasse l’objet d’une coopération optimale entre Israël et l’Autorité palestinienne. Là encore, nous serons, avec votre accord, présents dans le cadre de la mission UE d'observation des élections.
Juste un mot également sur les élections prévues pour mars prochain en Israël : elles permettent d’espérer une nouvelle constellation politique au parlement, permettant éventuellement d'aboutir à un retour à la "feuille de route" et à une paix durable. Espérons qu’on ne laissera pas passer cette chance.
C’est dans ce contexte également qu’il faut replacer notre engagement dans le cadre du Processus de Barcelone, jusqu’à aujourd’hui le seul forum régional réunissant autour d’une même table Israéliens et Palestiniens ainsi que les pays arabes. Fin mai s’est déroulée à Luxembourg la 7e Conférence ministérielle euroméditerranéenne où, pour la première fois depuis le lancement du Processus de Barcelone il y a dix ans, nous avons pu adopter des conclusions approuvées par toutes les parties et portant sur les trois volets - politique et sécuritaire, économique et culturel - de cette coopération. Cela était d’autant plus important en vue du sommet qui s’est déroulé durant le week-end à Barcelone où, ensemble avec nos partenaires du bassin méditerranéen, nous avons fixé les priorités pour les années à venir. C’est ainsi que nous renforcerons la coopération au niveau de la mise en œuvre de réformes politiques et économiques, de l’immigration et des programmes dans le domaine de l'éducation. Le dialogue des cultures est un autre élément important, de plus en plus important, de notre partenariat. La Fondation Anna Lindh, lancée en avril dernier, tout comme l’initiative d’une Alliance des civilisations, proposée par les premiers ministres turc et espagnol, témoignent de son importance.
L’accord sur les questions nucléaires conclu en novembre 2004 entre l’Allemagne, la France et la Grande-Bretagne (UE3), d’une part, et l’Iran de l’autre a permis de relancer, au niveau de l’UE, les discussions sur un accord de commerce et de coopération ainsi qu’un accord politique, interrompues en 2003. Trois cycles de négociation se sont ensuite déroulés sous notre Présidence. La troïka a en outre mené des entretiens en vue d’une reprise du dialogue avec l’Iran au sujet des droits de l’homme. Comme vous le savez, l’Union européenne fait dépendre la suite de ses relations avec l’Iran non seulement de gestes positifs de Téhéran en matière nucléaire, mais également du respect des droits de l’homme, de la lutte contre le terrorisme et la position de l’Iran dans le processus de paix au Proche-Orient. Pour nous, ce point était particulièrement important pendant notre Présidence et nous pensons qu’aussi à l’avenir, il devra rester à la base de la politique de l’Union vis-à-vis de l’Iran.
La semaine passée, le Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a invité l’Iran à reprendre les pourparlers avec l’UE3, à faire preuve de plus de transparence au sujet de son programme nucléaire et à ratifier le plus rapidement possible le protocole additionnel au traité de non-prolifération. La possibilité d’une saisine du Conseil de Sécurité des Nations Unies subsiste. J’espère que les autorités iraniennes sont conscientes de la gravité de la situation et qu’elles retourneront à la table des négociations sur la base de l'Accord de Paris. Il paraît que de premiers entretiens préparatoires devraient avoir lieu, ce que je ne puis que saluer. L’objectif est de faire tout, par des moyens diplomatiques, pour que l’Iran ne dispose pas d’armes nucléaires. C’est dans l’intérêt de l’UE et de la communauté internationale.
Nous ne connaissons que trop bien les divergences qui divisaient l’Europe au sujet de la guerre en Irak. Beaucoup d’entre nous n’ont pas voulu cette guerre. Cependant, aujourd’hui, nous sommes invités à traiter des conséquences et à aider l’Irak à devenir un pays pacifique, démocratique, souverain et prospère, un pays où les droits de l’homme sont respectés et qui joue un rôle positif et stabilisateur dans cette région si importante du monde. Voilà un objectif que nous partageons tous au sein de l’Union et à la réalisation duquel nous avons oeuvré activement sous la Présidence luxembourgeoise.
C’est ainsi que, depuis la fin de la guerre, la Commission a débloqué quelque 518 millions d’euros pour la reconstruction du pays, la remise en place des services de base et des infrastructures, mais aussi pour l’organisation des élections et l’instauration d'un Etat de droit. Le 1er juillet dernier, la mission civile de l’UE, EUJUST LEX, décidée et préparée sous Présidence luxembourgeoise, a entamé la formation, en dehors de l’Irak, dans le domaine de la police, de la justice et des établissements pénitentiaires et en septembre nous avons signé avec le gouvernement intérimaire irakien une déclaration conjointe sur l’approfondissement de nos relations et le dialogue politique.
Comme vous le savez, j’étais moi-même, avec mes homologues de la troïka à Bagdad, non seulement pour montrer sur place que, dans le processus de transition difficile que traverse ce pays, l’Europe est aux côtés de l’Irak et du peuple irakien, mais aussi pour faire connaître nos attentes quant à ce processus, pour montrer que nous voulons un Irak où tous les partis puissent intervenir, où les droits de tous soient respectés, des hommes comme des femmes, des sunnites comme des chiites et des Kurdes. C’était également la raison pour laquelle nous nous sommes déclarés prêts à organiser avec les Etats-Unis, en étroite collaboration avec les Nations Unies, une conférence internationale sur l’Irak. Le gouvernement provisoire irakien devait avoir l’occasion de présenter à la communauté internationale son programme, ses visions pour l’avenir. Le communiqué adopté au terme de cette conférence, par les plus de 80 pays et organisations présents, reflète d’ailleurs un large consensus quant aux prochaines mesures à prendre dans le cadre et dans le respect de la résolution 1546 du Conseil de sécurité.
