Discours de Xavier Bettel à l'occasion du bilan de la Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE

"La Présidence luxembourgeoise a organisé le premier dialogue politique sur le respect et la promotion de l’État de droit au sein de l’UE"

Seul le discours prononcé fait foi

"Je vous remercie de me donner l’occasion de vous présenter un bilan, certes bref et lacunaire, de la Présidence luxembourgeoise du Conseil.

Vous le savez, cette Présidence s’est tenue dans un contexte particulièrement difficile et, souvent dramatique. L’Union est confrontée à des défis sans précédents s’agissant notamment de trouver des réponses à la crise financière et économique, domaines où les choses vont mieux mais où la prudence reste de mise, à l’instabilité grandissante à ses frontières et aux tentations de repli sur le pré carré national qui prennent des dimensions inquiétantes en Europe.

Comme si cela ne suffisait pas, deux phénomènes particuliers sont venus s’ajouter dans un contexte déjà fort difficile à savoir la crise des migrations et la montée du terrorisme dans le monde mais aussi plus particulièrement en Europe lors des attentats perpétrés à Paris le 13 novembre.

Dans ces deux questions, la Présidence est forcée de réagir vite et de façon concrète.

S’agissant de la crise migratoire, je n’irai pas ici dans le détail des différentes mesures prises tant sur le volet de la responsabilité des États membres que sur celle de la solidarité entre les États membres, sachant qu’il convenait, et qu’il conviendra encore, d’assurer un accueil digne aux réfugiés qui ont besoin de protection internationale.

Ces mesures portent sur la réinstallation et la relocalisation des réfugiés, sur la mise en place d’une nouvelle politique de retour et de réadmission, d’un mécanisme d’accueil à travers les "hotspots", la définition d’un nouveau cadre et enfin sur le renforcement des frontières extérieures de l’Union européenne.

Toutes ces mesures ont été mises en place dans l’urgence. Certaines ne commencent à produire leurs effets que maintenant. Elles sont la partie indispensable d’un dispositif de réformes de notre politique migratoire qui n’est certes pas achevée. À cet égard, nous saluons les propositions faites par la Commission en décembre de 2015. Cela dit, la campagne de migration de printemps risque de reprendre avec la même ampleur cette année que l’année dernière. Il faut mettre absolument en œuvre les mesures déjà décidées parce que même avec la meilleure volonté des colégislateurs, on ne pourra peser en direction d’une diminution des flux que si ce qui a déjà été décidé est mis en œuvre.

Nous le savons tous: il en va de l’intégrité de l’espace Schengen. Ce dernier ne fonctionnera que si les règles qui le régissent sont respectées. De ce point de vue, nous en avons appelé dès le mois de novembre 2015 pour que l’on aille en direction d’une communautarisation de l’introduction des contrôles aux frontières intérieures dès lors que cela s’avère nécessaire et que l’on ne laisse pas aux États membres l’initiative ou le dernier recours de réintroduction nationale et désordonnée de tels contrôles. Tous les instruments offerts par le code Schengen n’ont pas été utilisés et il faudra probablement en arriver là rapidement. Pour l’heure la priorité est certainement de tout faire pour diminuer substantiellement les flux de réfugiés au risque sinon de perdre nos opinions publiques.

Il est également grand temps d’opérationnaliser la relocalisation et tous les États membres doivent participer sans délai. Si de véritables progrès ont été réalisés dans ce contexte, davantage doit être fait et chacun doit respecter ses engagements et ses responsabilités. Et oui, c’est aussi une question de solidarité entre États membres, une solidarité qui se décline au niveau politique et non pas juridique.

Cette solidarité doit aussi se décliner avec les États partenaires des Balkans et de la Turquie. La Conférence sur la route des Balkans et le plan d’action avec la Turquie montrent la voie même si les réalités du terrain ne sont pas encore à la hauteur des attentes légitimes des uns et des autres.

Les attentats de Paris du 13 novembre constituent le moment le plus dramatique d’une situation de sécurité fortement dégradée du fait du terrorisme en Europe et au-delà. S’il faut éviter les amalgames entre la question migratoire et le terrorisme, il faut aussi faire en sorte que ces amalgames ne puissent être faits trop facilement.

Nous avons du côté de la Présidence tâché de mettre en œuvre toute une série de mesures prises d’ores et déjà dans la foulée des attentats Charlie Hebdo mais l’union n’a peut-être pas été assez prompte à réagir dans un premier temps. L’on doit aussi se féliciter des ce que après trois ans, la directive PNR ait enfin pu être adoptée par les colégislateurs. 

Dans ce contexte extrêmement difficile ou des mesures ont été prises sur un mode accéléré je dois dire que nous avons toujours pu compter sur le Parlement européen et notamment sur la Commission Justice et Affaires intérieures pour initier le mouvement ici et l’accompagner là.

Plus généralement, si nous avons pu faire progresser l’Union européenne, c’était grâce au soutien et à l’approche constructive du Parlement européen. J’aimerais donc saisir cette opportunité qui m’est offerte aujourd’hui pour vous remercier non seulement pour cette excellente coopération au cours des derniers six mois, mais aussi pour avoir contribué  de manière décisive à faire avancer l’Union européenne  sur toute une série de dossiers clés au cœur même du programme de la Présidence.

Parmi les 36 dossiers conclus en co-décision, laissez-moi surtout mentionner l’accord sur le budget 2016, un accord sur la réforme de la Cour de Justice de l’UE, la mise en place d’un système européen de collecte des données des passagers (PNR) – un dossier bloqué depuis de nombreuses années- , la directive relative au renforcement de la présomption d’innocence, la simplification de la circulation de certains documents publics,  un accord sur la proposition de règlement sur les indices de référence ("benchmarks") ou encore l’accord sur le paquet "protections des données". 

