Déclaration sur le programme gouvernemental 2009 (traduction française)

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Après les élections, c’est avant les élections.

Le 7 juin – le jour des élections –, la situation économique, financière et sociale du pays n’a pas changé. Nous savions avant les élections que nous allions vers des temps difficiles et nous l’avons dit, les uns à voix plus haute et avec insistance, les autres à voix plus basse et en sourdine. Conscients des réalités, les électeurs ont pris une décision claire le 7 juin. Le CSV et le LSAP réunis ont obtenu 63,78 % des voix dans la circonscription Sud, 57,76 % dans la circonscription Est, 57 % dans celle du Nord et 56,43 % dans celle du Centre. Les anciens et les nouveaux partenaires de la coalition bénéficient donc d’une approbation manifeste sur le plan national et dans les quatre circonscriptions électorales. L’électeur ne souhaitant pas de changement, il n’y a pas eu de changement. L’électeur a misé sur la continuité, et c’est pourquoi le CSV et le LSAP continueront à gouverner ensemble le pays pendant les cinq années à venir.

Ils continueront à gouverner le pays pendant cinq ans, mais ils ne continueront pas tout simplement à le gouverner comme ils l’ont fait jusqu’ici. La situation actuelle exige un style de gouvernement plus énergique, plus axé sur le développement durable et plus courageux. Les gens attendent de la politique – du gouvernement comme de l’opposition – un engagement maximal.

Ayant bien gouverné le pays au cours des cinq dernières années, nous avons obtenu la confiance des électeurs le 7 juin. Pendant les années à venir, nous devrons gouverner le pays encore mieux, pour que celui-ci garde confiance en lui-même. J’aurais bien voulu que mes collègues Boden, Lux et Schiltz restent à bord du bateau gouvernemental pour que nous puissions mettre le cap sur l’avenir avec eux. Après trente années de travail intensif, Fernand Boden quitte le gouvernement. Il a réalisé bien des choses dans les différents départements qu’il s’est vu confier. Nous devons nous habituer petit à petit à ce qu’il ne soit plus ministre. Si, à l’avenir, vous voyez une photo du gouvernement sur laquelle il ne figure pas, vous n’êtes pas victime d’une illusion d’optique, mais vous voyez le résultat photographique de sa décision de faire place à des forces nouvelles et plus jeunes. Ayant bien mérité de notre pays, Fernand Boden entame à présent une période plus calme de sa vie, entouré du respect et de l’amitié de ses collègues et amis. Quant à Jean-Louis Schiltz et Lucien Lux, ils prennent une pause du gouvernement pour exercer une fonction parlementaire qui, à mon avis, est tout aussi importante et difficile et leur confère autant d’influence qu’une fonction ministérielle. Je dois les remercier – tout comme Fernand Boden – de cette solidarité qui ne leur a jamais fait défaut et de leur complicité qui, notamment dans des situations délicates, a facilité le travail gouvernemental. Leurs prédécesseurs directs, Michel Wolter et Ben Fayot, se consacrent à de nouvelles missions. Les remises en question critiques de la politique gouvernementale par Michel Wolter ne vont pas me manquer, parce qu’à l’avenir, il poursuivra et devra poursuivre dans cette voie. De même, nous continuerons à bénéficier de la sagesse de Ben Fayot, laquelle repose sur une grande expérience de la vie et de vastes connaissances multidimensionnelles. J’apprécie son sens des nuances et sa capacité à peser avec sagesse et prudence le pour et le contre des décisions à prendre, cette capacité qui fournit la matière à partir de laquelle il formule ses conseils. Et ces conseils, je veux – nous voulons – continuer à en bénéficier. J’aimerais également exprimer mon respect à Lucien Weiler pour le travail qu’il a accompli à la tête de la Chambre des députés. Il a réussi l’intersection entre présider et décider, ce qui a renforcé le Parlement. Il continue à nous faire bénéficier de son savoir ainsi que de sa compétence, et c’est une bonne chose.

Enfin, il me tient à cœur d’exprimer ici et aujourd’hui mon admiration et mon grand respect à une femme qui vient de faire ses adieux à la vie politique active : je veux parler de Colette Flesch. Rares sont les personnes à avoir marqué le paysage politique luxembourgeois autant que l’a fait Colette Flesch dans l’exercice de ses fonctions successives. Du temps où j’étais secrétaire d’État au sein du dernier gouvernement Werner, je considérais son ardeur au travail, sa connaissance des dossiers et son courage politique comme un modèle à suivre pour un jeune politique. Sa liberté d’esprit, son engagement en faveur des libertés publiques et le regard plein d’intérêt qu’elle portait sur les gens et sur les choses me font dire : quel itinéraire, quelle grande dame.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

La crise financière et économique que connaissent le monde, l’Europe et le Luxembourg a des conséquences qui dépassent le domaine économique et financier.

La multiplicité de ses causes et leur prise en compte tardive minent la confiance des gens dans notre modèle économique et social, en paralysant l’esprit d’avenir et en freinant l’envie d’avenir.

Longtemps, trop longtemps, nous avons fait confiance aux forces du marché. Longtemps, trop longtemps, beaucoup d’entre nous se sont fait avoir par cette pensée unique très rarement contestée, qui croyait avoir identifié l’État comme problème et considérait la diminution de son influence comme le fondement d’une véritable philosophie du salut.

Je l’ai dit plus d’une fois dans cette enceinte : le marché à lui seul ne crée pas de solidarité. La solidarité naît d’un mélange d’efficacité du marché et d’action étatique poursuivant des objectifs précis en matière d’organisation et de redistribution. Aujourd’hui, rares sont ceux qui contestent l’affirmation selon laquelle le marché rend possibles beaucoup de choses, mais peut également en détruire beaucoup.

La crise actuelle – la plus grave que nous ayons connue depuis 1929 – inaugure un changement d’époque. L’onde de choc mondiale provoquée par la crise a soulevé un tourbillon de poussière, poussière qui, peu à peu, commence à se déposer sur le paysage économique et financier, risquant de tout recouvrir, chose que nous ne voulions pas voir et que beaucoup refusent toujours de voir. Le gouvernement n’a cependant pas changé d’avis : les places financières, les acteurs financiers et les produits financiers doivent faire l’objet de contrôles plus efficaces et plus rigoureux à l’échelle mondiale. Quant à l’économie – et notamment l’économie financière –, elle doit se mettre à nouveau avec détermination au service des êtres humains. Elle n’est pas une fin en soi.

