Discours de la ministre Lydia Mutsch à l'occasion de la conférence "Accessibilité des services de santé mentale pour les personnes en situation de handicap intellectuel"

Je me réjouis d’être parmi vous à l’ouverture de cette conférence dédiée à " l’Accessibilité des services de santé pour les personnes en situation de handicap intellectuel "

©MSAN
Lydia Mutsch, ministre de la Santé lors de son discours

 

Cette journée du 10 octobre, Journée mondiale de la santé mentale, est l’occasion de mettre davantage l’accent sur les liens entre la santé mentale et la santé physique. Célébrée pour la première fois en 1992, nous nous devons de constater aujourd’hui, plus de 25 ans après, qu’il subsiste toujours une proportion importante de personnes atteintes de troubles mentaux à travers le monde qui ne bénéficient pas du traitement dont elles auraient besoin.

Pour citer un exemple : dans la région européenne de l’OMS, on estime que 50% des personnes dépressives, ou encore 20% de celles atteintes de schizophrénie, ne reçoivent pas de traitement médical !

De quoi parlons-nous ? Selon l’OMS, la santé mentale constitue "un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté."

Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être de l’individu et du bon fonctionnement d’une communauté. Par extension, la santé mentale peut être considérée comme un bien-être égal pour tous, lié au développement personnel de chaque individu.

Mais la santé mentale est aussi "le domaine de la santé publique regroupant l’ensemble des modalités de prise en charge de la souffrance psychique".

Cette souffrance psychique, comme nous le savons, peut se manifester sous différentes formes et, selon les personnes, par une tension, une douleur intime, des difficultés à communiquer avec les autres de manière adaptée, ou encore des difficultés à supporter certaines situations.

Dans ce contexte, les difficultés limitent les possibilités d’interaction entre l’individu et son environnement. Quand les difficultés sont causées par une déficience, elles provoquent ou amplifient une invalidité permanente ou non et peuvent mener à un stress émotionnel, physique, à des difficultés morales, intellectuelles, sociales ou physiques. Et ici nous nous trouvons dans une réelle situation de handicap psychique, qui malheureusement est encore trop peu connu, reconnu, diagnostiqué et par conséquent, pas assez pris en charge.

Il faut dire aussi que, s’il est difficile d’accepter la maladie (une maladie psychique encore plus qu’une maladie physique), il est encore plus difficile d’accepter le handicap, encore trop souvent signe d’une déficiente et d’un statut social stigmatisant.

C’est précisément ce qui rend des événements comme celui-ci aussi importants : ils nous incitent à préserver l’idée de base selon laquelle tout un chacun reste (par et à travers son histoire individuelle, son état intellectuel, physique et psychique, ses échecs ou progrès), une personne à part entière qui souhaite influencer de façon positive son parcours pour un futur meilleur.

Au fait, les statistiques nous disent, que les personnes à handicap intellectuel sont 3 à 4 fois plus susceptibles de souffrir d’un trouble touchant à la santé mentale.

Les statistiques nous disent aussi, que justement ces mêmes personnes avec un trouble psychique, sont moins repérées, diagnostiquées et traitées en consultations spécialisées qu’elles n’en auraient besoin, même si on constate des premières améliorations dans les efforts de sensibilisation.

La réforme de la psychiatrie et de la santé mentale a permis de faire d’énormes efforts de décentralisation et dans la prise en charge en communautaire, ces dernières 2 décennies. Néanmoins nous devons continuer à implémenter l’équité dans la couverture sanitaire. L’accessibilité à ces services devrait être dans toute politique sociale une priorité primordiale !

J’insiste ici sur la coopération incontournable entre les services existants en santé mentale et ceux du secteur du handicap et du secteur social, afin de pouvoir précisément apporter les compétences et aides nécessaires aux réelles situations sur le terrain, et répondre ensemble à ce défi.

Au-delà de ce travail de coopération, il s’agit de soutenir les professionnels du milieu sanitaire dans la sensibilisation à la situation de la personne concernée, ainsi qu’aux connaissances nécessaires à la prise en charge de ce type de double diagnostic.

