Prendre les mesures adéquates. François Biltgen au sujet de la lutte contre le chômage

Lydie Greco: Pour mettre ou remettre les demandeurs d'emploi sur le marché du travail, tel qu'il est préconisé dans la stratégie de Lisbonne à laquelle le Grand-Duché a adhéré, pouvez-vous, M. Biltgen, nous présenter les mesures que vous entendez prendre, notamment en faveur des jeunes, des femmes et des plus de 50 ans pour lesquels le Luxembourg affiche une très mauvaise place au niveau européen?

François Biltgen: En ce qui concerne le taux d'emploi des personnes âgées de 50 ans et plus, nous ne sommes pas les plus mauvais, ce sont les Belges, mais on n'est guère mieux. Ceci dit, notre taux a continuellement progressé et le processus de Lisbonne, qui vient d'être rénové, en tient compte. Désormais, ce ne sont pas seulement les résultats qui sont retenus mais également la progression.

Pour quelles raisons le Luxembourg a-t-il un taux si faible? Il y a différentes explications. Pendant les années de crise de la sidérurgie, nous avions préconisé, pour des raisons de restructuration de grande envergure, le retrait anticipé de la vie active. Donc le problème du chômage des demandeurs d'emploi de plus de 50 ans ne se posait pas vraiment, mais leur taux d'emploi était plus faible.

Beaucoup de travailleurs âgés sont des travailleurs manuels et ont souvent des ennuis de santé entre 50-55 ans.

Voilà pourquoi je ne serais jamais d'accord pour interdire à quelqu'un qui a travaille des l'âge de 15 ans de prendre une retraite anticipée alors qu'à 57 ans, il a déjà travaillé pendant 40 ans, voire plus. Je trouve absolument normal qu'il puisse partir à la retraite.

Actuellement, ce n'est quasiment plus le cas. En effet, il est rare qu'une personne débute sa vie professionnelle avant l'âge de 18 ans, ce qui repousse l'âge de la retraite. Par conséquent, le taux d'activité des personnes de plus de 50 ans continuera à progresser dans les années à venir. Ceci dit, nous analyserons sous peu avec les partenaires sociaux un certain nombre de pistes en vue d'accroître l'emploi de ces personnes âgées.

En ce qui concerne les femmes, il y a trente ans, elles arrêtaient leurs études très tôt et n'avaient donc pas de qualification. Elles assumaient souvent les tâches de mère au foyer. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, les jeunes filles font au moins autant d'études que les garçons et la plupart entament une profession. Ainsi, le taux d'emploi féminin, certes assez bas, a connu une progression significative. Les mesures entreprises pour mieux concilier famille et travail y sont également pour quelque chose.

Lydie Greco: Pouvez-vous nous donner quelques précisions quant aux solutions envisagées pour diminuer le nombre de chômeurs?

François Biltgen: En mai, j'ai fait un certain nombre de propositions pour activer le retour à l'emploi des demandeurs et encourager les entreprises à employer les personnes plus âgées et ce dès l'âge de 45 ans. En effet, j'ai constaté que c'est dès cet âge que la recherche d'un emploi est difficile.

Conformément à la stratégie européenne, nous devons harmoniser les conditions et les modalités des aides en faveur de l'emploi, revoir l'aide à la création d'entreprise par les chômeurs en la portant à environ 25.000 euros, remboursable en cas de faillite dans les deux ans.

Je préconise de réduire les mesures en faveur de l'emploi des jeunes à deux contrats: le contrat d'appui-emploi pour le secteur public, et le contrat d'initiation à l'emploi pour le secteur privé.

Nous devons également inciter le recrutement des chômeurs plus âgés ou de longue durée, notamment par un remboursement des cotisations de sécurité sociale pour l'embauche d'une personne de 45 ans et plus jusqu'à la retraite de celle-ci. Enfin, pour compléter le tableau, il nous faudrait donner la possibilité de financier des formations professionnelles spécifiques pour certains demandeurs d'emploi.

Lydie Greco: Et chez les jeunes inscrits auprès de l'administration de l'Emploi (Adem)?

François Biltgen: Les jeunes vont plus longtemps à l'école certes, mais beaucoup en sortent sans qualification. Le pourcentage au Luxembourg s'élève à 20%. Il est plus important que celui des autres pays de l'Union européenne.

