Jean Asselborn, Discours à l'occasion du 3e Congrès mondial contre la peine de mort, Paris

Mesdames et Messieurs,

C’est un honneur pour moi de pouvoir m’adresser à cette illustre audience, qui comprend de si nombreux acteurs de l’abolition de la peine du mort dans le monde, de représentants de pays abolitionnistes et de pays, qui, par leur présence ici, démontrent une ouverture à ce débat important.

L’opposition à la peine de mort fait, depuis de nombreuses années maintenant, partie de "l’acquis communautaire" de l’Union européenne. Un acquis pas comme les autres, un acquis auquel j’attache une importance toute particulière, un acquis qui touche au plus profond de nos valeurs, de nos convictions, qui s’inscrit dans notre foi en la dignité inhérente à chaque être humain et en l’inviolabilité de la personne humaine.

La peine de mort constitue une violation des droits de l’Homme et un traitement cruel, inhumain et dégradant, dont le caractère dissuasif n’a jamais pu être démontré. La justice dans nos démocraties ne peut être la vengeance; un crime ne peut être sanctionné par un autre crime. Robert Badinter disait qu’"Une justice qui tue n'est jamais juste", car avec la peine de mort "le crime change de camp".

Notre objectif ne peut donc être que l’abolition universelle de la peine de mort. Il nous faut œuvrer à cet effet, à tous les niveaux et dans toutes les enceintes nationales, régionales et internationales.

Et il y a lieu d’espoir: un nombre toujours croissant de pays ont aboli la peine de mort ou ont instauré un moratoire. Les Philippines ont donné l’exemple en transformant leur moratoire en une abolition pure et simple en 2006. La Moldavie, quant à elle, a récemment aboli la peine de mort en toutes circonstances, en supprimant de sa Constitution la peine de mort pour les actes commis en temps de guerre.

Le 19 décembre dernier, l’Union européenne a pu présenter, avec le soutien de 85 États membres des Nations unies, une Déclaration solennelle sur l’abolition de la peine de mort et l’instauration d’un moratoire dans les pays dans lesquels la peine de mort existe encore, à la tribune de l’Assemblée générale.

On a pu de même observer certains développements positifs aux États-Unis, une certaine régression du nombre des exécutions. Ainsi le New Jersey pourrait-il devenir le premier État à abolir à nouveau la peine de mort depuis qu'elle a été rétablie aux États-Unis.

Il nous faut soutenir à fond ces développements, œuvrer pour que le débat engagé gagne en ampleur, pour que la cause de l’abolition de la peine de mort progresse.

Car, malgré les quelques avancées, les exécutions se poursuivent à travers le monde.

Dans certains pays, on assiste même à l’exécution de mineurs et de personnes atteintes de troubles mentaux.

Dans certains pays la peine de mort reste la sentence pour le simple fait d’une appartenance à une origine ethnique, une religion particulière, pour le vol à main armée, l’adultère ou une appartenance sexuelle. C’est tout simplement inacceptable.

Un verdict particulièrement tragique a été rendu le mois dernier en Libye, condamnant à mort les cinq infirmières bulgares et le médecin palestinien accusés d’avoir intentionnellement inoculé le virus du sida à des enfants libyens. Un verdict intervenu en ignorance totale des preuves d’innocence présentées. Je puis vous assurer que l’Union européenne ne compte pas baisser les bras: les ministres des Affaires étrangères des 27 ont encore la semaine dernière dit leur détermination à œuvrer pour une solution juste.

Il importe de porter toutes ces questions à l’attention du public le plus large possible!

C’est pour cette raison que mon pays a tenu à s’associer à l’organisation de ce 3e Congrès mondial contre la peine de mort. Et avec la France, pays où on s’apprête à inscrire l’abolition de la peine de mort dans la Constitution, affirmant ainsi dans la Loi fondamentale, l’attachement au respect absolu de la vie humaine, l’association "Ensemble contre la peine de mort" ne pouvait trouver meilleur hôte.

Mesdames, Messieurs,

Disons NON à la peine de mort.

Merci beaucoup.

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