La Présidence luxembourgeoise a organisé le premier dialogue politique sur le respect et la promotion de l’État de droit au sein de l’UE. Les discussions de ces derniers mois et, surtout, semaines, les événements des dernières semaines voire des derniers jours, démontrent toute la pertinence de ce processus. Ce dialogue n’en est qu’à ses débuts; il doit être approfondi dans les mois qui viennent.

Il n’y a pas que dans le domaine des affaires Intérieures que nous avons dû nous résoudre à tenir des réunions extraordinaires. Cela a été aussi le cas pour faire face à la crise des secteurs laitiers et de la viande porcine, ainsi qu’aux difficultés rencontrées par la sidérurgie européenne en raison de politiques commerciales déloyales de pays tiers.

S’agissant du Commerce, quelques progrès sont à signaler. Il a été possible de progresser sur le mécanisme de règlement des différends investisseurs-Etat (ISDS) du futur accord TTIP et de finaliser les modalités pour garantir l’accès des parlementaires aux textes consolidés. Si la Conférence ministérielle de l’OMC de Nairobi signe la fin du Doha round, quelques avancées ont ici aussi pu être enregistrées au niveau multilatéral.

Nous avons voulu moderniser les méthodes de travail en matière de compétitivité et concentrer nos travaux sur la mise en place d’un cadre réglementaire stable et favorable à l’investissement dans le droit fil du plan Juncker. C’est avec l’objectif de mobiliser les financements de l’investissement que nous avons également adopté dans un temps record une approche générale du Conseil s’agissant de la titrisation en tant que première brique de l’Union des marchés de capitaux.

C’est aussi dans un délai très court que le Conseil a pu marquer son accord politique sur la directive sur l’échange d’informations sur les rescrits fiscaux. Cet accord est un signal fort au reste du monde en matière de transparence fiscale. Toujours en matière fiscale, le Conseil a adopté des conclusions importantes concernant l’initiative BEPS de l’OCDE en matière de lutte contre l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

L’approfondissement de la dimension sociale de l’Union européenne et la mise en place d’une véritable gouvernance sociale, à l’instar de ce qui se fait en matière économique et financière a été et demeure un objectif du Luxembourg. Nous avons pu avancer dans cette voie au cours du dernier semestre, même si beaucoup reste à faire.

Nous avons, je pense, fait avancer les choses en matière de développement durable, par la coordination des efforts européens en vue de l’agenda 2030, mais aussi, bien sûr à travers la contribution de l’Union européenne, en étroite coopération avec la Présidence de la COP 21, au premier accord universel et contraignant en matière de lutte contre le changement climatique.

Nous avons également œuvré en faveur de l’établissement d’une gouvernance fiable, transparente et robuste de l’Union de l’énergie et en faveur de la promotion d’une transition énergétique durable.

Nous avons achevé certains chantiers comme celui portant sur deux volets importants du quatrième paquet ferroviaire, à savoir celui qui touche à la libéralisation des services de transport de voyageurs par chemin de fer, et celui qui a pour objectif de renforcer la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire.

Nous avons commencé l’énorme chantier du marché unique du numérique initié par la Commission. La mise en place de ce dernier est une condition pour l’achèvement du marché intérieur, achèvement qui passera aussi par une application plus large du principe de reconnaissance mutuelle. Permettez-moi ici de faire état d’une petite satisfaction personnelle, puisque je suis aussi ministre des Télécommunications de mon pays, à savoir l’accord obtenu entre les colégislateurs sur la proposition de directive NIS qui renforcera la sécurité des réseaux informatiques dans l’Union. 

J’ai dit plus haut combien la coopération entre le Conseil et le Parlement européen avait été bonne sous Présidence luxembourgeoise.

Rendez-vous compte, nous avons réussi la conciliation budgétaire cinq jours avant la date limite. Autant que nous nous en souvenions, c’est un record.

Je crois que nous avons aussi, Parlement, Conseil et Commission mis en place les conditions pour un fonctionnement plus harmonieux du triangle institutionnel à travers l’accord interinstitutionnel "mieux légiférer" de décembre, accord politique à  ce stade mais dont nous espérons qu’il entrera en vigueur rapidement après que votre assemblée se soit prononcée avant le début du printemps. Avec cet accord il s’agit aussi de moderniser les processus législatifs et réglementaires européens dans le sens d’une plus grande transparence mais aussi d’un allégement de la charge administrative et budgétaire sur ce qui constitue le cœur de l’économie européenne à savoir les petites et moyennes entreprises.

En ces temps de crise, il est de bon ton de dénigrer le projet européen et même pour les plus enthousiastes de s’interroger sur la voie à suivre. Du point de vue de mon pays, il est urgent de poursuivre la voie de l’intégration européenne par ce que c’est là que sont les solutions face aux crises que l’Europe doit affronter. Cette Europe garde d’ailleurs son attractivité et nous sommes heureux d’avoir pu faire avancer substantiellement les négociations d’adhésion de trois pays candidats en 2015.

Monsieur le président

Mesdames et Messieurs les députés,

Il y avait certainement plus à dire mais le temps nous est compté. Mon pays est heureux d’avoir pu présider pour une douzième fois le Conseil de l’Union. Il a pu compter sur votre soutien et je vous en remercie.

Je souhaite bonne chance à la Présidence néerlandaise.

L’Europe est en de bonnes mains."

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