"Mon but, rétablir la confiance dans la politique". Interview avec Lucien Lux, ministre des Transports, ministre de l'Environnement, sur ses priorités politiques

La Voix du Luxembourg: Lucien Lux, on vous connaît comme spécialiste des dossiers de droit du travail, du social et voilà qu'on vous retrouve ministre des Transports et de l'Environnement? N'est-ce pas paradoxal?

Lucien Lux: Toute ma vie, j'aurais pu touiller dans la même casserole mais j'ai 47 ans et des amis, comme aussi Jean-Claude Juncker, m'ont convaincu de faire autre chose. Et après tout, le concept du développement durable qui me plaît tant comporte trois notions qui sont la cohésion sociale, une croissance économique soutenable et l'écologie. J'ai déjà donné pour une de ces valeurs. Je m'attaque maintenant à un deuxième tiers. Vous savez, les transports et en particulier les transports publics et l'environnement sont très proches, complémentaires même.

Vos nouvelles responsabilités vont-elles changer quelque chose dans votre vie?

Lucien Lux: Sur la forme oui, puisqu'à la mairie de Bettembourg, nous avons la majorité absolue. Là, nous sommes en coalition. Il faut donc encore davantage discuter, convaincre. Mais la pression restera.

Sur le plan personnel?

Lucien Lux: Rassurez-vous. Je n'ai pas l'intention de changer. Je n'ai besoin ni de grands lustres, ni de tapis rouge. Comme à la mairie de Bettembourg, je serai au ministère à 8 heures du matin et je prendrai des congés comme n'importe quel salarié. Je compte bien rester abordable, simple, discipliné et travailleur. Eh côtoyant John Castegnaro et Johny Lahure, j'ai appris que la condition de toute réussite, c'est la discipline, l'acharnement au travail, une tâche bien faite, la connaissance des dossiers. Je veux me révéler un ministre citoyen.

C'est un challenge formidable et un grand honneur que de devenir ministre à 47 ans et de prendre à bras le corps des dossiers aussi porteurs d'avenir que le développement durable, les transports publics, l'écologie.

En quoi sont-ils porteurs d'avenir?

Lucien Lux: Je suis convaincu que le développement durable sera le fil rouge qui conditionnera le XXIe siècle. Et je peux d'ailleurs vous donner un exemple très personnel. Je me suis toujours efforcé d'expliquer à mes enfants ce que je fais. La politique sociale, c'était du chinois pour eux. Depuis trois semaines, ils sont enthousiastes, ils comprennent de quoi s'occupe leur père.

Quelles seront vos priorités en politique des transports?

Lucien Lux: Je yeux tout d'abord poursuivre la lutte contre l'insécurité routière car nous avons affaire là à un fléau et un gâchis considérable. Il faudra voir vite et améliorer la perception de ce phénomène, la répression et l'action pour accroître la prise en compte des dangers, élaborer un nouveau concept et tenir un langage adapté en particulier aux jeunes, partout, dans les écoles, les centres de jeunes. Jacques Delors disait, et j'y souscris, que la politique, c'est 50 % de psychologie et 50 % de mesures concrètes. Par exemple faire prendre conscience aux jeunes de la réalité d'une éventualité, comme: cela vaut-il la peine de se jeter contre un arbre avec sa voiture pour gagner trois minutes ou impressionner la copine assise à ses côtés?

Parmi les mesures envisagées, comptez-vous faire marche arrière sur le permis à points?

Lucien Lux: Il n'en est pas question.

On a beaucoup parlé de mobiliteit.lu sous le gouvernement précédent.

Lucien Lux: Je n'ai pas l'aspiration à devenir le père d'un nouveau concept de mobilité. On a mis quinze ans à discuter, réfléchir, commander des audits, se disputer et chaque ministre s'est collé un concept sur le front. Je ne serai pas le ministre des Transports qui remet les compteurs à zéro. Il y a des priorités établies, des lois votées, je m'efforcerai de les réaliser. Il faut que les gens reprennent confiance dans la politique. Qu'ils puissent se dire qu'enfin, les hommes politiques arrêtent de se chamailler.

La priorité sera donc de réaliser la connexion de la gare centrale avec celle de Dommeldange et le Kirchberg, puis l'aérogare. Nous discuterons avec les CFL d'un concept de train-tram pour que les gens voient qu'il roule.