Les élections législatives du 15 décembre marquent une étape importante dans ce processus. Il est essentiel que tous les groupes participent à ces élections et que celles-ci aboutissent à la formation d’un gouvernement représentatif, d’un gouvernement qui puisse être reconnu par tous les Irakiens. Il faut aboutir à une réconciliation nationale. C’est pourquoi je ne puis que saluer l’initiative de la Ligue arabe en faveur d’une conférence de réconciliation début 2006 à Bagdad. Il faut mettre un terme au terrorisme cruel en Irak. Il faut que les Irakiens puissent assumer le plus rapidement possible eux-mêmes la sécurité dans le pays.
Dans tous les dossiers que j’ai évoqués jusqu’ici, il est évident que la coopération avec la Russie a joué également un rôle important. Des rencontres régulières ont permis des échanges de vues sur les grands foyers de crise du monde, le voisinage commun figurant au premier plan. Au niveau de la politique intérieure, le premier semestre a été marqué par la finalisation des quatre espaces communs appelés à former la base de notre coopération dans les années à venir.
Nous avons pu mener à bonne fin ces négociations lors du sommet UE-Russie du 10 mai à Moscou en nous fixant des objectifs communs dans les quatre domaines que sont l’économie ; la liberté, la sécurité et la justice ; la sécurité extérieure ainsi que la recherche, l’éducation et la culture. Les discussions sur les droits de l’homme y ont d’ailleurs joué un rôle important, et le 1er mars 2005, à Luxembourg, les premiers contacts institutionnalisés entre l'UE et la Russie sur la situation des droits de l’homme ont eu lieu. Il s’agit là de bien plus que d’une simple étape symbolique.
Nous avons également tenu à réagir le plus vite possible aux développements récents chez un autre voisin, à savoir l’Ukraine. C’est ainsi que nous avons signé avec l’Ukraine, le 21 février, le premier plan d’action basé sur la politique européenne de voisinage. De même, nous avons adopté des mesures en vue de l’approfondissement de nos relations économiques et politiques parallèlement au processus de démocratisation entamé par le président Iouchtchenko. Le sommet qui aura lieu à la fin de la semaine à Kiev sera surtout consacré aux négociations concernant un accord sur la facilitation du système de visas, lancées il y a peu, et la poursuite des réformes économiques. Dans les mois à venir, l’Ukraine devrait également se voir conférer le statut d’économie de marché.
Cependant, pendant cette Présidence, nous ne nous sommes pas uniquement concentrés sur les pays voisins de l’UE : en effet, les contacts avec l’Asie, l’Amérique latine et l’Afrique figuraient également à l'ordre du jour. C’est ainsi qu’il y a eu des réunions au niveau ministériel avec les pays ASEAN et l’ASEM, une première troïka ministérielle à Pékin à l’occasion de laquelle on a pu célébrer le 30e anniversaire des relations diplomatiques entre l’UE et la Chine et, bien sûr, le sommet avec le Japon le 2 mai ici au Luxembourg.
En ce qui concerne la Chine, il y a un sujet qui a clairement dominé l’actualité : l’embargo sur les armes. Comme vous le savez, la Présidence luxembourgeoise a reçu en décembre 2004 un mandat de la part du Conseil européen pour poursuivre les efforts en vue d’une levée de l’embargo sur les armes. Cependant, une telle levée devait intervenir dans un contexte bien déterminé : c’est ainsi qu’on avait prévu de renforcer le Code de conduite européen sur les exportations d’armes. De même, l’UE était appelée à se donner des instruments à destination des pays traversant une phase de transition après la levée d'un embargo, ladite "toolbox". La situation des droits de l’homme et notamment les progrès des autorités chinoises en matière de ratification de la Convention internationale sur les droits civils et politiques se devait bien évidemment d’être prise en compte. Le dialogue institutionnalisé entre l’UE et la Chine sur les droits de l’homme a été poursuivi sous notre Présidence. En revanche, on n’a pas pu mener à terme les efforts au niveau du Code de conduite et de la "toolbox", de sorte qu’aucune décision n'a été prise en matière d’embargo sur les armes.
Cependant, dans le cadre de notre Présidence, nous avons non seulement tenu à parler de l’embargo, mais également à mener un dialogue avec la Chine, et sur la Chine. Comme je l’ai déjà dit, l’UE entretient depuis 30 ans des relations diplomatiques avec la Chine. La République populaire de Chine est sans aucun doute la grande puissance de l’avenir, et il est important d’entretenir le dialogue avec Pékin, et ce tant au niveau européen qu’au niveau national. C’est pourquoi une visite d’Etat en Chine est prévue dans le proche avenir.
En ce qui concerne l’Amérique latine, les principaux événements se sont déroulés au Luxembourg : j’aimerais citer les réunions ministérielles avec le Groupe de Rio et les organisations régionales comme le Mercosur et le Pacte andin. L’approfondissement du dialogue politique et de nos relations économiques avec cette région du monde qui traverse actuellement un processus d’intégration, figuraient parmi les thèmes principaux de ces réunions.
