Déclaration du gouvernement à l'égard de la situation actuelle de la pandémie du COVID-19

Seul le discours prononcé fait foi. Ceci est une traduction libre du discours qui fut prononcé en luxembourgeois.

 

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

 

Jusqu'à ce jour, on compte 539.026 décès en relation, directe ou indirecte, avec le COVID-19 dans le monde entier.

Au Luxembourg, le nombre est actuellement stable avec 110 décès. 110 personnes qui avaient une famille et des amis.

Il n'y a pratiquement aucun endroit dans le monde qui ne soit touché par le virus.

Là où il y a des personnes, il y a le COVID-19 et là où il y a le COVID-19, il y a des personnes qui sont infectées, qui sont malades, gravement malades, ou qui luttent pour leur vie.

Nous avons été et nous sommes toujours confrontés à une pandémie qui a coûté et continue à coûter des vies humaines. Dans le monde entier et aussi au Luxembourg.

Par conséquent, il était et reste légitime que nous prenions le virus très au sérieux et que nous fassions de nombreux efforts pour protéger la population et, en particulier, les personnes vulnérables.

Nous pouvons, sans doute, discuter longuement des mesures qui ont été prises ces dernières semaines et ces derniers mois, nous devons et voulons nous interroger sur les différents aspects et tirer des leçons de notre passé.

Mais je suis formel sur un point: la protection de la vie humaine est notre plus haute priorité, notre obligation éthique, morale et juridique.

Il n'y a pas d'intérêts qui priment sur la santé de la population, c'est pourquoi le gouvernement a commencé très tôt à prendre des mesures pour s'assurer que nous sommes à la hauteur du défi et que nous pouvons protéger et soigner la population le mieux possible. Nous avons une responsabilité envers nos concitoyens et surtout envers ceux qui sont les plus vulnérables.

Cela d'un côté. Il y a encore d'autres aspects.

Nous avons tous une responsabilité pour la santé mentale de la population, une responsabilité pour ceux qui souffrent et ont souffert sans être infectés ou sans être tombés malades par le virus lui-même.

Cette réalité nous a également occupés dès le premier jour et nous occupe encore.

Les gens se sont demandés pourquoi nous avions constitué un groupe avec des personnes de la société civile qui ont des profils très variés mais pas de formation médicale. Exactement pour cette raison. Il nous était et nous est toujours important de prendre en considération le côté qui, dans les informations quotidiennes, est souvent oublié ou qui ne reçoit pas tant d'attention.

Nous avons pris très au sérieux les témoignages, les expériences, les opinions et les analyses des personnes qui traitent de questions éthiques, sociales, économiques et psychologiques, et nous nous sommes orientés vers ces éléments dans la lutte contre le virus.

Je vous dis ceci très honnêtement et sans mâcher mes mots: si le gouvernement n'avait été concerné que par la limitation de la propagation du virus, il aurait dû plaidoyer pour un confinement qui serait encore aujourd'hui en vigueur de la même manière qu'il l'était le 18 mars.

Cependant, comme presque tout dans cette crise, la situation est beaucoup plus complexe et souvent nous devons nous occuper d'autres paramètres en plus des nouvelles infections.

En comparaison avec l'Europe, la majorité de la population luxembourgeoise a bien surmonté le confinement et il y a eu aussi des apects positifs. Il y a des gens qui ont apprécié avoir du temps pour eux-mêmes, qui ont profité pour passer plus de temps avec leurs proches et leur famille, et qui en gardent un souvenir positif. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde.

Nous nous sommes rendus compte dans cette phase de la signification de la liberté et du fait que nous pouvons voyager à travers l'Europe sans contrôles aux frontières. Nous avons réalisé l'importance de la sécurité, de la stabilité et du bien-être général. Ce qui était évident, normal et sûr n'existait soudainement plus. Beaucoup de gens se sont sentis oppressés et mal à l'aise.