A partir de cet investissement, il faudra un concept définitif pour la ville de Luxembourg et sa périphérie, compatible avec le train-tram pour que je puisse, par exemple me rendre de Bettembourg à Utopolis avec ma femme, ou de la Cloche d'Or à l'aérogare.

Mais que ce soit clair, rien ne marchera sans les décideurs politiques de la ville de Luxembourg. Sur ce point, il faudra attendre le prochain collège échevinal légitimé pour la poursuite des négociations.

Au niveau du rail, les projets ne manquent pas.

Lucien Lux: Bien sûr, comme surtout la nouvelle ligne entre Esch, Esch/Belval et Luxembourg, ou encore la troisième voie entre Bettembourg et Luxembourg, à chaque fois, le long des autoroutes. J'entends les finaliser.

Toujours au sujet des CFL, la libéralisation imposée par l'Europe et le projet de stratégie de la direction générale irrite les syndicats qui réclament une réunion tripartite. Vous l'avez fixée à l'automne 2005. C'est encore très loin!

Lucien Lux: Elle est prévue pour l'automne 2005 mais cela ne veut pas dire que rien ne se fera avant. C'est un dossier dans lequel il faut du rythme et de la modération. J'ai l'intention de travailler en bilatéral avec la direction générale et les syndicats. Alors que le ministère des Transports semblait jusque là jouer au chat et à la souris, nous allons prendre le temps d'examiner le dossier de près. En allant voir chez les voisins ce qu'ils ont fait.
Puis viendra la présidence luxembourgeoise pendant six mois. Nous allons revendiquer au niveau communautaire une évaluation de ce qui s'est fait et de son bien-fondé en termes économique, environnemental et social.

Les syndicats estiment qu'une bonne année, c'est trop long!

Lucien Lux: Si le gouvernement considère qu'il peut convoquer une Tripartite CFL trois ou quatre mois plus tôt, il le fera. Octobre 2005 n'est pas un dogme mais nous savons que nous serons tous terriblement pris par la présidence luxembourgeoise. Et je préfère faire partie d'un gouvernement qui entre en réunion avec un dossier bien ficelé et des propositions cohérentes.

Il s'agit d'un dossier explosif pour un ancien fils de cheminot, ministre socialiste et proche de politiques et syndicalistes partant en guerre contre les propositions de la direction générale des CFL de supprimer le statut et de payer nettement moins les nouveaux embauchés!

Lucien Lux: Bien sûr qu'il est compliqué mais si j'avais fait le choix de ne traiter que des dossiers bon teint, je serais resté au château. A mes yeux, il s'agit en premier lieu de redonner confiance aux cheminots qui avaient le sentiment, ces dernières années, que le gouvernement les ringardisait. Pour moi, les CFL constituent l'épine dorsale de toute politique des transports publics. Pour moi il s'agit d'une entreprise très moderne, très XXIe siècle, très branchée sur la qualité de vie.

Sur le fond, le nouveau gouvernement a déclaré qu'on ne toucherait pas au statut des agents en poste. Et moi-même je ne suis pas quelqu'un se prêtant à un démantèlement général et unilatéral. Il nous faudra chercher et trouver des réponses à cette libéralisation décidée contre la volonté du gouvernement luxembourgeois à travers le modèle social luxembourgeois, dans le dialogue. Je suis très confiant dans nos capacités à réussir.

Vous avez également pris en charge le ministère de l'Environnement. Avez-vous déjà fixé des priorités?

Lucien Lux: D'abord transposer en droit national la directive sur les émissions de gaz à effet de serre qui doit être opérationnelle pour janvier 2005 et suivre de très près à Bruxelles le plan d'allocation remis à la Commission à Bruxelles. Ensuite mettre en musique les lois votées sur la protection de la nature et le développement durable. J'ai le sentiment que sur le développement durable, le grand public manque de repères. Il faudra informer, donner des orientations, prendre des initiatives pour donner du corps à ce concept qui vise à rendre la planète vivable aux futures générations.

Enfin j'entends oeuvrer pour que la politique de l'environnement ne soit pas quelque chose d'exotique, que les fonctionnaires du ministère et des administrations qui en dépendent ne sont pas des originaux qui passent leur temps à enquiquiner le monde.

Nous devons tous prendre conscience que l'environnement peut s'avérer un atout pour le site économique luxembourgeois. C'est une belle et honorable tâche que l'écologie. Je suis quelqu'un de positif par nature et par conviction, je suis convaincu que nous réussirons.

Dernière mise à jour