Discours de Jean Asselborn à la Conférence Genève II pour la Syrie

"J’en appelle à tous les pays en mesure de le faire d’user de leur influence sur les parties au conflit: celles-ci doivent respecter leurs obligations au titre du droit international et du droit international humanitaire; elles doivent donner pleinement suite aux demandes du Conseil de sécurité, reflétées dans la déclaration présidentielle adoptée par le Conseil de sécurité, le 2 octobre dernier, sur initiative du Luxembourg et de l’Australie"
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    Jean Asselborn avec Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe
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    Jean Asselborn avec la Président de la Coalition nationale des forces de l'opposition et de la révolution syrienne, Ahmad Al-Assi Al-Jarba
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    Jean Asselborn avec Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères russe

Monsieur le Président,
Messieurs les Secrétaires généraux,
Excellences,
Mesdames, Messieurs,

Ce matin, le Secrétaire général des Nations Unies a rappelé avec force l’objectif qui
nous réunit aujourd’hui ici : mettre fin aux hostilités, rétablir la paix et engager la
transition politique en Syrie.

Nous partageons tous la même préoccupation devant la spirale de la violence, des
crimes de guerre et des crimes contre l’humanité qui mène - chaque jour un peu plus -
à la destruction du pays.

Les faits de cette violence ont été décrits de manière subjective par les deux parties
syriennes, ce matin. Objectivement, il n’ y a aucun doute sur l’ampleur des atrocités. Les bombardements d’hôpitaux, d’écoles, les attaques délibérées et indiscriminées contre les civils, contre le personnel médical et de la santé, les violations et exactions graves commises contre les enfants, la famine utilisée en tant qu’arme de guerre, les sièges et les massacres, l’emploi d’armes chimiques, de missiles SCUD, de barils d’explosifs : il faut y mettre un terme.

Face aux effroyables souffrances du peuple syrien, face aux chiffres que nous ne connaissons que trop bien - plus de 9 millions de Syriens qui ont désespérément besoin d’une aide d’urgence, plus de 6,5 millions de personnes déplacées internes, plus de 2,3 millions de réfugiés syriens en Jordanie, au Liban, en Turquie, en Iraq, et en Egypte ; plus de 130.000 morts - face à cette réalité dramatique, il est impératif de parvenir d’urgence à une solution négociée ; à une solution pacifique. Il n’y a pas de solution militaire. Seule une solution politique, une véritable transition, fondée sur la pleine mise en oeuvre du Communiqué de Genève et préservant la souveraineté, l’indépendance, l’unité et l’intégrité territoriale de l’Etat syrien, saura mettre fin à ce conflit meurtrier.

Ce processus doit conduire prioritairement à la mise en place d’un organe de gouvernement transitoire doté des pleins pouvoirs exécutifs et formé sur la base du consentement mutuel. Comme le dit le Communiqué de Genève, les services publics doivent être préservés ou rétablis, y compris les forces armées et les services de sécurité. Toutes les institutions de l’Etat doivent respecter les droits de l’homme et être placées sous une direction qui inspire confiance à la population, et sous le contrôle de l’autorité de transition. Un consensus important devrait consister à libérer la Syrie de toutes les factions armées étrangères.

J’espère vivement que les négociations qui s’engageront ce vendredi à Genève sauront aboutir rapidement à des résultats concrets; que les parties syriennes y participeront de manière constructive; et que nous tous les soutiendrons au mieux. Une responsabilité particulière revient à cet égard à la région, à tous les pays de la région, mais aussi de manière générale à la communauté internationale. Vous pourrez compter sur mon pays, à titre bilatéral, au niveau de l’Union européenne et en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité.

M. le Président,

Ce processus de négociations, qui ne doit durer indéfiniment, devra prendre en compte les besoins et les droits de tous les Syriens. Je pense en particulier aux femmes syriennes qui, ensemble avec les enfants, ont payé le plus lourd tribut depuis le début de la répression. J’appelle à une pleine association des femmes au processus de transition politique en Syrie. Pour que le processus de négociations conduise à une paix durable, il importe en effet que les femmes puissent, dès le départ, faire entendre leurs voix, exprimer leur point de vue, leur expérience, leurs doléances et leurs besoins spécifiques.

M. le Président,

Permettez-moi pour conclure d’aborder un sujet qui me tient particulièrement à coeur, à savoir la crise humanitaire. Elle a atteint des proportions catastrophiques. J’ai déjà pu en rappeler les chiffres clefs. On parle de la plus importante crise de réfugiés depuis la 2ème Guerre mondiale.

S’il n’y a pas de solution humanitaire au conflit, les questions humanitaires et des droits de l’homme doivent faire partie intégrante des discussions à venir. Il faut mettre un terme aux souffrances de la population. Il faut assurer d’urgence un accès immédiat, libre et sans entrave à l’ensemble du territoire syrien; à toutes les populations qui ont besoin d’aide, en particulier celles qui se trouvent piégées dans les zones assiégées et difficiles d’accès.

L’écart qui continue d’exister entre l’accès que les autorités syriennes accordent au personnel de la Mission conjointe OIAC-ONU et l’accès qu’elles refusent aux acteurs humanitaires, est intolérable.

J’en appelle à tous les pays en mesure de le faire d’user de leur influence sur les parties au conflit: celles-ci doivent respecter leurs obligations au titre du droit international et du droit international humanitaire; elles doivent donner pleinement suite aux demandes du Conseil de sécurité, reflétées dans la déclaration présidentielle adoptée par le Conseil de sécurité, le 2 octobre dernier, sur initiative du Luxembourg et de l’Australie. Il importe à cet égard de poursuivre résolument nos efforts au niveau du Groupe de travail sur les défis humanitaires, sous les auspices d’OCHA.

La survie de la moitié de la population syrienne est en jeu. L’avenir de toute une génération d’enfants est en jeu.

Je tiens enfin à réitérer ce que nous disons depuis un an: la situation en Syrie doit être déférée à la Cour pénale internationale. L’impunité ne saurait perdurer: tous ceux qui ont commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité doivent être tenus responsables.

Je vous remercie de votre attention.

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