Pendant de longues années, nous avons envisagé nos relations avec l’Afrique surtout sous l’angle de l’aide au développement. Aujourd’hui, l’Union essaie de collaborer de plus en plus étroitement avec les structures africaines comme l’Union africaine, la CEDEAO ou la SADC, de les aider à développer leurs propres capacités de gestion de crise et de parvenir à un véritable partenariat. C’est ainsi que les échanges sur des régions comme la Côte d'Ivoire, le Togo, le Soudan ou les Grands Lacs figuraient à l’ordre du jour des mois passés tout comme la préparation du sommet de l’ONU de septembre et la réalisation des "Objectifs de développement du Millénaire".
Monsieur le Président,
Permettez-moi de revenir brièvement sur des régions plus proches géographiquement.
Sous la Présidence luxembourgeoise, on a pris et préparé un certain nombre de décisions importantes qui rapprocheront les pays des Balkans de l’Europe.
Comme vous le savez, l’UE, lors du sommet de Thessalonique en 2003, a donné une perspective européenne à ces pays. Dans le cadre de leur rapprochement de l’Union, ils se voient proposer des accords destinés à les préparer à une adhésion future. Il existe d’ores et déjà des accords de stabilisation et d’association avec l’ancienne république yougoslave de Macédoine et la Croatie, les négociations avec l’Albanie étant sur le point d’être achevées. Quant à la Serbie-Monténégro et la Bosnie-Herzégovine, les négociations en vue d’un tel accord viennent d’être entamées. C’était sous notre Présidence qu’on a préparé et qu’on a fait avancer ces décisions parce que nous sommes d’avis que l’Europe doit faire preuve d’honnêteté en ce qui concerne ses promesses de Thessalonique.
En même temps, l’Union européenne devrait se servir de la perspective d’adhésion comme levier pour aider les pays des Balkans et d’Europe du Sud-Est à mettre en œuvre les réformes qui s’imposent en vue de garantir stabilité, paix et prospérité.
En ce qui concerne les Balkans, nous avons bien évidemment aussi suivi de près les développements au Kosovo en travaillant à la définition du rôle de l’UE dans ce processus qui vient de commencer et qui devrait aboutir à un statut définitif du Kosovo. Le Conseil européen de juin a fixé des principes pour le règlement du statut du Kosovo et défini le cadre permettant à l’Union de collaborer étroitement à ce processus et de participer aux décisions. Pour nous, un retour à la situation d’avant mars 1999 est ainsi hors de question. La décision sur le statut du Kosovo doit être basée sur la multiethnicité, le plein respect des droits de l’homme et surtout le droit, pour tous les réfugiés, de retourner chez eux en sécurité. Ce statut devra offrir les garanties constitutionnelles nécessaires à la protection des minorités et prévoir des mécanismes permettant aux représentants des minorités de participer au gouvernement et aux structures d’administration locale. La décision sur le statut ne saurait être une décision unilatérale ni ne saurait être imposée. Pour l’Union européenne, toute modification du territoire du Kosovo est inacceptable : il n’y aura donc aucune partition du Kosovo, ni aucune Union du Kosovo avec un autre pays ou partie d’un autre pays..
Au niveau du processus d’élargissement de l’Union européenne, notre Présidence a également entamé des étapes importantes.
Le 25 avril, nous avons signé au Luxembourg le traité d’adhésion avec la Roumanie et la Bulgarie, traité qui devra à présent être ratifié par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne. C’est pourquoi le gouvernement luxembourgeois a récemment déposé un projet de loi à la Chambre des députés. Par une ratification rapide, nous espérons donner un signal positif à ces pays.
L’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie, prévue pour le 1er janvier 2007, vient compléter la cinquième vague d’adhésions, lancée par le Conseil européen à Luxembourg en décembre 1997. Grâce à ces adhésions, l’Europe, après près de 60 ans de partition, retrouve enfin son unité. Tous ces pays, y compris ceux qui ont rejoint l’Union en 2004, ont fait des efforts énormes qui n’étaient pas faciles pour des pays qui venaient tout juste de retrouver leur liberté et leur souveraineté. Ce sont là des choses qu’il ne faut pas oublier, même si, parfois, on a l’impression que cela va de soi. Selon les récents rapports de la Commission européenne, il reste quelques obstacles à franchir par la Roumanie et la Bulgarie avant leur adhésion. Cependant, je suis convaincu que ces pays sauront franchir aussi cette étape.
Le respect des critères de Copenhague aux niveaux politique et économique reste à la base de l’adhésion des prochains pays candidats. En plus, la pleine coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie est un critère essentiel dans le processus d'adhésion de la Croatie et de tous les pays des Balkans. C’est pour cette raison que le début des négociations avec la Croatie, initialement prévu pour le 17 mars, a dû être reporté au 3 octobre. Dès que la Croatie avait fait les efforts nécessaires, je suis intervenu pour entamer au plus vite les négociations.
Le 3 octobre, l’UE a également entamé les négociations avec la Turquie en respectant pleinement l’engagement pris par le Conseil européen en décembre 2004.
Une partie des citoyens luxembourgeois et européens s’inquiètent au sujet de la Turquie. Ce sont là des inquiétudes qu’il faut respecter et qu’il faut prendre au sérieux. En même temps, elles montrent que les gouvernements doivent mieux expliquer leurs efforts au public. La Turquie ne peut rejoindre l’Union que si, tout comme les autres candidats à l’adhésion, elle est prête sur les plans politique et économique et à condition que l’Union soit prête à accepter de nouveaux membres. Les négociations que nous avons engagées seront longues, très longues, aussi longues que nécessaire.