Au Luxembourg, nous sommes pleinement touchés par l’impact de la crise. Et personne ne sait dire pendant encore combien de temps nous devrons faire face à la crise et à ses conséquences. Si l’on considère les années 2008 et 2009 réunies, on peut dire que la performance économique du Luxembourg a diminué de près de 6 %. En 2010, nous connaîtrons – à en croire les prévisions – une faible croissance, et à partir de 2012, nous développerons à nouveau des muscles, mais pas assez pour soulever des montagnes. Pour les cinq années à venir, il est impossible de faire des prévisions exactes. En matière de prévisions, il existe un consensus pour dire qu’il est impossible de faire des prévisions au-delà de 2010, parce que l’évolution de l’économie mondiale, du commerce mondial et de l’économie de la zone euro présente trop d’incertitudes. Seuls les plus audacieux font des paris sur le niveau des prix pétroliers et le cours de change euro/dollar.

Cependant, historiquement parlant, une chose est sûre : les crises économiques provoquées par une crise financière durent nettement plus longtemps que les crises économiques classiques. Ce qui plus est, nous n’avons pas affaire à une crise économique classique, parce que jamais auparavant, un effondrement conjoncturel aussi total n’avait frappé toutes les parties du monde au même moment.

La politique en général et la politique d’un petit pays comme le Luxembourg se trouvent ainsi confrontées à des problèmes dont les solutions ne reposent sur aucun précédent et sur aucun modèle permettant une vérification empirique. Face à une situation où l’on ne dispose pas des informations nécessaires pour prendre un virage sans risque excessif, par crainte de prendre la mauvaise direction, il faut redoubler de prudence en matière de planification et de mise en œuvre.

Cela vaut tout particulièrement pour la politique budgétaire et financière.

Avant les élections, je n’ai laissé planer aucun doute quant au fait que 2009 et 2010 connaîtraient un déficit budgétaire considérable et une forte augmentation de la dette publique. Tout porte à croire qu’il en sera ainsi. Or, nos experts financiers – vous trouverez leur avis en annexe de l’accord de coalition – pensent que, malgré un début de croissance, la situation pourrait empirer à partir de 2011. Ils n’excluent pas la possibilité que nous soyons obligés de recourir d’ici à 2014 à de nouveaux emprunts dont le montant total pourra aller jusqu’à 12 milliards d’euros. La conséquence en serait que la dette publique augmenterait pour atteindre près de 40 % du PIB et que la charge d’intérêts grevant le budget de l’administration centrale passerait des 14 millions d’euros actuels à 427 millions d’euros en 2014. En d’autres termes : nous consacrons aujourd’hui 0,04 % de notre PIB au remboursement de notre dette, alors qu’en 2014, nous devrions consacrer près de 1 % de notre PIB au remboursement de notre dette. Pour le dire encore autrement : à partir de 2014, la charge d’intérêts entamerait chaque année les marges budgétaires permettant de financer des politiques nouvelles. Je ne saurais vous dire si ce scénario – vérifié au niveau national et international – se réalisera. Quant à tous ceux à qui nous avons demandé conseil, ils ne le savent pas non plus.

Or, même si on envisage une hypothèse moins pessimiste, même si la situation se redressait plus vite que prévu, il n’en reste pas moins que les années à venir seront extrêmement difficiles. Personne ne doit se faire d’illusions à ce sujet.

À terme, le gouvernement est fermement décidé à équilibrer les finances publiques et à arrêter à temps la marche vers une dette publique incontrôlée. Nous ne devons pas imposer à la prochaine génération des charges qu’elle sera incapable de supporter. Il faut éviter que nous devenions une génération de faiseurs de dettes et que les jeunes deviennent une « génération remboursante ».

Lors d’une crise, il ne faut pas commettre d’erreur. Ce serait commettre une erreur capitale que de pratiquer en 2009 et 2010 une politique d’austérité budgétaire radicale. Le paquet conjoncturel que nous avons ficelé ne sera pas défait ni allégé. Il sera appliqué. Son affaiblissement renverserait la conjoncture instable. C’est là une chose que nous ne voulons ni ne devons admettre. À cause des entreprises. À cause des gens qui travaillent. Malgré l’effondrement des recettes fiscales, nous respecterons les accords que nous avons passés et les engagements que nous avons pris, et qui prévoient que nous recourrons à ce que l’on appelle les stabilisateurs automatiques jusqu’en 2011 inclus. Notamment les dépenses du Fonds pour l’emploi, lorsqu’elles servent à financer les conséquences sociales du chômage, ne seront pas revues à la baisse. En temps de crise, il est opportun de ne pas compenser toute perte fiscale par des réductions identiques en matière de dépenses. C’est ce que l’on appelle une politique financière et conjoncturelle anticyclique, politique anticyclique sur laquelle nous nous sommes mis d’accord au sein de la zone euro. En revanche, il serait faux de reprendre intégralement au budget de 2010 la partie du budget de 2009 non liée à la crise. Dès le budget de 2010, il faut exploiter au maximum le potentiel d’économies existant. La consommation de l’État sera revue à la baisse. Il va de soi qu’il ne saurait y avoir d’allègements fiscaux. Il n’y aura pas non plus de hausses d’impôts, car elles auraient un effet délétère sur la conjoncture.

Fin 2010, nous y verrons plus clair dans la situation économique. Cependant, même dans l’hypothèse où, d’ici là, le ciel conjoncturel se serait éclairci, il faut que tout le monde soit conscient de la nécessité de faire de sérieuses économies. C’est ainsi que les investissements, qui – pour des raisons conjoncturelles – doivent encore augmenter en 2010, devront s’inscrire à partir de 2011 dans une logique de progression nettement revue à la baisse par rapport à celle des années précédentes. Les dépenses totales de l’État doivent augmenter au rythme de la croissance économique à moyen terme. Actuellement, elles continuent à augmenter plus vite. Il faut arrêter cette tendance. Il faudra discuter avec les partenaires sociaux de l’adoption d’une orientation plus sélective des dépenses sociales, et ce, dans le cadre et dans l’esprit du modèle luxembourgeois auquel le gouvernement attache une grande importance.