Et c’est dans ce sens, que mes services interviennent et collaborent tout particulièrement à l’élaboration du plan handicap (sous la coordination du ministère de la Famille), afin que les actions à réaliser soient concordants avec les nécessités du secteur santé.

À côté de ce travail transversal, les prises en charge pluridisciplinaires constituent une autre priorité majeure, afin de garantir la qualité nécessaire.

La collaboration entre les professionnels de différents horizons – santé, famille, éducation, justice ou encore monde du travail -  aussi bien au niveau ministériel, que sur le terrain, est indispensable pour progresser en matière de santé mentale et de handicap intellectuel.

Cette année, l’OMS a mis la Journée internationale de santé mentale sous le thème de l’adolescence. L’adolescence, ainsi que les premières années de la vie adulte, est une période de la vie où beaucoup de changements ont lieu, aussi bien en termes de contacts sociaux que de priorités dans les études ou la vie active. Pour de nombreux jeunes, il s’agit d’une période existentielle, qui peut être angoissante, voire synonyme d’incompréhension et de stress invalidant. Dans certains cas, surtout en situation de handicap intellectuel, ces jeunes peuvent développer de vrais troubles de la santé mentale, s’ils ne sont pas reconnus et pris en charge.

Il faut savoir que la moitié de tous les troubles mentaux commencent avant l’âge de 14 ans. Ceux-ci passent néanmoins pour la plupart inaperçus, et ne sont diagnostiqués qu’à l’âge adulte et en conséquence, ne sont ni évalués jusque-là, ni traités.

La prévention à tout âge commence par la prise de conscience et la compréhension des premiers signes d’alerte et symptômes des troubles mentaux. Il s’agit d’y intégrer les parents, le milieu familial, les enseignants, les professionnels encadrants, afin qu’ils puissent contribuer à ce processus. Tel est l’objectif de la journée mondiale de la santé mentale cette année.

Et c’est dans ce sens que s’inscrit au Luxembourg le Projet d’Accueil individualisé : il s’agit de l’accompagnement dans les écoles, maisons relais, lycées et internats des enfants ou adolescents avec des problèmes de santé de tout genre, c’est-à-dire physique et/ou psychique ; cet accompagnement est coordonné par les professionnels de la Division de la Médecine scolaire, de l’Enfance et de la Jeunesse de la Direction de la santé.

Aussi, les moyens que nous mobilisons pour les services médico-psycho-sociaux ou pour de nouveaux projets, comme le COSP-HR, le Centre d’évaluation et d’orientation socio-professionnelle pour les demandeurs d’emploi ayant le statut du salarié handicapé ou du salarié reclassé, et qui a comme objectif principal d’évaluer les compétences des demandeurs d’emploi handicapés ou reclassés, avec ou sans trouble psychique afin de le positionner sur le marché de l’emploi, sont tout à fait essentiels.

À côté de ces nouveaux projets, le gouvernement a mis en place une nouvelle mesure financière exceptionnelle pour l’accompagnement de personnes dans des situations de santé difficiles, complexes, nécessitant des soins médicaux extrahospitaliers tout à fait particuliers.

Notre but commun doit être d’évoluer davantage vers une société plus solidaire, plus ouverte aux différences, mais surtout consciente du potentiel de chacun et de chacune, quel que soit son handicap et sa santé mentale.

La santé mentale est un enjeu majeur de santé publique, et plus encore : un enjeu pertinent de société. Agir pour la santé mentale, ne se résume pas à prévenir simplement la maladie. Mais il s’agit d’agir pour la cohésion de notre société. Nous devons tous contribuer à réduire l’isolement et les inégalités sociales pour renforcer les chances auxquelles tout citoyen a droit, afin de pouvoir vivre au mieux avec des difficultés psychiques.

À travers cette semaine de santé mentale, et tout particulièrement à travers des conférences comme celle-ci, je compte aussi sur vous pour y parvenir.

Merci.

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