Interview avec le ministre des Transports Henri Grethen

M. Grethen, cette Interview a lieu le jour où la SNCB est en grève. Que pense le ministre grand-ducal des Transports de la liaison ferroviaire Luxembourg-Bruxelles?

Cette liaison me tient à cœur. Pendant des années, le Luxembourg a insisté pour que les trains circulent à une vitesse adaptée. Malheureusement, le groupe de travail européen de haut niveau qui s'est penché sur ce dossier, - dont le président est Karel Van Miert - , n'a pas inscrit cette ligne dans les priorités. Bien sûr, il s'agit d'un groupe de travail et la décision n'est pas prise par l'Union européenne. Nous avons fait connaître notre opposition plus qu'énergique aux conclusions de ce groupe de travail qui n'a pas retenu la ligne Luxembourg-Bruxelles comme prioritaire. Au niveau européen, il faut rectifier le tir. Il faut une volonté politique aux niveaux fédéral et régional belges.

A quoi pensez-vous pour l'immédiat ?

II peut y avoir des aménagements légers, c'est-à-dire la circulation d'un train direct entre Luxembourg et Bruxelles. Mais, il faut par ailleurs des modifications de l'infrastructure et du matériel. Je suis bien conscient qu'un tel aménagement coûte cher.

Le coût est en effet le nerf de la guerre...

Oui. Mais je pourrais très bien imaginer que le Luxembourg participe financièrement aux travaux d'amélioration.

À concurrence de quel montant?

II n'y a pas encore eu d'offre chiffrée. Mais prenez le cas de notre démarche entreprise avec la France dans le cadre du TGV-Est, Paris-Metz dans un premier temps et la liaison Metz-Strasbourg dans un second. L'État luxembourgeois intervient pour un montant de 125 millions €. En contrepartie, l'État luxembourgeois a obtenu de la France, la circulation de quatre paires de trains par jour pour assurer la liaison Luxembourg-Paris. Paris sera à 2h15 de Luxembourg à partir de l'année 2006-2007. Dans ce dossier, il y avait un intérêt pour le Luxembourg. L'apport luxembourgeois a permis de boucler le budget du TGV-Est.

Pensez-vous que votre proposition sera prise en compte?

Sur la ligne Bruxelles-Luxembourg, peu de chose bouge. Si demain, rien ne bouge, dans l'intérêt des citoyens luxembourgeois, nous pourrions installer un système performant de bus entre Luxembourg et Bruxelles. Nous avons déjà installé ce principe entre Luxembourg et Sarrebrück (Allemagne). Un service de bus assure la navette de gare à gare et permet aux utilisateurs avoir accès à l'Allemagne du Sud au départ de Sarrebrück. Il s'agit d'une piste, mais je peux aussi imaginer le même scénario que celui du TGV-Est. Mais le Grand-Duché ne peut pas tout payer. La Belgique est un pays qui a énormément de potentialités.

La Belgique a des potentialités. C'est le Grand-Duché qui dit cela...

La Belgique a énormément de potentialités. Parlons de la partie francophone. Regardez le nombre d'universités. Prenez l'exemple de Liège. Les infrastructures y sont les plus performantes. Les infrastructures routières mettent Liège en relation avec la France, l'Allemagne, le Luxembourg, les Pays-Bas. Demain, le TGV sera à Liège. Regardez l'outil de travail que représente Bierset. Maintenant, si une région pense qu'elle doit regarder vers le XIXe siècle...

Vous parlez pour les sidérurgistes liégeois?

Je pense à tous les secteurs qui regardent vers l'arrière. Il faut regarder vers l'avant. Je suis originaire de la région d'Esch-sur-Alzette. Dans les années 70, on y dénombrait 30.000 salariés dans la sidérurgie. Aujourd'hui, ils sont encore 4.100. Au total, Arcelor emploie encore plus ou moins 7.000 personnes, mais le cœur de la sidérurgie occupe 4.100 salariés. Si nous n'avions fait que pleurer plutôt que de nous battre... Et, il ne faut pas oublier que Grand-Duché a, à son échelle, des différences entre les bassins économiques.

Revenons aux chemins de fer. Récemment, il y a eu une grève au Luxembourg?

Une partie des dossiers se ressemble. Il y a actuellement un mouvement de libéralisation du réseau ferroviaire. Les Belges, les Luxembourgeois et les Français sont les plus réticents. Au niveau européen, ces pays ont d'ailleurs voté contre le deuxième paquet ferroviaire. Ce deuxième paquet voulait une accélération du mouvement de libéralisation. Le comportement d'entreprises du XIXe siècle tient difficilement au XXIe. Mais dans le phénomène de libéralisation, il y a deux priorités: la sécurité et les conditions sociales de travail. Qui dit concurrence, dit concurrence loyale. Dans certains pays européens, tout le secteur est déjà privatisé.

(...)

Quelle est la position du ministre des Transports au sujet de l'autoroute Arlon-Luxembourg. Le Grand-Duché envisage-t-il de porter l'autoroute à trois bandes?

Si l'on porte une autoroute sur trois bandes, il faut savoir dans quel but. Si c'est pour régler une situation difficile deux heures par jour le matin, et quelques jours par an en période de transhumance estivale, un tel travail ne se justifie pas. A quoi cela peut-il servir de mettre une autoroute à trois bandes, si l'on ne sait pas évacuer le trafic? Rouler sur trois bandes entre Arlon et Luxembourg, et ne pas pouvoir rentrer dans la ville ne sert à rien. Dans ce cas, l'autoroute à trois bandes n'aura qu'un intérêt: réduire la longueur de la file.

Quelles réponses apportez-vous?

Nous avons déjà tenté d'apporter plusieurs réponses. Nous procédons à des aménagements à la croix de Gasperich. Nous avons mis en place le système Cita, un système d'information autoroutière dont l'utilisation doit être optimisée. À propos du trafic lié au travail, nous avons essayé d'améliorer le transport en commun en train et en bus.

C'est-à-dire?

Le Luxembourg paie beaucoup pour la venue des frontaliers. À Steinfort, nous avons installé un "Parc&Ride". Cela n'est pas destiné aux habitants de Steinfort. Nous allons réaliser des infrastructures à d'autres points du pays avec l'acquisition de matériel ferroviaire, la création d'une nouvelle voie de chemin de fer entre Pétange et Luxembourg. Nous allons investir 3 milliards € en 20 ans.

(...)

Dernière mise à jour