Ce qui importe, et c’est pourquoi je suis intervenu pour respecter la date du 3 octobre, c’est que ces problèmes soient désormais discutés autour d’une table de négociation, qu’un cadre ait été créé, qu’un processus ait été lancé.
Au terme de ce processus, la Turquie ne sera plus le pays que nous connaissons aujourd’hui.
La Turquie a un long chemin à parcourir et nous devons l'accompagner et l'aider à y arriver, parce qu’il est aussi dans notre intérêt que la Turquie soit une Turquie européenne.
Monsieur le Président,
Après avoir abordé les sujets et domaines de travail de politique étrangère de notre Présidence qui nous ont concernés directement et dans lesquels nous avons joué un rôle actif, j’aimerais profiter de cette occasion pour expliquer plus en détail la manière dont la Présidence luxembourgeoise a essayé dans tous les domaines de faire avancer l’intégration européenne.
Au cours du premier semestre, nous avons ainsi poursuivi des efforts substantiels pour chercher des réponses européennes communes aux défis économiques et sociaux de la mondialisation.
C’est précisément ce qu’a permis de faire le Conseil européen au printemps dernier grâce à la relance de la Stratégie de Lisbonne de 2000 et à son adaptation en fonction de nouveaux besoins en matière de croissance et d’emploi. Nous avons dit clairement qu’il était grand temps d’agir. La non-action n’est pas une option. Prendre les bonnes mesures, et sur le plan européen et sur le plan national, voilà notre choix, choix qui a été adopté par les 25.
Nous étions soucieux de garder le bon équilibre entre les trois éléments de cette stratégie : l’économie, les questions sociales, l’environnement. Les progrès au niveau de la compétitivité devront aller de pair avec des progrès au niveau social, l’environnement étant un élément indispensable qui joue un rôle complémentaire dans le développement durable de nos sociétés.
La relance de la Stratégie de Lisbonne sous notre Présidence devrait nous aider à faire un usage plus efficace et plus complémentaire de nos instruments et moyens nationaux et européens. Ces efforts devront : 1. porter sur le domaine du savoir et de l’innovation au moyen d’actions plus ciblées au niveau de la recherche et des sciences pour aider aussi les petites et moyennes entreprises à réaliser des innovations; 2. rendre l’Europe plus attractive pour les investissements; 3. garantir que la croissance et l’emploi respecteront la cohésion sociale. Nous avons également mis en évidence les nouvelles possibilités pour l’industrie dans le domaine de l’environnement. Voilà le programme que l’Europe s’est donné en mars dernier pour les années à venir.
L’essence de ce programme est claire. Au sein de l’UE, nous avons besoin d’une Europe :
- qui propose des réponses aux défis de la mondialisation,
- où la compétitivité ne se fait pas aux dépens des systèmes de sécurité sociale, pour lesquels on s’est battu au 20e siècle dans de nombreux pays de l’UE,
- où le dumping social et fiscal sont considérés comme une fausse flexibilité sur le marché du travail et en politique économique.
Chaque pays doit trouver son rythme à lui et ses priorités en respectant toutefois le grand cadre de nos décisions communes, c’est-à-dire les 24 "Lignes directrices intégrées" définies en juin par le Conseil européen pour la période 2005-2008. Et chaque pays doit entretenir un véritable dialogue avec le parlement et les partenaires sociaux sur le programme national de réformes qui doit être présenté à la Commission pour cet automne.
Il y a deux semaines, notre plan national de réformes a été présenté ici, à la Chambre des députés, après que ces thèmes avaient été abordés au sein de la Tripartite. En janvier, la Commission européenne donnera son avis sur ces programmes et dira si, dans l’ensemble, ils vont dans la bonne direction.
S’il est vrai qu’après notre Présidence, il a été beaucoup question de la nouvelle situation due à la mondialisation et des mesures à prendre par l'Europe pour mieux se préparer, j’aimerais cependant constater que ce sont précisément ces sujets qui nous ont occupés au premier semestre, mais qu’on ne s’en rendra vraiment compte que lorsque tout le monde élabore son programme. Au niveau du contenu, nous avons fixé le cadre des programmes nationaux de réformes et nous avons défini une méthode en vue de l’évaluation, conjointement avec la Commission, de ces programmes. Le sommet informel de Hampton Court, fin octobre, nous a confirmés dans ce choix qui est et restera le bon choix.
Après une période mouvementée, la Présidence luxembourgeoise a également mené à terme la réforme du pacte de stabilité en mars dernier. Les règles d’une mise en œuvre plus efficace du pacte de stabilité devront à présent être appliquées à tous les Etats membres, grands et petits. L’Eurozone, la stabilité qui en résulte pour l’Europe et notre monnaie constituent une réponse formidable, performante aux défis de la mondialisation. C’est un fait qu’il ne faut jamais oublier.
Quant au troisième grand dossier de notre Présidence, à savoir les perspectives financières 2007-2013, nous ne sommes malheureusement pas parvenus à le boucler en juin. En décembre 2004, nous avions reçu un mandat clair pour trouver un accord politique sur ce paquet financier et nous avons tout mis en ouvre pour atteindre cet objectif. A tous les niveaux, nous avons fait avancer les négociations.
Nous sommes parvenus à élaborer progressivement un paquet global, la « boîte de négociation », comprenant les dépenses et les fonds propres, soumis au Conseil européen de juin.