Permettez-moi de me référer à une étude qui a été publiée la semaine passée et qui a été relativement peu abordée. Le Statec a analysé l'impact social et économique du COVID-19 et s'est concentré surtout sur la santé mentale. Selon cette étude, un tiers des citoyens au Luxembourg déclare que leur santé psychologique s'est détériorée par cette crise et surtout un taux élevé auprès des jeunes peut être remarqué. Dans la catégorie d'âge de 18 à 44 ans, 37% des personnes qui ont participé au sondage disent que leur santé mentale a souffert pendant ces dernières semaines. Il s'agit d'angoisses sociales, de perspectives qui se sont perdues, d'existences qui ont été mises en péril. Environ un quart des gens craignent pour leur emploi et pensent que leur futur professionnel est incertain. Nous devons nous intéresser à ces chiffres, au moins autant qu'à ceux des nouvelles infections.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

La gestion de cette crise sanitaire, économique et sociale n'est pas encore terminée et nous nous trouvons tous toujours face au défi de faire de notre mieux pour le bien commun. Beaucoup de choses ont été faites ces dernières semaines, des décisions ont été prises tous les jours, parfois toutes les heures, ayant des conséquences profondes pour chaque citoyen. Il n'y avait aucun exemple à suivre et souvent il ne restait pas beaucoup de temps entre l'information, la consultation et la décision. Je suis conscient que cela a créé aussi des incohérences et que les messages n'étaient pas toujours clairs et compréhensibles. Nous avons appris énormément au cours de ces dernières semaines. Aussi bien sur le virus, que sur sa transmission, les risques, la vulnérabilité, les mesures de sécurité et l'efficacité des gestes barrières.

C'était un phénomène en constante évolution et qui continue à évoluer. La recherche s'est concentrée sur le coronavirus dans le monde entier et des études empiriques nous ont permis de voir de plus en plus clair. Ainsi, nous savons aujourd'hui que la distanciation sociale et le port du masque pour le nez et la bouche sont des mesures très efficaces, nous avons plus d'informations sur la transmission et nous savons que le risque d'une infection par des voies indirectes est très minime, par contre celui par les aérosols d'autant plus grand. Nous savons aussi aujourd'hui que parler et crier dans des espaces fermés est l'environnement le plus propice pour la propagation, l'interaction à l'extérieur présentant par contre un moindre risque. Nous savons que les enfants sont moins sensibles au virus et présentent moins de symptômes. Par conséquent, ils transmettent le virus aussi moins souvent. En outre, il existe également un indice scientifique selon lequel les jeunes s'infectent eux-mêmes moins car ils ont moins de récepteurs auxquels le virus peut s'accrocher.

Nous avons appris énormément au cours des dernières semaines et mois et j'avoue que la stratégie du gouvernement s'est développée et fut adaptée au fil du temps. On a critiqué en partie le fait que l'opinion changeait lentement lorsqu'il s'agissait de la question de l'efficacité des masques. Il aurait été incorrect de rester têtus devant une constante évolution. Je suis content que nous n'ayons pas tout simplement suivi les premières recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'Agence européenne de la santé, et que nous ayons rapidement décidé d'intégrer les masques dans notre vie quotidienne.

Aujourd'hui, la question essentielle est: qu'est-ce que nous avons appris de ces derniers mois et qu'est-ce que nous pouvons faire différemment maintenant et dans le futur? Cette question diffère de celle " Qu'est-ce qu'on aurait pu faire différemment? ". Je suis formel sur ce point: je soutiens toutes les mesures que nous avons prises parce que je crois que c'était toujours la bonne décision dans cette situation et selon l'état des connaissances.

Mais maintenant, nous sommes plus loin.

Nous sommes dans une situation différente, nous avons un niveau de connaissances différent et surtout une situation tout à fait différente en ce qui concerne notre système de santé, et nous sommes mieux placés qu'auparavant. Madame la ministre de la Santé donnera plus de précisions sur ces aspects cet après-midi, et je peux vous confirmer que nous sommes préparés de la meilleure façon possible dans la lutte contre le virus.

Dans ce contexte, permettez-moi de faire l'historique de la façon dont nous avons agi au cours des derniers mois.

Le 22 janvier de cette année j'ai demandé moi-même au Haut-Commissariat à la protection nationale (HCPN) et au ministère de la Santé de faire une évaluation de la situation en Chine en ce qui concernait leur approche face au coronavirus. Deux jours plus tard il y a eu une discussion lors du Conseil du gouvernement. Le 29 janvier - exactement un mois avant le premier cas de COVID-19 au Luxembourg - nous avons convoqué une réunion interministérielle avec les ministères d'État, de la Santé, des Affaires étrangères, de la Mobilité, les responsables du CGDIS et de Luxairport, et nous avons aussi pris contact avec Cargolux pour discuter des mesures à prendre à l'aéroport, notre axe principal avec la Chine.