Ces jeunes ne trouvent pas un emploi et, pour ceux qui sont inscrits à I'Adem, nous avons l'impression qu'ils passent d'une mesure à l'autre. Pendant un certain temps, il se sentent en sécurité, mais à l'âge de 30 ans, leur employabilité risque d'être au plus bas. Nous voulons réajuster dès lors ces mesures pour mieux cibler l'employabilité des jeunes.

Nous devons nous tourner également vers l'école et nos partenaires sociaux afin que ces jeunes aient des compétences certifiées, faute de quoi le taux de chômage de ce public continuera à progresser. Il faudra renforcer la formation professionnelle tout au long de la vie par un accès individuel à la formation, conformément à un accord récent avec des partenaires sociaux. Ces formations sont ouvertes également à tout demandeur d'emploi non qualifié ou dont la qualification ne correspond plus aux besoins du marché, ce qui représente plus de 50 % du chômage total.

Lydie Greco: Les entreprises installées au Grand-Duché ou en voie de l'être ont-elles un rôle à jouer dans le processus?

François Biltgen: Pour une meilleure adéquation de l'offre et de la demande, nous devons lancer des mesures à court mais aussi à moyen et à long terme. Elles sont actuellement soumises à une étude réalisée au sein du Comité permanent de l'emploi (CPE), en concertation avec les partenaires sociaux.

Il est évident que les entreprises devront jouer le jeu en informant I'Adem de tous les postes à pourvoir afin que les demandeurs d'emploi puissent être placés ou formés, si les postes vacants ou les futurs besoins en personnels sont annoncés à temps.

Le fonctionnement de I'Adem sera par ailleurs revu. J'ai demandé à I'OCDE de procéder à une expertise. Les résultats de cet audit permettront au CPE d'étudier une nouvelle réforme de cette administration.

Lydie Greco: Les mesures cofinancées par l'État et l'entreprise pour aider à former ou à reclasser les travailleurs lors d'un plan de restructuration seront-elles également revues?

François Biltgen: En premier lieu, pour éviter les licenciements, il faut relancer la productivité et la compétitivité des entreprises. Mais la restructuration est toujours d'actualité.

J'ai préparé tout un programme, il y a deux ans. Le gouvernement prépare actuellement quatre instruments qui devraient permettre de mieux gérer les transitions dans le cadre des restructurations: un soutien de l'audit social dans un objectif de prévention, une flexibilité de la loi sur le prêt de maind'oeuvre temporaire, favoriser le placement au lieu des lourdes indemnités de licenciement et retrouver un emploi par le biais d'une formation.

Les partenaires sociaux ont reçu toute une série de questions à ce sujet et j'aimerais être rapidement saisi de propositions détaillées. A défaut, je vais agir de ma propre initiative.

Lydie Greco: Les syndicats souhaitent plus de transparence sur les chiffres du marché de l'emploi. Êtes-vous de leur avis?

François Biltgen: Sur les plus de 9.000 personnes inscrites à I'Adem, près de 5.000 seulement sont des chômeurs indemnisés.

L'augmentation du taux de chômage est due à plusieurs facteurs: la non-qualification, le manque de compétences (sociales, linguistiques, etc.), l'âge, l'état de santé, les problèmes sociaux, etc. Ainsi, les nouvelles lois sur les travailleurs à taux de capacité de travail réduite et sur les travailleurs handicapés obligent davantage de personnes à s'inscrire auprès de I'Adem. Ceci explique l'augmentation de 60% du taux de chômage. Bien sûr, ces personnes ont beaucoup de problèmes à se réinsérer.

Lydie Greco: La Fédération des industries luxembourgeoises (FÉDIL) demande une baisse des allocations chômage afin d'inciter les bénéficiaires à rechercher plus rapidement un emploi. Qu'en pensez-vous?

François Biltgen: Nos allocations de chômage sont élevées puisqu'elles représentent 80 % du salaire, mais elles ne sont versées que 12 ou 18 mois. C'est important pour éviter que les gens qui perdent leur emploi perdent le reste aussi. Nous avons cependant constaté que certains demandeurs d'emploi veulent en profiter jusqu'au bout. Je n'entends donc pas réduire les indemnités, mais poursuivre davantage les cas d'abus.

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