"La Pologne doit coopérer." Le ministre des Affaires étrangères et de l'Immigration, Jean Asselborn, au sujet du Conseil européen des 21 et 22 juin 2007

La Voix du Luxembourg: Au vu de l'intense activité que vous déployez, vous, MM. Juncker et Schmit, on se dit que la diplomatie luxembourgeoise court un second marathon dans la foulée de celui qui était consacré aux perspectives financières. Ça ne laisse pas trop de traces?

Jean Asselborn: Nous avions évidemment mené nombre de réunions préparatoires pour le sommet de juin 2005, pour que tout le monde soit dans le même bateau. Si nous avons échoué, nous avions tout de même bien préparé le terrain. L'accord n'a été obtenu qu'en décembre. On a perdu six mois, un reproche que l'on peut adresser aux Britanniques. De la même manière, la présidence allemande aura bien travaillé pour ne pas ouvrir toutes les portes et conserver la substance de 2004, née des travaux de la conférence intergouvernementale.

La Voix du Luxembourg: A-t-on raison de se focaliser sur l'attitude des Polonais?

Jean Asselborn: Ils sont très doués pour attirer l'attention médiatique. Disons qu'il faut s'apercevoir que les discussions que nous aurons à mener lors du sommet portent sur un texte qui intègre la charte des droits fondamentaux et qui lui donne un caractère contraignant. L'Europe véhicule des valeurs, cette charte les porte et c'est le meilleur moyen d'imprimer l'image de l'Europe pour les prochaines décennies. Les deux prochaines, peut-être. Cela doit poser la primauté du droit européen, établi aussi par la jurisprudence de la Cour européenne de justice à Luxembourg. Il est très très important de ne pas envoyer de messages contraires.

Ensuite, il faut être attentif, sous couvert de donner davantage de poids aux parlements nationaux, de ne pas jeter un frein au fonctionnement normal des institutions, qui ont besoin de pouvoir continuer à mener des réformes. Dans ce contexte, la Pologne doit coopérer. Comprendre l'intérêt que l'Europe n'est pas une addition mais une progression géographique qui permet de mieux lutter conte la criminalité et le terrorisme, de mieux défendre la politique sociale et économique.

La Voix du Luxembourg: Est-ce qu'il y a une marge de négociation, des leviers, avec les Polonais?

Jean Asselborn: Oui, s'il y a une volonté politique, il y a des solutions palpables pour eux. Je ne peux pas m'étendre sur ces possibilités. Mais, par exemple, la Commission européenne doit être réduite en 2014. Il est possible d'envisager autre chose...

La Voix du Luxembourg: Vous, vous semblez davantage préoccupé par l'attitude des Britanniques...

Jean Asselborn: Nous avons eu beaucoup de discussions avec les Britanniques. Eux ne se projettent pas en 2009 en pensant au renouvellement du Parlement européen mais en pensant à celui de leurs parlementaires. Ils sont en train de se demander quelle sera la meilleure stratégie pour que le camp d'en face n'en profite pas. Le pire, pour eux, ce serait la modification de tout élément constitutionnel qui pèse sur la politique nationale. Et ils envisagent évidemment un référendum. Mais sans vouloir prendre aucun risque. Et si les Britanniques ne bougent pas, il sera très dur de faire bouger les Polonais.

La Voix du Luxembourg: Troisième pays qui émergent dans ce lot de réserves et d'entêtement, les Néerlandais.

Jean Asselborn: Ils nous resservent encore une fois les arguments constitutionnels, comme les Britanniques. Ils procèdent par référendum mais la question ne sera plus de savoir si oui ou non les gens sont favorables au texte, mais de savoir s'ils sont pour ou contre l'Europe. Ce qui est évidemment très dangereux. Les discussions au sein du Bénélux ont permis de garder le contact avec cette réalité.

La Voix du Luxembourg: La Belgique dans l'"incertitude" et la France qui s'installe, ça ne doit pas aider dans ce genre de rendez-vous?

Jean Asselborn: Dans les deux cas, très différents, je ne suis pas inquiet. Guy Verhofstadt a rencontré les chefs de chaque parti en Belgique pour obtenir un mandat de négociation. Donc, gouvernement ou pas, ça n'a que peu d'importance. Quant aux Français, je me fie aux déclarations du président Sarkozy, qui ne veut pas mettre d'embûches sur les discussions. Les Français veulent revenir dans le bateau qu'ils ont quitté. Ils sont les premiers à avoir trouvé pesant d'être face aux dix-huit qui ont dit "oui".

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