Toutefois, les circonstances après le résultat négatif des référendums tout comme le fait que, malheureusement, les Etats membres ne prennent des décisions qu’à la toute dernière minute, sous une énorme pression, ont eu pour conséquence le rejet de notre compromis par cinq pays. Ce qui veut tout de même dire que 20 pays étaient prêts à accepter ce compromis, même si, pour certains d’entre eux, ce n’était pas facile. Il est clair que le "chèque britannique" était, et est toujours, le principal problème.
Je suis convaincu que la Présidence britannique est consciente de l’enjeu.
L’UE est plus qu’une communauté d’intérêts économiques. L’UE, c’est un projet de paix, reposant sur la solidarité de l’ensemble de ses Etats membres. Or, solidarité veut dire cohésion, c'est-à-dire que les membres plus riches aident les pays moins riches en accordant des fonds aux pays qui en ont le plus besoin pour développer leurs infrastructures et stabiliser ainsi leur situation économique et sociale. Comme on l’a fait dans l’UE des 15 dans le cas de la Grèce, du Portugal et de l’Espagne.
C’est pourquoi il faut trouver une solution au sein de l’UE. Non pas dans 6 mois ou dans un an, mais maintenant. Pour que les programmes décidés aient une chance d’être concrétisés.
Le budget, c’est également le financement de Lisbonne, c’est-à-dire de la compétitivité, de la recherche et de l'innovation. En même temps, c’est l’enveloppe dont l’UE a besoin pour être présente sur la scène mondiale, dans un monde multipolaire, à côté des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine et de l’Inde.
Enfin, le budget de l’UE, c’est aussi la PAC (Politique agricole commune) et, quand on parle de la PAC, on ne peut pas tout simplement ignorer l’accord de 2002.
Une de nos propositions, que nous avons présentée dès juin et qui s’est concrétisée après le sommet de Hampton Court, fin octobre, prévoit l’introduction d’une clause de révision dans le paquet financier. Ce qui voudrait dire qu’en 2009/2010, nous entamerions au sein de l’Union un débat substantiel sur la structure de l’ensemble de notre budget, tant au niveau des dépenses que des ressources, et, bien sûr, sur la PAC et la méthode de financer le budget à l’avenir. Une telle révision est sans aucun doute utile et nécessaire. Cette clause devrait aider à trouver un accord en décembre, les résultats de cette révision devant être mis en pratique à partir de 2014.
Pour l’heure, on peut constater que :
- 25 pays veulent trouver en décembre une solution en matière de perspectives financières;
- 20 pays au moins, dont la France et l’Allemagne, déclarent qu’une solution ne saurait être trouvée que sur la base de nos propositions de juin;
- le 7 décembre, le conclave des ministres des Affaires étrangères doit disposer de chiffres précis;
- lors du Conseil européen des 15 et 16 décembre, il faut une volonté commune pour que tous prennent leurs responsabilités pour arriver à un accord.
Le Luxembourg encouragera la Présidence à assumer ses responsabilités et à contribuer au financement d’un élargissement qu’elle-aussi n’a cessé de revendiquer à juste titre.
C’est la crédibilité de l’UE qui est en jeu.
Mesdames et Messieurs,
Le 29 octobre 2004 a été signé à Rome le nouveau traité constitutionnel.
Le programme de coalition de 2004 prévoit le principe d’une ratification par référendum de ce traité.
Nous étions tous conscients que ce n’était pas la solution la plus facile, mais, d'un point de vue politique, c’était - et c’est - la seule solution valable. Le débat, très animé, a montré que les Luxembourgeois s’intéressent à l’Europe et qu’ils se sentent concernés par ce qui se passe en Europe.
Le 10 juillet, les Luxembourgeois ont majoritairement dit oui à la constitution. 56,52% ont dit "oui" au traité constitutionnel, "oui" au Luxembourg dans l’Europe. Ils ont dit "oui" à un moment où l’Europe se trouvait dans une situation difficile, où deux membres fondateurs, la France et les Pays-Bas, avaient rejeté la constitution par référendum.
Pourquoi ce vote était-il si important pour le Luxembourg ?
Il a confirmé notre position d’Européens convaincus et engagés. Par ce vote, nous avons clairement exprimé notre volonté d'un rapprochement des pays européens au sein d'une union politique reposant sur un socle solide de valeurs communes, une économie sociale de marché qui soit au service des hommes. Cependant, par ce vote, nous nous sommes également prononcés en faveur d’une Europe fonctionnant selon des règles définies d’un commun accord. Pour un petit pays comme le Luxembourg, il est d’une importance capitale que l’Europe fonctionne selon des règles que nous avons contribué à définir. A défaut d’adopter ce traité constitutionnel, on risque de revenir à l'idée bien connue d’un directoire en Europe qui serait dirigé par un nombre restreint de grands pays. Voilà un type de développement que nous ne voulons pas en Europe. C’est pourquoi le traité constitutionnel est pour nous aussi une garantie de la position des petits pays en Europe.
Au cours de la campagne, il a été beaucoup question d’un plan B, de la possibilité selon laquelle le rejet du traité déclencherait une dynamique aboutissant à l’élaboration d’un nouveau texte. On a également proposé de sortir certaines dispositions ou certains domaines du traité constitutionnel.
Ces idées-là, et bien d’autres encore, continuent à être discutées. Or il faut constater qu’aujourd’hui près de 6 mois plus tard, aucune stratégie cohérente permettant de remettre sur les rails le projet européen et le traité constitutionnel ne se dessine.
En juin dernier, sous Présidence luxembourgeoise, on a décidé une période de réflexion destinée à permettre à chaque pays de mener un débat national sur l’Europe. La plupart des pays qui ont déjà ratifié le traité sont plutôt d’avis que cette période de réflexion sera surtout nécessaire dans les pays qui ne se sont pas encore prononcés sur le traité.
