Jean-Claude Juncker, Discours à l'occasion de l'inauguration de "Luxembourg et Grande Région, Capitale européenne de la Culture 2007", Luxembourg

Monseigneur,
Altesses Royales,

Votre présence à cette cérémonie d’ouverture de l’année culturelle 2007 témoigne de votre volonté de vous associer à ce grand moment que vivent cette ville, ce pays et les Luxembourgeois. Soyez cordialement remerciés, non pas de vous être déplacés, mais d’avoir retrouvé les vôtres.

Je crois, Altesses Royales, Excellences, Mesdames, Messieurs, que l’année culturelle 2007 est un grand moment et restera, lorsque nous le regarderons de plus loin, parce qu’il sera révolu, un grand moment. On prête à Jean Monnet la phrase que s’il devait recommencer l’aventure européenne, il la commencerait par la culture. Monnet, s’il a dit cette phrase, avait bien vu qu’il y avait là un déficit qu’il s’agissait de combler.

Et celle qui l’avait bien compris, mieux que d’autres et avant les autres, était Melina Mercouri. C’est elle qui a forgé cette idée d’avoir en Europe, année après année, une ville, un pays – elle ne pensait pas encore aux grandes régions – qui seraient investis de ce titre de « capitale européenne de la culture ». Longtemps, j’aurai mémoire, en évoquant Melina Mercouri, de ses funérailles auxquelles il m’a été donné d’assister. En regardant partir son cercueil, on ne voyait pas seulement la grande dame qu’elle a été et qu’elle restera, mais on voyait venir vers nous, pour prendre corps et âme, cette grande idée qu’elle avait de l’Europe et de la culture qui sous-tendra l’Europe en toutes circonstances et sans laquelle l’Europe aura été vaine et n’aura en fait pas été.

Le Luxembourg a été choisi capitale européenne en 1995. Quel long périple entrepris depuis par la ville et par le pays ! Il n’y a qu’à voir les grandes réalisations architecturales : le Musée d’art moderne, Neumünster, la Philharmonie – toutes ces réalisations qui permettent à notre capitale d’échapper à l’ordinaire des villes. Mais l’important n’est pas là. L’important est dans la vivacité, dans la diversité que culture et création luxembourgeoises ont connues depuis. Et donc l’idée, qui a été celle de Madame le Ministre Erna Hennicot, de re-proposer la candidature luxembourgeoise à l’attention de ses pairs, a été une idée heureuse. Et finalement les autres Européens, en moins d’une décade, ont pensé que le moment serait venu de refaire du Luxembourg la capitale européenne de la culture, de ce Luxembourg, dont beaucoup – ceux qui nous observent de loin et donc qui nous voient moins bien – pensent que cette ville n’est qu’un assemblage fait de trois trottoirs et de 120 banques, alors que nous avons autre chose à véhiculer, à communiquer et à montrer aux autres que ce que certains ont tendance à parfois vouloir par trop cacher.

J’avais proposé lors d’un sommet de la Grande Région à Liège, en mai 2000, d’élargir, si j’ose dire, et sans volonté hégémoniale aucune, le Luxembourg, capitale européenne de la culture, à l’ensemble de la Grande Région. Une modestie naturelle ne me pousse bien sûr pas à m’en féliciter, parce qu’à tout seigneur tout honneur. L’idée n’était pas la mienne. Je vous demanderai d’oublier aussi rapidement que possible que l’idée était celle de notre ambassadeur à Bruxelles d’alors, l’actuel maréchal de la Cour, Monsieur Jean-Jacques Kasel.

Cette Grande Région, celle que nous appelons grande parce que nous la voudrions grande, manque cruellement d’identité. N’est-ce pas, nous caressons nos rêves et nos romantismes qui viennent de loin et qui voudraient que nous, qui sommes issus de la même région, partageant les mêmes espaces et un passé très souvent identique, identique toujours dans la tragédie, soyons ce que nous sommes sans vouloir l’être vraiment. Ce n’est pas vrai. Cette Grande Région ne peut pas être exclusivement économique, exclusivement sociale, exclusivement faite d’un pacte financier. Non. Lorsque les frontières se sont glissées entre les hommes pour les séparer, pour distinguer nos différents quartiers d’abord, pour les opposer ensuite les uns aux autres, ce grand rêve européen qui fut également celui de notre région, puisque Schuman et d’autres viennent de nos contrées, ce rêve est né qui voulait que nous enlevions de l’importance aux frontières. Nous l’avons fait grâce au génie des générations précédentes et qui étaient plus fertiles en imagination et en courage que nous-mêmes. Mais il y a des frontières qui sont restées. Lorsque les frontières physiques ont disparu, les frontières qui traversent les têtes comme des tendances lourdes, dont on ne se défait que très difficilement, sont restées. Si on veut les éliminer, il faut se retrouver à des intersections qui sont alimentées par les uns et par les autres. Et ces intersections, obligatoirement et par définition, sont d’ordre culturel. C’est là l’idée de cette capitale européenne de la culture élargie à la Grande Région.