À partir de ce moment, il y a eu des contacts réguliers entre les ministères, celui de la Santé et le HCPN, les entreprises et autres secteurs. Le 7 février, nous avons fait une première commande importante de matériel de protection auprès du Comptoir Pharmaceutique. Mi-février, nous avons anticipé une éventuelle pandémie et fait les premiers plans. Le 26 février - deux semaines avant que l'OMS ait déclaré la pandémie - la Cellule de Crise Pandemie s'est réunie pour la première fois afin de discuter différents scénarios. Par la suite, des réunions de coordination ont eu lieu tous les jours avec différents acteurs et secteurs et nous nous sommes concertés avec les pays voisins et ceci à différents niveaux.

Le 12 mars, la première infection locale a été détectée sur le territoire luxembourgeois et le Conseil de gouvernement s'est réuni pour prendre des mesures avant nos pays voisins, notamment la fermeture des écoles et des structures d'accueil, et pour introduire des règles pour protéger les personnes les plus vulnérables et pour limiter les événements. Nous avons pris la décision très importante que les parents devant s'occuper de leurs enfants pourraient avoir recours au congé pour raisons familiales.

Le 15 mars, les mesures pour le confinement ont été finalement prises et la vie au Luxembourg s'est arrêtée.

Le 16 mars, lundi matin, le quotidien était différent.

Les gens ont été appelés à rester à la maison, non seulement pour limiter les contacts sociaux mais aussi pour les éviter complètement et ne faire que les déplacements les plus nécessaires. Les écoles se sont vidées, on a fait recours au télétravail dans la mesure du possible, la vie sociale et culturelle s'est arrêtée. À part le trajet pour se rendre au travail, pour ceux qui ne pouvaient pas l'éviter, il n'y avait presque plus de déplacements. Tout ceci s'est passé il y a quatre mois. Nous avons tendance à oublier et à évincer, mais il est important que nous gardions à l'esprit le début de ces mesures avec précision.

Les décisions étaient difficiles et ce n'était facile pour personne. Quand la Chambre a voté la loi pour l'État de Crise quelques jours plus tard, tous les orateurs ont souligné que cette situation était exceptionnelle et que la limitation des libertés de chacun déclenchait un mauvais sentiment. Une société ouverte, telle que nous la connaissons, n'est pas créée pour un confinement et je peux vous dire que cette décision a été la plus difficile que le gouvernement et moi-même ayons jamais eu à prendre. Mais nous avons dû le faire. Il n'y avait pas d'alternative et, avec le recul d'aujourd'hui, l'évolution de la pandémie au Luxembourg a également confirmé la justesse de cette approche.

Nous avons profité du temps où le virus était freiné par cet arrêt complet pour continuer nos préparations. Les hôpitaux ont été mis à niveau, il y a eu un appel sur le portail GovJobs pour recruter des volontaires, le personnel du secteur de la santé a été engagé ad hoc, nous avons construit une annexe d'un hôpital du jour au lendemain, quatre centres de soins ont été installés et nous nous sommes procurés un volume énorme de matériel pour nous préparer au pire.

Juste pour vous donner une idée de ce que cela signifie quand je dis "nous nous sommes procurés du matériel ":

  • Le 7 février, comme déjà mentionné, une commande de plus de 70.000 masques FFP2 a été passée au Comptoir pharmaceutique.
  • Le 5 mars, dans le cadre des appels d'offres de la Commission européenne, nous avons commandé plus de 2 millions de masques.
  • Ensuite, le 17 mars, 50.000 combinaisons Tyvek pour le secteur de la santé, des gants et 300.000 masques ont été commandés auprès de différents fournisseurs.
  • Dès lors, la cellule logistique du ministère de la Santé a travaillé à plein régime, recherchant du matériel dans le monde entier et passant également des commandes.
  • Rien que le 19 mars, 5 millions de masques chirurgicaux et plus d'un million de masques FFP2 ont été commandés, ainsi que 150.000 lunettes de protection et un million de combinaisons de protection.