Or tel n’est pas l’avis de notre gouvernement : au lendemain du référendum, tous les partis ont déclaré qu’il était important de poursuivre le dialogue au Luxembourg.
Le ministre délégué Nicolas Schmit est chargé d’élaborer des initiatives concrètes dans ce domaine et ce en premier lieu avec la Chambre des députés.
Ce qu’il nous faut, ce n'est pas une nouvelle campagne pour l’Europe mais des actions, tant nationales qu’européennes, permettant de redonner à l’Europe la place qui lui revient.
Par quelles mesures pourrait-on y contribuer ?
- A court terme - je viens de le dire - un accord sur les perspectives financières serait très important.
- Il faudrait - même sans constitution - pouvoir davantage impliquer les parlements nationaux dans les processus de décision de l’UE. Dans son discours la semaine passée à Berlin, le Premier ministre a proposé une piste qui pourrait être mise en pratique en cas d’accord des parlements des Etats membres, de la Commission et du Conseil : au cas où un tiers des parlements nationaux ne pourraient approuver en substance une directive, la Commission devrait à nouveau se pencher sur l’initiative en question. Cela permettrait de renforcer l’impact des intérêts nationaux pendant la phase de formation d’une décision. Voilà un exemple parmi d’autres d’une organisation de l’UE plus proche des citoyens sans pour autant devoir morceler le traité constitutionnel.
- Cependant, il est d’une importance cruciale de faire preuve de volonté et de courage pour défendre activement l’Europe institutionnelle et structurée dont nous avons besoin. Nous en avons besoin pour assumer le rôle qui nous revient dans le monde, pour faire avancer la cohésion sociale et culturelle dans tous les pays de l'UE, pour disposer de moyens efficaces en matière de politique de l’environnement et de politique de sécurité. En d’autres termes, nous voulons, au Luxembourg, défendre de manière offensive l’ Europe politique. Dans ce contexte, nous saluons également la position du nouveau gouvernement allemand qui, loin de vouloir abandonner le traité constitutionnel, envisage de relancer le débat si nécessaire début 2007 sous sa Présidence.
Monsieur le Président,
Nous sommes tous conscients de l’énorme importance du commerce, sans lequel notre pays n’aurait jamais connu un tel développement. Nos principaux partenaires commerciaux sont bien sûr nos voisins, absorbant près de 58% de nos exportations, ainsi que les membres de l’UE dans leur ensemble, représentant 87% de nos exportations. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer l’importance du commerce avec les pays tiers.
Lors de sa formation l’année passée, le gouvernement a décidé de répartir la responsabilité des dossiers commerciaux entre deux ministères : le ministère de l’Economie pour la promotion de notre économie au niveau bilatéral et le ministère des Affaires étrangères pour les relations économiques internationales et notamment le volet multilatéral.
Le cadre multilatéral dans lequel le commerce mondial est réglé, l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec ses 148 membres, doit tenir en décembre sa prochaine conférence ministérielle à Hongkong dans le cadre du cycle de développement de Doha, lancé en 2001.
Où en sommes-nous dans le cycle de Doha ?
En octobre dernier, l’Union européenne, par l’intermédiaire de son négociateur, la Commission, a présenté à l’OMC une nouvelle offre prévoyant entre autres une réduction de nos droits de douane sur les produits agricoles si d'autres grands pays sont prêts à nous ouvrir davantage leurs marchés de biens et de services. Nous ne parlons pas ici de pays pauvres en voie de développement, mais d’autres pays industrialisés ou de pays émergents.
Il est important de voir que cette nouvelle offre ne remet pas en question la dernière réforme de la PAC. En 2003, l’UE a en effet procédé à une réforme fondamentale de son agriculture, ce qui n'était pas une chose facile. Aussi exigeons-nous que d’autres producteurs importants, notamment les Etats-Unis, procèdent à leur tour à une réforme durable de leur secteur agricole. Malheureusement, ces autres pays ont rejeté notre offre en demandant un accès encore plus large à notre marché agricole sans proposer aucune compensation. Une telle approche n’est pas acceptable, l’objectif déclaré de l’Union étant de faire aboutir le cycle de Doha à un résultat équilibré. Cela veut dire qu’il faut un équilibre entre les différents domaines de négociation - l’agriculture, les biens, les services, les règles et le développement -, ainsi qu’un équilibre à l’intérieur du secteur agricole entre les subventions à l’exportation, les aides internes et l’accès au marché.
L’importance des divergences rend un résultat concret avec des chiffres précis très peu probable. Il faut plutôt s'attendre à ce que la conférence de Hongkong constitue une étape intermédiaire du cycle de Doha. Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’Union renonce à ses ambitions : l’objectif de l’UE reste de mener à terme le cycle de Doha d’ici la fin de l’année prochaine. Pour nous, il n’existe guère d’alternative valable au cycle de Doha. Si ce cycle reste sans résultat, les différents pays concluraient probablement une multitude d’accords bilatéraux, probablement aux dépens des intérêts des pays les plus pauvres et les plus petits, il étant peu probable que de telles discussions respecteraient la règle du consensus qui régit l’OMC.