En résumé : vu le resserrement des finances publiques, aucune décision entraînant des augmentations substantielles des dépenses ne sera prise au cours de la première moitié de la législature. L’ensemble des nouvelles politiques, dans la mesure où elles coûtent de l’argent – dont également la révision des traitements dans la fonction publique et la garde gratuite des enfants par exemple –, sont en principe soumises à une réserve de financement. Toute autre approche serait, compte tenu de la situation des finances publiques, totalement irresponsable.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Il est évident que cette crise avec laquelle nous nous débattons nous fera prendre du retard. Cependant, il ne faut pas qu’elle nous renverse et elle ne le fera pas. Bien au contraire : il faut dès à présent créer les conditions qui nous permettront d’être plus forts d’ici quelques années. Ce n’est pas l’heure des défaitistes, ce n’est pas l’heure de ceux qui déclarent forfait sans même avoir commencé, ce n’est pas l’heure de ceux qui ont le cafard avant même de se lever. C’est l’heure de ceux qui n’abandonnent pas, de ceux qui savent mobiliser leurs meilleures énergies, de ceux qui, voyant leurs réussites passées, croient en leurs réussites futures. Ceci est l’heure du développement durable, courageux et réfléchi dans tous les domaines de la vie.

Je ne peux, dans le cadre de cette brève déclaration gouvernementale, vous expliquer ni vous expliquer en détail tous les projets que le gouvernement entend entamer d’ici à 2014. Une grande partie des actions prévues figure dans l’accord de coalition que j’ai transmis lundi aux groupes parlementaires. Le programme gouvernemental se compose de cet accord et du présent discours. C’est pourquoi il faudra les lire et les apprécier ensemble.

Je dois me contenter aujourd’hui de présenter brièvement et d’examiner de manière succincte un certain nombre de chantiers d’avenir.

Le développement durable présuppose une croissance économique durable. Or, une économie ne connaît de croissance durable que si elle est compétitive et qu’elle le reste. Afin de pouvoir évaluer correctement l’évolution de notre compétitivité, il faut pouvoir la mesurer dans le contexte national et international en nous dotant d’instruments de mesure et de critères objectifs. C’est pourquoi nous modifierons les indicateurs économiques énumérés dans le règlement grand-ducal du 4 août 1985, en les réunissant au sein d’un tableau de bord de la compétitivité. L’indexation des salaires et traitements se fera dès à présent en application des règles essentielles de la loi sur l’indexation, loi dont les modalités d’exécution seront, comme annoncé, adaptées aux réalités d’aujourd’hui.

Qui dit compétitivité, dit impôt des sociétés. Nous devons améliorer notre place dans le tableau d’évaluation fiscale de l’OCDE. En principe, le gouvernement poursuit son objectif d’abaisser l’impôt des sociétés à 25,50 %. Nous le ferons au rythme permis par les marges de manœuvre budgétaires et financières. Il faut savoir une chose : les investisseurs internationaux décident aujourd’hui où ils investiront demain, après la reprise. Les pays qui offrent des perspectives intéressantes en termes de compétitivité fiscale seront les grands gagnants de ces décisions. C’est pourquoi il faut bouger.

Afin de nous faire une idée plus précise de la durabilité et de mieux la comprendre, nous introduisons, à côté du PIB classique, un PIB du bien-être énumérant également un certain nombre de données qualitatives ne se limitant pas à un aspect purement économique. Le PIB par habitant est un indicateur qui en dit long. Reposant sur une base qualitative plus large, le PIB du bien-être est un indicateur qui en dit encore plus long.

Le paquet conjoncturel, dont l’exécution est d’une grande importance notamment pour nos PME, sera appliqué tel quel. Les investissements publics connaîtront une augmentation substantielle en 2009 et en 2010, pour retrouver une croissance plus lente au cours de la seconde moitié de la législature. Avec plus de 4 % du produit intérieur brut, ils restent cependant les plus élevés de la zone euro pendant l’ensemble de la législature.

Il n’y aura pas de croissance durable sans recherche durable. C’est la raison pour laquelle nous augmenterons nos dépenses dans le domaine de la recherche à 3 % du PIB au cours de cette législature. L’effort du secteur public correspondra à 1 % du PIB. La coopération entre l’université, les centres de recherche et l’économie est essentielle.

En temps de plus faible performance économique, la prospection économique est encore plus importante qu’en temps de prospérité. Elle se concentrera sur les domaines d’avenir que sont la logistique, les technologies de la santé, les bio- et écotechnologies, l’e-commerce et les technologies de la communication, sans pour autant laisser passer d’autres opportunités qui pourront se présenter. Cette prospection ne peut pas ignorer la place financière. Le gouvernement mènera une politique active de soutien à la place financière. Que cela nous plaise ou non : elle reste l’un des principaux piliers de notre économie nationale. L’orientation internationale de notre place financière sera renforcée. Nous misons sur le développement des activités de gestion de patrimoine internationales et des fonds d’investissement. Nous entendons diversifier les activités de la place financière en misant de manière plus ciblée sur la microfinance, les investissements socialement responsables, le financement des écotechnologies, la finance islamique et les activités financières philanthropiques. La diversification de la place financière revêt également une dimension géographique. Le gouvernement veillera à ce qu’au-delà des marchés traditionnels, sur lesquels nous sommes actuellement présents, notre place financière devienne un acteur plus connu dans d’autres régions du monde, comme l’Asie, les pays du golfe Persique et l’Amérique. Nous étendons systématiquement le réseau de conventions de non-double imposition, en veillant à ce que nos voisins et le reste du monde soient mieux informés sur les réalités, la nature et la performance professionnelle de notre place financière. La surveillance professionnelle de notre place financière sera renforcée là où elle présente éventuellement des points faibles.

Nous ne pourrons bénéficier d’un développement durable que si nous parvenons à résoudre le conflit entre économie, développement des infrastructures et environnement. L’interaction entre économie, infrastructures et environnement mène parfois à des conflits qui, toutefois, ne sont pas le résultat d’antagonismes absolus. Il existe entre environnement et économie un dialogue critique, mais non pas une opposition. Le nouveau ministre du Développement durable et des Infrastructures devra organiser cette interaction de manière à réduire les pertes par friction que nous ne cessons de constater et qui nous causent des soucis, tout en nous faisant perdre beaucoup de temps. Nous voulons atteindre par tous les moyens et sans réserve de financement les objectifs de Kyoto, parce que la crise climatique persistera au-delà de la crise économique. Nous mettons l’accent sur les économies d’énergie et sur les énergies renouvelables, tout en prenant des mesures substantielles pour stimuler la rénovation de bâtiments existants, privés et publics. La rénovation de bâtiments existants nous permet d’avancer par nos propres moyens en matière de politique climatique, tout en créant des emplois sur le plan national.