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Les jours suivants, nous avons également travaillé avec différents fournisseurs dans le monde entier et nous avons fourni du matériel afin d'équiper au mieux le secteur de la santé en particulier. Nous avons pu augmenter continuellement le nombre de ventilateurs, de sorte qu'aujourd'hui nous disposons d'une capacité qui nous permettrait de faire face à des demandes encore plus importantes. Rien qu'en termes de matériel, nous sommes maintenant prêts à fournir des soins médicaux intensifs à, au moins, 180 patients. En cas d'urgence, le nombre peut encore être augmenté. Nous ne manquons pas de matériel pour le moment. Cependant, nous sommes limités en termes de personnel pouvant s'occuper des patients 24 heures sur 24.

Au cours de cette crise, nous avons particulièrement bénéficié du fait que le Luxembourg est fortement interconnecté au niveau mondial. Notre lien avec la région asiatique et les bonnes relations avec la Chine grâce à Cargolux ont été des atouts importants.

Il est certainement vrai qu'il y a également eu des commandes isolées qui n'ont pas répondu à ce qui était attendu. En général, cependant, on peut dire que, même au plus fort de la crise, nous avons constamment contrôlé les fournisseurs. Et grâce aux volontaires de la "Cellule logistique" qui ont pu communiquer avec les fournisseurs à travers le monde dans leur langue maternelle, nous avons pu non seulement réaliser beaucoup de choses, mais aussi en éviter.

En général, il est important de souligner qu'au plus fort de la crise, beaucoup a fonctionné grâce à l'engagement de personnes individuelles. Des personnes qui ont spontanément décidé de prendre soin des autres, et surtout de protéger les personnes vulnérables en faisant des déplacements à leur place. Mais cela s'applique également aux nombreuses personnes qui ont accompli des performances extraordinaires dans leur travail pendant la période de confinement. Dans le secteur de la santé la pression était particulièrement forte à cette époque et les conditions de travail étaient particulièrement difficiles. Nous avons tendance à l'oublier, mais il y a eu une période où les centres de soins étaient bondés et où de nombreuses personnes étaient malades. Mais j'ai aussi beaucoup de respect envers toutes les autres professions qui étaient moins en vue, mais également essentielles pour que l'État et le pays continuent de fonctionner en période de confinement, pour que les rayons des supermarchés soient remplis et les poubelles vidées. Que les produits commandés soient livrés et que soit réparé ce qui devait être réparé.

C'est un moment de solidarité. Je ne le répéterai jamais assez. Ce fut une période de solidarité et elle doit continuer à l'être. Surtout maintenant.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

" Fermer tout était facile, tout rouvrir est plus difficile ". J'ai entendu cette phrase à de nombreuses reprises au cours des derniers mois. Ce n'est pas entièrement faux mais aussi pas tout à fait vrai. Parce que tout fermer n'était pas facile. J'ai reçu très tôt des témoignages de personnes qui ont extrêmement souffert pendant cette période, non seulement à cause de l'aspect économique, mais aussi à cause des dommages collatéraux du confinement. Nous avons été confrontés à des chiffres et à des statistiques qui en disent long sur la violence domestique, la maltraitance des enfants, car toutes les instances de contrôle habituelles, telles que l'école, la famille, les amis ou la vie associative ne pouvaient plus fonctionner. Vraiment plus.

Grâce aux efforts importants et exemplaires du personnel enseignant et des personnes engagées dans le secteur psychosocial, la plupart des situations extrêmes ont probablement pu être évitées. La plupart des enfants et des adolescents ont été bien encadrés et le suivi par les personnes sur le terrain a fonctionné, ce qui mérite notre respect.

La " fermeture " n'a pas été facile non plus, puisque nous savions que cela aurait des profondes conséquences pour les personnes âgées et surtout pour celles qui vivent dans des maisons de retraite ou des maisons de soins et qui présentent un risque accru de développer des complications sévères en cas d'infection. Ne pas être en mesure de rester en contact avec des personnes de l'extérieur, la famille et les amis proches pendant une période prolongée. Ce furent des moments très difficiles pour des nombreuses personnes âgées et leurs familles, et des décisions difficiles ont dû être prises. Les règles ont été constamment adaptées pendant la crise. Dans les structures, les risques devaient constamment être évalués - entre le risque d'une infection souvent mortelle et la possibilité d'être visité par la famille. C'était aussi une grande pression pour les responsables des maisons de retraite et de soins. Il en va de même pour les structures dans lesquelles vivent des personnes ayant un handicap et où il y a également eu des situations parfois tendues en raison du sentiment d'isolement qui a dominé. La " fermeture " n'a donc pas été facile et ce n'est pas un état que l'on souhaite répéter.