Comme le laisse penser le nom d' "Agenda de développement de Doha", ce cycle devrait avant tout profiter aux pays en voie de développement. C’est là un objectif en faveur duquel le Luxembourg n’a cessé d’intervenir. Le cycle de Doha pourrait contribuer à ce que des millions de personnes vainquent la pauvreté, ce qui constituerait une étape importante dans la réalisation des objectifs du millénaire. Si l’Afrique parvenait à faire augmenter sa part dans le commerce mondial d’un pour cent, cela correspondrait à un montant approximatif de 70 milliards de dollars pour ce continent.
C’est pourquoi j’espère qu’un paquet de mesures concrètes en faveur des pays en voie de développement sera décidé à Hongkong. La Commission et l’ensemble des Etats membres de l’UE font actuellement de grands efforts pour atteindre cet objectif. Un tel paquet devrait prévoir entre autres que tous les pays industrialisés ouvrent leurs marchés aux exportations des pays en voie de développement les plus pauvres lesdits "PMA" (pays les moins avancés), comme l’UE le fait depuis un certain temps dans le cadre de son initiative "Everything but Arms" (Tout sauf les armes). En plus, un tel paquet devrait prévoir un renforcement de l'assistance technique aux pays en voie de développement, une solution rapide des graves problèmes des producteurs de coton de l’Afrique de l’Ouest ainsi qu’une solution définitive en vue de faciliter l’accès aux médicaments génériques contre le SIDA.
Dans ce contexte, j’aimerais dire aussi à quel point je me réjouis de la bonne collaboration avec la Chambre dans ce dossier important : c’est pourquoi la participation de deux membres de la Chambre à la conférence de Hongkong est pour moi un signal très positif.
Comme il a déjà été dit, la défense de nos intérêts économiques s'est transformée en "joint venture". Au niveau bilatéral, le ministère de l’Economie et le ministère des Affaires étrangères apportent chacun leur "valeur ajoutée" spécifique pour soutenir le plus efficacement possible l’économie luxembourgeoise.
Ce soutien est un élément important de notre diplomatie. Grâce à son réseau diplomatique et consulaire, le ministère des Affaires étrangères dispose d’un instrument important pour assister nos entreprises. Ensemble avec le ministère de l’Economie, nos ambassades, consulats et bureaux travaillent à assurer la promotion du Luxembourg. Ils aident également nos entreprises à nouer des contacts en leur fournissant conseil et assistance.
Les missions économiques organisées en commun restent un instrument important au service de notre économie. Citons à titre d’exemple la récente mission aux Emirats arabes unis et en Jordanie, avec la participation de plus de 60 entreprises. De même, les délégations économiques jouent un rôle de plus en plus important dans le cadre de visites d’Etat , comme ce fut récemment le cas en Slovaquie et en Bulgarie. L’encadrement officiel de ces visites facilite en effet l'établissement de contacts à nos entreprises.
Bien sûr, l’économie luxembourgeoise s’intéresse également aux importants marchés des économies émergentes. Là encore, il faut veiller à être présents, parce qu’il est important de diversifier davantage notre commerce extérieur pour profiter de la croissance élevée de ces pays et, partant, être moins vulnérables en cas de crise chez nos partenaires traditionnels. C’est pour cette raison que l’année prochaine, notre représentation en Chine sera complétée par l’ouverture d’un nouveau consulat général à Shanghai, destiné à faciliter notamment la présence de nos petites et moyennes entreprises en Chine.
Notre réseau d’ambassades dans le monde entier nous permet de défendre nos intérêts. Les ambassades constituent des instruments de notre politique étrangère et ce aussi bien sur le plan bilatéral que multilatéral.
Plus que jamais, les ambassades bilatérales dans les Etats membres de l’UE sont indispensables. Certes, les ministres rencontrent leurs homologues régulièrement lors des Conseils et autres réunions, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’à 25 voire 27, il soit toujours possible d’entretenir des relations étroites avec chacun.
Or, une position nationale s’explique toujours par une situation nationale. Aussi est-il important de comprendre la situation politique et économique ainsi que les priorités d’un pays. Les informations fournies par nos ambassades nous permettent de mieux comprendre les réalités dans les pays en question et les conditions politiques qui influencent les décisions.
Avec les pays voisins, qui sont des partenaires de longue date, les relations sont plus faciles qu’avec ceux qui, géographiquement plus éloignés, viennent de rejoindre l’Union européenne. Cependant, il ne faut pas pour autant négliger les relations avec nos amis traditionnels.
La collaboration avec nos voisins et amis belges a connu une redynamisation ces dernières années. Après le sommet de Luxembourg en juillet, les deux gouvernements se réunissent à nouveau demain (30 novembre) à Bruxelles pour discuter des projets communs. Pour le Luxembourg, l’UEBL représente bien plus que seulement le cadre de nos relations économiques bilatérales ou de nos relations commerciales avec des pays tiers. Il existe à présent toute une série de nouveaux domaines qui nous permettent une collaboration plus étroite au niveau européen.
Le Benelux est toujours considéré comme un laboratoire de l’intégration européenne. Le Luxembourg en assumera à nouveau la présidence au cours du premier semestre 2006, à un moment où les trois gouvernements devront s’interroger ensemble sur l’avenir de cette coopération après l’échéance du traité actuel en 2010. Nous sommes d’avis que le Benelux a toujours sa raison d’être. A trois, il nous est souvent possible d’aller plus loin. Dans une Europe élargie, nous avons tout intérêt à préserver le cadre plus restreint du Benelux, même si, sur des questions ponctuelles, nous poursuivons parfois des approches différentes.
D’un autre côté, il faut également chercher à nouer de nouvelles relations amicales. Au sein d’une Europe de plus de 25 membres, il est plus que jamais important de chercher des alliances.