Il est logique que le ministère du Développement durable ait également dans ses attributions l’aménagement du territoire. Il est utile de regrouper au sein d’un seul ministère l’environnement, les transports, les travaux publics et l’aménagement du territoire ; il est logique que dans le cadre de sa seconde activité principale, le ministre du Logement s’occupe également de ces domaines, parce qu’ils sont directement liés à celui du logement. Cela permet de donner une lumière plus vive au triple rayon fonctionnel composé du logement, du travail et de la mobilité. Par essence, l’aménagement du territoire se conçoit sur le long terme. C’est pour cette raison qu’il faut commencer dès maintenant à préparer la révision du programme directeur prévu pour 2017, au moment donc où la réforme territoriale devra avoir été réalisée. C’est pour cette raison que le gouvernement poursuit la mise en œuvre de l’IVL. C’est pour cette raison encore que la loi de 1999 sur l’aménagement du territoire sera révisée afin d’accélérer et de rendre plus conforme à la situation sur le terrain l’application des plans directeurs et des plans d’occupation du sol. C’est pour la même raison que la procédure officielle concernant les quatre plans directeurs sectoriels primaires sera immédiatement entamée. Et c’est encore pour la même raison qu’on tiendra davantage compte de la conception selon laquelle l’aménagement du territoire doit se concevoir également dans le cadre de la Grande Région : nous poursuivons notre ambition de faire du Luxembourg le centre commercial de la Grande Région, dont l’importance ne cesse de croître, ce qui explique que nous ayons fait de la politique de la Grande Région une compétence ministérielle à part entière. Quant au ministre ayant dans ses attributions la Grande Région, il est tout d’abord ministre de l’Intérieur. L’autonomie communale sera renforcée, entre autres par la suppression du double degré de contrôle, ce qui aura pour conséquence une redéfinition des commissariats de district. Le paysage communal sera redessiné et nous sommes d’avis qu’une population de 3 000 habitants correspond à la masse critique permettant de proposer à chaque citoyen un service communal moderne en zone rurale. En zone urbaine, d’autres critères s’appliqueront, critères dont nous devons discuter avec les communes. La réforme territoriale ne se fait pas contre les communes. Mais les communes n’appartiennent pas à elles-mêmes ni à elles seules. Elles appartiennent à leurs habitants. C’est pourquoi on demandera également à ces derniers leur avis. La question de savoir si un bourgmestre peut continuer à exercer sa fonction de député sera résolue une fois que la réforme territoriale sera prête. Il y aura également des négociations sur la réforme des finances communales et la manière dont elles s’articulent par rapport aux finances de l’État. Vu que le logement est un aspect de l’aménagement du territoire, le plan sectoriel logement sera finalisé et concrètement mis en œuvre dans les meilleurs délais. Logement et mobilité vont de pair. Nous avons besoin de chaînes de mobilité contribuant à l’organisation efficace des déplacements entre le domicile et le lieu de travail – ou l’école –, à savoir une véritable stratégie de la mobilité qui assure une interaction intelligente entre les différents modes de transport que sont le train, la voiture, le bus, le tram – tram qui, tout comme les gares périphériques, sera réalisé – et le vélo. Notre objectif demeure toujours un partage modal (« modal split ») 75/25 d’ici à l’horizon 2020. La priorité continuera à être donnée aux transports en commun, même si leur coût ne nous permettra plus de faire circuler des bus vides ou à faible taux d’occupation. Il faudra les remplacer à terme par un système de bus sur appel. Par ailleurs, il faut prévoir des liaisons de transport entre les grands pôles de développement du pays et doter les zones de développement d’un réseau routier approprié.

On ne peut parler du développement durable sans faire référence à l’agriculture. En effet, un pays n’est complet que si son agriculture garde une chance de survie. C’est pour cette raison que le gouvernement s’engage de toutes ses forces en faveur du maintien du modèle agricole européen que Fernand Boden a fait adopter en Europe sous notre présidence en 1997. C’est pour cette raison que nous combattons toutes les tendances en Europe visant à priver l’agriculture luxembourgeoise du statut de région agricole défavorisée. C’est pour la même raison que nous nous concentrons à court terme sur la solution des problèmes que connaît le secteur laitier. Nous ne laisserons pas tomber les agriculteurs producteurs de lait. C’est pour la même raison que nous favorisons une tarification spécifique du prix de l’eau pour les exploitations agricoles. C’est pour cette raison encore que nous poursuivrons le remembrement viticole de manière ciblée. C’est pour la même raison que nous encouragerons les jeunes viticulteurs lors de la reprise d’exploitations. C’est encore pour cette raison que nous poursuivrons le remembrement forestier, en procédant au regroupement de petites parcelles forestières privées et en créant des infrastructures routières accessibles toute l’année. Et c’est pour la même raison enfin que nous mettrons en place un guichet unique virtuel destiné à aider les agriculteurs dans leur travail administratif. En ce qui concerne le secteur des PME dans son ensemble, nous créerons un système de coaching destiné à conseiller et à accompagner les petits patrons dans la création et le développement de leurs entreprises, de même que, dans le cadre du plan sectoriel « Zones d’activités économiques », nous veillerons à tenir compte des demandes justifiées des PME. Les conditions d’accès aux métiers de l’artisanat et du commerce seront adaptées à la situation actuelle. Nous ferons en sorte que le délai requis pour les autorisations d’établissement des PME ne dépasse pas, en principe, une semaine.

Tout ce que je viens de vous énumérer directement ou indirectement à titre de réponses, petites et grandes, à la crise n’est réalisable qu’à condition de profiter systématiquement de l’unique avantage que nous avons sur nos concurrents, à savoir la brièveté de nos procédures de décision et notre rapidité de décision.

Au cours de la dernière législature, beaucoup de progrès ont été réalisés en matière de simplification administrative. Il en faut cependant davantage.

Pour permettre davantage de progrès, les partis qui forment la coalition ont décidé de confier au ministre d’État les compétences portant sur la simplification administrative. Il s’agit là d’une compétence de niveau supérieur qui permet d’arbitrer les différends opposant les ministères – ou plutôt : les administrations. C’est un travail que je n’aime pas, parce que je n’aime tout simplement pas m’imposer aux ministres. Mais il faut que ce soit fait. J’ai prié la ministre à la Simplification administrative de m’aider dans cette tâche.