 Il est vrai que la " réouverture " n'a pas été facile non plus. Très tôt, nous nous sommes penchés sur la question de savoir comment et quand nous pouvions lentement organiser la transition vers le retour à une vie quotidienne normale. Un groupe de chercheurs de différents instituts de recherche luxembourgeois s'est réuni peu après la déclaration de l'état de crise et a fait le suivi à la fois des chiffres d'infections et de l'impact du confinement. Sur cette base, des modèles de simulation ont été mis en place. La Task Force sous la direction du LIH a travaillé de manière indépendante et a publié des scénarios possibles, qui nous ont fourni des données importantes.

Fin mars, un group a été créé, comprenant le ministère d'État, le HCPN, le ministère de la Santé et la Direction de la Santé, afin d'analyser comment organiser une éventuelle sortie du confinement.

Des réunions ont eu lieu pendant plusieurs jours avec tous les ministères, qui ont à leur tour consulté les secteurs respectifs. Un aperçu a été donné sur l'importance et l'impact des mesures sur les différents domaines de la vie, sur le secteur économique, mais aussi, par exemple, sur l'impact sur les familles, sur les personnes socialement défavorisées dans notre société et sur les personnes âgées qui vivent seules ou dans une maison de retraite ou de soins. Il y a également eu un échange constant avec l'Université du Luxembourg et une évaluation des recommandations au niveau international.

Différents scénarios ont été simulés pour trouver une sortie possible du confinement sans que le risque de propagation exponentielle du virus ne soit trop important. Ainsi, nous avons identifié des groupes (" Cluster ") qui provoquent certains mouvements au sein de la population, en examinant non seulement le nombre de personnes, mais aussi la partie de la population concernée. Ainsi, il y a plus de personnes vulnérables dans certaines professions que dans d'autres. Nous nous sommes donnés 3 semaines au début, et ensuite toujours un délai de 2 semaines, pour pouvoir estimer le développement et contrôler la propagation du virus.

Je sais que cela ne semblait pas toujours compréhensible à 100% et que des incohérences étaient également inévitables. " Pourquoi l'un peut être ouvert et l'autre non? " Cela était souvent difficile à comprendre à première vue, mais de nombreux choix ont été faits afin de modéliser, contrôler et surveiller les contacts sociaux, tant en nombre qu'en qualité.

Nous y sommes parvenus et la stratégie consistant à maintenir les chiffres bas malgré la réactivation de la vie professionnelle a bien fonctionné. Ni après la réouverture des écoles, ni après la réouverture du commerce et de l'Horesca les infections n'ont augmenté de manière significative. Le véritable changement dans le nombre de nouvelles infections est survenu après que les règles dans le domaine privé soient devenues moins strictes et nous avons également remarqué qu'une grande partie des infections sont maintenant attribuables à ce contexte.

Une partie de plus en plus importante de la stratégie de sortie est l'utilisation répandue des différentes méthodes de dépistage.

C'est une équation simple: sans les tests et le traçage des contacts, une transition à la normalité ne serait jamais possible - non plus à l'avenir. Actuellement, nous effectuons un dépistage de grande ampleur et ceci sur deux axes: d'un côté, toute personne présentant des symptômes est systématiquement testée et de l'autre côté, les gens sont convoqués de manière générale à se faire tester. Ainsi, nous sommes pratiquement les seuls au monde à avoir la possibilité d'avoir une image exacte de la propagation du virus.

Nous avons beaucoup de connaissances et les connaissances sont la clé de la lutte contre le virus.

Cet après-midi, Madame Lenert présentera les prochaines étapes de notre stratégie de test et je suis convaincu qu'ainsi nous continuerons à être aussi bien placés que possible.

Il en va de même pour le traçage. Il y a encore beaucoup de discussions sur la bonne façon de le faire, et la possibilité d'utiliser un traçage digital doit être discutée sans préjugés et sans faux espoirs. La Chambre des députés a décidé aujourd'hui de discuter à nouveau ce sujet séparément. Néanmoins, je dois aborder la question principale ici.