De nouvelles alliances avec des pays qui, sans être nécessairement des voisins immédiats, partagent notre point de vue sur des dossiers précis. Comme il a déjà été dit, notre dernière Présidence nous a conféré une grande crédibilité. En plus, on nous reconnaît une certaine expérience en tant que pays fondateur de l’Union. Nous devons en tirer profit pour consolider notre position au sein d’une Europe élargie.
Malheureusement, nous ne pouvons être représentés par une ambassade dans chacun des 25 Etats membres. Pour cette raison, le Luxembourg a des ambassades "régionales" à accréditations multiples, permettant de couvrir à peu près l’ensemble de nos partenaires. La dernière ambassade que nous avons ouverte est celle de Varsovie, dans le plus grand des nouveaux Etats membres. Il est important d’être présent à ce moment-ci en Europe centrale pour nouer de nouvelles relations politiques et commerciales. Nous espérons pouvoir ouvrir à l’avenir d’autres ambassades dans la région.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
L’accord de coalition de ce gouvernement confère au ministre des Affaires étrangères la responsabilité du bon accueil des fonctionnaires européens et des bâtiments des institutions européennes et de leurs services siégeant au Luxembourg. Il s’agit là d’un grand défi auquel il faut faire face. En effet, les avantages pour notre pays ne sont pas négligeables. Et il ne s’agit pas seulement d’avantages économiques. Ce qui est en jeu, ce n’est rien de moins que le prestige international et la visibilité de notre pays.
C’est pourquoi, , une politique durable en matière de siège tenant compte des élargissements futurs reste un élément essentiel de notre politique étrangère.
L’élargissement de l’UE offre non seulement des chances nouvelles, mais entraîne également une extension de nos obligations. Nous avons des obligations envers l’Union, les Etats membres et les personnes qui vivent et travaillent chez nous. Et nous prenons au sérieux ces obligations. Le Kirchberg, symbole de la présence européenne au Luxembourg, continue de voir d’importants projets de transformation.
Toute une série de projets sont actuellement en cours de réalisation pour permettre une intégration optimale des 9.600 fonctionnaires actuels, avec leur famille, et de ceux qui viendront les rejoindre et pour leur offrir des conditions de travail et de logement ainsi qu'un environnement scolaire agréables.
Au cours de l’année passée, le comité de coordination interministériel chargé de la question du siège des institutions de l’UE, placé sous ma responsabilité et dirigé par le Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, a fait des efforts considérables pour garantir une politique proactive et accueillante en matière de siège. C’est dans ce cadre qu’on a élaboré des solutions en vue de la préparation, de la coordination et du suivi de projets immobiliers très importants, bien que beaucoup de défis restent à être relevés dans le proche avenir. Dans ce contexte, je souhaite vivement remercier toutes les administrations qui nous aident à répondre à nos obligations.
Citons à titre d’exemple notre devoir de mettre le plus rapidement possible à la disposition du Conseil des ministres européen un centre de conférence moderne où il puisse organiser ses réunions de travail, ou l’extension de la prestigieuse Cour de justice européenne, la deuxième école européenne, l’extension de la Cour des comptes et de la Banque européenne d'investissement ou le nouveau siège du Secrétariat général du Parlement européen.
Il y a quelques jours, le conseil de gouvernement a adopté le principe d’un nouveau type de collaboration avec le Parlement européen, et le Bureau du Parlement européen en fera de même demain. Nous espérons que cet accord permettra à tous les services du Parlement européen de se trouver réunis dans un seul bâtiment d’ici 2010.
Le regroupement de l’ensemble des services luxembourgeois de la Commission établis au Luxembourg, dans un bâtiment remplaçant le Bâtiment Jean Monnet (qui montre des signes de vieillissement manifestes), constitue un autre objectif de ce comité de coordination.
Le Centre de traduction, dont les services ont connu une croissance énorme en raison de la multitude des nouvelles langues au sein de l’UE, cherche un siège définitif au Luxembourg. Le Nouvel Hémicycle est en effet devenu trop petit .
Et le 1er octobre, une nouvelle instance judiciaire européenne s’est établie au Luxembourg : celle de la Fonction publique européenne.
Parallèlement aux grands projets de construction pour les institutions européennes, moi-même ainsi que mes plus proches collaborateurs restons en contact permanent avec les services de la Commission et du Parlement européen, avec les syndicats européens et les chefs d’administration des institutions pour consolider, sur la base des décisions historiques pertinentes en matière de siège, la présence quantitative et qualitative des organes de l’UE au Luxembourg.
Nous avons donc lancé toute une série de projets pour les institutions européennes au Luxembourg. Les défis sont de taille et nous les prenons au sérieux. Le ministre des Travaux publics et moi-même comptons coopérer à l’avenir encore plus étroitement avec les commissions compétentes de la Chambre des députés en vue d’assurer la promotion du siège luxembourgeois.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
La Présidence nous a permis de continuer à contribuer à l’histoire de l’intégration européenne : il s’agit là d’un défi que nous avons relevé dans l’intérêt de la construction européenne, mais aussi dans l’intérêt du Luxembourg.
La Présidence nous a par ailleurs donné l'occasion de suivre la maxime du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, selon laquelle " ...il n’y a pas de sécurité sans développement, il n’y a pas de développement sans sécurité et il ne peut y avoir ni sécurité, ni développement si les droits de l’homme ne sont pas respectés...". Voilà une maxime qui continuera à guider la politique étrangère luxembourgeoise bien au-delà de cette Présidence.
Je vous remercie.