Pour qu’il n’y ait pas de malentendu et pour employer une expression que je n’aime pas : la simplification administrative est désormais l’affaire du chef.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Un pays ne peut progresser sur la voie du développement durable que s’il poursuit la bonne politique en matière d’éducation et d’enseignement. L’école est plus qu’un simple camp de formation répondant aux exigences de l’économie. Plutôt que de produire des athlètes du marché de l’emploi, elle doit veiller à ce que les élèves deviennent des êtres humains et des citoyens à part entière. Cependant, elle ne doit jamais perdre de vue les réalités du marché de l’emploi de demain. Poursuivant sa politique de réforme de l’enseignement pratiquée jusqu’ici, le gouvernement veut contribuer lui aussi à ce que les bons élèves soient mieux qualifiés et que la qualification des élèves plus faibles et plus lents soit améliorée. Notre marché de l’emploi, sa structure et son fonctionnement exigent que 50 % de nos élèves obtiennent un diplôme bac+. La cohésion sociale du pays exige de limiter dans la mesure du possible le nombre de jeunes quittant l’école sans diplôme de fin d’études. Contrairement aux critiques injustifiées souvent formulées, ces objectifs n’impliquent aucun abaissement du niveau culturel, mais une réorientation partielle de l’enseignement. C’est pourquoi l’enseignement des langues, dont l’importance n’est plus à souligner dans cette enceinte, sera transformé, mais certainement pas révolutionné. Nous tenons au multilinguisme, qui demeure un atout capital pour le Luxembourg. Chaque élève doit connaître l’allemand, le français et le luxembourgeois et, si possible, l’anglais. Cependant, tout le monde ne doit pas atteindre le même niveau d’expression orale et écrite dans les différentes langues. L’élève qui veut obtenir un diplôme donnant accès aux universités ou aux écoles supérieures doit avoir appris les quatre langues et il doit maîtriser au moins l’une des langues autres que le luxembourgeois. L’excellence dans une langue et un niveau de connaissance approprié dans les autres langues enseignées seront certifiées par les diplômes respectifs. Nous ne voulons pas d’une école de la médiocrité. C’est pourquoi des socles de connaissances à atteindre par chaque élève seront également définis dans l’enseignement secondaire et l’enseignement secondaire technique. En plus, l’excellence sera définie pour chaque matière et, si elle est atteinte, elle devra faire l’objet d’une mention spécifique sur le diplôme.

Il faut mieux préparer les élèves à l’université. Ils doivent apprendre à travailler de manière plus autonome, à faire eux-mêmes des recherches et à opérer des synthèses. En plus, nous sommes d’avis que la spécialisation a été poussée trop loin et que pour cette raison, les élèves doivent bénéficier jusqu’en dernière année du secondaire d’un enseignement plus général, incluant partant les sciences naturelles, parce qu’autrement, ils risquent de ne plus être admis aux universités étrangères.

Après avoir réformé l’enseignement fondamental, nous devons à présent remanier la loi sur l’enseignement secondaire et l’enseignement secondaire technique, aussi bien pour le cycle inférieur que pour le cycle supérieur. En plus, il faudra repenser les mécanismes d’orientation assurant le passage de la sixième année d’études en classe de septième, de même que le passage des élèves de l’enseignement technique à l’enseignement classique doit être simplifié. C’est la raison pour laquelle au niveau du cycle inférieur, tous les lycées classiques devraient accueillir également des classes de l’enseignement technique.

Le stage pédagogique des professeurs sera réformé. Le temps que les stagiaires passeront respectivement à l’école et à l’université et le travail qu’ils y accompliront seront redéfinis à la lumière des expériences acquises.

La vie commence tôt. Le diagnostic précoce, qui permet la détection de dysfonctionnements éventuels chez l’enfant, sera renforcé. Les parents d’enfants souffrant d’un handicap garderont la possibilité de choisir entre école régulière et école spéciale.

Après le primaire et le secondaire, il y a l’enseignement supérieur. L’Université du Luxembourg fonctionne bien, même si tout n’est pas entièrement parfait. C’est là une chose normale : il s’agit d’une jeune université qui, bien qu’elle n’existe que depuis peu, est devenue une institution respectée par le monde universitaire étranger. Ne voulant pas changer la gouvernance de l’université, le gouvernement veut cependant mettre sur pied, pour et avec les étudiants et le personnel, une meilleure politique d’information et de communication. Quant à la question du site de l’université, nous la considérons comme réglée. L’université s’installera à Belval, les départements de droit et de finance restant à Luxembourg-Ville.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Je suis en train de m’entretenir avec vous du développement durable. Il est évident qu’à long terme, il n’y aura pas de développement durable si nous ne parvenons pas à garantir le fonctionnement de notre système de pensions et retraites. Aujourd’hui, nos pensions et retraites sont assurées. Elles le seront également demain matin. Mais il y a tout lieu de douter qu’elles le soient également dans 20, 30 ou 40 ans. Certes, le risque de voir les pensions et retraites menacées à long terme pourrait nous laisser indifférents. Or, si nous prenons au sérieux l’idée de développement durable, nous devons nous occuper dès aujourd’hui, et non pas dans dix ans, de ces problèmes. Le gouvernement veut à présent s’occuper de ces problèmes. Des problèmes, des risques et des incertitudes liés à l’avenir de nos systèmes d’assurance vieillesse. C’est pourquoi le ministre de la Sécurité sociale, en collaboration avec le ministre des Finances, fera face aux problèmes portant sur le long terme. Ils le feront en collaboration avec les partenaires sociaux, en se basant sur les pistes élaborées par le cycle de réunions tripartites que le ministre de la Sécurité sociale avait convoquées au cours de la dernière législature, pour discuter de cette problématique. Ces travaux doivent être menés à terme au cours de la première moitié de la présente législature. Pour qu’il n’y ait pas de malentendu : aucun retraité, aucun pensionné ne doit craindre une diminution du niveau actuel de ses prestations. Les jeunes par contre, ceux qui sont sur le marché de l’emploi et ceux qui sont en train de s’y préparer, ont tout lieu de s’inquiéter de l’impact que la garantie de notre système de pensions et retraites actuel aura à l’avenir sur les possibilités matérielles déterminant leurs conditions de vie. Nous maintenons en place, sans réserve, le contrat intergénérationnel. Inter generationes : cela veut dire qu’il ne faut pas faire porter aux jeunes des charges futures plus lourdes que ce qu’un dos moyen est capable de supporter. Pour moi, comme pour mes collègues au sein du gouvernement, il existe un principe fondamental : notre génération n’a pas le droit de léguer, par lâcheté, par incompréhension et par aveuglement délibéré, à la prochaine génération de politiques et d’habitants du pays les problèmes de financement à long terme de notre système de pensions et retraites sans les avoir résolus. Nous voulons les résoudre. Dans le dialogue. Par le biais de négociations. Et, je l’espère, dans le consensus.