" On a besoin d'une appli. " Il y a une appli pour tout, alors il faudra aussi une appli pour lutter contre le COVID-19. Un pays qui a défini l'innovation et la digitalisation comme priorité, pourquoi est-il plutôt sceptique quand il s'agit d'une appli?

Il ne serait simplement pas correct de compter sur quelque chose qui n'est pas efficace - et la science s'accorde qu'une telle appli sur les portables est seulement efficace sous certaines conditions.

De quoi a-t-on besoin? Une telle appli ne doit pas seulement être téléchargée par une partie importante de la population mais doit aussi être utilisée. Jusqu'ici, cela n'a pas encore fonctionné dans aucun pays. En Allemagne, il y a eu une très grande campagne avec pour résultat qu'à peine 15 millions de personnes ont téléchargé l'appli à ce jour. Entre-temps, il y a aussi des citoyens d'autres pays européens qui y figurent - y inclus le Luxembourg. Même s'il s'agissait exclusivement de résidents allemands, seulement 20% de la population aurait fait un téléchargement.

Et pour l'instant, c'est l'Allemagne qui est leader. En Suisse, le taux est de 12%, en Autriche de 7,6%, en Italie légèrement supérieur à 6% et en France le taux de la population qui a fait un téléchargement est de 2,7% - et en France, la moitié des personnes a déjà supprimé l'appli. Entre-temps, la Norvège a retiré l'appli du marché et a supprimé toutes les données qui avaient été enregistrées jusqu'à présent. En Norvège aussi, seulement 10% de la population avait installé l'appli.

Mais il faudrait 60% de la population afin qu'une telle forme de traçage puisse vraiment fonctionner. 60% d'utilisateurs et non pas simplement de téléchargements. Et une personne qui utilise cette application n'est pas forcément prête à annoncer son résultat positif de façon digitale. On peut ainsi remettre en question la valeur ajoutée réelle.

Dès le début, nous avons suivi l'évolution et, hier encore, un groupe de travail composé par le ministère de la Santé, l'Inspection sanitaire, le ministère de la Digitalisation et le ministère d'État s'est réuni pour faire le point. Et des doutes persistent quant à l'avantage réel.

Un tel traçage peut être véritablement efficace, mais seulement sous des conditions qui sont difficiles à accepter et qui ne sont pas non plus appliquées dans d'autres pays. De plus, ceci présupposerait que l'Inspection sanitaire aurait accès aux données et, idéalement, pourrait aussi attribuer un résultat positif à un utilisateur de manière proactive.

Pour moi, ceci est disproportionné. Ceci représente une trop grande atteinte à l'intimité et à la liberté de l'homme et j'ai aussi des doutes sérieux en ce qui concerne la cybersécurité.

Nous misons sur une solution adaptée au Luxembourg et nous sommes prêts à renforcer cette solution: le traçage analogique. C'est un chemin extrêmement efficace, même si, évidemment, c'est ponctuellement difficile.

J'aimerais souligner de nouveau: nous ne sommes pas complètement fermés à une solution digitale et nous continuons à suivre le développement. Dans cette crise, nous avons aussi appris qu'il n'y a rien qu'on puisse entièrement prévoir et qu'il vaut mieux se préparer à faire face à tout scénario. Nous sommes en contact avec nos partenaires en Europe, nous tirons des leçons de ces expériences et il a aussi été retenu de chercher les moyens, notamment avec l'Institut Robert-Koch en Allemagne, pour, en cas d'urgence, pouvoir adapter l'appli allemande aux besoins luxembourgeois. En parallèle, le cadre légal est préparé.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

Le but de la stratégie dans la lutte contre le virus, et aussi dans le déconfinement, était le même et restera le même à l'avenir. Premièrement, d'obtenir une courbe linéaire de nouvelles infections, une courbe plate et qui ne varie pas trop vitement à la hausse. Et deuxièmement, d'assurer que notre système de santé ne soit pas surchargé.

Nous avons réussi jusqu'à présent et je suis également convaincu que nous réussirons à l'avenir si nous continuons à faire preuve de rigueur et de solidarité. Nous ne voulons pas un deuxième confinement. Ce ne serait pas bon pour notre société, ni pour notre cohésion sociale, ni pour notre économie.