Et quel chemin, quelle distance parcourus par l’Europe, dans laquelle prendra place demain cette Grande Région, lorsque la compétition sera entre les régions et non plus entre les pays ! Quelle distance parcourue par cette Europe depuis 1995 jusqu’à nos jours ! Au 1er mai 2004, dix nouveaux États membres sont venus nous rejoindre. Au 1er janvier 2007, la Bulgarie et la Roumanie viendront compléter le cercle des grandes nations européennes réconciliées entre elles et se donnant la main pour attaquer un avenir que nous voudrions lumineux et fait de paix. On critique beaucoup l’adhésion des nouveaux pays, ou l’élargissement, de façon condescendante, eurocentrique, pour décrire ce mouvement de l’histoire. Mais en fait, quel enrichissement que celui qui nous est apporté par ces nouveaux États membres, ceux qui viennent de la Méditerranée, ceux qui nous viennent d’Europe centrale et d’Europe orientale. Ces vieilles langues européennes qui portent le souvenir de tant de tragédies et de complications et qui se veulent messagères d’un avenir européen qui aura su vaincre ce funeste décret de l’histoire qui voulait qu’en 1945, l’Europe soit séparée à tout jamais en deux blocs. Avoir vu, depuis, l’Europe devenir le théâtre de la réconciliation entre son histoire et sa géographie, voilà une performance continentale qui sans doute n’aurait pas été possible sans la lourde pensée culturelle européenne. La culture a toujours été européenne, sans être exclusivement européenne. Seulement les hommes politiques, ceux qui nous ont dirigé et nous dirigent, n’avaient pas vu là la capacité de ciment que constituait la culture dans notre Grande Région et en Europe. Donc, nous avons tant de raisons d’être aujourd’hui de bonne humeur et joyeux, non pas parce que c’est mon anniversaire, ce qui est un évènement en soi, mais parce qu’aujourd’hui prend corps quelque chose dont nous dirons un jour que ce fut un grand départ.

Dass wir heute auch mit dem Bürgermeister aus Sibiu/Hermannstadt hier zusammensitzen, wenige Wochen bevor Rumänien Mitglied der Europäischen Union wird, ist ein weiterer Beleg dafür, dass es wenig Grund zum Klagen gibt, obwohl man mit dem, was man erreicht hat, nie ganz zufrieden sein sollte. Wir freuen uns darauf und darüber, dass Hermannstadt/Sibiu Partnerstadt Luxemburgs geworden ist und ich freue mich sehr darauf, im Mai in Hermannstadt die Stadt selbst zu riechen. Weil man eine Stadt zu Fuß durchqueren muss, um sie wirklich in Erfahrung zu bringen. Ich werde das intensiv tun.

Ich würde auch gerne meine beiden Freunde Kurt Beck und Peter Müller, die Ministerpräsidenten von Rheinland-Pfalz und des Saarlandes, hier begrüßen. Kurt, heute vor einem Jahr genau, auf den Tag genau, haben wir die KZ-Erinnerungsstätte in Hinzert eingeweiht. Auf den Tag genau. Und jetzt sitzen wir hier quietschfidel zusammen, so als ob es die schlimmen Geschichten und die schlimmste aller Geschichten nie gegeben hätte. Dass ihr beide heute hier seid, freut mich im besonderem Maße, wie auch die anderen Kollegen, die aus der Großregion nach Luxemburg geeilt sind, weil wir mit unseren Nachbarn eine etwas geläuterte Geschichte haben als dies mit Deutschland der Fall war. Und dass wir jetzt, 60 Jahre nach Ende des Zweiten Weltkrieges, so wie wir hier sitzen, zusammensitzen um Gemeinsames fortzuführen und Neues zu beginnen, zeigt uns, dass Deutschland heute uns der beste deutsche Nachbar ist, den wir je hatten. Und deshalb seid uns herzlich willkommen.

C’est une affaire, dont j’espère que nous dirons un jour qu’elle a été grande, que nous allons entamer aujourd’hui. Il nous faudra bien sûr beaucoup de patience et de détermination. Cette patience et cette détermination dont ont fait preuve Madame Hennicot lorsqu’elle a relancé la machine capitale européenne de la culture, Madame Modert, qui s’est faite cheville ouvrière de l’ensemble des actions qui ont dû être prises en main, et Robert Garcia, qui était le coordinateur général. En remerciant ces trois personnes, je voudrais que vous étendiez ces remerciements à toutes ces équipes valeureuses qui ont fait de ce jour d’aujourd’hui et feront des mois à venir un grand succès.

Nous aurons besoin, il est vrai, de beaucoup de patience et de détermination. J’aime, disait Pascal, les choses qui vont ensemble. Je voudrais que dorénavant Luxembourg et culture, Grande Région et culture, Europe et culture, soient des choses qui vont ensemble. Nous aurons besoin d’une bonne dose de patience et de détermination comme pour toute entreprise européenne, de cette patience, de cette détermination, de cette somme de conviction, chaque jour renouvelée, dont ont besoin les longues distances et les grandes ambitions.

Circulez, il y a beaucoup de choses à voir !

Merci.

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