Dès que l’on parle de pensions et de retraites, on se voit confronté de toutes parts à des mises en garde et à des reproches comme quoi on pratiquerait une politique de démontage social. J’aimerais y répondre en disant ceci : si, en matière de pensions et de retraites, toute réforme orientée vers l’avenir est qualifiée, avant même d’avoir été débattue, de démontage social, nous allons vers un immobilisme total rendant impossible toute réforme. Tous les pays ont essayé de réformer leurs systèmes de pensions et retraites de manière à répondre aux exigences de l’avenir. Si nous croyons être le seul pays au monde à ne pas avoir à s’occuper de cette question, nous commettons une erreur fondamentale. Procéder aujourd’hui à une transformation responsable du système de sécurité sociale permet d’éviter, demain, un démontage social radical. La politique sociale doit elle aussi respecter les lois de la durabilité. Et du reste : personne ne détient le monopole de la politique sociale et de l’État providence. Nous garantissons l’État providence aujourd’hui. Nous voulons le consolider pour ceux qui, demain, veulent en profiter et doivent avoir la possibilité de le faire. Une démarche sociale tient compte de ce que les gens peuvent se payer aujourd’hui et demain. Par contre, c’est une démarche non sociale que d’augmenter les prestations actuelles à tel point que la génération prochaine ne sera plus en mesure de les financer. N’est durable que ce qui fonctionne aujourd’hui et le fera également demain et après-demain. Les applaudissements récompensant aujourd’hui la non-action se transformeront demain en concert de sifflets, sanctionnant celui qui n’aura rien fait.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Avant même la publication du programme de coalition, j’ai lu et entendu dire que le gouvernement qui se présente aujourd’hui devant vous pour obtenir votre confiance était le gouvernement du démontage social. Je le répète : la responsabilité de l’État providence n’est pas l’affaire d’un seul acteur. Le gouvernement en assume une partie. Et il prend très au sérieux les obligations qui en découlent. Au moins autant que ceux qui lui reprochent de vouloir le démontage social.

Nous ne procéderons pas à des modifications dramatiques dans le domaine du droit du travail. Pour cette coalition, le droit du travail est le cordon sanitaire qui entoure le marché de l’emploi. Notre droit du travail est l’un des plus cohérents et des plus solides au monde. Nous ne couperons pas ce cordon. Le droit du travail oblige ceux qui travaillent à fournir un rendement économiquement approprié. Il donne une base légale au respect que le patron doit avoir envers celui qu’il emploie. Nous n’avons pas, par le passé, participé à l’ultra-flexibilisation du droit du travail, bien que plus d’une organisation internationale nous l’ait recommandé. Le droit du travail ne sera pas non plus démantelé au cours de cette législature. La fonction protectrice qu’il revêt à l’égard des salariés sera maintenue. Nous défendons la flexisécurité. Cependant, l’accent sera toujours mis sur la sécurité et non pas sur la flexibilité. Le droit du travail ne fera l’objet d’aucune mesure de flexibilisation qui n’aille de pair avec un développement de la sécurité. Aujourd’hui, notre engagement est le suivant : le travail confère des droits. Ils ne seront pas démantelés.

Le salaire social minimum sera régulièrement adapté en fonction de l’évolution des salaires.

Nous ne l’abolirons pas, quelles que soient les suggestions de l’OCDE ou d’autres organisations internationales.

Nous augmenterons la durée de l’indemnisation de chômage si les bénéficiaires acceptent de suivre des cours de formation qui leur permettent d’être mieux préparés et de répondre plus aisément aux exigences du marché de l’emploi.

Nous assouplirons l’encadrement légal du congé parental, entre autres par la transposition en droit national de l’accord récemment conclu entre les partenaires sociaux européens.

Nous voulons étendre et renforcer les droits de cogestion au sein de nos entreprises après avoir sollicité l’avis du Conseil économique et social.

Dans notre pays, nous nous engageons en faveur d’une responsabilité sociale accrue des entreprises, en accordant entre autres une plus grande importance aux plans de maintien dans l’emploi lorsque des licenciements sont prévus.

Dès l’automne, nous présenterons un plan devant donner aux jeunes chômeurs une chance de trouver un emploi dans nos entreprises.

Au niveau européen, nous nous engagerons, une fois le traité de Lisbonne voté, en faveur de la vérification et de la remise en question de chaque décision européenne, en tenant compte de son impact social.

Dans notre pays, nous renforcerons la protection des travailleurs en cas de faillite, de même que, dans le cadre des compétences du ministère de la Famille, nous voulons introduire le concept de la faillite civile, tout en ajustant la législation sur le surendettement.

Nous accordons une importance nouvelle à ce qu’on appelle l’économie solidaire. En la confiant à un ministre, celui de l’Économie, nous lui accordons au Luxembourg une reconnaissance dont elle ne bénéficie que dans peu de pays au monde. En chargeant un ministre délégué de l’économie solidaire, nous montrons que nous considérons ce domaine de la politique comme une mission essentielle du gouvernement. Nous voulons donner à l’économie solidaire un cadre juridique par l’introduction d’une association d’intérêt collectif. Cette nouvelle forme juridique permettra de considérer l’économie solidaire comme le troisième pilier de notre économie. L’économie solidaire propose au public des produits et services à valeur socioéconomique. La plupart de ces services et produits ne sont pas proposés par l’économie réelle. Or, on en a besoin. C’est pourquoi nous nous occuperons davantage de cet élément important de notre offre économique globale. Son financement ne repose pas exclusivement sur des fonds publics. L’économie solidaire doit aussi être en mesure de mobiliser en partie des moyens en provenance du circuit économique normal.

Le gouvernement proposera une législation sur le placement au pair ayant pour objectif d’éviter que le droit du travail ne soit contourné.

Nous voulons introduire une allocation de logement destinée aux locataires et aux propriétaires traversant des difficultés matérielles dues à des événements externes graves. Si, par exemple, un chômeur a du mal à payer son loyer ou à rembourser son prêt comme prévu, l’attribution temporaire d’une allocation de logement l’empêchera de se retrouver peu à peu dans une situation matérielle inacceptable.

La garde d’enfants revêt une importance éminente du point de vue de la durabilité. Nous élargirons l’offre de places de garde. Nous voulons créer 8 000 places de garde nouvelles au cours de cette législature. La création de places de garde entraîne des coûts importants. C’est pourquoi nous ne renoncerons pas à la désindexation des allocations familiales, car nous sommes d’avis que pour ce qui est de la garde d’enfants, les prestations en nature sont plus importantes que les prestations en espèces. L’introduction de la gratuité en matière de garde d’enfants demeure notre objectif. Compte tenu de la situation actuelle, son coût s’élèverait à 570 millions d’euros. Nous l’introduirons progressivement. En plus, nous développons le système des chèques-services en l’étendant à d’autres domaines importants du point de vue de la politique sociale, autres que ceux qui peuvent en profiter aujourd’hui.