Au cours des derniers mois, le gouvernement a pris des mesures pour soutenir l'économie, comme cela n'avait pas été le cas depuis la Seconde Guerre mondiale. Ce sont des mesures qui ont protégé et continueront à protéger les entreprises, des mesures qui aident à préserver l'emploi et qui renforcent ainsi la cohésion de la société. Le chômage partiel qui a immédiatement été étendu à tous les secteurs touchés par la crise, l'option du congé pour raisons familiales ainsi que les aides directes qui ont été versées pour garantir la liquidité ont réussi leur premier test.

En avril, au plus fort du confinement, 148.000 personnes au Luxembourg étaient en chômage partiel. Il n'y a pas de précédent pour cela. Et, évidemment, les mesures et les différentes aides ont eu un impact direct sur les finances publiques. Tant sur les dépenses que sur les recettes.

Ainsi, sur le seul mois de mai de cette année, plus de 900 millions d'euros de moins ont été reçus par rapport au même mois de l'année dernière. Cela représente une baisse de 11%. Cela est dû en partie au fait que nous avons décidé de donner la possibilité aux entreprises de reporter leurs avances et déclarations; mais aussi quant à la TVA et les accises, il y a eu une baisse massive de plus de 20%.

D'autre part, des dépassements du budget à hauteur de 1,94 milliard d'euros ont été autorisés, dont 1,24 milliard d'euros sont effectivement déjà payés ou engagés. Pour les PME uniquement, les aides s'élèvent à 714 millions d'euros; et 705 millions d'euros de dotations extraordinaires ont été versés au Fonds pour l'Emploi. Jusqu'au 31 mai, la gestion de la crise même avait un coût pour l'État de près de 178 millions d'euros. En avril, nous avons pu faire un emprunt de 2,5 milliards d'euros à taux négatif et en juin, le Luxembourg s'est procuré des liquidités de 350 millions d'euros. Dans les mois à venir aussi, nous continuerons à nous procurer des liquidités sur les marchés. Ceci n'est pas surprenant mais certainement extraordinaire.

Ainsi, l'État s'est donné les moyens pour pouvoir investir. Il n'y a pas eu de dépenses prévues qui ont dû être arrêtées. Ainsi, jusqu'au 31 mai, près de 550 millions d'euros ont été investis. Et ces investissements sont importants parce qu'ils aident à préserver les emplois.

Nous devons nous préparer et faire face au fait que les finances publiques seront sous une certaine pression dans les mois et probablement les années à venir.

Pour l'instant, nous ne sommes pas dans une crise économique profonde, mais la situation est et reste tendue. Le chômage a connu une hausse considérable au cours des deux derniers mois, passant de 5,5% en février à 7% en juillet.

Cela représente une augmentation de 33% par rapport au même mois de l'année dernière. Soit 5.000 personnes en plus par rapport à l'année 2019 qui ont été inscrites auprès de l'ADEM cette année. Il est à noter que ce sont surtout les jeunes de la catégorie des 16-24 ans qui sont particulièrement touchés. Ici, la progression est de 59%! Les jeunes, qui sont nouveaux sur le marché du travail, sont parmi les grands perdants de cette crise. Il faut le souligner très clairement et, par conséquent, toutes les forces doivent être mises en œuvre pour contrecarrer cette situation.

La semaine dernière, nous avons convoqué les réunions tripartites et convenu avec les partenaires sociaux les premières mesures dans le cadre de la lutte contre le chômage. Il s'agit de créer des perspectives et de se préparer à une évolution qui se profile à l'horizon. C'est précisément parce que tant de jeunes sont concernés que l'aide à l'embauche sera réformée et étendue aux demandeurs d'emploi de moins de 45 ans. Le stage à l'embauche sera ouvert aux jeunes de moins de 30 ans et pour le contrat de réinsertion, l'âge minimum est abaissé de 45 à 30 ans.

Les entreprises sont encouragées à créer des postes d'apprentissage par le biais de primes et des incitations à l'entrepreneuriat seront créées. Le secteur public assume également sa responsabilité en tant qu'employeur et s'engage à pourvoir les postes vacants plutôt qu'à limiter les embauches. Et dans le cadre des contrats OTI, plus de personnes seront employées dans des activités d'utilité publique.