  • En divers endroits du pays, nous proposerons des services dits d’épicerie sociale, s’adressant aux personnes plus pauvres ou surendettées, pour que dans notre pays, tout un chacun – c’est là un droit humain – ait une alimentation suffisante et convenable. Là encore, le principe est que les prestations en espèces ne suffisent pas. Les prestations en nature sont, elles aussi, importantes.
  • Nous moderniserons la loi sur les droits des patients, car les patients ont des droits. Or, il faut qu’ils puissent les faire valoir. Nous créerons une instance de médiation appelée à s’occuper des litiges survenant dans le domaine de la santé.
  • La médecine préventive sera développée. La médecine préventive est importante pour chacun d’entre nous. Elle est surtout importante pour les personnes socialement défavorisées, pour qui la prévention privée coûte trop cher. Pour le reste, il est évident que nous prendrons des mesures de stabilisation des dépenses garantissant l’équilibre financier de la Caisse nationale de santé.
  • Nous entendons moderniser – et c’est là aussi un élément de politique sociale, car il s’agit d’un facteur de cohésion sociale – les services de secours. Actuellement, ils fonctionnent plus ou moins bien. Cependant, ils risquent de ne plus pouvoir fonctionner demain. L’organisation nationale des services de secours ne peut se passer du bénévolat. Cependant, le bénévolat à lui seul ne suffit pas. Il faut faire un pas vers une professionnalisation accrue. Et il est nécessaire d’agir sans tarder. Le ministre de l’Intérieur en est conscient et il fera en sorte que les mesures nécessaires soient prises.

De ces plans, de ces intentions, de ces initiatives, il ressort clairement une chose : nous n’allons pas vers le démontage social, mais vers le développement du système social, là où il s’avère nécessaire.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

La politique est également obligée de s’occuper, au-delà des questions économiques, financières et sociales, de celles qui concernent la vie des gens et les préoccupent. De temps en temps, elle doit prendre la température de la société, elle doit sentir si certaines questions de politique sociétale ont vu mûrir autour d’elles suffisamment d’éléments de consensus pour permettre de légiférer avec détermination. Si elle constate qu’il y a un consensus qui est en train de se former sans pour autant être absolu, elle doit savoir anticiper ce consensus absolu – qui, en fait, n’existe jamais complètement. Quand bien même tout le monde ne pourrait pas, ou ne pourrait pas encore, se rallier à ce quasi-consensus. Cependant, il faut que la politique soit en harmonie avec la société plutôt que de rester toujours à sa traîne.

  • C’est pourquoi nous introduirons le mariage homosexuel. Les partenaires de même sexe doivent avoir la possibilité de se marier. Le bonheur ne se définit pas exclusivement à travers les structures et institutions classiques. Il se définit à partir de lui-même. C’est aussi pour cette raison que nous voulons permettre à des partenaires de même sexe d’adopter les enfants de leur partenaire. Le droit à l’enfant n’existe pas. Cependant, il existe des droits de l’enfant. Et ce sont précisément ces droits que respecte la solution que nous proposons.
  • C’est pour cette raison encore que nous modifions la loi sur l’avortement de 1978. Parmi les personnes que je connais, il n’y en a guère qui pensent que l’avortement est un instrument de planning familial parmi d’autres. Presque tout le monde dit que l’avortement doit rester l’exception. Nous avons besoin d’une meilleure éducation sexuelle à l’école. Nous devons préparer les enseignants de manière optimale à cette mission d’explication et d’information. Si on veut limiter au maximum le recours à la solution extrême que constitue l’avortement, il faut encourager des alternatives préventives. Aussi est-il logique que nous proposions l’accès gratuit aux moyens de contraception pour les femmes jusqu’à l’âge de 25 ans. La loi de 1978 prévoit une solution restrictive autorisant l’avortement sous réserve de certaines indications. Nous proposons de la rapprocher des réalités et de reformuler l’article 353 du Code pénal, de manière à autoriser l’interruption volontaire de grossesse en cas de détresse d’ordre physique, psychique ou social de la femme enceinte. La femme qui envisage de se faire avorter pour ces raisons doit consulter son gynécologue ainsi qu’un centre de consultation et d’information sociofamilial agréé par le gouvernement. La consultation est obligatoire, la décision finale incombant à la femme concernée. Chez les femmes mineures, l’avortement requiert l’accord des adultes investis de l’autorité parentale. À défaut, elles doivent se faire accompagner d’une personne de confiance adulte lors des différentes consultations, accompagnement qui est à documenter par le centre de consultation.
  • Un autre consensus est en train de se former. Il se forme autour de l’idée selon laquelle nos concitoyens étrangers devraient avoir le droit de participer davantage aux décisions prises sur le plan communal. La commune est le premier lieu d’intégration. C’est dans les communes que non-Luxembourgeois et Luxembourgeois se rencontrent, font connaissance et apprennent à s’apprécier. C’est pourquoi nous voulons ouvrir le droit de vote passif à tous les non-Luxembourgeois. C’est pourquoi ils pourront – chose toujours impossible, même pour les citoyens de l’Union européenne – devenir bourgmestre ou échevin. Ce faisant, nous rendons possible une intégration jusqu’au bout. Toutefois, une intégration préalable est nécessaire. C’est pourquoi les dispositions concernant la durée de résidence restent inchangées. L’importance nouvelle que revêtira le luxembourgeois dans l’enseignement constitue un tremplin d’intégration supplémentaire.
  • De plus en plus de personnes, de plus en plus de citoyens réclament une dose supplémentaire de droits politiques actifs. C’est pourquoi nous introduirons l’initiative populaire, qui devra permettre à un certain nombre de citoyens et d’électeurs de saisir la Chambre des députés d’une initiative législative populaire. Cette forme de démocratie à la fois directe et indirecte renforcera la qualité de notre vie commune démocratique, sans violer la règle fondamentale qui veut que la Chambre des députés élue ait toujours le dernier mot.
  • Les rapports entre l’État et les communautés religieuses continuent à être réglés par voie de conventions. Afin que la sensibilité laïque bénéficie de la reconnaissance qu’elle mérite de la part de l’État, nous proposons la création d’un certain nombre de Maisons de la laïcité dans le pays. L’État participe à concurrence de 75 % aux frais d’infrastructure de ces centres laïques régionaux et met à leur disposition une enveloppe forfaitaire annuelle pour faire face aux frais de fonctionnement.
  • Il existe dans notre pays un large consensus pour dire que le pluralisme des opinions implique et présuppose à la fois le pluralisme de la presse. C’est pourquoi le gouvernement veillera à ce que le volume global de l’aide financière accordée à la presse écrite reste inchangé. Quant aux formes variables d’aide indirecte à la presse, elles seront, au cas où un jour il ne serait plus possible de les accorder, transformées en aide budgétaire directe à la presse. Nous étudions également l’idée de mettre un journal gratuit à la disposition des jeunes. Les jeunes regardent beaucoup et ne lisent pas assez. Or, la lecture est importante. Si l’on veut des jeunes aux idées originales, il faut les amener à lire davantage. À lire des journaux et à lire des livres, et également à lire des livres d’auteurs luxembourgeois. Un texte écrit vous apporte plus que des images préparées et superficielles que l’on regarde rapidement. Croyez-moi : un journal gratuit pour les jeunes rendra leur regard sur le monde plus complet.
  • La lecture est la meilleure voie pour accéder à la culture. L’examen de ce qu’est la culture, l’émancipation sentimentale et intellectuelle que permet une expérience intime de la culture, nous fait penser et parvenir à la conviction qu’il faut introduire une «carte d’accès jeunes », faisant bénéficier les jeunes de moins de 20 ans et les étudiants de différents avantages, comme par exemple l’entrée gratuite dans tous les musées. De même, les catégories plus défavorisées de notre population doivent pouvoir profiter d’un tel « passeport culture ». Tout le monde doit avoir accès à la culture. À l’avenir, tout le monde y aura accès.

Si nous entamons ces réformes – mariage homosexuel, avortement, droit de vote des étrangers, initiatives populaires, maisons de la laïcité, presse gratuite pour les jeunes, « carte d’accès jeunes » et « passeport culture », préservation du pluralisme de la presse, etc. – avec intelligence et adresse, nous parviendrons à faire de la société luxembourgeoise une société plus inclusive et plus participative. Notre société a besoin de plus d’inclusion. Plus d’inclusion veut dire une place pour chacun, indépendamment de qui il est et de ce qu’il est. Plus de participation veut dire motiver chacun pour travailler à la cause commune.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Nous ne sommes pas seuls au monde. Et nous ne sommes pas non plus son nombril. Notamment pour le Luxembourg, l’étranger est particulièrement grand. C’est pourquoi la politique étrangère et européenne continuera à revêtir une importance fondamentale au cours de la législature à venir. Nous ne voyons aucune raison de modifier les axes fondamentaux de notre politique étrangère et européenne.

La politique étrangère et européenne du Luxembourg se distingue par la continuité et le consensus unissant toutes les forces politiques du pays. Cette continuité se reflète tant au niveau des personnes responsables que sur le plan des contenus. Le ministre des Affaires étrangères reste ministre des Affaires étrangères. Les contenus de la politique étrangère ne changeront pas. Ce gouvernement veut le traité de Lisbonne. Celui-ci permettra à l’Union européenne d’agir mieux, d’agir plus vite et, globalement, de manière plus cohérente. En matière de politique européenne, nous attachons la plus grande importance à la redécouverte des règles de base du fonctionnement de l’Europe. Dans l’Union européenne, chacun des 27 États membres a les mêmes droits, parce que chacun d’entre eux a la même dignité. Les grands États européens, surtout lorsqu’il s’agit de pays limitrophes du nôtre, devraient se rappeler que l’Europe a toujours été le résultat des efforts et des responsabilités particulières des grands États membres et de l’intelligence médiatrice des petits. La méthode communautaire veut que la Commission émette des propositions et que le Conseil des ministres et le Parlement disposent d’un droit de codécision. Affaiblir la Commission européenne reviendrait à affaiblir l’Union européenne. Il ne faut pas que la Commission devienne un secrétariat exécutif du Conseil européen et des gouvernements nationaux. Mais il ne faut pas non plus que le président élu de l’Union européenne – qui assumera ses fonctions une fois que le traité de Lisbonne sera entré en vigueur – soit l’adversaire du président de la Commission et de la Commission elle-même. Il faut que les deux entretiennent une collaboration intime, qu’ils donnent un visage à l’identité européenne et qu’ils défendent l’Europe. L’Europe est plus que la somme des intérêts nationaux des États membres de l’Union européenne. Il faut insister à nouveau sur le fait qu’en Europe, et grâce à l’existence de l’Europe, deux et deux font cinq. Pour que deux et deux puissent faire cinq, il faut que grands et petits fassent avancer, en bénéficiant des mêmes droits, les ambitions communes de l’Europe.

La coopération au développement est un élément important dans la formation de nos relations avec le monde. Le gouvernement a l’intention de maintenir le niveau de la politique de coopération luxembourgeoise à 1 % du revenu national. L’effort luxembourgeois en matière de politique de coopération sera poursuivi. Le développement durable n’est pas qu’un processus politique interne. Notre action dans le monde doit elle aussi suivre les principes de la durabilité. Nous sommes l’un des pays dont le budget de la coopération est le plus élevé. Nous n’admettrons pas que cet effort national collectif soit décrédibilisé par des études, des études primitives et primaires initiées de surcroît par les ONG de coopération luxembourgeoises. Comment voulez-vous convaincre les Luxembourgeois d’affecter 1 % de la richesse nationale à des fins de coopération, comment voulez-vous convaincre les Luxembourgeois qu’il est juste d’apporter également leur contribution personnelle au développement du monde, si ceux qui s’occupent à titre quasi professionnel de la coopération viennent nous dire que notre effort est immoral parce que, selon eux, nous exploitons le tiers monde via notre place financière ? Les ONG devraient soutenir l’élan de coopération de notre pays, plutôt que de le briser en en contestant la substance.

Le gouvernement a l’intention de faire entrer le Luxembourg au Conseil de sécurité des Nations unies. Nous sommes l’un des rares membres fondateurs de l’ONU à ne jamais avoir siégé au Conseil de sécurité. Si nous nous sommes fixé cet objectif, ce n’est pas par complaisance, mais parce que nous sommes d’avis que les petits pays qui se battent pour le multilatéralisme ont également un message à apporter à la communauté mondiale.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Nous allons vers des temps qui ne seront pas faciles. Bien des choses devront être remises en question. Or, si nous voulons rester ce que nous sommes, nous devons accepter de faire un bond courageux vers l’avenir. C’est à ce bond que je voulais vous inciter aujourd’hui. Ce bond, nous le réussirons uniquement si le gouvernement et le Parlement sont prêts à entamer avec détermination les réformes nécessaires. Sans réformes, on n’avance pas. Et si on n’avance pas, on recule. Nous ne voulons pas que notre pays recule. Nous voulons qu’il avance.

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