À long terme, nous avons besoin de personnes bien formées et c'est pourquoi une Task Force est mise en place dans le domaine du talent et de la formation. Le Comité de suivi de l'ADEM sera réorganisé afin de renforcer davantage le lien entre les entreprises, leurs besoins et le marché du travail. En plus, une Task Force sera mise en place afin de se concerter avec les partenaires sociaux au sujet des investissements.

Il s'agit là de nouvelles étapes dans un effort national visant à préserver les emplois et à en créer des nouveaux. Nous devons continuer à faire face à la situation dans les mois à venir et, avant tout, nous avons surtout besoin des informations nécessaires, qui, dans une grande mesure, ne sont pas disponibles aujourd'hui.

Aujourd'hui, nous ne savons pas encore quel sera le taux de chômage à la fin de l'année, ni quelle sera la situation structurelle. Le fait qu'il y ait une récession mondiale dans tous les domaines ou que celle-ci se limite à différents secteurs fera une grande différence. Le développement de la confiance des consommateurs et de la volonté des entreprises d'investir sont à ce stade imprévisibles.

C'est pourquoi il est encore trop tôt pour se prononcer sur la situation du Luxembourg et de l'Europe et pour faire des prévisions avec certitude quant à nos priorités pour l'avenir.

 

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

En ce moment, alors que les nouvelles infections augmentent à nouveau, nous parlons beaucoup d'une deuxième vague.

Madame Lenert l'a déjà souligné la semaine dernière, lors d'une heure d'actualité [de la Chambre des députés]: dès le départ, il était clair pour nous que tant qu'il n'y aurait pas de vaccin, nous devrions nous attendre à des nouvelles infections, et aussi à ce que le chiffre des infections augmente. Tant que nous pouvons suivre et comprendre cela, ce n'est pas alarmant et nous pouvons le gérer. Notre préoccupation est d'éviter que le nombre de nouvelles infections n'explose et que les personnes vulnérables ne soient infectées et gravement malades. C'est pourquoi il est et restera important pour chacun de nous de continuer à se protéger et à protéger les autres. Voilà pourquoi il est et reste important de respecter la distanciation sociale et les règles. C'est pourquoi il est et reste important de se faire dépister.

Comme je l'ai dit, nous avons beaucoup appris et nous sommes maintenant bien mieux positionnés à de nombreux niveaux. Nous en savons plus et nous avons le matériel nécessaire pour nous défendre. Mais nous ne voulons pas arriver au point où nous devrions nous défendre avec tous les moyens à notre disposition.

La précaution est et reste donc le principe le plus important. Il y a des situations qu'il faut éviter, et ce sont surtout celles que nous avons résumées sous le terme de " Party ". Il s'agit de situations dans lesquelles de nombreuses personnes sont proches les unes des autres, dans un espace confiné et réduit et pendant une longue période, et se parlent, ou hurlent plutôt que de parler à cause du bruit. Ce scénario doit être évité, tant dans les espaces privés que publics, car c'est précisément cette situation qui peut avoir comme conséquence que la situation dérape.

Il est essentiel de suivre les règles. Cela s'applique également à la vie quotidienne, notamment pour le port du masque, lorsqu'on est en contact avec autrui et qu'on ne peut pas maintenir sa distance. Dans les transports publics, dans les commerces, dans les bâtiments publics et aussi dans les bistrots et restaurants, si on n'est pas assis à table. Ce n'est pas une option et ce n'est pas seulement une courtoisie - aussi, mais pas seulement. C'est une mesure d'importance fondamentale dans la lutte contre le virus.

Nous ne voulons pas un deuxième lockdown et le gouvernement fait tout ce qu'il peut pour l'empêcher.

Non seulement nous ne voulons pas un deuxième lockdown, mais nous ne voulons pas non plus voir à nouveau des restrictions à nos frontières et une nouvelle restriction de notre liberté de voyage.

Ce n'est pas seulement à nous de jouer. Cela doit rester un effort collectif et je suis convaincu que la solidarité, dont nous avons été témoins ces derniers mois, n'a pas seulement été instantanée, mais a montré ce dont nous sommes capables quand cela compte.

Et maintenant, ça compte, maintenant et pour les prochains mois. 

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